La mondialisation est un phénomène d'accélération des flux à l'échelle mondiale mais aussi de sélection des territoires. Le modèle géographique des centres et périphéries permet d'envisager ce processus massif, entre territoires moteurs polarisant les flux et périphéries sous domination. Ce modèle peut être utilisé à différentes échelles, à la fois mondiale mais aussi étatique. Quelle hiérarchie des territoires est née de la phase récente de la mondialisation ?
I. Les centres d'impulsion (ou pôles) de la mondialisation
Aux xixe et xxe siècles, le monde connaît la domination d'une puissance, principalement britannique puis américaine, avant qu'une accélération de la mondialisation à la fin du xxe et au xxie siècle ne donne naissance à un monde multipolaire. Les aires de puissance que sont l'Amérique du Nord, l'Europe de l'Ouest et l'Asie de l'Est (Japon, Chine littorale, Corée du Sud) restent les centres dominants et les piliers de la mondialisation. Sur le plan économique, le modèle libéral et capitaliste s'y est largement développé. Ces aires représentent trois quarts des investissements directs étrangers (IDE) dans le monde, tandis que leurs firmes transnationales (FTN) sont au sommet de la hiérarchie mondiale. Les pratiques culturelles mondialisées en sont largement originaires : ainsi, la pratique du football est un des exemples de la mondialisation sportive au profit de l'Europe. Enfin, sur le plan institutionnel, ces pays sont au cœur des grandes décisions mondiales. Les sièges des institutions y sont situés (l'ONU à New York, l'OMC à Genève), et leur poids politique y est prépondérant (droit de veto au Conseil de sécurité de l'ONU pour la Chine, les États-Unis, la France, la Grande-Bretagne et la Russie, qui y siègent de façon permanente).
Les pays émergents (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) s'affirment sur la scène internationale et bouleversent les hiérarchies issues du xxe siècle. Ils partagent des démographies jeunes et nombreuses (Chine : 1,3 milliard d'habitants) et une croissance économique rapide s'appuyant sur plusieurs secteurs forts (l'agriculture brésilienne, les services informatiques indiens, l'industrie chinoise). Ils tendent à diversifier leur économie. Si le niveau de développement leur permet d'atteindre un IDH (indice de développement humain) équivalent à l'Europe de l'Est (autour de 0,8), les inégalités y sont prégnantes : la Chine littorale contraste par exemple avec la Chine intérieure. Enfin, l'influence culturelle croissante de ces pays se remarque à l'organisation des grandes manifestations sportives : Pékin a organisé les jeux Olympiques de 2008 et se prépare à ceux de 2022, tandis que Bollywood constitue un centre mondial du cinéma. Ces pays participent aux décisions mondiales, notamment avec leur participation au G20, mais cette intégration n'efface pas leurs divergences.
Stade olympique de Pékin
© kool99/iStock |
British Museum
© coward_lion/iStock |
Un site à consulter
Un site interactif pour découvrir le quotidien réel de familles dans le monde, selon le pays, concernant l'habitat, l'alimentation, les loisirs, etc.
www.gapminder.org/dollar-streetUne émission à écouter
« Les métropoles en tête de liste », France Culture, « Entendez-vous l'éco ? », 2020
II. Quelques espaces favorisés
Les grandes métropoles, en premier lieu
les villes mondiales, cumulent
les fonctions de commandement. Londres, par exemple, dont l'agglomération compte 12 millions d'habitants, est un centre de
commandement économique (quartier de la
City),
politique (Parlement britannique, Premier ministre) et
culturel (British Museum, London School of Economics). Il s'agit d'un
carrefour de communication (Heathrow, premier aéroport européen, Eurostar…), possédant
une architecture mondialisée (verticalisation). Les dix premières métropoles sont concentrées dans les aires de puissance. L'ensemble des villes mondiales forme un
archipel métropolitain mondial, connecté en réseau, de centres d'impulsion de la mondialisation.
Les
façades maritimes ouvrent aux échanges de vastes territoires. La
littoralisation des sociétés conduit à la concentration des populations et des activités faisant de ces régions des centres de la mondialisation. Les grandes façades sont la façade pacifique de l'Asie (constituée de plus de la moitié des 20 premiers ports mondiaux dont Shanghai), la Northern Range (du Havre à Hambourg), la façade atlantique de la Mégalopolis américaine et, enfin, le pourtour méditerranéen pour sa centralité touristique.
Certaines
régions transfrontalières profitent enfin des différences entre les espaces nationaux, notamment des variations fiscales ou des écarts de développement. Ainsi, l'interface de la frontière américano-mexicaine est riche en échanges (capitaux, hommes, marchandises) légaux ou non. De nombreuses entreprises américaines ont installé des ateliers de fabrication du côté mexicain dans
des zones franches : les salaires y sont plus faibles qu'aux États-Unis et la fiscalité avantageuse. Le film de D. Villeneuve
Sicario (2015) présente une vision sombre et tragique d'une autre réalité de la frontière, celle du trafic de drogues et des populations qui s'y trouvent mêlées.
Exercice n°1Exercice n°4Exercice n°7III. Les périphéries de la mondialisation
Les profils des périphéries sont très nombreux, il existe en effet un gradient d'intégration.
Les pays pétroliers se sont largement intégrés à l'économie mondiale mais doivent dorénavant se diversifier pour maintenir leur place, comme le fait l'Arabie Saoudite avec l'ouverture au tourisme.
Les pays ateliers ont un développement lent, dépendant des investissements des pays du Nord, qui profitent de leur main-d'œuvre peu chère.
Les pays les moins avancés (PMA) sont à la marge de la mondialisation, avec des économies peu diversifiées, des exportations limitées à des matières premières et souvent une instabilité politique. Ils sont, de plus, à l'écart des grandes voies de communication par manque d'infrastructures. Pour des raisons idéologiques, la Corée du Nord reste fermée à la mondialisation en théorie, même si des échanges économiques ont lieu notamment avec la Chine, mais aussi avec la France (production de dessins animés).
Il existe également
des marginalités au sein des États. Le phénomène de marginalisation d'une partie de la population est particulièrement visible dans les grandes puissances émergentes. Au Brésil, la région du Nordeste apparaît comme particulièrement périphérique dans la mondialisation, avec peu de perspectives économiques et un indice de développement (
IDH) de 0,66, quand le Brésil est à 0,76. Dans le cas indien, les régions rurales du centre du pays restent très pauvres, tandis que des villes mondialisées comme Mumbai concentrent de très nombreux bidonvilles. Ces différences peuvent aussi exister dans les pays du Nord, par exemple en Italie, où le sud du pays reste à la marge, même si certains investissements comme le port de Gioia Tauro le situent sur la carte de la mondialisation.
Exercice n°5Zoom sur…
La mondialisation
La mondialisation constitue un ensemble de processus qui mettent en relation les sociétés à l'échelle mondiale. Les géographes et historiens réfléchissent à cette notion depuis les années 1980. C. Grataloup inscrit le processus dans un temps long, incluant la période dite des Grandes Découvertes comme l'une de ses étapes majeures. Avec l'intensification des échanges, permise par le développement des transports tant en rapidité qu'en capacité, mais aussi par une plus grande mobilité des sociétés, l'espace mondial connaît une homogénéisation.
Pour autant, cela ne gomme pas tous les particularismes, et la mondialisation est porteuse en parallèle de contestations locales, d'actions communautaristes ou régionalistes, envisagées à l'échelle mondiale. Ainsi, les extensions du port de Rotterdam au prix de la destruction de quartiers d'habitations font naître des contestations et des résistances qui font écho avec d'autres mobilisations contre la construction d'infrastructures de transport, par exemple la ZAD (zone à défendre) de Notre-Dame-des-Landes en France à propos d'un projet d'aéroport. La mondialisation suppose des capacités d'action à l'échelle mondiale, sous différentes formes : coopérations, régulations ou accommodements. Elle a lieu au prix d'une dégradation de l'environnement de plus en plus prégnante. Les différents rapports scientifiques montrent en effet la responsabilité de notre modèle économique de consommation dans le changement climatique.
Une altermondialisation ?
Face au développement de la mondialisation libérale, des mouvements d'opposition se sont développés sous différentes formes. Un mouvement minoritaire, l'« antimondialisme », s'oppose à toute forme de mondialisation par le biais du nationalisme ou du communautarisme virulent. Mais la majorité des opposants se retrouvent dans le concept d'altermondialisation, une mondialisation aux valeurs différentes.
À l'image des sommets regroupant les leaders des pays les plus puissants, des contre-sommets sont organisés, comme le Forum social mondial à Porto Alegre en 2001 ou celui de Montréal en 2016, organisés en réponse au Forum économique mondial de Davos, en Suisse. Regroupant des organisations citoyennes, syndicales ou environnementales, ils s'affirment comme des espaces de débats et de présentation de projets pour un « autre monde ». Ils s'opposent par exemple aux délocalisations et aux atteintes à l'environnement.
L'altermondialisme connaît une médiatisation forte avec des actions et une répression parfois violentes à la marge des sommets internationaux, comme à Gênes en 2001 contre le G8 ou à Hambourg en 2017 contre le G20. La crise économique de 2008, liée aux pratiques financières de grandes banques, a renouvelé la médiatisation de ces mouvements avec des variantes locales : Occupy Wall Street à New York ou les Indignados en Espagne.
Un reportage à regarder
« Madagascar, sortir de la pauvreté » Arte, 2020