Le sujet de dissertation s'exprime sous forme de question. Cette question doit être problématisée : il faut comprendre ce qui y est interrogé, ce qui rend la réponse complexe. Bien repérer le type de sujet permet de situer selon quel axe de réflexion le raisonnement doit être mené.
I. Le sujet « X est-il Y ? »
Ce type de sujet réclame une réflexion à propos de la définition du terme X à la lumière du terme Y, ou à propos du rapport entre les deux termes. Il faut alors pouvoir montrer en quoi les deux éléments sont liés ou distincts, et quelles interactions ils peuvent entretenir : soit la notion X correspond à la notion Y ; soit elles sont distinctes ; soit la notion X est une partie de la notion Y ; soit la notion Y est une partie de la notion X.Exemple 1 : Réaliser ses désirs est-il suffisant pour être heureux ? – On s'interroge pour savoir si le bonheur consiste ou non dans la réalisation de tous nos désirs. On pourrait envisager le type de traitement suivant : dans une première partie, montrer en quoi la réalisation des désirs est la condition du bonheur ; dans un second temps, montrer en quoi le concept de bonheur ne se limite pas à la réalisation des désirs, en reprenant, par exemple, les thèses qui défendent la sagesse comme condition du bonheur ; enfin, montrer qu'il faut réaliser des désirs pour être heureux, mais les choisir sagement, donc que la réalisation des désirs est une condition nécessaire mais non suffisante pour être heureux.
Exemple 2 : Parler, est-ce imposer sa vision du monde ? – On se demande si toute prise de parole impose une idée ou non. On peut estimer qu'elle en impose une selon la situation ou qu'elle l'impose par essence, et il faut bien sûr se demander s'il est possible d'échapper à cette tendance.
II. Le sujet « Peut-on… ? »
Le verbe pouvoir a plusieurs sens en français : la capacité (je peux courir le 100 mètres en 30 secondes ; je ne peux pas le courir en 5 secondes) ; le droit, au sens de la légitimité (je peux sortir le soir parce que mes parents m'y autorisent) ; la possibilité (on va retrouver dans ce cas les sujets « X est-il Y ? », car savoir si quelque chose est possible revient à interroger la réalité ou la définition de cette chose). Soit le sujet réclame de comprendre un seul de ces différents sens, soit de les articuler.
Exemple 1 : « Peut-on se connaître soi-même ? » – Dans ce sujet, il n'y aurait aucun sens à penser le terme de pouvoir sur le plan de l'autorisation, car personne n'interdit de se connaître. C'est donc une question de capacité qui demande d'interroger les obstacles et les moyens d'accès à la connaissance de soi.
Exemple 2 : « Puis-je juger une culture à laquelle je n'appartiens pas ? » – Ici, ce que l'on cherche à établir, ce n'est pas si j'ai la capacité d'émettre des jugements sur une autre culture, car il est évident que oui. La question est plutôt : est-ce que j'en ai le droit, est-ce que ces jugements sont légitimes ? Ou est-ce que ma culture m'empêche d'en comprendre et d'en cerner une autre ?
Exemple 1 : « Peut-on se connaître soi-même ? » – Dans ce sujet, il n'y aurait aucun sens à penser le terme de pouvoir sur le plan de l'autorisation, car personne n'interdit de se connaître. C'est donc une question de capacité qui demande d'interroger les obstacles et les moyens d'accès à la connaissance de soi.
Exemple 2 : « Puis-je juger une culture à laquelle je n'appartiens pas ? » – Ici, ce que l'on cherche à établir, ce n'est pas si j'ai la capacité d'émettre des jugements sur une autre culture, car il est évident que oui. La question est plutôt : est-ce que j'en ai le droit, est-ce que ces jugements sont légitimes ? Ou est-ce que ma culture m'empêche d'en comprendre et d'en cerner une autre ?
Exemple 3 : « Peut-on mal agir sans le savoir ? » – On n'évalue pas ici la capacité ou le droit (on n'a pas le droit de mal agir de toute façon, et savoir si l'on a la capacité physique ou intellectuelle de faire quelque chose sans le savoir n'aurait pas beaucoup de sens) : la question est de savoir si c'est possible. Plusieurs réponses pourraient être proposées : il est possible de mal agir sans le savoir car on peut faire des erreurs ; il est impossible de mal agir sans le savoir car mal agir, c'est avoir une mauvaise intention.
Exemple 4 : « Peut-on désobéir aux lois ? » – Le sujet articule deux perspectives : ai-je la capacité de désobéir ? Et ai-je légitimement le droit de le faire ? On interroge donc les conditions pour acquérir cette capacité et les occasions où la désobéissance peut être légitime.
Exemple 4 : « Peut-on désobéir aux lois ? » – Le sujet articule deux perspectives : ai-je la capacité de désobéir ? Et ai-je légitimement le droit de le faire ? On interroge donc les conditions pour acquérir cette capacité et les occasions où la désobéissance peut être légitime.
III. Le sujet « Doit-on… ? »
Un sujet qui utilise la forme « Doit-on… ? » interroge le devoir, soit notre raison de faire quelque chose et la légitimité de cette raison. Il interroge aussi la dimension pratique des notions de devoir ou de norme, c'est-à-dire le conseil (doit-on travailler pour réussir sa vie ?) et l'obligation (doit-on agir parce que c'est bien ?). On ne le confondra pas avec un sujet de forme « Faut-il… ? ».Exemple 1 : « Doit-on faire régner la justice à tout prix ? » – Il convient de se demander s'il y a un devoir de justice qui justifie toute action. Est-ce légitime de toujours vouloir être juste ? A-t-on toujours raison de vouloir la justice : ne peut-on pas préférer le bonheur, l'ordre, la liberté, etc. ?
Exemple 2 : « L'art doit-il s'intéresser à la laideur ? » – Dans ce sujet qui aborde la question artistique, on interroge la norme de l'art : est-ce que l'art a l'obligation de s'intéresser à la laideur, sachant que l'on présuppose bien souvent l'art comme un « bel art » ? Est-ce légitime qu'une recherche esthétique aille à l'encontre de la beauté ?
Exemple 3 : « L'artiste doit-il être original ? » – Encore une fois, c'est un sujet qui s'interroge sur la norme de l'art : est-ce une obligation pour un artiste d'être original ou est-ce qu'un artiste peut reproduire un style, continuer à produire le même type d'œuvre ? Est-ce que cette deuxième perspective ne le délégitime pas ?
Exemple 4 : « Doit-on apprendre à être libre ? » – Il faut bien prêter attention à la formulation du sujet et distinguer les perspectives d'un sujet en « Faut-il… ? » de celui d'un « Doit-on… ? ». Dans le cas présent, le sujet se concentre sur la raison pour laquelle on devrait apprendre à être libre : est-ce un devoir ou pouvons-nous nous contenter de la servitude ? Si c'est un devoir, est-ce un devoir humain, moral, etc. ?
IV. Le sujet « Faut-il… ? »
« Faut-il… ? » interroge la raison mais aussi les conditions ou la nécessité d'une action, d'un comportement ou d'un concept. Plus que le conseil, le « Faut-il… ? » sous-entend un ordre, une injonction.Exemple 1 : « Faut-il se méfier de ses désirs ? » – « Faut-il… ? » doit ici être compris comme une injonction : est-ce qu'il est nécessaire de se méfier de ses désirs ? Et quelle raison justifierait-elle un tel ordre ?
Exemple 2 : « Faut-il apprendre à être libre ? » – Ce n'est pas le même sujet que celui formulé en « Doit-on… ? ». On n'interroge plus tant la raison d'apprendre à être libre que la nécessité de l'apprentissage comme une condition de la liberté. Est-ce que, pour être libre, il faut passer par l'apprentissage ?
Le sujet en question ouverte
Le sujet peut aussi être proposé sous forme de question ouverte : il faut éviter de faire une liste de réponses, mais comprendre le problème posé par le sujet. Il faut rechercher son présupposé et l'interroger (comme dans tous les sujets), même s'il est moins évident.Exemple 1 : « Qu'ai-je le droit d'exiger des autres ? » – La difficulté de ce sujet est qu'il faut repérer des exigences légitimes envers ceux que l'on côtoie. Ainsi, la question est d'abord : y a-t-il un droit d'exiger quelque chose ? Et si l'on défend ce droit, sur quoi repose-t-il ? On peut donc proposer deux réponses : la première, c'est de dire que rien ne peut être exigé et l'expliquer ; la seconde que quelque chose, à préciser, peut être exigé et ce qui légitime cette exigence.
Exemple 2 : « De quel bonheur sommes-nous capables ? » – Ici, on peut soulever le présupposé : il y a plusieurs types de bonheur que l'on peut atteindre. Il faut donc d'abord discuter de la multiplicité des formes de bonheur ou de son unicité. On retrouve aussi un sujet sur la capacité en raison de l'adjectif « capables » : on pourrait alors distinguer le bonheur du sage, le bonheur de l'enfant… en fonction des capacités de chacun.
Exemple 3 : « Que gagne-t-on à être moral ? » – Le sujet interroge l'idée selon laquelle la morale pourrait dépendre d'un quelconque gain. Est-on moral si l'on a intérêt à l'être ? N'est-ce pas égoïste et calculateur ? Ne gagne-t-on pas quelque chose, même sans le désirer, par ricochet, si l'on se comporte tous moralement, ne serait-ce que le respect mutuel ? Le présupposé à interroger est donc de savoir si la morale est intéressée ou désintéressée.
Dans la pratique…
Si l'on aborde le sujet « La solitude est-elle la clé du bonheur ? » et que l'on cherche à repérer le type de sujet et donc le type de réflexion que nous aurons à mener, on repère que le sujet nous invite à penser le lien ou l'opposition entre solitude et bonheur à travers le mot clé. Le concept de bonheur est-il contenu dans le concept de solitude ou est-il différent, ou plus large, ou plus restreint que le concept de solitude ? Ce serait donc un sujet « X est-il Y ? ».On peut ajouter que le mot clé semble indiquer aussi une condition, quelque chose de nécessaire au bonheur. On retrouve ainsi les pistes de réflexion que l'on peut aussi trouver dans un sujet de type « Faut-il… ? ».
Cette première analyse de la question a permis de mieux cerner le sujet, qui devient plus facile à situer et à traiter.