La notion de vérité ne doit pas être confondue avec celle de réalité. La réalité est l'ensemble des choses qui ont une existence objective et constatable, alors que la vérité repose sur la correspondance entre une proposition et la réalité à laquelle elle réfère. Il convient aussi de distinguer les vérités subjectives, qui sont de l'ordre de l'opinion et de la croyance, des vérités objectives, qui s'appuient sur des preuves ou des démonstrations. Enfin, il faut opérer une dernière distinction entre les vérités de fait ou vérités matérielles (adéquation entre ce qui est dit et ce qui est) et les vérités formelles (raisonnement conforme aux règles de la logique). Cette notion sera interrogée dans sa dimension ontologique, c'est-à-dire dans son rapport à l'essence même des choses, et dans sa dimension morale, domaine dans lequel elle s'oppose au mensonge.
I. Les critères de vérité
Dans le domaine logico-ontologique (qui concerne le langage et la réalité), la vérité est comprise comme vérité-correspondance. Le critère opérant dans ce champ d'application est celui de l'isomorphisme entre la structure du langage et la réalité. Ainsi, ce qui rend vraie la proposition « Il pleut » est que dans les faits il pleut réellement. C'est bien la « première signification de vrai et faux », selon Spinoza, puisqu'un récit est dit vrai lorsqu'il est « réellement arrivé » et faux quand le fait raconté n'est « arrivé nulle part ».
Dans le domaine épistémologique (qui concerne le problème de la connaissance), la notion de vérité doit être comprise comme une croyance tenue pour vraie. La question est donc de savoir ce qui justifie qu'un individu ou un groupe d'individus considère telle proposition sur le réel comme étant vraie. « Il faut préférer son ami à son chien » est une proposition que tout individu tient pour vraie selon Malebranche. C'est à partir d'un critère d'évidence que s'effectue ici le partage entre le vrai et le faux. Ce critère repose sur un postulat rationaliste qui fait de la raison une faculté qui permet de concevoir distinctement la vérité ou l'erreur. Or, ce critère d'évidence présuppose également qu'un être parfait et omniscient, Dieu, ait mis en nous ce juge infaillible. Par conséquent, un tel critère est discutable car il repose sur une pétition de principe, c'est-à-dire que l'on tient déjà pour vrai ce que l'on veut prouver ou démontrer. Ainsi, la « connaissance doit se confirmer d'elle-même », ce qui revient selon Kant à croire sur parole un témoin au tribunal, car celui qui le convoque atteste de sa probité. L'évidence ne suffit pas car ce qui semble vrai ne l'est pas nécessairement.
Enfin, dans le domaine de la logique pure, la vérité prend la signification de vérité-cohérence. Le critère à l'œuvre est celui des règles de la logique et notamment le principe de non-contradiction. C'est la cohérence interne d'une proposition qui permet de la considérer comme vraie, c'est-à-dire l'accord entre l'esprit et ses propres conventions. Toutefois, il ne faut pas « confondre la validité d'un raisonnement avec la vérité des propositions qui le composent » (Robert Blanché). En effet, un syllogisme peut être valide par sa structure interne alors même que l'une de ses prémisses ou sa conclusion est fausse.
Exercice n°2
Dans le domaine épistémologique (qui concerne le problème de la connaissance), la notion de vérité doit être comprise comme une croyance tenue pour vraie. La question est donc de savoir ce qui justifie qu'un individu ou un groupe d'individus considère telle proposition sur le réel comme étant vraie. « Il faut préférer son ami à son chien » est une proposition que tout individu tient pour vraie selon Malebranche. C'est à partir d'un critère d'évidence que s'effectue ici le partage entre le vrai et le faux. Ce critère repose sur un postulat rationaliste qui fait de la raison une faculté qui permet de concevoir distinctement la vérité ou l'erreur. Or, ce critère d'évidence présuppose également qu'un être parfait et omniscient, Dieu, ait mis en nous ce juge infaillible. Par conséquent, un tel critère est discutable car il repose sur une pétition de principe, c'est-à-dire que l'on tient déjà pour vrai ce que l'on veut prouver ou démontrer. Ainsi, la « connaissance doit se confirmer d'elle-même », ce qui revient selon Kant à croire sur parole un témoin au tribunal, car celui qui le convoque atteste de sa probité. L'évidence ne suffit pas car ce qui semble vrai ne l'est pas nécessairement.
Enfin, dans le domaine de la logique pure, la vérité prend la signification de vérité-cohérence. Le critère à l'œuvre est celui des règles de la logique et notamment le principe de non-contradiction. C'est la cohérence interne d'une proposition qui permet de la considérer comme vraie, c'est-à-dire l'accord entre l'esprit et ses propres conventions. Toutefois, il ne faut pas « confondre la validité d'un raisonnement avec la vérité des propositions qui le composent » (Robert Blanché). En effet, un syllogisme peut être valide par sa structure interne alors même que l'une de ses prémisses ou sa conclusion est fausse.
Exercice n°2
II. La vérité à l'épreuve du doute
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Le scepticisme philosophique repose sur l'épochè, soit la suspension définitive du jugement. Selon les sceptiques, le doute est nécessairement radical. Il faut renoncer à la croyance en l'existence d'une vérité objective et universellement partagée. La vérité est donc affaire de subjectivité ou, comme l'énonce Protagoras : « L'homme est la mesure de toute chose. » Cette conception relativiste de la vérité peut être perçue comme un signe d'humilité et de tolérance vis-à-vis de jugements antithétiques. « Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà », dit Pascal.
À l'inverse, la certitude est le premier symptôme d'une pensée stérile, qui ne produit plus de nouvelles connaissances. Pour Bertrand Russell, cette « arrogance dogmatique » est le symptôme évident d'un esprit borné, d'une pensée sclérosée par les préjugés et le manque d'ouverture au monde. Le dogmatique érige son opinion subjective en vérité objective, censée valoir pour tous. Cependant, croire posséder la vérité n'est pas une preuve suffisante de la conformité d'un discours ou d'une théorie avec la réalité qu'ils décrivent. En effet, croire, c'est tenir quelque chose pour vrai par une opinion, un sentiment ou une croyance religieuse, sans s'appuyer sur des faits vérifiables, alors que savoir, c'est disposer d'une connaissance fondée sur des preuves objectives, des arguments rationnels et cohérents, des faits constatés. Or, pour s'ouvrir à des connaissances nouvelles, il faut commencer par s'avouer son ignorance afin de se libérer de la « tyrannie de l'habitude ».
Dans cette perspective, le doute peut devenir un moyen d'accéder à la vérité et non plus une fin en soi. Telle est la démarche cartésienne du doute méthodique et ordonné qui permet d'établir la certitude indubitable de notre existence en tant que sujet pensant (cogito ergo sum, « Je pense donc je suis ») et de constituer un fondement solide pour la découverte d'autres vérités. Le doute devient le terreau du savoir ou, pour reprendre l'analogie d'Alain, il est « le sel de l'esprit ». Il préserve la vitalité du processus de connaissance comme le sel conserve les aliments.
Exercice n°1
À l'inverse, la certitude est le premier symptôme d'une pensée stérile, qui ne produit plus de nouvelles connaissances. Pour Bertrand Russell, cette « arrogance dogmatique » est le symptôme évident d'un esprit borné, d'une pensée sclérosée par les préjugés et le manque d'ouverture au monde. Le dogmatique érige son opinion subjective en vérité objective, censée valoir pour tous. Cependant, croire posséder la vérité n'est pas une preuve suffisante de la conformité d'un discours ou d'une théorie avec la réalité qu'ils décrivent. En effet, croire, c'est tenir quelque chose pour vrai par une opinion, un sentiment ou une croyance religieuse, sans s'appuyer sur des faits vérifiables, alors que savoir, c'est disposer d'une connaissance fondée sur des preuves objectives, des arguments rationnels et cohérents, des faits constatés. Or, pour s'ouvrir à des connaissances nouvelles, il faut commencer par s'avouer son ignorance afin de se libérer de la « tyrannie de l'habitude ».
Dans cette perspective, le doute peut devenir un moyen d'accéder à la vérité et non plus une fin en soi. Telle est la démarche cartésienne du doute méthodique et ordonné qui permet d'établir la certitude indubitable de notre existence en tant que sujet pensant (cogito ergo sum, « Je pense donc je suis ») et de constituer un fondement solide pour la découverte d'autres vérités. Le doute devient le terreau du savoir ou, pour reprendre l'analogie d'Alain, il est « le sel de l'esprit ». Il préserve la vitalité du processus de connaissance comme le sel conserve les aliments.
Exercice n°1
III. Vérité et mensonge
La vérité, dans sa dimension morale, a pour antagoniste le mensonge. Le mensonge présuppose que celui qui ment détient une vérité qu'il décide volontairement de taire pour des raisons qui lui sont propres, et il est pour l'opinion commune le signe d'un manque de probité et de sincérité.
Or, s'il semble immoral de mentir, toutes les vérités ne sont pas pour autant bonnes à dire. Le mensonge lui-même n'a semble-t-il pas la même valeur s'il est l'œuvre d'un esprit machiavélique pour qui la fin justifie les moyens ou le résultat d'une omission intentionnelle afin de préserver autrui d'une vérité douloureuse. C'est pourquoi Jankélévitch estime qu'il y a des vérités « qu'il faut manier avec des précautions infinies, à travers toutes sortes d'euphémismes, et d'astucieuses périphrases ». Il faut donc administrer la vérité avec précaution, à la manière d'un « élixir puissant » et potentiellement mortel. Ce qui de prime abord pourrait être perçu comme un mensonge est davantage à saisir comme un lent processus de dévoilement (alètheia) qui nécessite d'attendre le moment opportun (kairos) pour enfin révéler la vérité nue, dépouillée de ses ambages langagières.
Kant, pour sa part, fustige l'idée d'un prétendu droit de mentir par humanité. Selon l'impératif catégorique kantien, tout sujet autonome doit s'imposer à soi-même le respect du devoir et des lois morales universelles établies par la raison pratique. Or, selon Benjamin Constant, cette interdiction absolue du mensonge a des répercussions néfastes sur les relations intersubjectives. Il estime que « la vérité n'est donc un devoir qu'envers ceux qui ont droit à la vérité ».
Exercice n°3
Or, s'il semble immoral de mentir, toutes les vérités ne sont pas pour autant bonnes à dire. Le mensonge lui-même n'a semble-t-il pas la même valeur s'il est l'œuvre d'un esprit machiavélique pour qui la fin justifie les moyens ou le résultat d'une omission intentionnelle afin de préserver autrui d'une vérité douloureuse. C'est pourquoi Jankélévitch estime qu'il y a des vérités « qu'il faut manier avec des précautions infinies, à travers toutes sortes d'euphémismes, et d'astucieuses périphrases ». Il faut donc administrer la vérité avec précaution, à la manière d'un « élixir puissant » et potentiellement mortel. Ce qui de prime abord pourrait être perçu comme un mensonge est davantage à saisir comme un lent processus de dévoilement (alètheia) qui nécessite d'attendre le moment opportun (kairos) pour enfin révéler la vérité nue, dépouillée de ses ambages langagières.
Kant, pour sa part, fustige l'idée d'un prétendu droit de mentir par humanité. Selon l'impératif catégorique kantien, tout sujet autonome doit s'imposer à soi-même le respect du devoir et des lois morales universelles établies par la raison pratique. Or, selon Benjamin Constant, cette interdiction absolue du mensonge a des répercussions néfastes sur les relations intersubjectives. Il estime que « la vérité n'est donc un devoir qu'envers ceux qui ont droit à la vérité ».
Exercice n°3
Zoom sur…
Vérité et post-vérité
Dans Les Falsificateurs d'Antoine Bello, le personnage principal, Sliv Dartunghuver, intègre une société secrète nommée Consortium de Falsification du Réel dont l'activité principale est de fabriquer des faits alternatifs. Les membres de cette société doivent inventer des événements historiques en modifiant les sources et en les rendant le plus crédibles possible. Ce type de production de contre-vérités est l'une des caractéristiques de la notion de « post-vérité ».Selon l'Oxford English Dictionary, la post-vérité repose sur « des circonstances dans lesquelles des faits objectifs ont moins d'influence pour modeler l'opinion publique que les appels aux émotions et aux opinions personnelles ».
Pour se prémunir de l'intoxication informationnelle et surtout démêler le vrai du faux, la zététique (du grec zêtêtikos qui signifie « celui qui enquête ») prône l'usage du doute rationnel. Il convient d'identifier les biais cognitifs responsables de notre manque de vigilance épistémique, comme le biais de confirmation, qui est la tendance à privilégier les informations qui confirment nos croyances initiales. De même, il convient d'user d'outils heuristiques tels que le rasoir d'Ockham, qui consiste à choisir le modèle explicatif reposant sur les hypothèses les plus simples. La recherche de la vérité nécessite un effort de l'intellect et non l'adhésion paresseuse à un contenu informationnel attrayant.
Exercice n°4
Vérité et sincérité
Le concept de bullshit tel qu'il est théorisé par H. G. Frankfurt se fonde sur quatre caractéristiques : l'indifférence vis-à-vis de la vérité ou la fausseté du discours, l'indifférence à l'égard des croyances des récepteurs du discours, l'intention de faire croire qu'il ne s'agit pas de bullshit et enfin l'incompatibilité entre le bullshit et le mensonge.Selon les analyses de Sebastian Dieguez, le critère d'évaluation d'un discours ne réside plus dans l'adéquation de ce qui est énoncé avec les faits, mais dans la sincérité du discours. L'exigence de vérité est remplacée dans notre monde moderne par l'exigence d'authenticité. Le problème vient justement du fait que ce qui est affirmé avec ferveur persuade davantage qu'un discours construit sur des arguments solides mais prononcé sans éloquence. En outre, l'« effet gourou » mis en évidence par Dan Sperber démontre qu'un discours a plus de chance de convaincre un auditoire s'il possède « des effets cognitifs suffisants pour mobiliser l'attention et dans le même temps n'implique pas d'efforts de compréhension superflus ».
Cet appel à la sincérité semble dévoyer le concept foucaldien de parrhèsia, puisque sous prétexte de vouloir « tout dire » et de parler avec franchise, ceux qui propagent ces discours s'autorisent toute sorte de négligences épistémiques. Il devient parfois difficile de distinguer ceux qui – comme les lanceurs d'alerte – agissent avec éthique en libérant la parole et en prenant le risque de dévoiler la vérité, de ceux qui se contentent de propager des informations dont les sources sont plus que douteuses.
Exercice n°1
Qu'est-ce que le scepticisme philosophique ?
Cochez la (ou les) bonne(s) réponse(s).
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Selon les sceptiques, la vérité absolue est inaccessible et il est dès lors préférable de suspendre son jugement (épochè) et d'être tolérant vis-à-vis des jugements contraires.
Exercice n°2
Quel critère est-il utilisé pour déterminer la vérité d'une proposition dans le domaine logico-ontologique ?
Cochez la bonne réponse.
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Le critère qui permet de déterminer la vérité d'une proposition dans le cadre logico-ontologique est l'adéquation entre ce qui est dit (discours) et ce qui est (réalité).
Exercice n°3
Pourquoi faut-il toujours dire la vérité selon Kant ?
Cochez la bonne réponse.
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La philosophie morale kantienne est déontologique, c'est-à-dire qu'elle repose sur le devoir, l'autonomie et la rationalité.
Exercice n°4
Que signifie le terme post-vérité ?
Cochez la bonne réponse.
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La post-vérité n'est pas fondée sur l'adéquation entre le discours et les faits mais sur la volonté de séduire et de persuader sans se soucier des critères de vérité.