En août 1914, la Russie tsariste a le statut d'une grande puissance. Cependant, la guerre révèle vite les faiblesses du pays et, en 1917, les révolutionnaires en profitent pour prendre le pouvoir. Une décennie plus tard, le pays est dans les mains d'un seul homme : Staline.
I. De la Russie des tsars à l'URSS (1914-1922)
1. Une guerre qui affaiblit un peu plus le pays
• La Russie entre en guerre le 30 juillet 1914 pour soutenir la Serbie slave. Très rapidement, son économie est désorganisée : l'industrie manque de bras, comme l'agriculture (qui, de surcroît, est privée de ses chevaux). Les usines ne peuvent plus fonctionner ; les paysans ne livrent plus leurs récoltes. La famine touche bientôt les villes ; les soldats eux-mêmes sont affamés et mal équipés.
• À cela s'ajoutent les défaites militaires et le nombre élevé de morts : plus de 2,5 millions. Dès 1916, des grèves et des manifestations éclatent dans tout le pays.
2. Les révolutions de février et octobre 1917
• À partir du 23 février 1917 (dans le calendrier russe, mais le 8 mars dans le calendrier occidental), les grèves prennent de l'ampleur. L'armée passe dans le camp des insurgés. Le tsar, Nicolas II, qui gouvernait en autocrate jusque-là, n'a plus aucune autorité. Un gouvernement provisoire, formé de bourgeois et de nobles, est créé pour poursuivre la guerre. Il se heurte au soviet révolutionnaire (le « conseil » des représentants), qui exige le retour à la paix. Le tsar abdique le 16 mars.
• Revenu d'exil en avril 1917, Lénine demande, dans ses Thèses d'avril, « tout le pouvoir aux soviets, la paix immédiate et la terre aux paysans ». Les bolcheviques, les plus révolutionnaires des socialistes russes (qui ont Lénine à leur tête), bénéficient d'une popularité croissante.
• Dans la nuit du 24 au 25 octobre 1917 (6-7 novembre dans le calendrier occidental), les bolcheviques armés s'emparent de la capitale, Petrograd. Le gouvernement provisoire prend la fuite. Les bolcheviques ont conquis le pouvoir.
3. La naissance de l'URSS (1917-1922)
• Le 26 octobre (c'est-à-dire le 8 novembre) est formé un gouvernement bolchevique, le Conseil des commissaires du peuple, présidé par Lénine. Trotski dirige les Affaires étrangères, et Staline est responsable des Nationalités (les peuples non-russes vivant en Russie).
• Ce gouvernement adopte plusieurs réformes importantes :
- le « décret sur la paix », qui propose la fin des hostilités à tous les pays en guerre avec la Russie ;
- le « décret sur la terre », qui remet aux soviets paysans les terres des grands propriétaires ;
- le « décret sur les nationalités », qui reconnaît l'égalité de tous les peuples de Russie ;
- l'armistice de Brest-Litovsk est conclu ; la paix avec l'Allemagne sera signée en mars 1918.
• Mais des difficultés persistent ou resurgissent. La guerre civile entre Blancs (partisans du tsar) et Rouges (bolcheviques) continue à ravager le pays. La situation est critique, d'autant que la famine touche de nouveau les villes. Les usines ne fonctionnent plus, et des pillards menacent la population.
• Après avoir nationalisé les banques, les terres et l'industrie, Lénine doit mettre en place une Nouvelle Politique économique, la NEP.
• Si la révolution est sauvée, ce n'est qu'au prix de nombreuses concessions. L'Union des républiques socialistes soviétiques (URSS), qui naît en 1922, est un pays amputé de nombreux territoires, coupé du reste du monde. Le Parti communiste de l'Union soviétique (PCUS) exerce un pouvoir sans partage. Au sein du Parti, le secrétaire général impose sa propre politique et, dès 1922, c'est Staline qui occupe ce poste. En 1924, Lénine meurt, et le pouvoir de Staline ne cesse de s'accroître.
II. Le régime soviétique : la collectivisation de l'économie
1. Collectiviser l'agriculture
• En 1928, Staline abandonne la Nouvelle Politique économique (NEP), mise en place par Lénine. Il impose, par la force, la collectivisation des terres. Les paysans doivent mettre en commun terres, outils et bétail dans le cadre de fermes collectives, les kolkhozes. Les koulaks, les paysans aisés, et les opposants à la collectivisation sont éliminés ou déportés.
2. Collectiviser l'industrie
• L'industrie et les services sont également collectivisés : à partir de 1929, nul ne possède son atelier ou son commerce. La planification de l'économie est instaurée : un plan quinquennal (d'une durée de cinq ans) fixe la nature et la quantité de la production. Le Gosplan (Comité étatique pour la planification), créé par Lénine en 1920, est chargé d'évaluer les ressources et les besoins du pays et de préparer les plans quinquennaux.
• Conformément aux vues de Staline, les plans quinquennaux privilégient l'équipement lourd (centrales électriques, barrages, chemins de fer) et les industries de base (production d'acier), au détriment des biens de consommation.
3. Un bilan médiocre
• Dans l'agriculture, la collectivisation est à l'origine d'un effondrement de la production agricole. La famine fait des millions de victimes, notamment en Ukraine.
• L'URSS se hisse au troisième rang mondial en tant que puissance industrielle. Mais le secteur souffre de graves déséquilibres, imposant d'importants sacrifices à la population.
III. Le totalitarisme stalinien (1924-1953)
1. Au sommet, un homme
• Après la mort de Lénine, Staline réussit à éliminer ses rivaux pour prendre la tête du Parti et du pays. Lors des grands procès de Moscou, en 1936-1938, les plus anciens membres du Parti, qui pourraient faire concurrence à Staline, sont accusés de saboter l'économie. Des communistes de la première heure, certains officiers de l'Armée rouge et des responsables de l'administration sont ainsi accusés d'être des « ennemis du socialisme ». Soumis à la torture, ils « avouent » la plupart du temps leurs crimes. C'est la période de la Grande Terreur. Parallèlement, un véritable culte de la personnalité est mis en place : chansons, poèmes, statues, photos et affiches à la gloire de Staline en font une figure de chef presque mythique et omniprésente.
La plupart des nouveaux responsables doivent leur pouvoir à Staline. Lui seul contrôle la police. La censure surveille les journaux et les livres.
La plupart des nouveaux responsables doivent leur pouvoir à Staline. Lui seul contrôle la police. La censure surveille les journaux et les livres.
2. Le contrôle des esprits
• La propagande est omniprésente. Les manuels scolaires et les actualités des journaux sont censurés et falsifiés. L'histoire « officielle » de l'URSS est ainsi récrite pour masquer les événements gênants ou en faire disparaître les acteurs tombés en disgrâce.
• Une police politique est chargée de contrôler la société :
- le NKVD (Commissariat du peuple aux Affaires intérieures), la police politique, arrête et déporte tous les suspects. Ces derniers sont « rééduqués » par le travail au goulag (le goulag est l'ensemble des camps de travail soviétiques). Rares sont ceux qui en reviennent. On y meurt généralement d'épuisement, de faim ou de froid ;
- les dénonciations sont encouragées. La population vit dans une angoisse permanente, dans un climat de peur où chacun court le risque d'être dénoncé, parfois même par ses propres enfants !
3. Le modèle de l'homme soviétique
• La société communiste veut créer un homme nouveau, à l'image de Staline. La jeunesse, enrôlée dans les Jeunesses communistes ou le Mouvement des pionniers, est le symbole de cette nouvelle génération, sportive et performante. Elle défile régulièrement en uniforme sur la place Rouge, par exemple le jour anniversaire de la révolution.
• Dans le même esprit, les sportifs soviétiques doivent apporter au monde entier la preuve de la supériorité de l'homme communiste : ils sont soumis à un entraînement draconien, souvent aux dépens de leur propre santé.
• Le mineur Stakhanov est souvent cité en exemple : il extrait quatorze fois plus de charbon que ses camarades, lançant ainsi un mouvement d'émulation socialiste, le stakhanovisme. On apprendra, en 1986, qu'il s'est fait aider de deux autres ouvriers pour établir ce faux record médiatisé par la propagande stalinienne. Cette dernière s'efforce, par tous les moyens possibles, d'exalter l'esprit soviétique, d'amener le peuple à se dépasser et à accepter avec enthousiasme de nouveaux sacrifices.