Les États-Unis et l'environnement à différentes échelles, sujet de métropole, mars 2022 (dissertation)

Énoncé

Les États-Unis et l'environnement à différentes échelles
La bonne méthode
Les États-Unis sont un État fédéral, ce qui implique une multiplicité d'acteurs à différentes échelles, parfois en opposition : l'État fédéral, l'Agence de protection de l'environnement des États-Unis (EPA), les municipalités, les associations, ONG et fondations privées.

Corrigé

Introduction
Première puissance mondiale, les États-Unis, s'ils ont fait figure de pionniers dans la gestion de la question environnementale (soit les enjeux soulevés par les interactions entre les sociétés humaines et leurs milieux) sont aussi porteurs d'un modèle de société de consommation non durable : ainsi, aux États-Unis, 4 % de la population mondiale consomme 24 % des ressources énergétiques et émet 15 % des quantités de CO2 de la planète. Ce paradoxe qui sous-tend la gestion de la question environnementale se décline en fonction des échelles d'analyse et des acteurs mobilisés. Cette ambiguïté est renforcée par les tensions que génère le fonctionnement de l'État fédéral, qui donne une large autonomie à des acteurs diversifiés. Ainsi, l'administration centrale et certains États fédérés s'opposent régulièrement sur la question environnementale. En quelle mesure la gestion de la question environnementale aux États-Unis mobilise-t- toutes les échelles ? D'abord, à l'échelle nationale et locale, un rapport spécifique à la nature et à l'environnement, forgé dès la conquête du territoire, conduit à une mobilisation d'avant-garde pour la protection des espaces naturels. À l'échelle internationale, la question environnementale est au cœur des enjeux géopolitiques pour les États-Unis, qui manifestent une ambivalence entre désir de leadership et opposition à une gouvernance climatique mondiale.
I. À l'échelle nationale et locale : une mobilisation d'avant-garde pour la protection des espaces naturels
1.  Un rapport spécifique à la nature, forgé dès les origines
Dans un premier temps, les États-Uniens ont un rapport spécifique à la nature et à l'environnement, forgé dès les origines et qui explique leur mobilisation d'avant-garde pour la protection des espaces naturels. Les premiers colons anglais qui débarquent sur la côte est découvrent une nature réputée sauvage (wilderness), ce qui marque durablement les représentations des États-Uniens. Au cours du XIXe siècle, les pionniers s'approprient le territoire dans un mouvement qu'on appelle la conquête de l'Ouest, qui implique la mise en valeur économique du territoire et l'expropriation des Amérindiens. La nature est alors essentiellement perçue dans sa dimension productive. Cette exploitation prédatrice est contrebalancée par l'émergence d'une vision idéalisée de la nature : des écrivains comme Emerson ou Thoreau, chefs de file du transcendantalisme, exaltent la nature comme une œuvre divine, qu'il est nécessaire de préserver et de célébrer. Deux courants écologistes émergent à la fin du XIXe siècle : à la volonté de préservation, c'est-à-dire de protection de la nature pour elle-même, répond la volonté de conservation, c'est-à-dire la protection de l'environnement en tant que réservoir de ressources potentielles. Il s'agit alors de promouvoir une exploitation raisonnée des ressources.
2. L'État fédéral à l'avant-garde des politiques environnementales
La mobilisation de ces intellectuels, artistes et ingénieurs pour la protection de l'environnement trouve une première traduction politique en 1872, avec la création du premier parc national du monde à Yellowstone par le Congrès fédéral américain. L'État fédéral états-unien est alors à l'avant-garde des politiques environnementales : cette initiative sera reprise partout dans le monde. Les États-Unis comptent aujourd'hui 61 parcs nationaux préservés de toute exploitation utilitaire. Le président Théodore Roosevelt, fait de la protection de l'environnement une cause nationale. Il crée 5 nouveaux parcs nationaux ainsi que le National Forest Service (1905), qui rend l'État fédéral propriétaire de nombreuses forêts dont l'exploitation est encadrée. La législation environnementale s'étoffe au cours du siècle et fait figure de référence au niveau mondial. Une véritable politique environnementale émerge à l'échelle fédérale avec la présidence de Nixon dans les années 1970 : par exemple, en 1970, la National Environmental Policy Act impose une enquête d'impact environnemental préalable avant tout projet d'aménagement.
3. Un relatif désengagement de l'État fédéral depuis les années 1980, compensé par la mobilisation d'acteurs à l'échelle locale
Cela dit, malgré ces lois, les États-Uniens ne renoncent pas à l'American way of life, un mode de vie néfaste pour l'environnement, car particulièrement vorace en ressources. Ainsi, de puissants lobbies pétroliers et charbonniers freinent la politique environnementale fédérale et l'État se désengage progressivement de la question environnementale à partir des années 1980, tout en tendant à nier le réchauffement climatique. En 1997, le président Clinton ne ratifie pas le protocole de Kyoto. Si Barack Obama fait figure de premier président « vert » (sanctuarisation de territoires terrestres et de zones maritimes, Clean Power Plan), l'élection de Donald Trump en 2017 est marquée par une remise en cause des mesures prises par son prédécesseur. Par exemple, en 2020, il a ouvert des territoires protégés de l'Alaska à l'exploration et à l'exploitation pétrolière. Cela dit, compte tenu de la structure fédérale des États-Unis, les échelons locaux ont une large capacité d'initiative en matière environnementale. C'est pourquoi l'action des États fédérés compense en partie le désengagement de l'État fédéral. Par exemple, en 2006, la Californie s'engage à respecter le protocole de Kyoto et à réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Le rôle des acteurs privés est également important : si les multinationales conservent une logique au mieux conservationniste (simple réduction de leur impact environnemental), les ONG états-uniennes ou certains acteurs comme les populations amérindiennes jouent un rôle essentiel à toutes les échelles.
II. À l'échelle internationale : les États-Unis, entre désir de leadership et opposition à l'idée d'une gouvernance climatique mondiale
1. Un acteur incontournable de la gestion internationale de la question environnementale
Dans un second temps, à l'échelle internationale, les États-Unis sont un acteur incontournable de la gestion de la question environnementale. D'abord, parce qu'ils font figure de référence en matière de politiques environnementales à l'échelle nationale ; ensuite par leur désir de leadership : depuis la fin de la guerre froide, les États-Unis se sentent investis de la mission de protéger l'ensemble de la planète en participant à la construction du nouveau grand récit, celui de l'anthropocène. À quelques exceptions près, les premiers rapports d'expertise sur le climat ont tous été américains, et les scientifiques américains jouent un rôle déterminant en tant que lanceurs d'alerte. Parallèlement, les États-Unis continuent d'afficher des émissions de gaz à effet de serre par habitant parmi les plus hautes des pays industrialisés. Les États-Unis tiennent donc une position ambiguë par rapport à la question environnementale à l'échelle internationale : moteurs de la croissance économique mondiale, ils sont une hyperpuissance récalcitrante dans les négociations climatiques, avec laquelle il semble pourtant obligatoire de composer.
2. Une réticence à l'idée d'une gouvernance climatique mondiale
En effet, l'engagement des États-Unis dans la gouvernance climatique mondiale est marqué par une suspicion à l'égard des institutions multilatérales, qui pourraient affaiblir la souveraineté des États. La gestion de la question environnementale à l'échelle internationale fluctue ainsi au gré des présidents au pouvoir. En 2001, sous Georges W. Bush, les États-Unis sont l'un des seuls pays industrialisés à ne pas ratifier le protocole de Kyoto sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, de crainte qu'il freine leur économie. L'élection de Barack Obama à la présidence en 2009 constitue un tournant, avec l'adoption de nombreuses décisions multilatérales visant à protéger l'environnement, dont notamment la signature de l'accord de Paris sur le climat en 2016. Cela dit, l'engagement du président Obama sur le front du climat ne suffit pas à affaiblir les climatosceptiques, qui marquent leur retour dès 2017 avec l'élection de Donald Trump. Ce dernier adopte une politique étrangère « America first » marquée par un retour à l'isolationnisme : à peine élu, le nouveau président républicain, au nom du développement économique, retire les États-Unis de l'accord de Paris. Son successeur démocrate, Joe Biden, réintègre l'accord en 2020.
3. Entre climatosceptique et proclimat, le rôle croissant de la société civile
Cette fluctuation de la position états-unienne à l'international reflète les divisions de la société américaine au sujet de la question environnementale. Cela dit, si les climatosceptiques sont encore nombreux et que les lobbies industriels opposés à toute forme de régulation restent encore très puissants, la prise de conscience sur la question environnementale est de plus en plus ancrée dans la population, grâce aux travaux du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) et à la mobilisation de la société civile dont notamment les ONG américaines (par exemple The Nature Conservancy ou Wildlife Conservation Society). Ces dernières, très actives dans les instances internationales, sont des acteurs majeurs de la protection de l'environnement à l'échelle mondiale. Certains États et territoires américains, regroupés dans la United States Climate Alliance, sont également des acteurs de poids de la gouvernance mondiale, en s'engageant à respecter, voire à dépasser, les objectifs fixés par les réglementations nationales et internationales.
Conclusion
La gestion de la question environnementale par les acteurs états-uniens s'inscrit dans une forte imbrication des échelles : du cours d'eau ou du forage pétrolier à l'échelle locale au positionnement de l'État fédéral dans la gouvernance climatique mondiale, en passant par les échelles métropolitaines ou celles des États. Cette question est source de contradictions, entre désir d'accaparer et de maîtriser la nature, et volonté de la préserver.