Énoncé
Texte littéraire
Dans son roman Le Premier Homme, Albert Camus raconte son enfance en Algérie dans les années 1920. Il s'est représenté dans le personnage de Jacques et évoque ici les jeux qu'il partage avec ses camarades.
« Tous les jours, à la saison, un marchand de frites activait son fourneau. La plupart du temps, le petit groupe n'avait même pas l'argent d'un cornet. Si par hasard l'un d'entre eux avait la pièce nécessaire, il achetait son cornet, avançait gravement vers la plage, suivi du cortège respectueux des camarades et, devant la mer, à l'ombre d'une vieille barque démantibulée, plantant ses pieds dans le sable, il se laissait tomber sur les fesses, portant d'une main son cornet bien vertical et le couvrant de l'autre pour ne perdre aucun des gros flocons croustillants. L'usage était alors qu'il offrît une frite à chacun des camarades, qui savourait religieusement l'unique friandise chaude et parfumée d'huile forte qu'il leur laissait. Puis ils regardaient le favorisé qui, gravement, savourait une à une le restant des frites. Au fond du paquet, restaient toujours des débris de frites. On suppliait le repu(1) de bien vouloir les partager. Et la plupart du temps, sauf s'il s'agissait de Jean, il dépliait le papier gras, étalait les miettes de frites et autorisait chacun à se servir, tour à tour, d'une miette. […] Le festin terminé, plaisir et frustration aussitôt oubliés, c'était la course vers l'extrémité ouest de la plage, sous le dur soleil, jusqu'à une maçonnerie à demi détruite qui avait dû servir de fondation à un cabanon disparu et derrière laquelle on pouvait se déshabiller. En quelques secondes, ils étaient nus, l'instant d'après dans l'eau, nageant vigoureusement et maladroitement, s'exclamant, bavant et recrachant, se défiant à des plongeons ou à qui resterait le plus longtemps sous l'eau. La mer était douce, tiède, le soleil léger maintenant sur les têtes mouillées, et la gloire de la lumière emplissait ces jeunes corps d'une joie qui les faisait crier sans arrêt. Ils régnaient sur la vie et sur la mer, et ce que le monde peut donner de plus fastueux(2), ils le recevaient et en usaient sans mesure, comme des seigneurs assurés de leurs richesses irremplaçables.
Ils en oubliaient même l'heure, courant de la plage à la mer, séchant sur le sable l'eau salée qui les faisait visqueux, puis lavant dans la mer le sable qui les habillait de gris. Ils couraient, et les martinets(3) avec des cris rapides commençaient de voler plus bas au-dessus des fabriques et de la plage. Le ciel, vidé de la touffeur(4). du jour, devenait plus pur puis verdissait, la lumière se détendait et, de l'autre côté du golfe, la courbe des maisons et de la ville, noyée jusque-là dans une sorte de brume, devenait plus distincte. Il faisait encore jour, mais des lampes s'allumaient déjà en prévision du rapide crépuscule d'Afrique. Pierre, généralement, était le premier à donner le signal : « Il est tard », et aussitôt, c'était la débandade, l'adieu rapide. Jacques avec Joseph et Jean couraient vers leurs maisons sans se soucier des autres. Ils galopaient hors de souffle. La mère de Joseph avait la main leste(5). Quant à la grand-mère de Jacques… »
Ils en oubliaient même l'heure, courant de la plage à la mer, séchant sur le sable l'eau salée qui les faisait visqueux, puis lavant dans la mer le sable qui les habillait de gris. Ils couraient, et les martinets(3) avec des cris rapides commençaient de voler plus bas au-dessus des fabriques et de la plage. Le ciel, vidé de la touffeur(4). du jour, devenait plus pur puis verdissait, la lumière se détendait et, de l'autre côté du golfe, la courbe des maisons et de la ville, noyée jusque-là dans une sorte de brume, devenait plus distincte. Il faisait encore jour, mais des lampes s'allumaient déjà en prévision du rapide crépuscule d'Afrique. Pierre, généralement, était le premier à donner le signal : « Il est tard », et aussitôt, c'était la débandade, l'adieu rapide. Jacques avec Joseph et Jean couraient vers leurs maisons sans se soucier des autres. Ils galopaient hors de souffle. La mère de Joseph avait la main leste(5). Quant à la grand-mère de Jacques… »
Albert Camus, Le Premier Homme, 1994, © Éditions Gallimard.
Image
La Voiture fondue 1944 © Atelier Robert Doisneau. |
Travail sur le texte littéraire et l'image
Grammaire et compétences linguistiques
1. « L'usage était alors qu'il offrît une frite à chacun des camarades, qui savourait religieusement l'unique friandise chaude et parfumée d'huile forte qu'il leur laissait. »
a) Quel est le groupe complément d'objet de « savourait » ?
Rappels : le complément d'objet est direct ou indirect ; il se situe avant ou après le verbe ; il peut être un nom, un pronom, une subordonnée conjonctive, un groupe nominal, un infinitif.
b) Pour vérifier la délimitation de ce groupe complément d'objet, réécrivez la phrase en le remplaçant par un pronom.
Le complément d'objet peut être remplacé par un pronom personnel sans préposition (le, la, les, l', lui, leur, en y) ou avec préposition (d'elle, de lui, d'eux, etc.). Pour identifier le pronom personnel qui convient, repérez le nom noyau du complément d'objet (masculin, féminin, singulier, pluriel). Attention : le pronom personnel complément d'objet n'occupe pas nécessairement la même place que le groupe nominal. Un complément d'objet peut être court (déterminant + nom) ou long (déterminant + nom + expansion(s)). Conservez les éléments autres que le complément d'objet.
c) Relevez deux expansions du nom « friandise » de nature (ou classe) grammaticale différente. Précisez la nature (ou classe) grammaticale de chacune d'elles.
Un groupe nominal peut être enrichi par des expansions plus ou moins nombreuses et variées (adjectif qualificatif, participe passé ou présent, subordonnée relative, complément du nom). Relevez deux expansions de nature différente autour de « friandise » ; précisez ensuite leur nature.
2. « Le festin terminé, plaisir et frustration aussitôt oubliés, c'était la course vers l'extrémité ouest de la plage ».
Remplacez les deux groupes soulignés par deux propositions subordonnées conjonctives compléments circonstanciels de temps.
Remplacez les deux groupes soulignés par deux propositions subordonnées conjonctives compléments circonstanciels de temps.
Établissez la chronologie des faits afin de choisir les conjonctions de subordination de temps qui conviennent. Certaines actions se déroulent avant d'autres. Lesquelles ? Quelles conjonctions de temps expriment cette chronologie ? Une marque temporelle d'un des groupes soulignés peut vous servir à trouver une conjonction.
3.
« Si par hasard l'un d'entre eux avait la pièce nécessaire, il achetait un cornet, avançait gravement vers la plage, suivi du cortège respectueux des camarades et, […], plantant ses pieds dans le sable, il se laissait tomber sur les fesses, portant d'une main son cornet bien vertical et le couvrant de l'autre. »
Réécrivez ce passage en remplaçant « l'un d'entre eux » par « deux d'entre eux ». Faites toutes les modifications nécessaires.
Réécrivez ce passage en remplaçant « l'un d'entre eux » par « deux d'entre eux ». Faites toutes les modifications nécessaires.
Effectuez toutes les transformations nécessaires :
- le passage du pronom sujet « l'un d'entre eux » à « deux d'entre eux » implique un changement de nombre et une modification de l'accord sujet-verbe ; gardez les mêmes temps mais modifiez les terminaisons verbales ;
- le changement de nombre des pronoms personnels reprenant « l'un d'entre eux » implique aussi une modification de l'accord sujet-verbe ;
- d'autres transformations sont nécessaires : l'accord des adjectifs et participes passés qualifiant « deux d'entre eux », le remplacement des déterminants possessifs. Attention : les participes présents, à la différence des participes passés sont invariables.
Compréhension et compétences d'interprétation
4. De « Tous les jours » à « d'une miette. »
a) La scène évoquée se répète plusieurs fois. Qu'est-ce qui l'indique précisément ? Deux éléments de réponse sont attendus.
Relisez attentivement les lignes concernées. Relevez les deux marques temporelles qui suggèrent une répétition de cette scène. Interrogez-vous : dans ces phrases, qu'est-ce qui indique le temps (adverbe, nom ou groupe nominal, groupe introduit par une préposition, subordonnée circonstancielle) ? Quel temps verbal exprime une habitude, une action répétée ?
b) Pourquoi ce moment est-il particulièrement important pour les enfants ? Vous justifierez votre réponse en vous appuyant sur le texte. Deux éléments de réponse sont attendus.
Relisez votre réponse à la question précédente. Cette scène est fréquente. Pour quelles raisons ? Observez la situation des enfants décrite dans les premières lignes du texte. Qu'en concluez-vous ? Proposez deux éléments pour expliquer votre réponse.
5. De « Le festin terminé » à « les habillait de gris. »
a) Comment l'écrivain montre-t-il que les enfants sont heureux au moment de la baignade ? Vous justifierez votre réponse en vous appuyant sur le texte. Deux éléments de réponse sont attendus.
Relisez ce passage. Repérez le champ lexical du bonheur, de la joie, du plaisir, des sensations agréables : noms, verbes, adjectifs, adverbes. Choisissez deux éléments et développez-les pour expliquer votre réponse.
b) Pourquoi peut-on dire qu'ils sont transformés par la baignade ? Vous justifierez votre réponse en vous appuyant sur le texte. Deux éléments de réponse sont attendus.
Rappel : transformer signifie faire passer d'une forme, d'une attitude, d'une sensation à une autre. Montrez pourquoi la baignade transforme les enfants : comment sont-ils avant le bain et après le bain ? Proposez deux explications de ce changement.
6. De « Ils couraient » à la fin : quels changements apparaissent à la fin du texte ? Développez trois éléments de réponse en vous appuyant sur des passages précis.
Relisez le dernier paragraphe. Plusieurs changements apparaissent après la baignade et les moments de bonheur. Les enfants sont-ils toujours aussi joyeux ? Le paysage est-il toujours aussi beau ? Les sensations sont-elles aussi agréables ? Développez trois explications de ces changements ; citez des passages précis du texte.
7. En vous aidant de vos réponses aux questions précédentes, donnez un titre significatif à chacun des trois moments de la journée évoqués dans le texte.
Relisez vos réponses aux questions 4, 5 et 6. La journée des enfants se divise en trois moments différents. Résumez-les en donnant un titre à chacun d'eux. Faites ressortir la dominante essentielle de chaque moment.
8. Quels liens pouvez-vous établir entre la photographie de Robert Doisneau et le texte d'Albert Camus ? Développez votre réponse en vous appuyant sur des éléments précis.
Observez attentivement la photo : titre, date, contexte historique, composition, décor, personnages, activités, atmosphère, etc. Relevez les points communs et les différences avec le texte de Camus. Par exemple, Camus et Doisneau mettent en scène des enfants : leurs activités, leurs sensations, leurs sentiments sont-ils les mêmes ? Pourquoi ? Observez les visages sur la photographie. Qu'en concluez-vous ? Développez votre réponse en vous appuyant sur votre ressenti, vos sensations face au texte et à l'image, votre expérience personnelle.
Dictée
Dès qu'ils étaient au complet, ils partaient, promenant la raquette le long des grilles rouillées des jardins devant les maisons, avec un grand bruit qui réveillait le quartier et faisait bondir les chats endormis sous les glycines poussiéreuses. Ils couraient, traversant la rue, essayant de s'attraper, couverts déjà d'une bonne sueur, mais toujours dans la même direction, vers le champ, non loin de leur école, à quatre ou cinq rues de là. Mais il y avait une station obligatoire, à ce qu'on appelait le jet d'eau, sur une place assez grande, une énorme fontaine ronde à deux étages, où l'eau ne coulait pas, mais dont le bassin, depuis longtemps bouché, était rempli jusqu'à ras bord, de loin en loin, par les énormes pluies du pays.
D'après Albert Camus, Le Premier Homme, 1994, © Éditions Gallimard.
D'après Albert Camus, Le Premier Homme, 1994, © Éditions Gallimard.
Rédaction
Sujet d'imagination
Devenu adulte, un des enfants de la photographie de Robert Doisneau raconte, comme Albert Camus, les jeux de son enfance. Il évoque la scène représentée sur la photographie.Vous imaginerez son récit en montrant comment le jeu permet aux enfants, dans un moment de joie partagée, de transformer la réalité qui les entoure. Vous choisirez d'écrire votre récit à la première ou à la troisième personne.
Procéder par étapes
Étape 1. Observez bien la photographie pour en relever les éléments principaux (voiture, nombre des enfants, positionnement et tenue vestimentaire des enfants, leurs émotions, les rapports entre les enfants), le contexte historique (la Seconde Guerre mondiale), les lieux (quartier parisien).Étape 2. Lisez attentivement le sujet pour bien le comprendre et repérer les mots-clés. Il faut donc respecter les points suivants :
« devenu adulte » invite à utiliser les temps du présent pour situer le récit que le narrateur va faire de son enfance et ce récit sera, lui, aux temps du passé (imparfait et passé simple de l'indicatif) ;
« comme Albert Camus » : il faut reprendre des éléments du texte d'étude (un texte en trois temps, la répétition du moment, l'expression du bonheur, le rapport au lieu qui transforme les enfants au contact de la réalité, le rapport avec les parents) ;
le jeu imaginé doit être en lien avec la photographie : un jeu qui se passe avec la voiture.
Étape 3. Respectez les consignes de contenu données :
- le jeu apporte un moment de joie partagée (l'utilisation du lexique des émotions et des sentiments est attendue) ;
- la réalité dans laquelle jouent les enfants se trouve transformée par le jeu.
Étape 5. Trouvez des idées : choisissez l'enfant de la photographie qui vous intéresse le plus ; trouvez le jeu en lien avec la voiture ; cherchez à caractériser le moment de joie ; réfléchissez à la transformation de la réalité en lien avec la voiture et le terrain bombardé.
Étape 6. Établissez l'organisation de votre récit : un premier paragraphe pour présenter la situation du récit avec l'enfant de la photographie devenu adulte et qui va raconter un moment de son passé ; un second pour la scène du jeu qui peut se terminer, comme chez Camus, avec le retour chez soi ; un troisième paragraphe est possible pour faire le lien avec la situation actuelle du premier paragraphe. Veillez à faire un retour à la ligne et un alinéa pour chaque paragraphe.
Étape 7. Soignez votre expression, la construction des phrases, l'orthographe, la ponctuation.
Étape 8. Veillez à relire attentivement votre copie pour corriger d'éventuelles erreurs.
Sujet de réflexion
La littérature, le cinéma et les autres arts permettent de découvrir la vie de personnages fictifs ou réels. Que peut vous apporter cette découverte ? Vous développerez votre point de vue en prenant appui sur des exemples précis, issus de votre culture personnelle et des œuvres étudiées lors de votre scolarité.
Procéder par étapes
Étape 1. Lisez attentivement le sujet.Étape 2. Repérez les deux étapes du sujet : la phrase affirmative qui donne le contenu du sujet « La littérature, le cinéma et les autres arts permettent de découvrir la vie de personnages fictifs ou réels. » et la phrase interrogative qui oriente la réflexion, « Que peut vous apporter cette découverte ? »
Étape 3. Repérez les mots-clés, les expressions importantes « littérature », « cinéma », « autres arts », « personnages fictifs ou réels » et précisez leur sens ; « autres arts » : peinture, musique, sculpture, danse, etc. ; « personnages fictifs » : personnages inventés.
Étape 4. Cernez le sens de la question et l'orientation de la réflexion : la question attend une réponse sous forme de plan thématique qui permettra de donner son point de vue et de le justifier.
Étape 5. Cherchez vos idées sans vous censurer dans un premier temps ; vous classerez ensuite vos arguments et vos exemples. Posez-vous des questions : ma position de lecteur/spectateur ? Rôles de ces personnages réels ou fictifs pour moi ? Mes sensations et émotions ressenties à leur contact ? Thèmes traités (adolescence, vie, amour, maladie, etc.) ? Ressemblances et/ou différences entre ces personnages et moi ? Influence sur moi, ma vie ?
Étape 6. Organisez, classez vos idées : la découverte de personnages fictifs ou réels permet un enrichissement, une meilleure connaissance de soi (de sa personnalité, de sa réflexion, de ses émotions) et un enrichissement culturel (découverte de lieux, d'époques historiques, de mœurs).
Étape 7. Établissez le plan de votre argumentation.
- L'introduction présente le thème, pose la question, annonce le plan suivi. Elle s'ouvre par un alinéa de deux carreaux. Sautez deux lignes entre l'introduction et la première partie.
- Le développement comporte deux parties. Chacune se compose idéalement de trois paragraphes. Chaque paragraphe exprime votre point de vue soutenu par un argument développé et illustré d'un exemple précis. Pour chaque paragraphe, faites un alinéa de deux carreaux. Ne sautez pas de ligne au sein de la partie. Sautez deux lignes entre la première et la deuxième partie, entre la deuxième partie et la conclusion. Défendez votre point de vue en utilisant des modalisateurs de certitude (assurément, j'affirme, incontestablement…) ou de nuance (peut-être, sans doute, emploi du conditionnel…), des figures de style comme l'hyperbole, l'énumération, les fausses questions (ou questions rhétoriques) ou le vocabulaire positif, mélioratif pour affirmer votre point de vue.
- La conclusion rappelle que vous avez répondu à la question posée en dressant un bilan rapide et en proposant une ouverture. Commencez-la par un alinéa de deux carreaux sans sauter de ligne à l'intérieur.
Étape 9. Soignez votre expression, la construction des phrases, l'orthographe, la ponctuation.
Étape 10. Veillez à relire attentivement votre copie pour corriger d'éventuelles erreurs.
Corrigé
Grammaire et compétences linguistiques
1.
a) Le groupe complément d'objet direct de « savourait » est « l'unique friandise chaude et parfumée d'huile forte qu'il leur laissait ».
b) « L'usage était alors qu'il offrît une frite à chacun des camarades, qui la savourait religieusement. »
c) Les expansions du nom « friandise » de nature (ou classe) grammaticale différente sont « unique », « chaude », « parfumée » et « qu'il leur laissait ». La nature (ou classe) grammaticale de « unique » et de « chaude » est adjectif qualificatif. La nature (ou classe) grammaticale de « parfumée » est participe passé employé comme adjectif qualificatif. La nature (ou classe) grammaticale de « qu'il leur laissait » est proposition subordonnée relative.
2. « Quand le festin fut terminé, aussitôt que plaisir et frustration furent publiés, c'était la course vers l'extrémité ouest de la plage. »
3. « Si par hasard deux d'entre eux avaient leur pièce nécessaire, ils achetaient un cornet, avançaient gravement vers la plage, suivis du cortège respectueux des camarades et, […], plantant leurs pieds dans le sable, ils se laissaient tomber sur les fesses, portant d'une main leur cornet bien vertical et le couvrant de l'autre. »
Compréhension et compétences d'interprétation
4.
a) La scène évoquée se répète plusieurs fois comme le souligne l'utilisation de l'imparfait de l'indicatif à valeur d'habitude « activait », « achetait », « était ». Les compléments circonstanciels de temps évoquant une habitude ou une fréquence continue mettent en évidence la répétition de cette scène : « Tous les jours », « La plupart du temps », « toujours ». La reprise de « La plupart du temps » accentue la répétition de cette scène. L'utilisation du terme « usage » renvoie directement au phénomène d'habitude et sert la répétition de la scène.
b) Ce moment est particulièrement important pour les enfants car il est rare et précieux. Les enfants n'ont pas l'argent nécessaire pour s'acheter, de manière systématique et habituelle, le cornet de frites. C'est une exception quand le petit groupe possède la somme d'argent requise : « La plupart du temps, le petit groupe n'avait même pas l'argent d'un cornet. », « par hasard ». Tous les enfants du groupe n'ont pas l'argent, seulement un à tour de rôle le possède : « l'un d'entre eux » ; ce point rend le moment encore plus précieux. Ce moment se dote également d'un caractère solennel par l'attitude que les enfants adoptent, « gravement », « religieusement », « suppliait », par le rituel de ce moment et par l'application que chaque enfant emploie pour manger son unique « frite » ou « une miette ».
a) L'écrivain montre que les enfants sont heureux au moment de la baignade par des expressions de temps, « En quelques secondes », « l'instant d'après », qui soulignent la rapidité et l'empressement de leurs gestes, par des compléments circonstanciels de manière « vigoureusement et maladroitement », « sans arrêt », « sans mesure », qui mettent en évidence leur dynamisme. Le volume des voix confirme cet état de bonheur : « s'exclamant » et « crier ». Enfin, la comparaison « comme des seigneurs assurés de leurs richesses irremplaçables » suggère que cet état de bonheur leur donne une impression de supériorité.
b) Les enfants sont transformés par la baignade : tous sont égaux ; il n'y a plus celui qui a la pièce pour acheter le cornet, il n'y a plus celui qui a la plus grosse portion. Ils sont tous ensemble comme le confirme l'utilisation du pronom personnel « ils ». Au contact du soleil et de la mer, ces jeunes enfants sont remplis de joie et la lumière du ciel semble se refléter sur eux. L'eau peut les transformer momentanément, « séchant sur le sable l'eau salée qui les faisait visqueux », seulement pour mieux les rapprocher de l'élément naturel puisque la mer les lave. La comparaison « comme des seigneurs assurés de leurs richesses irremplaçables » confirme aussi cet état de changement qui dote les enfants de force et de supériorité.
Plusieurs changements apparaissent. Le temps se modifie : le crépuscule arrive, libère l'atmosphère de sa chaleur étouffante et de sa brume de chaleur. Le paysage est ainsi plus distinct. Mais c'est l'heure où les enfants quittent la plage, leur refuge de bonheur. Les enfants se séparent rapidement : « c'était la débandade, l'adieu rapide. ». La séparation, après la communion dans le bonheur du cornet de frites et du bain de mer, s'effectue en deux groupes : Jacques, Jean, Joseph d'un côté, et le reste du groupe, de l'autre côté. Les parents sont différents : la mère de Joseph semble sévère ; l'attitude de la grand-mère de Jacques est laissée en suspens par les points de suspension. Le narrateur laisse planer une menace, une crainte.
Chaque partie du texte peut obtenir un titre significatif : la cérémonie du cornet de frites ; le bonheur du bain de mer ; le retour à la maison.
Plusieurs liens peuvent s'établir entre la photographie de Robert Doisneau et le texte d'Albert Camus. Si les enfants dans Le Premier Homme ne sont guère fortunés, Robert Doisneau met aussi en évidence une forme de pauvreté avec la carcasse d'une voiture brûlée. Le terrain vague sur lequel est entreposé le véhicule confirme l'idée d'abandon et de marge, de marginalité. À l'arrière-plan, les immeubles haussmanniens abîmés par les bombardements de la Seconde Guerre mondiale supposent une vie devenue éprouvante et difficile pour ses habitants comme celle vécue financièrement par Jacques et ses amis. Les cinq enfants de la photographie se contentent de peu pour jouer et s'accommodent surtout de ce que la vie leur offre comme les enfants du texte de Camus qui ressentent une joie extrême à s'amuser avec l'élément naturel qu'est la mer. Les sourires échangés par les enfants sur la photographie, la bienveillance du grand assis à l'intérieur de la voiture, à droite, à l'égard des deux autres plus petits, rappellent la joie et la complicité de Jacques et de ses amis. Dans chaque support, texte et image, les enfants apparaissent sans leur famille.
Chaque partie du texte peut obtenir un titre significatif : la cérémonie du cornet de frites ; le bonheur du bain de mer ; le retour à la maison.
Plusieurs liens peuvent s'établir entre la photographie de Robert Doisneau et le texte d'Albert Camus. Si les enfants dans Le Premier Homme ne sont guère fortunés, Robert Doisneau met aussi en évidence une forme de pauvreté avec la carcasse d'une voiture brûlée. Le terrain vague sur lequel est entreposé le véhicule confirme l'idée d'abandon et de marge, de marginalité. À l'arrière-plan, les immeubles haussmanniens abîmés par les bombardements de la Seconde Guerre mondiale supposent une vie devenue éprouvante et difficile pour ses habitants comme celle vécue financièrement par Jacques et ses amis. Les cinq enfants de la photographie se contentent de peu pour jouer et s'accommodent surtout de ce que la vie leur offre comme les enfants du texte de Camus qui ressentent une joie extrême à s'amuser avec l'élément naturel qu'est la mer. Les sourires échangés par les enfants sur la photographie, la bienveillance du grand assis à l'intérieur de la voiture, à droite, à l'égard des deux autres plus petits, rappellent la joie et la complicité de Jacques et de ses amis. Dans chaque support, texte et image, les enfants apparaissent sans leur famille.
Dictée
Le temps dominant est l'imparfait de l'indicatif ; les terminaisons sont les mêmes pour tous les groupes de verbes (-ais, -ais, -ait, -ions, -iez, -aient). Les verbes s'accordent avec leur(s) sujet(s) : « ils étaient » ; « ils partaient » ; « (un grand bruit) qui réveillait […] et faisait » (les verbes s'accordent avec l'antécédent du pronom relatif sujet « qui ») ; « ils couraient » ; « il y avait » ; « on appelait » ; « l'eau ne coulait pas » ; « le bassin […] était rempli » (sujet et verbe sont éloignés ; « rempli », employé avec être s'accorde avec le sujet).
Plusieurs participes présents demeurent invariables, même s'ils se rapportent à « ils » : « promenant », « traversant », « essayant ». Les participes passés employés comme des adjectifs s'accordent en genre et en nombre avec le nom qu'ils qualifient : « des grilles rouillées », « les chats endormis », « ils […] couverts », « le bassin […] bouché ».
Deux verbes sont à l'infinitif : « bondir », « s'attraper » (identifiez l'infinitif en -er, en le remplaçant par un verbe en -ir : de se saisir).
Les adjectifs qualificatifs épithètes s'accordent en genre et en nombre avec le nom qu'ils caractérisent : « un grand bruit » ; « les glycines poussiéreuses » ; « une bonne sueur » ; « la même direction » ; « une station obligatoire » ; « une place assez grande » ; « une énorme fontaine, ronde » ; « les énormes pluies ». Les déterminants sont des indices utiles pour définir le genre (masculin, féminin), le nombre (singulier, pluriel) des mots qui les suivent.
Des noms se terminent par une consonne que l'on n'entend pas ; en trouvant un mot de la même famille, en mettant au féminin, essayez d'identifier cette consonne finale : « complet » (compléter), « long » (longer), « devant » (devanture), « grand » (grande), « bruit » (bruitage), « chat » (chatte), « couverts » (couvertes), « toujours » (tous les jours), « vers » (préposition), « champ » (champêtre), « jet » (jeter), « dont » (pronom relatif, à ne pas confondre avec la conjonction de coordination donc et le nom don), « depuis » (de, puis), « longtemps » (long, temps), « ras » (rase), « bord » (bordure).
Quelques mots présentent une difficulté orthographique : « quartier », « s'attraper » (la plupart des mots commencent par « att- », sauf atelier, atermoyer, atome, atout, atroce, atrophier, atone…), « déjà », « quatre » et « cinq » (ils ne prennent pas de -s à la fin), « là » (adverbe de lieu), « ce qu'on appelait » (cela qu'on appelait), « à ras bord » (au ras du bord), « pays » (paysage, paysan, dépayser, etc.).
Attention à quelques homonymes, souvent sources d'erreur : « la » (raquette)/ « là » (« de là », d'ici) ; « vers » (préposition) / ver, verre, vert ; « champ » / chant (chanson) ; « à » (préposition : à quatre ou cinq rues, à ce qu'on appelait) / a, as (avoir).
Plusieurs participes présents demeurent invariables, même s'ils se rapportent à « ils » : « promenant », « traversant », « essayant ». Les participes passés employés comme des adjectifs s'accordent en genre et en nombre avec le nom qu'ils qualifient : « des grilles rouillées », « les chats endormis », « ils […] couverts », « le bassin […] bouché ».
Deux verbes sont à l'infinitif : « bondir », « s'attraper » (identifiez l'infinitif en -er, en le remplaçant par un verbe en -ir : de se saisir).
Les adjectifs qualificatifs épithètes s'accordent en genre et en nombre avec le nom qu'ils caractérisent : « un grand bruit » ; « les glycines poussiéreuses » ; « une bonne sueur » ; « la même direction » ; « une station obligatoire » ; « une place assez grande » ; « une énorme fontaine, ronde » ; « les énormes pluies ». Les déterminants sont des indices utiles pour définir le genre (masculin, féminin), le nombre (singulier, pluriel) des mots qui les suivent.
Des noms se terminent par une consonne que l'on n'entend pas ; en trouvant un mot de la même famille, en mettant au féminin, essayez d'identifier cette consonne finale : « complet » (compléter), « long » (longer), « devant » (devanture), « grand » (grande), « bruit » (bruitage), « chat » (chatte), « couverts » (couvertes), « toujours » (tous les jours), « vers » (préposition), « champ » (champêtre), « jet » (jeter), « dont » (pronom relatif, à ne pas confondre avec la conjonction de coordination donc et le nom don), « depuis » (de, puis), « longtemps » (long, temps), « ras » (rase), « bord » (bordure).
Quelques mots présentent une difficulté orthographique : « quartier », « s'attraper » (la plupart des mots commencent par « att- », sauf atelier, atermoyer, atome, atout, atroce, atrophier, atone…), « déjà », « quatre » et « cinq » (ils ne prennent pas de -s à la fin), « là » (adverbe de lieu), « ce qu'on appelait » (cela qu'on appelait), « à ras bord » (au ras du bord), « pays » (paysage, paysan, dépayser, etc.).
Attention à quelques homonymes, souvent sources d'erreur : « la » (raquette)/ « là » (« de là », d'ici) ; « vers » (préposition) / ver, verre, vert ; « champ » / chant (chanson) ; « à » (préposition : à quatre ou cinq rues, à ce qu'on appelait) / a, as (avoir).
Rédaction
Sujet d'imagination
Le soleil brille. Le ciel est inondé de lumière et une douce chaleur printanière berce ce quartier parisien. Rempli de nostalgie, je regarde vingt ans après cette place. Aujourd'hui, c'est un écrin de verdure peuplé d'arbres et de fleurs multicolores où les gens apprécient se retrouver, se promener, lire sur les bancs. Aujourd'hui, c'est une aire de jeux dans laquelle les enfants du quartier aiment venir jouer sous le regard bienveillant de leurs mères, qui les félicitent de leurs petites inventions, qui rient de leurs diverses cabrioles.Il y a vingt ans, je jouais aussi ici. Mais c'était un lieu désert, un terrain vague : l'espace était vide et grand, le sol était jonché de cailloux, les immeubles haussmanniens avaient eux-mêmes des fenêtres cassées et des murs abîmés. Toutes ces blessures avaient été causées par les bombardements répétitifs survenus lors de la Seconde Guerre mondiale. Je venais jouer là avec quatre autres enfants : mon petit frère de huit ans, mon voisin, âgé de douze ans, et deux autres petites filles, des jumelles d'à peine cinq ans. Je les surveillais du haut de mes quatorze ans pendant que leur mère travaillait. Tous les jours, après le déjeuner, nous nous réunissions devant ma porte. Après l'échange d'un salut rapide, nous dévalions les trois étages de l'immeuble, à grandes enjambées, pour atteindre au plus vite la porte d'entrée. Et nous la franchissions avec empressement et avec excitation.
Là, le soleil, la chaleur, la lumière nous saisissaient corps et âme. Nous nous élancions prestement vers cette place désolée, caillouteuse, habitée uniquement de notre voiture magique. Nous nous élancions tous dans notre course effrénée qui nous menait à cette voiture toute spéciale. Elle avait été la cible des bombardements et pourtant, nous la trouvions belle. Elle était notre refuge, notre havre de paix et de tranquillité dans lequel nous parvenions à oublier toutes les misères de cette sombre époque. Fondue, elle ne gardait que les éléments essentiels pour être identifiée. Roues, portières, fenêtres avaient disparu. Le feu avait réduit l'éclat de son noir à une couleur bien terne oscillant entre noir et gris. Nous occupions toujours la même place et l'installation était un rituel auquel nous accordions une grande importance. Les deux petites filles étaient assises à l'arrière, mon voisin prenait la place du passager à l'avant et surveillait affectueusement les deux petites en se retournant par moments. Mon petit frère grimpait sur le capot côté chauffeur. Muni de son fouet, il regardait l'horizon et semblait faire avancer des chevaux imaginaires. Et moi, j'étais assis sur ce qui avait été avant le moteur. Je me tenais par un bras sur le toit. Je regardais avec fierté, joie et détermination l'horizon. Je racontais à mes passagers le monde vers lequel nous roulions. Ce monde ressemblait souvent à un lieu paradisiaque dans lequel régnait une végétation luxuriante. Tout était beau, vert. Les fleurs dégageaient leurs suaves et délicats parfums. Les oiseaux enchaînaient de nombreuses mélodies sans aucune lassitude. Nous arrivions dans ce pays des rêves. Enchantés, nous nous prenions pour des princes et des princesses venus d'un autre monde avec notre voiture fondue. On nous servait thé, petits gâteaux, fruits frais. Nous nous amusions à nous cacher derrière ces arbres totalement imaginaires, à rire et à exprimer notre joie, à nous reposer sereinement depuis cette voiture fondue. Mais c'était elle qui nous permettait ce transport, transport devenu magique grâce à la déconnexion opérée avec le monde obscur des adultes. Nous étions heureux…
Le temps passait si vite que nous perdions souvent les repères du vrai temps ! Vite, il fallait tout quitter : lieu paradisiaque, imaginaire, voiture. Vite, il fallait revenir à notre triste réalité. Il fallait courir vite pour rentrer chez soi. La joie ressentie nous aidait à rendre plus rapide cette course tout de même ralentie par la fatigue de nos heures de jeux ; la perspective de la joie du lendemain nous rendait un peu plus légers. Mais il fallait rentrer et retrouver la difficulté de notre quotidien. Les petites filles retrouvaient leur mère qui était rentrée de l'usine. Mon voisin se précipitait chez lui car sa mère ne montrait guère d'indulgence. Mon petit frère et moi, nous rentrions retrouver la seule personne qui nous restait au monde, notre grand-mère…
Sujet de réflexion
Quelle que soit sa forme, l'art constitue un mode d'expression à part entière qui est reçu différemment par chacun et qui, selon moi, ne peut laisser indifférent.La littérature, le cinéma et les autres arts permettent en effet de découvrir la vie de personnages fictifs ou réels. Mais que peut m'apporter, nous apporter cette découverte ?
Dans un premier temps, nous verrons en quoi la découverte de la vie de personnages fictifs ou réels favorise une meilleure connaissance de soi. Dans un second temps, nous verrons en quoi cette découverte participe à un enrichissement culturel personnel.
Regarder, lire, observer, étudier la vie d'autrui aide la construction de soi par le retour personnel sur soi qui est opéré. La découverte de la vie de personnages fictifs ou réels instaure un partage et un mouvement de va-et-vient allant d'eux à nous. Leurs différentes interrogations existentielles – rapport à la vie, à la mort ; conception du bonheur, de l'amour ; acceptation de soi physiquement et moralement – peuvent soutenir notre propre quête en la complétant, en lui apportant de nouveaux éléments de réflexion, des éclairages insoupçonnés. L'intransigeance dont fait preuve Michel Leiris dans son autoportrait qui figure dans L'Âge d'homme est une façon de montrer au lecteur la possibilité de s'accepter soi tel que l'on est et l'importance aussi de faire preuve de dérision et d'humour pour se voir tel que l'on est.
Découvrir la vie de personnages fictifs ou réels invite à une prise de conscience, à prendre position, à s'engager pour une cause ou pour la défense d'une idée, à faire réfléchir. Dans Cannibale, Didier Daeninckx raconte le traitement réservé aux populations kanak lors de l'Exposition coloniale de 1931 au bois de Vincennes, à Paris. Le lecteur suit la vie de ces personnages durant l'Exposition, le périple mené par Gocéné et Badimoin pour retrouver leur amie Minoé, les mauvais traitements qu'ils reçoivent. De la même manière, l'artiste sculpteur sénégalais Ousmane Sow montre des statues grandeur nature voire plus. Les hommes sculptés sont issus de tribus diverses comme les Noubas, les Masaï. Il donne à voir l'autre dans toute sa différence. Le lecteur ne peut donc pas rester indifférent : il réfléchit à l'acceptation de l'autre, à la différence, à la violence engendrée par ce refus, à la question de la supériorité que certains hommes établissent par rapport à d'autres. La découverte de ces personnages invite ainsi le lecteur à approfondir ses réflexions sur le racisme, à préciser son jugement critique, à aller voir d'autres œuvres d'art pour compléter ses connaissances.
La découverte de la vie de personnages fictifs ou réels procure aussi de la joie, du plaisir. Le moment consacré à l'apprentissage, à la découverte conduit le lecteur à libérer différentes émotions, à ressentir de la joie, du plaisir mais également parfois du dégoût. La réaction émotionnelle, qu'elle soit négative ou positive, confirme qu'une interaction a eu lieu entre les personnages réels ou fictifs de l'œuvre et les lecteurs. Dans La Dame pâle de Dumas, le lecteur ne reste pas insensible aux aventures mystérieuses que vit Hedwige dans un étrange château entre la Roumanie et la Pologne, au beau milieu des Carpates. Les morts qui viennent lui rendre visite génèrent aussi quelques frissons chez le lecteur. Découvrir la vie de personnages réels ou fictifs, vivre par procuration provoquent ainsi des réactions émotionnelles chez le lecteur, enrichissant la palette de ses sensations, de ses sentiments, en le confrontant à des situations qu'il ne connaît pas, ou du moins pas encore pour certaines. Ainsi il acquiert une « expérience » qui l'arme pour la suite de son existence.
Découvrir la vie de personnages réels ou fictifs permet de mieux comprendre l'époque historique concernée, d'en saisir toute la complexité et peut-être de voir les conséquences qu'elle a pu avoir sur la suite. Observer la photographie de Robert Doisneau, La Voiture fondue, permet de voir, de visualiser les conséquences dramatiques des bombardements de la Seconde Guerre mondiale qui n'empêchent pas les enfants de garder le sourire et d'adapter leur jeu. Cet écart est peut-être le plus touchant et le plus déstabilisant car il insiste sur l'importance de la vie, ses priorités, ses essentiels. Toutes les photographies de Doisneau portent un regard humain sur les personnes qu'elles fixent sur la pellicule. Le photographe nous invite à pénétrer dans la vie de ces personnes simples, parfois oubliées, pour mieux nous faire comprendre, voir leur quotidien, pour garder trace et mémoire de tous ces gens. Le film de Steven Spielberg, La Liste de Schindler, montre comment Schindler, industriel allemand nazi, aidé de son comptable juif Itzhak Stern, corrompt des membres de la Wehrmacht, pour acquérir une usine de métal. Le bon fonctionnement de son usine lui permettra de sauver des juifs de la déportation dans les camps de concentration avant que lui-même découvre les horreurs du ghetto de Cracovie. Ce film permet donc de découvrir le fonctionnement du ghetto et renseigne sur les terribles heures de cette époque, ancrant ainsi dans notre être le devoir de mémoire.
Découvrir la vie de personnages réels ou fictifs invite aussi à explorer les lieux dans lesquels ils habitent, à se familiariser avec les caractéristiques de tels ou tels paysages. Les tableaux des peintres peuvent en effet nous offrir cette découverte : Paul Cézanne nous délivre la lumière du sud-est, nous confie les différents états de la montagne Sainte-Victoire. Zola, parmi d'autres écrivains, accorde une importance toute particulière à la description des lieux dans ses romans. Cette minutie accordée à l'art de la description permet au lecteur de bien s'imprégner de ces lieux, de leur fonctionnement comme les mines de charbon dans Germinal ou les grands magasins dans Au Bonheur des dames. Cette fonction informative est essentielle pour construire notre identité.
Découvrir la vie de personnages réels ou fictifs donne la possibilité d'accéder à d'autres cultures, à d'autres mœurs, à d'autres modes de vie. Le lecteur peut en relever les différences, apprendre de nos nouveaux modes de vie. Les récits de voyage sont souvent l'occasion de telles confidences. Vassili Golovanov dans Éloge des voyages insensés, montre la vie du peuple Nenets. Ces hommes vivent dans le Grand Nord sibérien essentiellement de pêche, de cueillette et de leurs rennes. Leur mode de vie est constamment menacé par les autorités politiques, par les industries qui souhaitent exploiter la richesse des sous-sols, par le réchauffement climatique, par les différentes évolutions culturelles. Le lecteur a ainsi pu faire un voyage par les mots et découvrir un nouveau peuple, et sans doute éveiller sa conscience écologique.
Finalement, la découverte de la vie de personnages réels et fictifs est fort intéressante. Elle permet un enrichissement à la fois personnel et culturel. Cette découverte est d'autant plus passionnante qu'elle passe par les arts (littérature, film, peinture…) en instaurant un dialogue entre le lecteur et l'œuvre d'art. L'art possède donc un rôle unificateur essentiel dans les civilisations.