Énoncé
Texte
Dans ce roman en forme d'autobiographie fictive, la narratrice, Geneviève, vient d'entendre en classe de français une autre élève, Sara Keller, réciter un extrait d'une pièce de théâtre.
« La maîtresse elle-même semblait émue.
– Mademoiselle Keller – nous dit-elle enfin, après que la récitation fut finie, – nous vous remercions toutes(1). Avec les dons que vous avez, vous êtes inexcusable de ne pas travailler davantage.
Sara fit une courte révérence(2) ironique, une sorte de pirouette, et rejoignit sa place auprès de moi.
J'étais toute tremblanfte d'une admiration, d'un enthousiasme que j'eusse voulu lui exprimer, mais il ne me venait à l'esprit que des phrases que je craignais qu'elle ne trouvât ridicules. La classe était près de finir. Vite, je déchirai le bas d'une feuille de mon cahier ; j'écrivis en tremblant sur ce bout de papier : « Je voudrais être votre amie » et glissai vers elle gauchement ce billet.
Je la vis froisser le papier ; le rouler entre ses doigts. J'espérais un regard d'elle, un sourire, mais son visage restait impassible et plus impénétrable que jamais. Je sentis que je ne pourrais supporter son dédain et m'apprêtais à la haïr.
– Déchirez donc ça, – lui dis-je d'une voix contractée. Mais, soudain, elle redéplia le papier, passa sa main dessus pour l'aplanir, et comme ayant pris une résolution… À ce moment, j'entendis mon nom : la maîtresse m'interrogeait. Je dus me lever, je récitai de manière machinale un court poème de Victor Hugo, qu'heureusement je savais fort bien. Dès que rassise, Sara glissa dans ma main le billet au verso duquel elle avait écrit : « Venez chez nous dimanche prochain, à trois heures. » Mon cœur se gonfla de joie et, enhardie :
– Mais je ne sais pas où vous habitez !
Alors elle :
– Passez-moi le papier.
Et tandis que, la classe finie, les élèves rassemblaient leurs affaires et se levaient pour partir, elle écrivit au bas du billet : « Sara Keller, 16 rue Campagne-Première ».
J'ajoutai prudemment :
– Je ne sais pas encore si je pourrai ; il faut que je demande à maman.
Elle ne sourit pas précisément, mais les coins de ses lèvres se relevèrent. Ça pouvait être de la moquerie ; aussi ajoutai-je bien vite :
– Je crains que nous ne soyons déjà invitées.
Habitant dans un tout autre quartier et assez loin du lycée, je devais me séparer de Sara dès la sortie ; d'ordinaire je m'en allais seule et très vite. Ma mère, qui voulait me marquer sa confiance, ne venait pas me chercher, mais elle m'avait fait promettre de rentrer toujours directement et de ne m'attarder point à causer avec les autres élèves. Ce jour-là, je courus durant la moitié du trajet, tant j'étais pressée de lui faire part de la proposition de Sara. […]
Comme j'avais enfin demandé : « Est-ce que tu me permettras d'y aller ? » maman ne répondit pas aussitôt. Je savais qu'elle avait toujours peine à me refuser quelque chose :
– Je voudrais d'abord en savoir un peu plus sur ta nouvelle amie et ses parents. Lui as-tu demandé ce que faisait son père ?
J'avouai que je n'y avais pas songé, et promis de m'en informer. Deux jours nous séparaient encore du dimanche.
– Demain, je viendrai te chercher à la sortie, – ajouta ma mère – tu tâcheras de me présenter cette enfant ; je voudrais la connaître. »
– Mademoiselle Keller – nous dit-elle enfin, après que la récitation fut finie, – nous vous remercions toutes(1). Avec les dons que vous avez, vous êtes inexcusable de ne pas travailler davantage.
Sara fit une courte révérence(2) ironique, une sorte de pirouette, et rejoignit sa place auprès de moi.
J'étais toute tremblanfte d'une admiration, d'un enthousiasme que j'eusse voulu lui exprimer, mais il ne me venait à l'esprit que des phrases que je craignais qu'elle ne trouvât ridicules. La classe était près de finir. Vite, je déchirai le bas d'une feuille de mon cahier ; j'écrivis en tremblant sur ce bout de papier : « Je voudrais être votre amie » et glissai vers elle gauchement ce billet.
Je la vis froisser le papier ; le rouler entre ses doigts. J'espérais un regard d'elle, un sourire, mais son visage restait impassible et plus impénétrable que jamais. Je sentis que je ne pourrais supporter son dédain et m'apprêtais à la haïr.
– Déchirez donc ça, – lui dis-je d'une voix contractée. Mais, soudain, elle redéplia le papier, passa sa main dessus pour l'aplanir, et comme ayant pris une résolution… À ce moment, j'entendis mon nom : la maîtresse m'interrogeait. Je dus me lever, je récitai de manière machinale un court poème de Victor Hugo, qu'heureusement je savais fort bien. Dès que rassise, Sara glissa dans ma main le billet au verso duquel elle avait écrit : « Venez chez nous dimanche prochain, à trois heures. » Mon cœur se gonfla de joie et, enhardie :
– Mais je ne sais pas où vous habitez !
Alors elle :
– Passez-moi le papier.
Et tandis que, la classe finie, les élèves rassemblaient leurs affaires et se levaient pour partir, elle écrivit au bas du billet : « Sara Keller, 16 rue Campagne-Première ».
J'ajoutai prudemment :
– Je ne sais pas encore si je pourrai ; il faut que je demande à maman.
Elle ne sourit pas précisément, mais les coins de ses lèvres se relevèrent. Ça pouvait être de la moquerie ; aussi ajoutai-je bien vite :
– Je crains que nous ne soyons déjà invitées.
Habitant dans un tout autre quartier et assez loin du lycée, je devais me séparer de Sara dès la sortie ; d'ordinaire je m'en allais seule et très vite. Ma mère, qui voulait me marquer sa confiance, ne venait pas me chercher, mais elle m'avait fait promettre de rentrer toujours directement et de ne m'attarder point à causer avec les autres élèves. Ce jour-là, je courus durant la moitié du trajet, tant j'étais pressée de lui faire part de la proposition de Sara. […]
Comme j'avais enfin demandé : « Est-ce que tu me permettras d'y aller ? » maman ne répondit pas aussitôt. Je savais qu'elle avait toujours peine à me refuser quelque chose :
– Je voudrais d'abord en savoir un peu plus sur ta nouvelle amie et ses parents. Lui as-tu demandé ce que faisait son père ?
J'avouai que je n'y avais pas songé, et promis de m'en informer. Deux jours nous séparaient encore du dimanche.
– Demain, je viendrai te chercher à la sortie, – ajouta ma mère – tu tâcheras de me présenter cette enfant ; je voudrais la connaître. »
André Gide, Geneviève ou la Confidence inachevée, 1936.
Image
Raphaël, Autoportrait avec un ami, 1518-1520 (Département des peintures du musée du Louvre, Paris). © Wikimedia Commons/Domaine public. |
Travail sur le texte littéraire et sur l'image
Les réponses aux questions doivent être entièrement rédigées.
Grammaire et compétences linguistiques
1. « son visage restait […] plus impénétrable que jamais ». Étudiez la composition du mot souligné et dites quel est son sens dans la phrase.
Observez le mot « impénétrable ». Repérez le radical du mot ainsi que le(s) préfixe(s) et/ou suffixe(s). Quand un mot comporte un préfixe et un suffixe, le radical constitue le noyau central. Définissez le sens du radical puis le sens du préfixe et du suffixe identifiés et enfin le sens général du mot.
2. « Mais, soudain, elle redéplia le papier, passa sa main dessus pour l'aplanir, et comme ayant pris une résolution… À ce moment, j'entendis mon nom : la maîtresse m'interrogeait. Je dus me lever, je récitai de manière machinale un court poème de Victor Hugo, qu'heureusement je savais fort bien. ».
Réécrivez ce passage en inversant les personnes : « Mais soudain, je… À ce moment, elle… ».
Réécrivez ce passage en inversant les personnes : « Mais soudain, je… À ce moment, elle… ».
Commencez par souligner :
- « elle », puis les verbes dont « elle » est sujet et enfin le(s) possessif(s) correspondant à ce pronom personnel ;
- « je », puis les verbes dont « je » est sujet, les autres formes du pronom personnel de 1re personne et enfin le(s) possessif(s) correspondant à ce pronom personnel.
- accordez les verbes avec leur nouveau sujet, en conservant le même temps ;
- modifiez les pronoms personnels compléments et les possessifs.
3. « Demain, je viendrai te chercher à la sortie, – ajouta ma mère – tu tâcheras de me présenter cette enfant ; je voudrais la connaître. ».
a) Identifiez et justifiez le temps du verbe « ajouter » dans cette phrase.
Observez le système des temps employé dans ce texte narratif : récit au présent ou au passé ? Identifiez le groupe auquel appartient le verbe « ajouta ». Interrogez-vous : est-ce un temps simple ou un temps composé ? Quelle est la terminaison de cette 3e personne du singulier ? À quel temps correspond cette terminaison ? Dans quelle partie de la phrase le verbe « ajouta » est-il employé ? Les autres verbes de la phrase sont-ils conjugués au même temps ? Pourquoi ? Relisez de « Comme j'avais enfin demandé » à « as-tu demandé ce que faisait son père ? » . Observez bien la ponctuation.
b) « je viendrai » ; « je voudrais » : expliquez la différence d'orthographe.
Observez la terminaison de ces deux verbes conjugués à la 1re personne du singulier, elles sont très proches : « -drai » et « -drais ». À quels temps correspondent ces terminaisons ?
Compréhension et compétences d'interprétation
Ce texte est extrait d'un roman en forme d'autobiographie. Mobilisez les savoirs et les outils d'analyse correspondants : temps du récit, narrateur, narration à la 1re ou à la 3epersonne, point de vue (ou focalisation), récit, description, dialogue, etc.
1. De quel personnage vous sentez-vous le plus proche ? Pourquoi ?
Relisez le texte. Lequel des deux personnages préférez-vous ? Vous sentez-vous proche de Sara, la narratrice, ou de Geneviève ? Quels traits de caractère, quelle situation, quelles réactions des personnages justifient votre choix ?
2. De « J'étais toute tremblante » à « Mais je ne sais pas où vous habitez ! » :
a) Quels sont les émotions et les sentiments ressentis par Geneviève au fil de ce passage ?
La question porte sur les émotions et les sentiments de Geneviève : le pluriel implique une certaine variété. Relisez de « J'étais toute tremblante » à « Mais je ne sais pas où vous habitez ! » , relevez les divers sentiments et émotions de Geneviève exprimés par un champ lexical (verbes, noms, adjectifs, adverbes).
b) Comment expliquez-vous leur variation ?
Précisez les raisons de cette variété des sentiments et émotions. Interrogez-vous : quel(s) changement(s) explique(nt) cette évolution ? Quelle(s) modification(s) du rapport à Sara provoque cette variation chez Geneviève ?
3.
a) Que peut-on savoir des sentiments et émotions de Sara ?
Analysez le mode de narration dans ce texte. Interrogez-vous : qui est le narrateur ? Quel est le point de vue (focalisation) adopté (interne, externe, omniscient) ? Qui donne les informations ? Ces informations sont-elles complètes ou limitées ?
b) Pour quelle raison le lecteur la connaît-il moins bien que Geneviève ?
Relisez la question a) et les conseils donnés pour y répondre.
4. Quel rôle joue à la fin du texte la mère de Geneviève ?
En vous appuyant sur votre expérience personnelle, analysez les relations entre Geneviève et sa mère. N'oubliez pas de replacer ce récit dans son contexte : relevez la date de publication du roman, relisez la note 1. Quelle est l'attitude de la mère vis-à-vis de sa fille ? Quel type d'éducation lui donne-t-elle ? Déduisez de vos observations le rôle joué par la mère à la fin du texte.
5. Quels sont les éléments qui, dans ce texte, vous paraissent dater d'un autre temps ? Qu'est-ce qui, en revanche, vous paraît encore actuel ?
Comparez l'éducation reçue par Geneviève, les principes sur lesquels elle repose avec ce que vous vivez aujourd'hui. Relisez les notes 1 et 2.
6. Quels sont les éléments qui permettent au spectateur de voir dans le tableau de Raphaël une représentation de l'amitié ?
Observez le tableau de Raphaël : composition, personnages, attitudes, expression des visages, gestes, etc. Interrogez-vous : quels éléments traduisent l'amitié qui unit les personnages ?
Dictée
La camaraderie mène à l'amitié : deux garçons découvrent entre eux une ressemblance : « Moi aussi… C'est comme moi… » tels sont les mots qui d'abord les lient. Le coup de foudre est de règle en amitié. Voilà leur semblable enfin, avec qui s'entendre à demi-mot. Sensibilités accordées ! Les mêmes choses les blessent et les mêmes les enchantent. Mais c'est aussi par leurs différences qu'ils s'accordent : chacun admire dans son ami la vertu dont il souffrait d'être privé. […] Dans l'amitié véritable, tout est clair, tout est paisible ; les paroles ont un même sens pour les deux amis.
François Mauriac, Le Jeune Homme, 1925.
François Mauriac, Le Jeune Homme, 1925.
Rédaction
Vous traiterez à votre choix l'un des sujets suivants.
Sujet d'imagination
Rédigez la suite du texte, en racontant la scène de présentation de Sara à la mère de Geneviève. Votre récit sera en cohérence avec ce que le texte de Gide vous a appris des intentions et des caractères des personnages.
Procéder par étapes
Étape 1. Lisez attentivement le sujet. Repérez et soulignez les mots clés : « la suite du texte », « en racontant », « la scène », « présentation de Sara à la mère de Geneviève », « des intentions et des caractères des personnages ».Étape 2. Repérez et encadrez la forme du texte à produire : « la suite du texte » (suite d'un extrait de roman), « la scène de présentation ». Dans un roman, une scène est un passage où des personnages dialoguent directement, comme au théâtre.
Il faut donc respecter :
- la situation et ses perspectives narratives : la mère vient attendre Geneviève à la sortie du lycée afin de faire la connaissance de Sara ; l'invitation de Sara ;
- le genre narratif : le récit, avec sa chronologie, ses péripéties, ses passages descriptifs et dialogués (échanges entre la narratrice, sa mère et Sara), sans terminer le récit des aventures de la narratrice ;
- l'introduction du dialogue dans le roman : personnes, temps des verbes, ponctuation ; la narration à la 1re personne du singulier ;
- le cadre spatio-temporel (le lycée en 1913, « Demain je viendrai te chercher à la sortie »), le caractère et la situation des personnages (éducation, autorité de la mère, timidité de Geneviève, etc.) ;
- l'effet à produire : faire la connaissance de Sara pour savoir si Geneviève pourra aller chez elle dimanche ;
- les temps du récit (passé simple comme temps principal) et du dialogue (présent de l'indicatif comme temps principal) ;
Étape 3. Trouvez des idées : suite du texte (la sortie du lycée le lendemain, la présentation de Sara à la mère, description du personnage, attitudes et réactions des personnages, sentiments (peur, joie, soulagement, etc.), dialogue (questionnement de Sara par la mère : profession des parents, adresse, loisirs, etc.), décision de la mère (Geneviève sera-t-elle autorisée à aller chez Sara ?).
Étape 4. Établissez le plan de votre rédaction :
Étape 4. Établissez le plan de votre rédaction :
- mise en place de la suite du récit (le lendemain, la sortie du lycée, les élèves qui discutent, partent, s'attardent, etc.) ;
- rencontre entre Sara, Geneviève, la mère ;
- réactions et actions, attitudes et sentiments des personnages, dialogue ;
- dénouement : bonne ou mauvaise impression ; décision de la mère.
Étape 5. Rédigez votre texte en formant des paragraphes pour les différentes parties, en respectant les règles d'insertion du dialogue dans le récit (verbes introducteurs, indications sur la façon de parler ou les sentiments, ponctuation, retour à la ligne). Dans le texte de Gide, le dialogue ne comporte pas de guillemets pour signaler les dialogues, ne les utilisez donc pas.
Étape 6. Relisez-vous et corrigez d'éventuelles erreurs de ponctuation, d'orthographe.
Étape 6. Relisez-vous et corrigez d'éventuelles erreurs de ponctuation, d'orthographe.
Sujet de réflexion
Pourquoi est-il important d'avoir des amis ? Vous répondrez à cette question en développant plusieurs arguments.
Procéder par étapes
Étape 1. Lisez attentivement le sujet. Repérez et soulignez les mots clés : « avoir des amis », « Pourquoi est-il important ». Le thème général est l'amitié.Étape 2. Repérez la forme du texte à produire : « Pourquoi… ? ». « Vous répondrez à cette question » sur le thème « en développant plusieurs arguments ».
Il faut donc respecter :
Il faut donc respecter :
- le genre argumentatif : le développement organisé, avec sa progression, ses analyses et ses arguments, ses exemples ;
- le temps de l'argumentation : le présent et les temps qui s'articulent avec lui ;
- la composition en parties et paragraphes.
Étape 3. La thèse à développer est proposée dans le sujet : il est important d'avoir des amis. Vous devez la justifier en proposant divers arguments (au moins trois) et des exemples.
Étape 4. Trouvez :
Étape 4. Trouvez :
- des idées et des arguments pour défendre la thèse proposée ;
- des exemples choisis dans des œuvres littéraires, musicales ou cinématographiques pour illustrer la thèse.
Étape 5. Établissez le plan de votre argumentation.
- L'introduction présente le thème et pose la thèse à défendre. Passez une ligne avant le développement.
- Le développement expose votre point de vue, soutenu par au moins trois arguments et trois exemples. Un paragraphe développe un argument. Défendez cette thèse en utilisant des modalisateurs de certitude (assurément, j'affirme, incontestablement…) ou de nuance (peut-être, sans doute, emploi du conditionnel, mais, certes…), des figures de style comme l'hyperbole, l'énumération, les fausses questions (ou questions rhétoriques) ou le vocabulaire positif, mélioratif pour affirmer votre point de vue. Passez une ligne avant la conclusion.
- La conclusion rappelle que vous avez répondu à la question posée en dressant un bilan rapide.
Étape 6. Rédigez en matérialisant les parties (sauts de ligne, retours à la ligne).
Étape 7. Relisez-vous et corrigez d'éventuelles erreurs d'orthographe, de syntaxe, de ponctuation.
Étape 7. Relisez-vous et corrigez d'éventuelles erreurs d'orthographe, de syntaxe, de ponctuation.
Corrigé
Travail sur le texte littéraire et sur l'image
Grammaire et compétences linguistiques
1. L'adjectif « impénétrable » est formé sur le verbe « pénétrer », avec le préfixe de sens négatif in-/im-/il- et le suffixe -able, signifiant « qui peut être ». Un visage impénétrable est un visage fermé, qu'on ne peut pénétrer, dont on ne peut saisir les émotions, les sentiments ou les pensées.
2. Mais, soudain, je redépliai le papier, passai ma main dessus pour l'aplanir, et comme ayant pris une résolution… À ce moment, elle entendit son nom : la maîtresse l'interrogeait. Elle dut se lever, elle récita de manière machinale un court poème de Victor Hugo, qu'heureusement elle savait fort bien.
3.
a) Le verbe « ajouta » est conjugué au passé simple. Il est employé dans une proposition incise, à l'intérieur des paroles de la mère rapportées par la narratrice. Le récit repose principalement sur l'imparfait et le passé simple ; c'est pourquoi le verbe qui introduit le discours direct est au passé simple.
b) « je viendrai » est conjugué au futur simple de l'indicatif. La forme « je voudrais » est celle du conditionnel présent ; les terminaisons de ce temps sont semblables à celles de l'imparfait (-ais, -ais, -ait, -ions, -iez, -aient).
Compréhension et compétences d'interprétation
1. En lisant cet extrait, je me sens plus proche de Geneviève, non pas parce qu'elle est l'héroïne du roman qui porte son nom, mais parce que la gamme de ses sensations, de ses émotions et de ses sentiments est très large. Elle passe de l'admiration à l'inquiétude, voire à la haine, de l'abattement à la joie. Cette richesse témoigne de la complexité du personnage, de sa fragilité : Geneviève est tiraillée entre ses aspirations à la liberté, son désir d'amitié et les règles d'une éducation stricte telle qu'elle était imposée aux jeunes filles au début du xxe siècle, imposée par une mère très protectrice, soucieuse des conventions sociales. Le personnage de Sara Keller, dans cet extrait, me semble moins intéressant : elle ne laisse transparaître aucune émotion, aucun sentiment ; on pressent cependant une certaine indépendance, de la désinvolture, à travers son attitude ironique (« Sara fit une courte révérence ironique ») ; elle incarne le dilettante, l'élève qui possède de nombreuses qualités mais qui ne les exploite pas.
2.
a) Geneviève ressent des émotions et des sentiments nombreux et variés : « l'admiration », l'« enthousiasme » , la crainte du ridicule (« il ne me venait à l'esprit que des phrases que je craignais qu'elle ne trouvât ridicules »), l'espoir (« J'espérais »), la tentation de la haine (« à la haïr »), la « joie », la hardiesse et l'assurance (« enhardie »). Par ailleurs, divers signes physiques traduisent ces sentiments et ces émotions : l'incapacité à trouver les mots justes pour exprimer ce qu'elle ressent, le tremblement (« J'étais toute tremblante », « j'écrivis en tremblant »), l'empressement (« vite, je déchirai »), la maladresse (« gauchement »), l'altération de la voix (« d'une voix contractée »), l'accélération du cœur (« Mon cœur se gonfla de joie »). Toutes ces sensations correspondent aux sentiments positifs ou négatifs que Geneviève éprouve, au trouble qui est le sien.
b) Cette variation des émotions et des sentiments s'explique par la difficulté à déchiffrer, à deviner ce que Sara Keller éprouve ; en effet son visage demeure « impassible », « impénétrable ». De plus, elle froisse le papier puis le roule entre ses doigts comme si elle était indifférente au message de Geneviève. Cette dernière ne peut qu'imaginer les pensées et les sentiments de Sara et, comme elle est timide, comme elle manque de confiance en elle, elle passe rapidement d'un sentiment à son contraire.
3.
a) Le lecteur ne peut rien savoir des sentiments et émotions de Sara, car Geneviève, la narratrice, ne les connaît pas non plus : le visage de Sara reste « impassible » et même « plus impénétrable que jamais », ce qui signifie qu'il laisse encore moins transparaître ses pensées ou réactions. Ainsi, Geneviève ne sait pas interpréter le « sourire » de Sara : « Ça pouvait être de la moquerie. » Tout est perçu par Geneviève et sa perception est limitée à ce qu'elle voit, entend, sait.
b) Le lecteur connaît Sara encore moins bien que Geneviève, car la narration à la 1re personne implique un point de vue (focalisation) interne, donc limité à ce que, dans ce roman, la narratrice voit, entend, sait. Seul un point de vue omniscient permettrait au lecteur de tout connaître de Sara, de Geneviève et des autres personnages.
4. La mère de Geneviève est hyperprotectrice, l'éducation qu'elle donne à sa fille repose sur des règles strictes (pas de discussions à la sortie du lycée, retour direct à la maison) mais aussi sur une forme de confiance puisqu'elle ne vient pas chercher sa fille à la sortie du lycée. À la fin du texte, la mère joue le rôle de chaperon, qui surveille les fréquentations de Geneviève, l'interroge sur la profession des parents, sur leur milieu social, vérifie la bonne moralité de cette famille. C'est sans aucun doute le rôle d'une mère en 1913, car la condition des jeunes filles était très différente de celle d'aujourd'hui : leur liberté, leur indépendance étaient très limitées, leur éducation très stricte.
5. L'absence de mixité du lycée date d'un passé très lointain ; aujourd'hui, les établissements scolaires sont mixtes. La récitation n'est plus un exercice pratiqué fréquemment de nos jours. La révérence, avant de retourner à sa place, ne se pratique plus non plus. En revanche, les petits messages que l'on passe discrètement, les bavardages, les discussions à la fin des cours, les invitations entre camarades sont encore actuels. Dans le texte, Geneviève et Sara se vouvoient (« Déchirez donc ça » ; « Passez-moi le papier ») ; de nos jours, les élèves utilisent le tu entre eux. Les parents surveillent-ils encore les fréquentations de leurs enfants ? Certains le font, d'autres, non.
6. Les deux personnages sont proches, celui du fond pose amicalement sa main sur l'épaule du personnage du premier plan. La sérénité de cette scène d'intimité traduit bien les liens d'amitié qui les unissent. Si le personnage d'arrière-plan plonge son regard dans celui du peintre et du spectateur, l'autre se tourne légèrement et lève les yeux vers son ami. Ces regards pleins de douceur sont très expressifs. La légère différence de taille, la main posée sur l'épaule, le regard vers le lointain du plus grand procurent une impression de protection.
Dictée
Le temps dominant du texte est le présent de l'indicatif ; les terminaisons varient selon le groupe du verbe et selon l'accord avec le sujet :
Deux verbes sont à l'infinitif : « s'entendre », « d'être privé » (le participe passé s'accorde avec « il »).
Les adjectifs ou les participes passés épithètes s'accordent avec le nom ou le pronom qu'ils qualifient : « Sensibilités accordées », « l'amitié véritable ».
Plusieurs adjectifs attributs du sujet s'accordent avec le sujet du verbe être : « tels sont les mots », « tout est clair », « tout est paisible ».
Plusieurs mots comportent une consonne doublée : « ressemblance », « comme », « accordées » / « accordent », « blessent », « aussi », « différences », « souffrait ».
Plusieurs mots se terminent par une consonne que l'on n'entend pas ; en mettant au féminin ou en trouvant un mot de la même famille, identifiez cette consonne : « mot » (motus), « d'abord » (aborder), « coup » (coupe, couper), « dont », « tout » (toute).
Plusieurs mots présentent une particularité orthographique souvent source d'erreur :
Les liaisons permettent d'identifier la finale et l'initiale des mots qui se suivent : « mène à », « découvrent entre eux », « foudre est », « règle en », « semblable enfin », « s'entendre à », « sensibilités accordées », « les enchantent », « dont il », « tout est », « les paroles ont un ».
- les verbes du 1er groupe (terminaisons -e, -es, -e, -ons, -ez, -ent : « la camaraderie mène », « (les mots) qui… lient », « lient » s'accordant avec l'antécédent du pronom relatif sujet « qui »), « Les mêmes choses les blessent », « les mêmes les enchantent », « ils s'accordent », « chacun admire » ;
- les auxiliaires ou verbes du 3e groupe (terminaisons : -s/-x/-e, -s/-x/-es, -t/-e/-d, -ons/-ommes, -ez, -ent/-ont) : « deux garçons découvrent » (découvrir), « c'est », « sont les mots », « le coup de foudre est », « tout est », « les paroles ont ».
Deux verbes sont à l'infinitif : « s'entendre », « d'être privé » (le participe passé s'accorde avec « il »).
Les adjectifs ou les participes passés épithètes s'accordent avec le nom ou le pronom qu'ils qualifient : « Sensibilités accordées », « l'amitié véritable ».
Plusieurs adjectifs attributs du sujet s'accordent avec le sujet du verbe être : « tels sont les mots », « tout est clair », « tout est paisible ».
Plusieurs mots comportent une consonne doublée : « ressemblance », « comme », « accordées » / « accordent », « blessent », « aussi », « différences », « souffrait ».
Plusieurs mots se terminent par une consonne que l'on n'entend pas ; en mettant au féminin ou en trouvant un mot de la même famille, identifiez cette consonne : « mot » (motus), « d'abord » (aborder), « coup » (coupe, couper), « dont », « tout » (toute).
Plusieurs mots présentent une particularité orthographique souvent source d'erreur :
- « amitié », « sensibilités » : les noms féminins en -té ou -tié se terminent par -é, sauf dictée, jetée, montée, portée, pâtée et les noms indiquant un contenu (assiettée, brouettée, etc.) ;
- « garçon » (présence de la cédille (ç) devant on) ;
- « ressemblance », « semblable » : em devant b, p ou m ;
- « demi-mot » (trait d'union obligatoire entre « demi » et « mot ») ;
- « vertu » : les noms féminins se terminent par -ue (charrue, verrue, cohue, etc.) sauf glu, bru, vertu, tribu ;
- « en », « em », « an » ? « ressemblance », « semblable », « enfin », « s'entendre », « sensibilités », « enchantent », « différences », « dans », « sens ».
Les liaisons permettent d'identifier la finale et l'initiale des mots qui se suivent : « mène à », « découvrent entre eux », « foudre est », « règle en », « semblable enfin », « s'entendre à », « sensibilités accordées », « les enchantent », « dont il », « tout est », « les paroles ont un ».
Rédaction
Sujet d'imagination
Cette nuit-là, je dormis assez mal. J'appréhendais la rencontre avec Sara. Comment ma mère allait-elle la trouver ? Ses questions contrarieraient-elles Sara ? Sara se montrerait-elle ironique ou impertinente en réaction à la curiosité de ma mère ? Toutes ces interrogations se bousculaient, c'était une terrible tempête sous mon crâne ! J'attendais cette entrevue à la fois avec impatience et crainte. Et si Sara ne plaisait pas à ma mère ?Le lendemain, ma mère nous attendait à la sortie du lycée, un peu à l'écart afin d'observer discrètement Sara. Après quelques minutes, elle s'approcha et nous emmena loin des autres lycéens.
– Bonjour ma chérie. Bonjour Sara. Alors c'est toi, la nouvelle amie de Geneviève ?
– Bonjour Madame, répondit-elle avec un air modeste que je ne lui connaissais pas. Oui, Geneviève et moi sommes amies.
– Tu l'as invitée à te rendre visite dimanche. C'est une gentille attention, car Geneviève sort très peu, elle se lie difficilement avec les enfants de son âge. Dis-moi, que font tes parents ? demanda-t-elle brusquement.
Je fus surprise du caractère abrupt de cette question. Ma mère allait droit au but ! Ce que je redoutais…
– Ma mère ne travaille pas, c'est une mère au foyer comme on dit. Quant à mon père, il est artiste…
– Artiste ? interrompit ma mère.
Son visage pâlit aussitôt. Sans doute espérait-elle que le père de Sara soit médecin, notaire, fonctionnaire dans l'administration… une profession honorable, selon elle. Artiste ! Quelle catastrophe ! Adieu l'invitation de dimanche ! Jamais mes parents ne m'autoriseraient à fréquenter la fille d'un artiste, d'un saltimbanque, d'un être sans foi ni loi !…
– Où habitez-vous ? poursuivit-elle, sans manifester davantage sa contrariété.
– Rue Campagne-Première, au numéro 16, répondit Sara sans montrer le moindre agacement. C'est un petit hôtel particulier que nous occupons depuis la rentrée des classes. Avant nous vivions à Genève, en Suisse, d'où la famille de mon père est originaire. Mon grand-père y était un architecte connu, il travaillait, pour différents ministères, à la restauration de grands édifices.
– Ah bon ! s'exclama maman, visiblement impressionnée. Je comprends. Et toi, as-tu aussi la fibre artistique ?
– Depuis l'âge de six ans, je joue du piano. Je prenais des cours au conservatoire de Genève.
Je restais muette, incapable de me mêler à la conversation. Ce n'était pas possible ! Sara s'inventait-elle une existence qui correspondait aux attentes de ma mère pour la séduire ? Tout cela n'était qu'affabulation d'une fille rusée ou la simple vérité ? Je ne savais quoi penser. Finalement, j'interrogeai :
– lors maman, m'autorises-tu à rendre visite à Sara et à sa famille dimanche ? Dis oui, je t'en supplie, implorai-je.
– Mais oui, ma chérie. Je suis très heureuse que tu aies enfin trouvé une amie comme Sara.
Discrètement, Sara me lança un clin d'œil complice. Elle avait réussi à vaincre toutes les réticences de ma mère et même à la séduire ! Mon cœur se gonfla d'une joie immense.
Sujet de réflexion
On dit parfois que celui qui se prive de l'amitié dans la vie paraît ôter le soleil du monde. C'est donc qu'avoir des amis est important dans l'existence de chacun de nous. Pourquoi l'amitié a-t-elle autant d'importance ? Pour quelles raisons rayonne-t-elle comme le soleil ? Pourquoi réchauffe-t-elle notre cœur et notre âme ?Les raisons me semblent nombreuses et variées. Tout d'abord un ami, un véritable ami, est un confident : on peut lui confier nos pensées les plus secrètes, nos rêves, nos aspirations ou nos projets ; il est souvent plus facile de se confier à un ami plutôt qu'à ses parents. L'amitié double les joies et les plaisirs et réduit les peines et les chagrins : l'ami sait nous consoler dans le malheur. Ce partage, cette intimité et cette réciprocité rendent la vie plus vivable. Ainsi le petit Marcel Pagnol raconte dans Le Château de ma mère comment et pourquoi il répond à la lettre de son ami Lili, truffée de fautes d'orthographe, en agrémentant sa réponse de quelques erreurs et d'une magnifique tache d'encre : il sait combien Lili a peiné pour rédiger sa missive, combien il a dû se concentrer, s'appliquer, alors Marcel, pour ne pas faire sentir à son ami son ignorance de l'orthographe, de la ponctuation, de la syntaxe, pour ne pas le rabaisser, remplace la première lettre, parfaite et soignée, par une seconde, maladroite et imparfaite, décorée d'une magnifique tache d'encre.
Ensuite, l'amitié est un facteur de fraternité, de sociabilité et d'harmonie, c'est un moyen d'apprendre à vivre ensemble, de s'ouvrir aux autres et aux différences. Certains pensent que l'amitié est une seule et même âme en deux corps ; je crois qu'un ami n'est pas toujours un double de soi, une sorte d'alter ego. Bien sûr, c'est possible, et sans doute fréquent, mais deux êtres différents peuvent se lier d'amitié ; cette amitié nous confronte à la différence, au nouveau, à l'inconnu, à l'Autre ; elle nous apprend la tolérance, la solidarité, par-delà ce qui nous sépare. Dans L'Enfant et la Rivière, d'Henri Bosco, le héros, Pascalet, rencontre Gatzo, « un petit bohémien », avec qui il vivra d'extraordinaires aventures en descendant la rivière. Tout les sépare et pourtant ils deviennent de vrais amis. Pascalet conclut le roman en disant : « C'est ainsi que Gatzo devint mon frère ». Fred Uhlman, dans L'Ami retrouvé, raconte aussi l'amitié de deux êtres que les préjugés racistes séparent, Conrad, fils d'aristocrates, et Hans, fils d'un médecin juif ; l'action se passe durant la montée du nazisme en Allemagne.
Enfin, l'amitié n'est-elle pas l'une des clés du bonheur que nous cherchons tous à atteindre ? Essayer de l'atteindre, par un long chemin, semé d'embûches et d'épreuves, n'est-ce pas un double bonheur ? Sur cette route, l'ami nous aide, nous soutient, nous permet de mieux nous connaître, de développer nos qualités et de corriger nos défauts, car il ne doit rien nous passer, ni fermer les yeux, même s'il nous pardonne souvent. Alain-Fournier raconte dans Le Grand Meaulnes l'amitié de François et d'Augustin, dont l'arrivée va bouleverser la vie du premier ; l'auteur montre comment ces deux amis vont quitter l'adolescence pour entrer dans l'âge adulte, comment chacun cherche le bonheur si difficile à atteindre, comment les épreuves influent sur leur être et sur leur destin, sur leur caractère. L'une des séries cultes diffusées à la télévision, Friends, raconte la vie de plusieurs amis, les relations qui les unissent, les difficultés rencontrées, parfois le glissement de l'amitié à l'amour.
En conclusion, l'amitié est un bien essentiel dans notre existence : les vrais amis font le bonheur, la joie et la douceur de la vie. Mais nous devons être capables de nous faire des amis. Interrogeons-nous. À l'heure des réseaux sociaux, quand l'échange et le partage n'ont jamais été aussi facilités, connaissons-nous la véritable amitié ? Avons-nous beaucoup d'amis ou beaucoup de « followers » ? L'ami de tout le monde n'est l'ami de personne, dit-on à juste raison.