Si historiens et témoins sont les acteurs majeurs de la reconnaissance du passé dans nos sociétés contemporaines, la justice pose par nature son regard sur le passé. Elle établit la vérité judiciaire concernant un passé violent. Face aux extrémités qu'ont atteintes les violences pendant la Seconde Guerre mondiale, la communauté internationale met en place une justice pénale nouvelle.
Cette justice apparaît comme nécessaire dans un xxe siècle où les nombreux crimes de masse interrogent les responsabilités étatiques. À Nuremberg, entre 1945 et 1946, douze responsables du régime nazi sont jugés sous le chef d' inculpation de crimes contre l'humanité, ainsi que pour complot, crimes contre la paix et crimes de guerre. R. Lemkin définit un nouveau crime, celui de génocide : « acte commis dans l'intention de détruire, intégralement ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux ». Face aux crimes majeurs, la justice fait appel aux témoins, procédure classique, mais se trouve aussi dans la nécessité d' avoir accès à l'éclairage des spécialistes de l'histoire. Les historiens de leur côté, s'ils comprennent la nécessaire action de l'institution judiciaire, s'inquiètent régulièrement de la liberté académique qui leur assure le choix de leurs sujets d' étude, mais aussi de la liberté d' accès aux sources.
Cette justice apparaît comme nécessaire dans un xxe siècle où les nombreux crimes de masse interrogent les responsabilités étatiques. À Nuremberg, entre 1945 et 1946, douze responsables du régime nazi sont jugés sous le chef d' inculpation de crimes contre l'humanité, ainsi que pour complot, crimes contre la paix et crimes de guerre. R. Lemkin définit un nouveau crime, celui de génocide : « acte commis dans l'intention de détruire, intégralement ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux ». Face aux crimes majeurs, la justice fait appel aux témoins, procédure classique, mais se trouve aussi dans la nécessité d' avoir accès à l'éclairage des spécialistes de l'histoire. Les historiens de leur côté, s'ils comprennent la nécessaire action de l'institution judiciaire, s'inquiètent régulièrement de la liberté académique qui leur assure le choix de leurs sujets d' étude, mais aussi de la liberté d' accès aux sources.
I. L'histoire et les mémoires des génocides des Juifs et des Tsiganes
Le génocide des Juifs et celui des Tsiganes pendant la Seconde Guerre mondiale sont la conséquence de la politique nazie du IIIe Reich, mise en œuvre dans l' Europe en guerre entre 1939 et 1945. La mémoire de ce passé si traumatisant a été étudiée par les historiens, en particulier H. Rousso, qui identifient plusieurs phases.
La première est celle de l'amnésie, jusqu'aux années 1960. En France, la place de la Résistance est omniprésente dans les discours publics, tandis que les victimes du génocide ont des difficultés à faire entendre la spécificité de leurs souffrances comme en témoigne la trajectoire de P. Levi. Les historiens sont pourtant déjà à l'œuvre, avec le travail colossal de R. Hilberg dans La Destruction des Juifs d' Europe paru en 1961, qui fait encore référence.
Avec les années 1960, les porteurs de la mémoire juive prennent la parole, profitant notamment de l'exposition médiatique de grands procès comme celui d'Eichmann en Israël. Les crimes imprescriptibles continuent d' être l'objet d'enquêtes judiciaires en Israël, mais aussi en Allemagne avec l'action de quelques procureurs comme F. Bauer contre la faible activité de leur propre hiérarchie. Dans ce moment de retour du passé, les travaux historiques se multiplient, notamment en France sur la participation du régime de Vichy à la suite de l'Américain R. Paxton.
Enfin en 1995, J. Chirac, reprenant le travail des historiens, reconnaît officiellement des pratiques de l'État français. Le devoir de mémoire est mis en avant, mais il faut attendre les années 2010 pour que la question du génocide tsigane parvienne dans la sphère publique. Cette étude est aussi plus compliquée, en raison d' une moindre présence de l'écrit dans les archives de cette communauté. Mais les nouveaux terrains de l'histoire, avec des approches des sources orales, permettent un renouvellement de la question dans l'historiographie. Celle-ci continue à diversifier ses approches, tout en gardant à l'esprit que les faussaires de l'histoire sont toujours présents dans nos sociétés, niant la réalité des génocides commis.
La première est celle de l'amnésie, jusqu'aux années 1960. En France, la place de la Résistance est omniprésente dans les discours publics, tandis que les victimes du génocide ont des difficultés à faire entendre la spécificité de leurs souffrances comme en témoigne la trajectoire de P. Levi. Les historiens sont pourtant déjà à l'œuvre, avec le travail colossal de R. Hilberg dans La Destruction des Juifs d' Europe paru en 1961, qui fait encore référence.
Avec les années 1960, les porteurs de la mémoire juive prennent la parole, profitant notamment de l'exposition médiatique de grands procès comme celui d'Eichmann en Israël. Les crimes imprescriptibles continuent d' être l'objet d'enquêtes judiciaires en Israël, mais aussi en Allemagne avec l'action de quelques procureurs comme F. Bauer contre la faible activité de leur propre hiérarchie. Dans ce moment de retour du passé, les travaux historiques se multiplient, notamment en France sur la participation du régime de Vichy à la suite de l'Américain R. Paxton.
Enfin en 1995, J. Chirac, reprenant le travail des historiens, reconnaît officiellement des pratiques de l'État français. Le devoir de mémoire est mis en avant, mais il faut attendre les années 2010 pour que la question du génocide tsigane parvienne dans la sphère publique. Cette étude est aussi plus compliquée, en raison d' une moindre présence de l'écrit dans les archives de cette communauté. Mais les nouveaux terrains de l'histoire, avec des approches des sources orales, permettent un renouvellement de la question dans l'historiographie. Celle-ci continue à diversifier ses approches, tout en gardant à l'esprit que les faussaires de l'histoire sont toujours présents dans nos sociétés, niant la réalité des génocides commis.
II. La justice face à un second génocide : le cas rwandais
D' avril à juillet 1994, 800 000 Tutsis sont victimes d' un génocide perpétré par le pouvoir hutu au Rwanda, alors en proie à une guerre civile. La spécificité de ce crime réside notamment dans la proximité des tueurs avec leurs victimes, le plus souvent des voisins, répondant à l'appel du pouvoir. Deux types de justice répondent à ce génocide. Si un tribunal pénal international pour le Rwanda est mis en place sous l'égide de l'ONU, des structures locales, les tribunaux gacaca, se déploient entre 2005 et 2012 pour faire appliquer la justice dans des territoires où criminels et victimes continuent de vivre en voisins. Il importe de faire la lumière sur ce passé récent, et les historiens s'inquiètent de la place du politique dans la construction du récit officiel.
Si des lieux de mémoire ont été installés comme celui de Gisozi au Rwanda, en France les historiens s'inquiètent de la mise en place d'une commission d'enquête sur le rôle de la France : elle fait débat, car aucun spécialiste de la question n'est présent en son sein.
Si des lieux de mémoire ont été installés comme celui de Gisozi au Rwanda, en France les historiens s'inquiètent de la mise en place d'une commission d'enquête sur le rôle de la France : elle fait débat, car aucun spécialiste de la question n'est présent en son sein.
III. Construire une justice internationale : l' exemple du TPIY
Suite aux exactions commises dans le cadre de la division de la Yougoslavie, la communauté internationale décide de la mise en place d' un tribunal international. Incapable d' empêcher les massacres, comme celui de Srebrenica en 1995, et le nettoyage ethnique commis par les Serbes contre les populations musulmanes, l' ONU veut en effet mettre en place une procédure exemplaire : le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie est mis en place entre 1993 et 2017.
Le TPIY peine à faire paraître devant lui les suspects, bénéficiant d'appuis politiques puissants en Serbie, tandis que l'ONU est renvoyée à son inaction pendant les combats. Il faut une pression internationale pour que soient livrés les principaux suspects, comme S. Milosevic, l'ancien président serbe jugé pour « purification ethnique ». Mais sa mort empêche le procès de parvenir à sa fin. Le massacre de Srebrenica est l'objet du procès de R. Mladic, arrêté seulement en 2011.
Le TPIY fait également l'objet de critiques concernant la faiblesse des condamnations, des révélations journalistiques pointant la complaisance avec les autorités serbes.
Exercice n°1
Le TPIY peine à faire paraître devant lui les suspects, bénéficiant d'appuis politiques puissants en Serbie, tandis que l'ONU est renvoyée à son inaction pendant les combats. Il faut une pression internationale pour que soient livrés les principaux suspects, comme S. Milosevic, l'ancien président serbe jugé pour « purification ethnique ». Mais sa mort empêche le procès de parvenir à sa fin. Le massacre de Srebrenica est l'objet du procès de R. Mladic, arrêté seulement en 2011.
Le TPIY fait également l'objet de critiques concernant la faiblesse des condamnations, des révélations journalistiques pointant la complaisance avec les autorités serbes.
Exercice n°1
Exercice n°1
Quel historien évoque une « procédure de vérité » ?
Cochez la bonne réponse.
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L'historien Hérodote évoque, au ve siècle av. J.-C., la « procédure de vérité » qui doit guider son travail dans L' Enquête (Historia).