Comment s'organise le monde depuis la fin de la guerre froide ? Après la chute de l'URSS, les États-Unis apparaissent comme les grands vainqueurs. Qu'ont-ils fait de leur victoire ?
I. L'hyperpuissance américaine
• La guerre froide se termine en 1991 avec la disparition de l'URSS. La nouvelle Russie, qui reprend l'essentiel de l'héritage soviétique, connaît une décennie de chaos économique et politique : les mandats du président Eltsine sont marqués par une corruption sans précédent, et même par une crise constitutionnelle en 1993 qui dégénère en émeutes meurtrières à Moscou ; pendant cette période, le PIB russe baisse de moitié. Cet effacement géostratégique temporaire ouvre la voie à une recomposition complète de l'Europe orientale.
• Les anciennes démocraties populaires deviennent, parfois dans le calme, parfois dans la douleur, des démocraties libérales et des économies de marché plus ou moins abouties : les pays baltes font ainsi figure d'élèves modèles, alors que la Bulgarie et la Roumanie, ou encore d'autres pays des Balkans, basculent d'une économie socialiste sclérosée à un capitalisme mafieux corrupteur de l'État. En 2004, Pologne, République tchèque, Slovaquie, Hongrie, Slovénie, de même que les trois anciennes Républiques soviétiques baltes, Estonie, Lettonie et Lituanie, entrent dans l'Union européenne. En 2007 les rejoignent la Roumanie et la Bulgarie. L'organisation géostratégique née de 1945 et de la guerre froide est désormais effacée.
• Dans la décennie 1990, les États-Unis détiennent le premier rang dans tous les domaines de la puissance : militaire, politique, économique, technologique, etc. C'est l'hyperpuissance du xxe siècle finissant. Leur domination militaire, par exemple, est sans équivalent dans l'histoire du monde : avec près de la moitié du budget militaire de la planète et des systèmes d'armes très avancés, les États-Unis peuvent intervenir sur n'importe quel théâtre d'opérations avec la certitude d'un succès militaire rapide.. Pourtant, cette hyperpuissance n'empêche pas les désordres et les conflits de toute nature dans le monde. Elle favorise même des conflits asymétriques, car seuls la guérilla ou le terrorisme peuvent s'opposer à l'hyperpuissance américaine.
II. Le nouveau désordre mondial
• Sur le continent européen même, la guerre reprend entre les Républiques yougoslaves, qui accèdent à l'indépendance les unes après les autres. Ces guerres de l'ex-Yougoslavie sont multiples et durent de 1991 à 2001. La résolution de ces conflits, avec l'intervention diplomatique et militaire de l'UE, des États-Unis et de l'OTAN, est longue et douloureuse. Les guerres en Bosnie sont notamment marquées par des crimes de guerre, essentiellement imputables, cependant, aux Serbes de Bosnie ou à l'armée serbe régulière, soutenue par la Russie, son allié traditionnel.
• L'année 1994 est marquée par la guerre civile au Rwanda et le génocide perpétré par les Hutus contre 800 000 Tutsis. La communauté internationale réagit peu, moins encore les États-Unis, échaudés par une intervention ratée en Somalie en 1992-1993, menée au nom du droit d'ingérence humanitaire.
• Le 11 septembre 2001, le monde bascule dans une nouvelle ère : les attentats islamistes d'Al-Qaïda contre les tours jumelles du World Trade Center de New York traumatisent l'opinion occidentale. Le terrorisme international islamique s'impose comme le nouvel ennemi des démocraties. Les États-Unis du président Bush déclarent la guerre globale contre le terrorisme (« global war on terror »). Ils renversent le régime des talibans, principal soutien d'Al-Qaïda, en Afghanistan en 2001 ; puis l'Irak de Saddam Hussein en 2003, à la recherche d'armes de destruction massive qui n'ont finalement jamais été trouvées.
III. L'Union européenne au début du xxe siècle
• À la fin des années 1980, le bilan de la Communauté économique européenne est satisfaisant : l'Europe est non seulement reconstruite, mais elle est devenue l'un des trois grands pôles de l'économie mondiale. Les objectifs du traité de Rome sont atteints.
• Les Douze définissent un nouveau programme : créer une Europe aux compétences élargies. Le traité de Maastricht (1992) renforce ainsi les pouvoirs de l'Europe en matière de politique étrangère et de sécurité et surtout prévoit la mise en place, au 1er janvier 1999, d'une monnaie unique : l'euro, qui doit se substituer totalement aux monnaies nationales à partir de 2002.
• À partir de 1995, l'Europe change de nom : elle s'appelle désormais Union européenne. Elle s'élargit à quinze États, à la faveur de la chute de l'URSS en 1991 et change également de dimension (intégration de la Suède, de la Finlande et de l'Autriche en 1995). Certaines compétences des États membres sont transférées vers des institutions communautaires (Parlement, Conseil de l'Union, Commission). Une coopération judiciaire et policière se met en place.
• Avec la fin de la guerre froide et l'affaiblissement de la Russie, une nouvelle époque commence, caractérisée par une diminution des tensions est-ouest, la baisse des budgets militaires et les soubresauts de la fin du monde soviétique. Même si l'Union européenne n'y est pas totalement préparée, la chute du mur de Berlin, la disparition du rideau de fer, la création de nouveaux États pleinement indépendants ouvrent de nouvelles opportunités, font émerger de nouveaux enjeux dans une Europe où l'UE fait désormais figure de centre d'attraction.
IV. Vers un monde multipolaire
• En dépit de leur extraordinaire puissance militaire, les opérations américaines ne parviennent pas à stabiliser l'arc de crise islamique. La situation en Afghanistan est trouble, toujours pas résolue, et le Pakistan aide en sous-main les talibans. Le gouvernement afghan officiel n'a que peu de prise sur les féodalités régionales ou locales, et s'efforce principalement de monnayer son pouvoir par une corruption omniprésente. L'Iran cherche à se doter de l'arme nucléaire. Le Printemps arabe de 2011 débouche dans la plupart des États concernés sur des régimes islamiques. Aidé dans un premier temps par des rebelles touaregs, AQMI (Al-Qaïda au Maghreb islamique) s'empare du nord du Mali et y impose une charia (loi islamique) sans concession.
• La Russie de Vladimir Poutine, rendue plus forte par une décennie de croissance économique, retrouve une partie de sa puissance géostratégique et intervient militairement (Géorgie) ou diplomatiquement (Iran, Syrie). Usant de son droit de veto au Conseil de sécurité, elle soutient son dernier allié au Proche-Orient, la Syrie de Bachar el-Assad, qui tente d'écraser, sous les armes lourdes, la révolte d'une partie de sa population.
• Les pays émergents, Brésil, Inde et surtout Chine, revendiquent un nouvel ordre mondial, fondé sur un plus grand partage des responsabilités, notamment au Conseil de sécurité. L'impérialisme chinois se déploie, notamment à l'échelle régionale, en Asie et particulièrement en mer de Chine méridionale. Les budgets militaires sont partout en augmentation… sauf en Europe, dont le déclin– politique, économique – se précise.