Énoncé
Exercice
Sujet d'étude : Les femmes dans la société française
Document
Le Manifeste des dix
« Pourquoi des femmes venues d'horizons divers, aux engagements parfois opposés, ont-elles décidé d'unir leurs voix ?
Ayant en commun d'avoir eu ou d'exercer actuellement des responsabilités publiques, nous voulons, alors que se profile le prochain millénaire dans un monde incertain et une France inquiète, lancer cet appel pour l'égalité des chances et des droits entre hommes et femmes (…). Si les femmes sont en effet citoyennes à l'égal des hommes par leur nombre dans l'électorat et le niveau de leur participation aux scrutins, cette parité ne se retrouve pas, loin s'en faut, dans la proportion d'élus. Cinquante ans après l'instauration du droit de vote des femmes en France, seulement 5 % d'entre elles sont sénateurs ou maires, 6 % députés ou conseillers généraux. Le scrutin proportionnel améliore sensiblement la représentation féminine, avec 12 % des conseillers régionaux et 30 % des parlementaires européens. Parmi 20 grands pays développés d'Europe et d'Amérique du Nord, le nôtre est bon dernier pour la représentation des femmes au Parlement, loin derrière les États scandinaves, l'Allemagne, l'Espagne. Si bien que, dans l'Union européenne, la France est la lanterne rouge pour la proportion de femmes élues. Ce n'est pas tout. Seuls 6 % des postes "laissés à la discrétion(1) du gouvernement" sont occupés par des femmes: 2,6 % des préfets, 2 % des ambassadeurs, 5,5 % des directeurs d'administration centrale. Sans parler des directions d'entreprises ou d'établissements publics (…).
Après les grandes avancées juridiques des années 70 et 80, il est évident que le mouvement vers l'égalité marque le pas, quand il n'y a pas régression. Et la crise aidant, les femmes sont apparemment plus silencieuses sur leurs revendications "spécifiques". Pourtant, elles ne sont pas dupes. Elles savent ou pressentent qu'elles sont les premières touchées par les licenciements et le chômage, total ou partiel, et que les écarts de salaires persistent, sans parler de l'accès aux postes de décision (…).
Voici les mesures que nous proposons :
1 – Une politique volontariste des partis, du gouvernement et des associations féminines conjugués. Les pays nordiques montrent l'efficacité de cette attitude. Quand il le faut, ils n'hésitent pas à utiliser les quotas (…). L'adoption d'un scrutin proportionnel, même partiel pour les législatives, renforcerait cette obligation de quotas (…)
2 – Une limitation drastique(2) du cumul des mandats et des fonctions, pour un meilleur partage et exercice du pouvoir. (…).
3 – Un financement des partis politiques en fonction du respect de la parité de leurs instances dirigeantes et de leurs élus.
4 – Une nomination volontaire à des postes de responsabilité qui dépendent de l'Etat et du gouvernement, en se fondant sur un principe de parité.
5 – Une adoption d'une législation sur le sexisme comparable à celle sur le racisme, permettant aux associations de droits de l'homme et de la femme ainsi qu'aux individus d'ester en justice(3) civilement ou pénalement.
6 – Et s'il faut modifier la Constitution pour introduire des discriminations positives, nous y sommes favorables, comme l'est, nous en sommes persuadées, la majorité de nos concitoyens.
7 – Alors, sur ce sujet, pourquoi pas un référendum ?
Michèle Barzach, Frédérique Bredin, Edith Cresson, Hélène Gisserot, Catherine Lalumière, Véronique Neiertz, Monique Pelletier, Yvette Roudy, Catherine Tasca, Simone Veil. »
Ayant en commun d'avoir eu ou d'exercer actuellement des responsabilités publiques, nous voulons, alors que se profile le prochain millénaire dans un monde incertain et une France inquiète, lancer cet appel pour l'égalité des chances et des droits entre hommes et femmes (…). Si les femmes sont en effet citoyennes à l'égal des hommes par leur nombre dans l'électorat et le niveau de leur participation aux scrutins, cette parité ne se retrouve pas, loin s'en faut, dans la proportion d'élus. Cinquante ans après l'instauration du droit de vote des femmes en France, seulement 5 % d'entre elles sont sénateurs ou maires, 6 % députés ou conseillers généraux. Le scrutin proportionnel améliore sensiblement la représentation féminine, avec 12 % des conseillers régionaux et 30 % des parlementaires européens. Parmi 20 grands pays développés d'Europe et d'Amérique du Nord, le nôtre est bon dernier pour la représentation des femmes au Parlement, loin derrière les États scandinaves, l'Allemagne, l'Espagne. Si bien que, dans l'Union européenne, la France est la lanterne rouge pour la proportion de femmes élues. Ce n'est pas tout. Seuls 6 % des postes "laissés à la discrétion(1) du gouvernement" sont occupés par des femmes: 2,6 % des préfets, 2 % des ambassadeurs, 5,5 % des directeurs d'administration centrale. Sans parler des directions d'entreprises ou d'établissements publics (…).
Après les grandes avancées juridiques des années 70 et 80, il est évident que le mouvement vers l'égalité marque le pas, quand il n'y a pas régression. Et la crise aidant, les femmes sont apparemment plus silencieuses sur leurs revendications "spécifiques". Pourtant, elles ne sont pas dupes. Elles savent ou pressentent qu'elles sont les premières touchées par les licenciements et le chômage, total ou partiel, et que les écarts de salaires persistent, sans parler de l'accès aux postes de décision (…).
Voici les mesures que nous proposons :
1 – Une politique volontariste des partis, du gouvernement et des associations féminines conjugués. Les pays nordiques montrent l'efficacité de cette attitude. Quand il le faut, ils n'hésitent pas à utiliser les quotas (…). L'adoption d'un scrutin proportionnel, même partiel pour les législatives, renforcerait cette obligation de quotas (…)
2 – Une limitation drastique(2) du cumul des mandats et des fonctions, pour un meilleur partage et exercice du pouvoir. (…).
3 – Un financement des partis politiques en fonction du respect de la parité de leurs instances dirigeantes et de leurs élus.
4 – Une nomination volontaire à des postes de responsabilité qui dépendent de l'Etat et du gouvernement, en se fondant sur un principe de parité.
5 – Une adoption d'une législation sur le sexisme comparable à celle sur le racisme, permettant aux associations de droits de l'homme et de la femme ainsi qu'aux individus d'ester en justice(3) civilement ou pénalement.
6 – Et s'il faut modifier la Constitution pour introduire des discriminations positives, nous y sommes favorables, comme l'est, nous en sommes persuadées, la majorité de nos concitoyens.
7 – Alors, sur ce sujet, pourquoi pas un référendum ?
Michèle Barzach, Frédérique Bredin, Edith Cresson, Hélène Gisserot, Catherine Lalumière, Véronique Neiertz, Monique Pelletier, Yvette Roudy, Catherine Tasca, Simone Veil. »
Source : Hebdomadaire L'Express du 6 juin 1996.
Questions
1. Présentez le document.
2. Quel constat sur la place des femmes dans la société le document présente-t-il ?
3. Identifiez dans quels domaines les signataires proposent de réduire les inégalités hommes/femmes.
4. À l'aide du document et de vos connaissances, vous montrerez que ce document illustre les difficultés d'évolution de la place des femmes dans la société française sous la Ve République.
Corrigé
1. Ce document est un manifeste, c'est-à-dire un texte engagé destiné à avoir la plus large audience possible. Il a été rédigé par dix femmes ayant exercé des fonctions politiques, mais pas toutes du même bord. Il est publié dans l'hebdomadaire L'Express en juin 1996. Elles y revendiquent un sursaut afin de mettre un terme à l'inégal accès des femmes aux fonctions politiques et administratives en France.
2. Ce document fait le constat que les femmes, bien qu'elles aient en théorie les mêmes droits politiques que les hommes, n'ont pas accès dans les mêmes proportions aux postes les plus importants de la vie politique et administrative française. Qui plus est, il constate que cette situation est beaucoup plus grave en France que dans les autres pays d'Europe et d'Amérique du Nord. Il y aurait donc un retard français contre lequel une lutte s'imposerait.
3. Les signataires de ce manifeste entendent agir dans tous les domaines où des inégalités entre hommes et femmes se font sentir. D'abord sur le plan politique, en rééquilibrant le nombre d'élus femmes par rapport aux hommes. Mais également dans le domaine économique, en veillant à une plus grande égalité au sein des entreprises, que ce soit en termes de rémunération ou en terme d'accès aux fonctions les plus importantes (le fameux « plafond de verre »). Elles veulent également qu'un effort soit fait par l'État pour nommer plus de femmes à des postes à responsabilité, là où il en a la possibilité.
4. Ce document illustre le décalage entre les règles, qui font de la femme l'égal de l'homme, et la réalité, qui demeure beaucoup moins égalitaire. En effet, si les femmes ont le droit de voter, d'être élues et la liberté de mener leurs carrières et leurs vies comme elles l'entendent, on constate qu'elles demeurent trop souvent marginalisées et handicapées par des obstacles invisibles mais bien réels.
La politique est sans doute le secteur le plus frappé par ce décalage entre la théorie et la pratique, ce qui est d'autant plus surprenant que c'est pourtant lui qui est à l'origine des lois censées avoir renforcé l'égalité entre hommes et femmes. Tout se passe ainsi comme si les élites politiques édictaient des normes sans se les appliquer à elles-mêmes : « faites ce que je dis, pas ce que je fais », pourrait-on résumer…
Malgré tout, des progrès certains ont été réalisés depuis 1996, avec notamment l'adoption d'une loi sur la parité en politique en 2000, qui a profondément féminisé la classe politique française, sans pour autant parvenir encore à établir un équilibre.
La politique est sans doute le secteur le plus frappé par ce décalage entre la théorie et la pratique, ce qui est d'autant plus surprenant que c'est pourtant lui qui est à l'origine des lois censées avoir renforcé l'égalité entre hommes et femmes. Tout se passe ainsi comme si les élites politiques édictaient des normes sans se les appliquer à elles-mêmes : « faites ce que je dis, pas ce que je fais », pourrait-on résumer…
Malgré tout, des progrès certains ont été réalisés depuis 1996, avec notamment l'adoption d'une loi sur la parité en politique en 2000, qui a profondément féminisé la classe politique française, sans pour autant parvenir encore à établir un équilibre.