En France, quelles transformations l'action collective a-t-elle connues depuis les années 1960 ? (EC3)

Énoncé

Partie 3 d'épreuve composée
En France, quelles transformations l'action collective a-t-elle connues depuis les années 1960 ?
Document 1
Nombre de journées individuelles non travaillées pour fait de grève dans les entreprises (en milliers)
Champ : entreprises de 10 salariés ou plus (secteur marchand non agricole), France métropolitaine.
Champ : entreprises de 10 salariés ou plus (secteur marchand non agricole), France métropolitaine.
Source : DARES, 2014.
Document 2
La progression sensible des revenus enregistrés au cours des « Trente Glorieuses » comme la hausse considérable du niveau culturel de la population auraient ainsi conduit à l'émergence d'autres thèmes s'approchant de ce que le sociologue américain Ronald Inglehart nomme les valeurs post-matérialistes. À l'image des mouvements féministes, gays et lesbiens, régionalistes, de défense de l'environnement, de lutte contre le sida…, de nouveaux mouvements sociaux sont investis par des individus insérés dans la société (étudiants, jeunes actifs, cadres…) cherchant à promouvoir certaines visions du monde, davantage qu'à défendre des intérêts strictement matériels. La diversité des types de contestations, des acteurs comme des répertoires (le sit-in […], la marche silencieuse […] peuvent remplacer la manifestation ou la grève) s'impose.
Source : Philippe RIUTORT, Précis de sociologie, 2014 (bac Pondichéry).
Sit-in : fait de s'asseoir en masse dans l'espace public.
Document 3
Taux de syndicalisation en France entre 1960 et 2013 (en %)
Taux de syndicalisation en France entre 1960 et 2013 (en %)
Source : OCDE.
La bonne méthode
\bullet Enrichir sa copie d'exemples variés montrant la diversité des actions collectives.
\bullet Montrer que les « nouveaux mouvements sociaux » (NMS) n'ont pas complètement remplacé les « conflits du travail ». Aujourd'hui, NMS et conflits du travail coexistent.
Ce qu'il ne faut pas faire
\bullet Penser qu'un document ne peut s'utiliser qu'une seule fois.
\bullet Mesurer la baisse du taux de syndicalisation en pourcentage et non en points de pourcentage.

Corrigé

Introduction
En 2018 et 2019, le mouvement dit des « gilets jaunes » a constitué une action collective inédite en termes d'ampleur et de durée. Une « action collective » désigne une action commune et concertée de la part de plusieurs individus rassemblés dans un objectif commun. Les actions collectives peuvent avoir lieu à différentes échelles (locale, nationale, mondiale) et poursuivre des objectifs de toutes sortes (économiques, culturels, environnementaux, etc.). Quelles transformations l'action collective a-t-elle connues en France depuis les années 1960 ?
Pour répondre à cette question, nous verrons d'abord que les revendications exprimées lors des actions collectives ont changé. Puis, nous analyserons l'évolution de leurs acteurs. Enfin, nous montrerons que l'action collective revêt aujourd'hui des formes beaucoup plus variées.
Plan détaillé du développement
I. Une transformation des objets de l'action collective
1. Des conflits du travail…
• Action collective dans l'entreprise opposant les salariés aux employeurs (ou à l'État).
• Revendications matérialistes ou économiques : salaires, conditions de travail, protection sociale.
• Baisse des jours de grève depuis 1976 (document 1). En 1976, on comptait quatre millions de journées de grève. En 2012, le nombre de jours de grève était marginal.
2. …à de nouveaux enjeux de mobilisation
• Action collective hors du monde du travail.
• Revendications culturelles ou « post-matérialistes » (Ronald Inglehart, document 2) : défense d'une cause (l'environnement) ou d'une minorité (« luttes minoritaires », le mouvement LGBT, par exemple).
II. Une transformation des acteurs de l'action collective
1. Des ouvriers…
• Mobilisation du mouvement ouvrier durant les années 1960.
• Actions encadrées par des syndicats de salariés (CGT, FO…) et des partis politiques (le Parti communiste).
2. …aux jeunes, aux diplômés, aux cadres
• Aujourd'hui, les actions collectives ne sont plus uniquement menées par les ouvriers, mais aussi par les jeunes, les diplômés, les cadres, etc. Les causes défendues transcendent les classes sociales (défense de l'environnement, par exemple).
• Les actions collectives sont moins menées par les syndicats (en raison, notamment, du processus de désyndicalisation : le taux de syndicalisation est passé, selon l'OCDE, d'environ 20 % en 1960 à 8 % en 2012, soit une baisse 12 points de pourcentage, (document 3) et de plus en plus par des associations (Greenpeace…) ou des groupements (« Manif pour tous »…), actions plus décentralisées (« gilets jaunes », par exemple).
III. Une transformation des formes de l'action collective depuis les années 1960 en France, un élargissement du répertoire d'action collective
1. Définition de la notion de répertoire d'action collective de Charles Tilly
 
2. Du tandem « grève-manifestation »…
• La grève et la manifestation : moyens d'action classiques du conflit du travail.
3.…. à des formes de mobilisation plus variées et plus médiatiques
• Diversification des modalités des actions collectives : sit-in, marche silencieuse (document 2), happening, etc.
• Volonté des acteurs mobilisés d'attirer la lumière des médias et des réseaux sociaux (actions dénudées des Femen, par exemple).
Conclusion
Ainsi, l'action collective a connu en France de profondes transformations depuis les années 1960. L'action collective a, en effet, évolué en termes d'objets : aux revendications matérialistes ont succédé des revendications culturelles ou post-matérialistes. Les acteurs qui se mobilisent se sont progressivement diversifiés : désormais, les diplômés et les classes supérieures participent davantage à des actions collectives, auparavant souvent cantonnées au mouvement ouvrier. Enfin, l'action collective a élargi son répertoire : le couple « grève-manifestation » est désormais complété par d'autres moyens d'action plus originaux et plus médiatiques.
La forte mobilisation liée à la réforme des retraites de 2019-2020 a, une nouvelle fois, montré que les conflits du travail n'avaient pas pour autant disparu. De même, les « nouveaux mouvements sociaux » ne sont pas si éloignés de mouvements plus anciens. Dès le début du xxe siècle, les Anglaises se sont par exemple mobilisées, de manière parfois très originale, pour réclamer le droit de vote. Devant la diversité des actions collectives d'aujourd'hui, certains espèrent une convergence des luttes pour changer en profondeur notre organisation économique et sociale.
Zoom sur…
La consommation engagée
La consommation engagée est une forme d'engagement politique qui consiste à ne pas acheter (boycott) ou, au contraire, à acheter prioritairement des biens en fonction de valeurs morales, éthiques, sociales, environnementales et politiques. Un produit (ou une entreprise) peut, par exemple, être boycotté par un consommateur parce que sa production ne respecte pas la préservation de l'environnement, le droit des travailleurs, le revenu des fournisseurs agricoles ou le bien-être animal. Si la consommation engagée apparaît aux yeux des Français comme un moyen d'influence, elle reste dans les faits néanmoins relativement marginale (par exemple, seulement 6 % des achats se font en circuit court, selon le ministère de l'Agriculture). La consommation engagée est en majorité le fait de femmes disposant d'un bon niveau de revenu et politiquement engagées. Enfin, la pratique du boycott est inégale selon les pays (c'est une pratique courante en Suisse, par exemple).