La patrimonialisation, entre héritage culturel et reconversion : le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais (étude critique de documents)
Énoncé
Étude de documents : la patrimonialisation, entre héritage culturel et reconversion : le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais
À l'aide du document et de vos connaissances, vous montrerez que la patrimonialisation du bassin minier utilise l'héritage historique pour des objectifs de développement et d'aménagement actuels.
À l'aide du document et de vos connaissances, vous montrerez que la patrimonialisation du bassin minier utilise l'héritage historique pour des objectifs de développement et d'aménagement actuels.
Document 1 : « Reconversion du bassin minier »
Depuis les années soixante, sans attendre la fin programmée de l'exploitation minière, les acteurs mènent une lutte sur tous les fronts pour guérir les traces que l'exploitation massive a laissées sur les paysages, les villes et l'économie. Le traitement des friches industrielles est un élément clef de la « stratégie de transition » et notamment de la reconquête qualitative du paysage et du cadre de vie. En outre, la requalification des espaces dégradés représente aussi une masse considérable d'investissements qui seront les économies de demain. En effet, elle a des conséquences vertueuses, à plus ou moins long terme, en termes de changement d'image, d'attractivité pour la localisation d'activités et en matière de création d'emplois liés au développement de savoir-faire dans la réhabilitation d'espaces dégradés.
La reconquête des paysages est aujourd'hui visible
À la fin des années 1970, l'État français s'est lancé dans un programme d'aménagement spécifique des principaux centres urbains du Bassin minier. […] L'État a aussi investi dans la reconversion d'une dizaine de sites charbonniers fortement dégradés […]. Dès 1984, la Région, nouvellement créée, poursuit ces programmes d'aménagement, en partenariat avec l'État, et en faveur du réaménagement paysager exemplaire des espaces publics des communes minières. De 1984 à 2006, […] la politique de traitement massif et quantitatif des stigmates (« grandes friches industrielles » 1989-1993) et de préverdissement d'espaces en attente d'un usage futur (« friches environnementales » 1994-1999) a progressivement évolué vers une politique intégrée, au service du renouvellement urbain, des grands projets économiques d'intérêt régional et de traitement écologique et d'ouverture au public, dans le cadre de la Trame verte et bleue […].Aujourd'hui, l'ancien pays noir est devenu vert, sans perdre son identité
Sur plus de 120 kilomètres, d'Estrées-Blanche à Condé-sur-l'Escaut, le réseau des « cavaliers », anciennes voies ferrées minières, se reconvertit progressivement en itinéraires de promenade et de randonnée. Les étangs d'affaissement deviennent tantôt des bases de loisirs, tantôt des réservoirs faunistiques et floristiques protégés, comme les quelque 200 terrils qui ponctuent encore le territoire. Des collectivités locales ont imaginé des projets récréatifs parfois originaux : piste de ski artificielle sur le terril n° 42 de la base de loisirs de Loisinord à Nœux-les-Mines […]. Au total, en l'espace de 30 ans, plus de 8 000 hectares de friches industrielles ont été reconquis.Les 5 grands sites miniers sont des locomotives du changement de regard porté sur l'héritage industriel. Ils sont très complémentaires et constituent les nœuds d'un réseau articulé autour du patrimoine bâti ou non, de la culture et de la création artistique.
Site internet de la Mission Bassin Minier Nord-Pas-de-Calais, organisme rassemblant les différents acteurs de la reconversion du bassin minier (État, Région, département, associations, etc.).
Document 2 : le Centre historique minier de Lewarde
Situé à Lewarde, à 8 km de Douai dans le Nord, le Centre historique minier se trouve au cœur du bassin minier. Il est installé sur le carreau de l'ancienne fosse Delloye qui regroupe 8 000 m2 de bâtiments industriels, sur un site de 8 ha.
Créé à l'initiative des Houillères en 1982, le Centre historique minier ouvre au public en 1984 avec la mission de conserver et valoriser la culture minière du Nord-Pas-de-Calais, afin de témoigner auprès des générations futures des trois siècles d'activité minière.
Créé à l'initiative des Houillères en 1982, le Centre historique minier ouvre au public en 1984 avec la mission de conserver et valoriser la culture minière du Nord-Pas-de-Calais, afin de témoigner auprès des générations futures des trois siècles d'activité minière.
![]() Site internet du Centre historique minier de Lewarde |
La bonne méthode


Corrigé
Introduction
[Présentation des documents et problématisation] Le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais est une région située au nord de la France qui fut, entre le xviiie et le xxe siècle, un des principaux centres d'extraction du charbon en Europe. L'industrialisation, au xixe siècle, reposait sur l'exploitation du charbon, utilisé pour faire fonctionner les machines à vapeur. De nombreuses mines ouvrent ainsi dans la région, car elle est particulièrement riche en houille, une des formes du charbon. Les compagnies privées ouvrent des fosses autour de Béthune, Lens, Douai et Valenciennes. Pour loger les mineurs, on construit, à proximité des fosses, des cités qu'on appelle des corons. Le paysage du bassin minier est également marqué par la présence de buttes constituées par les déchets d'extraction, qu'on appelle les terrils. Les fosses sont toutes nationalisées et modernisées après la Seconde Guerre mondiale, mais elles deviennent peu à peu moins rentables : elles ferment à partir des années 1960, la dernière en 1990. L'exploitation intensive de la houille dessine encore aujourd'hui le paysage du bassin minier, malgré des destructions consécutives aux fermetures. Il subsiste un paysage marqué par les carreaux de mine, les corons et les terrils, et la culture ouvrière est constituée par l'expérience minière et l'immigration, notamment polonaise, italienne et algérienne. Le bassin minier a été classé au patrimoine mondial de l'humanité par l'UNESCO en 2012 : l'institution a considéré que l'architecture industrielle, celle des cités minières, les paysages et les événements sociaux des mineurs illustraient l'industrialisation de l'Europe.[Annonce du plan] Ce classement est un des éléments d'une politique plus large de valorisation et de reconversion du bassin minier en crise économique depuis la fermeture des mines : différents acteurs, regroupés au sein de la Mission Bassin Minier Nord-Pas-de-Calais, travaillent afin de s'appuyer sur le passé minier pour créer de nouvelles dynamiques sociales et économiques dans la région. Le Centre historique minier de Lewarde est un des éléments de cette reconversion industrielle, qui peut entrer en tension avec la patrimonialisation.
I. Les différents acteurs de la mise en valeur du bassin minier
La reconversion du bassin minier est une opération dont le but principal est économique : elle vise à recréer de l'activité dans une région désindustrialisée très prospère au xixe siècle et qui s'est brutalement appauvrie après la Seconde Guerre mondiale : le Nord et le Pas-de-Calais sont encore en 2020 parmi les départements dont le taux de chômage est supérieur à 10 %. À ce titre, la reconversion intéresse à la fois l'État, pourvoyeur d'argent, les collectivités à tous les niveaux et les habitants eux-mêmes, car, en tant que témoins d'un passé encore récent, ils sont sollicités pour fournir des idées de reconversion et de la main-d'œuvre dans les nouvelles activités économiques.
1. L'État et les collectivités locales
2. Les houillères et les ouvriers
II. Les usages du passé minier
Le passé minier représente un héritage sur lequel la patrimonialisation entend s'appuyer. Il peut stimuler le tourisme, comme dans le cas du Centre minier de Lewarde, et a justifié le classement du bassin au patrimoine mondial de l'UNESCO. Pourtant, le passé industriel est également encombrant, car il est porteur de connotations symboliques négatives liées à la pauvreté ou à la pollution : c'est ce dont témoigne le vocabulaire de la guérison dans le premier document. Il constitue ainsi un héritage ambigu, dont on essaye de se détacher tout en prenant conscience de sa valeur et en s'efforçant de le valoriser.
1. La préservation d'une mémoire ouvrière minière
2. Un objectif de développement touristique
3. Un héritage ambigu
III. La reconversion, un processus en tension avec la patrimonialisation ?
La reconversion du bassin minier implique la transformation des paysages et des constructions afin de se tourner vers de nouvelles activités économiques, plus tertiaires. C'est ce qui justifie la dépollution et le verdissement d'espaces anciennement industrialisés et la transformation des bâtiments industriels pour créer des espaces d'accueil, comme dans le cas du Centre minier de Lewarde. La reconversion économique implique cependant la destruction d'une partie du patrimoine minier, entamée dès la fermeture des mines, ce qui peut entrer en conflit avec la patrimonialisation. La Région est ainsi à la recherche d'un équilibre dans la gestion de son patrimoine matériel.
1. La transformation du paysage et du bâti
2. Tertiarisation et développement économique