Sarraute, Pour un oui ou pour un non

Pour un oui ou pour un non est la sixième et dernière pièce de théâtre de Nathalie Sarraute. Elle fut d'abord créée sous forme radiophonique sur Radio France le 13 décembre 1981, avant d'être publiée chez Gallimard.
Quelles sont les nouveautés introduites par Sarraute ?
Aux personnages de théâtre habituels, caractérisés par leur nom, leur sexe, leur âge et leur condition sociale, Sarraute substitue des êtres dont on ne sait rien. Ils ne sont désignés que par des abréviations : « H. 1 », « H. 2 », « H. 3 », « F. ». Nous savons seulement que :
  • H. 1 et H. 2 sont amis depuis l'enfance ;
  • H. 1 est marié, père et semble avoir socialement réussi à la différence de H.2 ;
  • H. 3 et F. sont les voisins de H.2.
De plus, la pièce n'est structurée ni en actes, ni en scènes, ni en tableaux mais se déroule d'un seul tenant, sans indication précise de temps et de lieu. Quant à l'action dramatique, elle peut se résumer en quelques mots : une discussion entre deux amis qui tourne à la dispute. Sarraute refuse les intrigues théâtrales traditionnelles, souvent complexes. Ce qui l'intéresse, c'est autre chose, c'est ce à quoi les personnages doivent servir de supports : les « tropismes », qu'elle définit comme ces « mouvements indéfinissables, qui glissent très rapidement aux limites de notre conscience ; ils sont à l'origine de nos gestes, de nos paroles, des sentiments que nous manifestons, que nous croyons éprouver et qu'il est possible de définir ».
Comment se signalent les tropismes ?
Ils se révèlent par des mots et sont à l'origine de la dispute entre les deux amis. Ce sont trois petits mots, « C'est bien… ça », qui ont provoqué l'éloignement de H. 2 et la dispute.
Mais ce n'est pas tant le sens des mots qui dévoile les tropismes que la façon dont ils sont formulés. Le « C'est bien… ça » de H.1 serait peut-être passé inaperçu s'il l'avait émis différemment. En insistant sur la manière dont ces mots ont été prononcés, Sarraute donne l'occasion aux acteurs d'offrir une leçon de jeu et d'exposer la pluralité d'intentions que peuvent receler des mots pourtant similaires.
La prononciation de H.1 trahit un jugement sur son ami comme il le clarifie lui-même : « Ce que tu as senti dans cet accent mis sur bien… dans ce suspens, c'est qu'ils étaient ce qui se nomme condescendants ».
Et c'est bien de jugement qu'il s'agit, dans une pièce où est filée la métaphore judiciaire.
Quelle est la résolution de la pièce ?
Entre ces deux hommes que tout oppose, « pas de conciliation possible » mais « un combat sans merci ». On attend de ce fait un vaincu et un vainqueur. Mais aucun des deux hommes n'osant rompre avec l'autre, la dispute semble devoir se poursuivre indéfiniment. Cette absence de résolution finale et la crainte des deux protagonistes d'être catalogués comme fous ont conduit à interpréter parfois cette dispute comme le déchirement intérieur d'un seul personnage scindé en deux.