Texte de Laurent Gaudé, analyse de l'image (sujet inédit)

Énoncé

Texte
Dans le sud de l'Italie, une vieille femme évoque son enfance, au cours de laquelle sa famille a tenté de fuir le pays pour s'installer à New York. Elle s'adresse à un personnage nommé don Salvatore. L'action se déroule dans la première moitié du xxe siècle.
« Don Giorgio nous a menés jusqu'au port et nous avons embarqué sur un de ces paquebots construits pour emmener les crève-la-faim d'un point à un autre du globe, dans de grands soupirs de fioul(1). Nous avons pris place sur le pont au milieu de nos semblables. Miséreux d'Europe au regard affamé. Familles entières ou gamins esseulés. Comme tous les autres, nous nous sommes tenus par la main pour ne pas nous perdre dans la foule. Comme tous les autres, la première nuit, nous n'avons pu trouver le sommeil, craignant que des mains vicieuses(2) ne nous dérobent la couverture que nous nous partagions. Comme tous les autres, nous avons pleuré lorsque l'immense bateau a quitté la baie de Naples. « La vie commence », a murmuré Domenico. L'Italie disparaissait à vue d'œil. Comme tous les autres, nous nous sommes tournés vers l'Amérique, attendant le jour où les côtes seraient en vue, espérant, dans des rêves étranges, que tout là-bas soit différent, les couleurs, les odeurs, les lois, les hommes. Tout. Plus grand. Plus doux. Durant la traversée, nous restions agrippés des heures au parapet(3), rêvant à ce que pouvait bien être ce continent où les crasseux comme nous étaient les bienvenus. Les jours étaient longs, mais cela importait peu, car les rêves que nous faisions avaient besoin d'heures entières pour se développer dans nos esprits. Les jours étaient longs mais nous les avons laissés couler avec bonheur puisque le monde commençait.
Un jour enfin, nous sommes entrés dans la baie de New York. Le paquebot se dirigeait lentement vers la petite île d'Ellis Island. La joie de ce jour, don Salvatore, je ne l'oublierai jamais. Nous dansions et criions. Une agitation frénétique avait pris possession du pont. Tout le monde voulait voir la terre nouvelle. Nous acclamions chaque chalutier de pêcheur que nous dépassions. Tous montraient du doigt les immeubles de Manhattan. Nous dévorions des yeux chaque détail de la côte.
Lorsque enfin le bateau fut à quai, nous descendîmes dans un brouhaha de joie et d'impatience. La foule emplit le grand hall de la petite île. Le monde entier était là. Nous entendions parler des langues que nous prîmes d'abord pour du milanais ou du romain(4), mais nous dûmes ensuite convenir que ce qui se passait ici était bien plus vaste. Le monde entier nous entourait. Nous aurions pu nous sentir perdus. Nous étions étrangers. Nous ne comprenions rien. Mais un sentiment étrange nous envahit, don Salvatore. Nous avions la conviction que nous étions ici à notre place. »
Laurent Gaudé, Le Soleil des Scorta, 2004.

Image
À partir du sujet national, juin 2013 - illustration 1
Source : Arrivée d'immigrants à New York © Craig McCausland/iStock.
Travail sur le texte littéraire et sur l'image
Les réponses aux questions doivent être entièrement rédigées.
Compréhension et compétences d'interprétation
1. 
« […] ce continent où les crasseux comme nous étaient les bienvenus. »
a) De quel continent s'agit-il ?
b) Qui est désigné par l'expression « les crasseux » ? Que pensez-vous de cette formulation ?
a) Repérez et relevez des mots ou expressions qui vous permettent d'identifier ce continent.
b) Repérez et relevez des mots ou expressions qui vous aident à trouver l'identité des crasseux. Interrogez-vous : cette expression est-elle positive ou négative ?
2. 
En vous appuyant précisément sur le texte, expliquez ce que les personnages attendent de ce nouveau pays.
Repérez et relevez les mots ou expressions qui vous permettent d'identifier les espoirs et les attentes des personnages.
3. 
a) 
Par quels sentiments successifs passent les personnages aux différentes étapes du voyage ? Illustrez votre réponse par des éléments précis du texte.
Définition de « sentiment » : état affectif dû à des émotions.
Repérez et relevez les expressions qui renvoient aux différents sentiments ressentis par les personnages lors de la traversée. Reformulez ces sentiments avec vos propres mots en vous efforçant de trouver des synonymes.
b) 
Pourquoi le « sentiment » évoqué dans le dernier paragraphe est-il qualifié d'« étrange » ?
Repérez et relevez les mots ou expressions qui expliquent les raisons pour lesquelles leur sentiment est étrange, bizarre, inattendu dans le dernier paragraphe. Expliquez pourquoi les personnages ressentent un sentiment étrange.
4. 
Pensez-vous que Domenico a raison en murmurant « La vie commence » ? Développez votre réponse en quelques lignes. Vous prendrez appui sur le texte et éventuellement votre culture personnelle.
Il n'y a pas de bonne ou mauvaise réponse. Ce qui compte, c'est que vous réussissiez à défendre votre point de vue en vous appuyant sur des arguments pertinents et valables. Vous devez extraire des mots ou expressions pour justifier votre avis mais vous pouvez aussi vous aider de votre culture personnelle (les films que vous avez vus, les livres que vous avez lus, votre expérience personnelle) pour répondre.
5. 
À quelle scène du texte cette image correspond-elle ? Justifiez votre réponse en comparant les documents.
Observez les informations qui accompagnent l'image, puis les gens qui sont représentés. Comparez cette scène à celles que rapporte la narratrice dans le texte. Indiquez laquelle est commune aux deux documents.
6. 
Selon vous, quels sentiments, quelles impressions ressentent ces personnes ?
Appuyez-vous sur votre réponse à la question précédente. Complétez votre analyse de l'image en observant les personnes : vêtements, gestes, expressions du visage, etc.
Grammaire et compétences linguistiques
1. 
« Le paquebot se dirigeait lentement vers la petite île d'Ellis Island. La joie de ce jour, don Salvatore, je ne l'oublierai jamais. Nous dansions et criions. »
Identifiez les deux temps utilisés et justifiez l'emploi de chacun.
Interrogez-vous : quels verbes expriment une action ou un état qui a lieu dans le passé ? Quel verbe exprime une action ou un état qui a lieu dans le futur ? Quels sont les temps utilisés ? Pourquoi ces temps sont-ils utilisés ? Quelle est leur valeur ?
2. 
« Miséreux d'Europe au regard affamé. Familles entières ou gamins esseulés. »
a) Quelle remarque grammaticale pouvez-vous faire sur la construction de ces deux phrases ?
b) Quel effet produisent-elles sur le lecteur ?
a) Interrogez-vous : pourquoi ces deux phrases vous semblent-elles étranges ? En quoi ne respectent-elles pas le modèle habituel de la phrase que l'on rencontre traditionnellement : sujet – verbe – complément. ? Que manque-t-il ?
b) Quelle impression le narrateur cherche-t-il à produire ? Sur quoi souhaite-t-il insister lorsqu'il parle ainsi des immigrants ? Vous devez expliquer l'impression que produit cette phrase chez le lecteur.
3. 
« Comme tous les autres, nous nous sommes tenus par la main pour ne pas nous perdre dans la foule. Comme tous les autres, la première nuit, nous n'avons pu trouver le sommeil, craignant que des mains vicieuses ne nous dérobent la couverture que nous nous partagions. »
Réécrivez ces phrases en remplaçant les pronoms de la 1re personne du pluriel (nous) par la 3e personne du pluriel (ils).
Vous ferez toutes les modifications nécessaires.
Commencez par souligner les pronoms personnels nous qui désignent les immigrants puis soulignez les pronoms personnels de la 1re personne du pluriel (nous) qui désignent les immigrants et qui accompagnent les verbes pronominaux. Transformez-les en pronoms personnels de la 3e personne du pluriel (ils).
Soulignez ensuite les verbes dont ils est sujet et modifiez la terminaison des verbes conjugués.
Enfin, soulignez les pronoms personnels COI de la 1re personne du pluriel qui désignent les immigrants (nous) et transformez-les en pronoms personnels COI de la 3e personne du pluriel (ils).
Dictée
« Tous les émigrants n'étaient pas obligés de passer par Ellis Island. Ceux qui avaient suffisamment d'argent pour voyager en première ou en deuxième classe étaient rapidement inspectés à bord par un médecin et un officier d'état civil et débarquaient sans problèmes. Le gouvernement fédéral estimait que ces émigrants auraient de quoi subvenir à leurs besoins et ne risqueraient pas d'être à la charge de l'État. Les émigrants qui devaient passer par Ellis étaient ceux qui voyageaient en troisième classe […] dans de grands dortoirs non seulement sans fenêtres mais pratiquement sans aération et sans lumière, où deux mille passagers s'entassaient sur des paillasses superposées. »
Georges Perec, Ellis Island, 1980.

Rédaction
Vous traiterez au choix l'un des deux sujets de rédaction suivants.
Votre rédaction sera d'une longueur minimale d'une soixantaine de lignes (300 mots environ).
Sujet de réflexion
Le monde d'aujourd'hui laisse-t-il encore place, selon vous, à un ailleurs qui fasse rêver ?
Procéder par étapes
Étape 1. Lisez attentivement le sujet.
Étape 2. Repérez et soulignez d'une couleur les mots-clés qui évoquent le thème du devoir et les parties.
Étape 3. Repérez et proposez une définition des mots-clés :
  • « laisser place à » : permettre à quelque chose d'exister ;
  • « un ailleurs » : un autre lieu, différent de celui où l'on est et dont on a l'habitude ;
  • « rêver » : se représenter par l'imagination quelque chose que l'on souhaite de manière chimérique ; imaginer, inventer, souhaiter.
Étape 4. Repérez la forme du texte que vous devez écrire. Ici : un texte de type argumentatif composé d'arguments et d'exemples dans lequel « vous donnerez votre réponse dans un développement argumenté et organisé. » Vous conjuguerez donc les verbes au présent.
Vous pouvez traiter le sujet de plusieurs manières :
Solution 1 : vous choisissez le point de vue suivant : oui, le monde d'aujourd'hui laisse de la place à un ailleurs qui fait rêver (point de vue A). Vous développez deux ou trois arguments, illustrés d'exemples pour défendre cette thèse.
Solution 2 : vous choisissez le point de vue suivant : non, le monde d'aujourd'hui ne laisse pas de place à un ailleurs qui fasse rêver (point de vue B). Vous développez deux ou trois arguments, illustrés d'exemples, pour défendre cette thèse.
Solution 3 : dans une première partie, vous choisissez de défendre le point de vue A ou B à l'aide de deux arguments illustrés d'exemples. Puis, dans une deuxième partie, vous choisissez de nuancer (sans vous contredire) ce que vous avez affirmé dans la première partie à l'aide d'un ou de deux arguments illustrés d'exemples :
  • modèle 1 : le point de vue A est valable mais dans une certaine mesure le point de vue B est acceptable aussi ;
  • modèle 2 : le point de vue B est valable mais dans une certaine mesure le point de vue A est acceptable aussi.
Étape 5. Interrogez-vous pour trouver des arguments et des exemples. Par exemple : Dans le monde d'aujourd'hui existe-t-il un pays qui fasse rêver et dans lequel on souhaiterait vivre ? Quel pays offre aujourd'hui des conditions de vie (personnelles et professionnelles) qui font rêver ? Les conditions de vie des gens leur permettent-elles de rêver ?
Étape 6. Établissez le plan de votre devoir.
Dans le corrigé, la solution 2 a été choisie comme illustration.
L'introduction doit servir à exposer le problème et à introduire le thème. Vous devez rédiger votre introduction au présent.
Le développement de l'argumentation doit comporter deux ou trois parties. Pour chacune des parties, il faudra trouver au moins un argument et l'expliciter à l'aide d'un exemple. Il y a aura donc autant de parties que d'arguments et d'exemples (dans la limite de trois). Tout comme dans l'introduction, le temps utilisé sera le présent. Il faudra veiller à utiliser :
  • des modalisateurs de la certitude (il est évident, il est certain, assurément, incontestablement…) ;
  • des connecteurs logiques (en premier lieu, de plus, ensuite, enfin, en effet, dès lors, de fait, par conséquent, donc…) ;
  • des modalisateurs qui expriment la possibilité (peut-être, il est possible, il est nécessaire…) ;
  • des phrases de type exclamatif et des questions rhétoriques pour souligner votre désir de convaincre, des hyperboles pour souligner votre détermination.
La conclusion du devoir doit être l'occasion de faire un bilan sur le sujet.
Étape 7. Relisez-vous.
Sujet d'imagination
Imaginez la suite de ce texte, dans laquelle la narratrice raconte les premiers jours des personnages à New York.
Procéder par étapes
Étape 1. Lisez attentivement le sujet.
Étape 2. Repérez et soulignez d'une couleur les mots-clés qui évoquent le thème du texte que vous devez écrire.
Étape 3. Repérez et soulignez la forme du texte que vous devez écrire. Ici : « Imaginez la suite de ce texte », « raconte ». Il faut donc respecter :
  • le genre du texte : le roman, le récit ;
  • les pronoms personnels utilisés : je et nous ;
  • les temps des verbes utilisés ;
  • la cohérence des personnages et des lieux avec le texte proposé.
Étape 4. Trouvez des idées : pour cela, reprenez les mots-clés qui indiquent le thème du sujet. Ici, « Imaginez la suite du texte », « les premiers jours des personnages ». Qui sont les personnages dont vous souhaitez parler ? Comment sont-ils ? Que font-ils ? Que ressentent-ils ?
Étape 5. Établissez le plan de votre devoir.
Type et forme du texte
Idées à développer
Temps à utiliser et outils
Récit / Narration / Description éventuellement.
Attention, le devoir doit comporter trois ou quatre paragraphes différents.
Les premiers jours des personnages à New York.
Pour trouver des idées, répondez aux questions : Où ? Quand ? Qui ? Pourquoi ? Comment ? Inspirez-vous des idées du texte.
L'imparfait et/ou le passé simple.

Étape 6. Relisez-vous.
(1)Fioul : carburant, dérivé du pétrole, qu'utilisent les bateaux.
(2)Mains vicieuses : mains de voleur.
(3)Parapet : barrière placée sur le bord du pont pour empêcher les passagers de tomber à l'eau.
(4)Le milanais, le romain : dialectes italiens.

Corrigé

Travail sur le texte littéraire et sur l'image
Compréhension et compétences d'interprétation
1. 
a) Le continent dont il s'agit est l'Amérique comme le montrent les expressions « New York » et « Ellis Island ».
b) Les « crasseux » désignent les immigrants, les pauvres qui quittent l'Italie pour aller en Amérique. Cette formulation est péjorative.
2. Les personnages espèrent une vie différente, nouvelle et meilleure : « espérant… que tout là-bas soit différent, les couleurs, les odeurs ». Ils attendent un changement total par rapport à leur vie d'avant : « Tout ». Ils espèrent être traités différemment, car « les lois, les hommes » seraient différents. Il y aurait une place pour eux dans ce monde « Plus grand ». Ils vivraient enfin décemment sur un continent où la vie serait plus douce : « Plus doux ».
3. 
a) Les personnages ressentent plusieurs sentiments au cours de leur voyage. D'abord, ils sont apeurés lorsqu'ils arrivent sur le paquebot : « nous nous sommes tenus par la main pour ne pas nous perdre dans la foule ». Ensuite, ils ressentent de la tristesse lorsque le paquebot s'éloigne des côtes italiennes : « nous avons pleuré lorsque l'immense bateau a quitté la baie de Naples », puis de l'espoir en rêvant au monde meilleur qui les attend : « espérant, dans des rêves étranges ». Ils ressentent de l'excitation lorsqu'ils voient l'Amérique : « Nous dansions et criions. », « Une agitation frénétique », « Nous acclamions », ils « montraient du doigt » et « dévor[aient] des yeux chaque détail de la côte ». Enfin, lorsque les immigrants débarquent ils éprouvent une grande joie : « brouhaha de joie et d'impatience ».
b) Le sentiment évoqué est qualifié d'« étrange » car ces immigrants sont des étrangers qui ne savent pas ce qui les attend exactement (« Nous ne comprenions rien. »). Pourtant, ils se sentent bien et sont persuadés d'être à leur place : « Nous avions la conviction que nous étions ici à notre place. »
4. Je pense que Domenico a raison en murmurant « La vie commence ». En effet, ils étaient miséreux dans leur pays : « crève-la-faim », « Miséreux d'Europe au regard affamé ». Ils espèrent un changement dans leur vie : « espérant […] que tout là-bas soit différent ». Les États-Unis constituent un monde nouveau et bien plus grand, dans lequel tout semble possible : « Le monde entier était là. Nous entendions parler des langues […] ce qui se passait ici était bien plus vaste ». Par exemple, Charlie Chaplin est un immigrant qui a connu la célébrité aux États-Unis. De plus, le film Le Parrain de Coppola montre la fuite d'un enfant de l'Italie vers les États-Unis. Celui-ci deviendra par la suite un des plus importants chefs de la mafia.
Mais vous pouviez éventuellement dire aussi que les immigrants étaient souvent mal traités aux États-Unis et qu'ils restaient pauvres et misérables.
5. La scène est celle de l'arrivée des immigrants à Ellis Island, aux portes de New York et de l'Amérique. « Lorsque le bateau fut à quai, nous descendîmes dans un brouhaha de joie et d'impatience » (l.  28). Sur l'image, les passagers aperçoivent la statue de la Liberté, symbole de l'Amérique et de leur espoir d'une vie meilleure.
6. Ces immigrants sont heureux d'arriver aux États-Unis : ils ont réalisé leur rêve. Au premier plan, une femme, tenant son enfant, semble incrédule ; elle se demande si c'est un rêve ou la réalité. Les sentiments sont divers, les visages expriment la curiosité, la fatigue (vieille femme), la joie (les hommes se tenant aux cordages montrent la statue, le port). Ces gens, souvent pauvres, comme le montrent leurs vêtements, émigrent pour fuir la misère de leur pays, pour trouver du travail, voire pour faire fortune ; pour eux, comme le dit Domenico dans le texte, une nouvelle vie commence.
Grammaire et compétences linguistiques
1. Les deux temps utilisés dans cette phrase sont l'imparfait (« se dirigeait », « dansions et criions ») et le futur (« oublierai »). L'imparfait a une valeur descriptive. En effet, il permet de décrire ici le trajet du paquebot et les réactions des personnages. Le futur est employé ici par la narratrice qui évoque ses sentiments. Elle exprime une idée qui sera toujours vraie dans le futur : « je ne l'oublierai jamais ».
2. 
a) Ces deux phrases n'ont pas de verbe : elles sont nominales.
b) Le lecteur a l'impression que ces personnages n'ont pas d'identité propre. L'absence de verbe souligne leur déshumanisation. Ces pauvres sont juste une masse informe de personnes frappées par la pauvreté.
3. Comme tous les autres, ils se sont tenus par la main pour ne pas se perdre dans la foule. Comme tous les autres, la première nuit, ils n'ont pu trouver le sommeil, craignant que des mains vicieuses ne leur dérobent la couverture qu'ils se partageaient.
Dictée
Le texte est un extrait de roman, à l'imparfait. Certains verbes sont au conditionnel présent.
Chaque verbe s'accorde avec son sujet :
  • à l'imparfait, les terminaisons sont identiques pour tous les verbes : -ais, -ais, -ait, -ions, -iez, -aient : « Tous les émigrants n'étaient pas… », « Ceux qui avaient… étaient » (le verbe est loin du sujet), « débarquaient » (le verbe est loin du sujet), « Le gouvernement fédéral estimait », « Les émigrants qui devaient… étaient », « ceux qui voyageaient », « deux mille passagers s'entassaient » ;
  • au conditionnel présent, les terminaisons sont identiques pour tous les verbes et ce sont les mêmes que celles de l'imparfait : « ces émigrants auraient », « ne risqueraient pas ».
Les participes passés s'accordent avec le sujet :
  • dans l'expression « les émigrants n'étaient pas obligés » ;
  • dans le verbe inspecter, à la voix passive, « ceux qui… étaient rapidement inspectés ».
Les participes employés comme adjectifs s'accordent avec le nom qu'ils qualifient : « des paillasses superposées ».
Plusieurs verbes sont à l'infinitif car ils dépendent soit d'une préposition (« pas obligés de passer », « suffisamment d'argent pour voyager »), soit d'un verbe (« qui devaient passer »). Une consonne redouble dans les mots « suffisamment », « officier », « s'entassaient », « paillasses ».
Dans des expressions comme « à bord », « à la charge », « à » prend un accent car c'est une préposition. Attention à l'orthographe de :
  • « ceux » (pronom démonstratif pluriel), à ne pas confondre avec ce (déterminant ou pronom démonstratif singulier) et se (pronom réfléchi) ;
  • « ces » dans l'expression « ces émigrants ». Ici c'est bien un déterminant démonstratif, à ne pas confondre avec ses (déterminant possessif) ;
  • « où » (pronom indiquant le lieu), à ne pas confondre avec ou (conjonction de coordination).
On écrit « de grands dortoirs » : « de » remplace dans ce cas l'article indéfini pluriel des.
Attention à la préposition sans :
  • on écrit « sans aération » et « sans lumière » au singulier car ce sont deux noms indénombrables ;
  • dans le cas de noms dénombrables, on écrit « sans problèmes » et « sans fenêtres », mais ces deux expressions pourraient aussi s'écrire sans s : « sans problème », « sans fenêtre ». Les deux orthographes sont acceptées.
Devant un verbe, le pronom personnel leur est invariable. Devant un nom, s'il est pluriel, on accorde le déterminant possessif leurs : « leurs besoins ».
Les adverbes en -ment s'écrivent -amment, s'ils sont dérivés d'un adjectif en -ant. C'est le cas de l'adverbe suffisamment, dérivé de l'adjectif suffisant.
Rédaction
Sujet de réflexion
Le monde d'aujourd'hui se caractérise par la rapidité, la compétitivité, la consommation et la communication, ce qui ne laisse guère de place a priori au rêve, à l'imagination et au désir de créativité. L'existence quotidienne, à la fois trépidante et monotone, permet difficilement d'envisager un ailleurs qui fasse rêver, même si la mondialisation nous ouvre virtuellement toutes les frontières.
En premier lieu, les individus ont peu de temps et de disposition d'esprit pour envisager un ailleurs qui fasse rêver. En effet, notre travail monopolise une grande partie de notre énergie physique, intellectuelle et psychologique. Il s'avère alors difficile de trouver le temps de rêver à un ailleurs idyllique, d'envisager un départ vers un pays lointain aux rivages paradisiaques, réservé, semble-t-il, aux cartes postales des agences de voyages. Par exemple, lorsque j'interroge mon père sur la possibilité pour la famille d'envisager un nouveau départ dans un pays lointain, il me répond toujours qu'il travaille trop et qu'il n'a pas le temps d'y penser.
Par ailleurs, je suis convaincu que les difficultés économiques actuelles engendrent une morosité, et parfois une souffrance, incompatibles avec l'idée d'un ailleurs. De fait, s'autoriser à envisager un ailleurs, ou l'espérer, c'est se projeter de manière positive dans l'avenir. Or, il est impossible, pour certains, de penser ainsi. En effet, les gens qui sont au chômage, qui peinent à payer leur loyer et leurs charges ou qui gagnent un salaire insuffisant ont pour seul objectif de vivre, voire de survivre. Économiquement et psychologiquement, il semble donc difficile pour eux d'opérer une telle projection. Ainsi, ma mère qui travaillait chez Virgin Megastore a été licenciée récemment. Elle se bat tous les jours pour retrouver un emploi et nous devons désormais vivre sur les économies qu'elle avait consacrées à nos vacances. Je doute fortement que sa situation personnelle et professionnelle l'encourage à rêver d'un nouveau départ dans un pays étranger.
Enfin, aujourd'hui, les gens semblent davantage vivre dans un monde virtuel que dans un monde réel. C'est le nouveau monde, l'ailleurs moderne. Les hommes ne peuvent plus rêver à un ailleurs car ils sont submergés par leurs échanges sur Facebook et perdent leur temps à surfer sur le web. Or, paradoxalement, de telles activités annihilent toute aspiration à un ailleurs. Par exemple, mon meilleur ami passe au moins deux heures tous les soirs à jouer à Call of Duty et il est en contact permanent avec ses amis via Skype et Facebook. Quand je lui parle de mon désir d'aller dans un pays étranger qui me fait rêver, comme l'Australie, il se moque de moi. Il considère qu'il est déjà dans un ailleurs ; il se complaît, en fait, dans une virtualité rassurante alors que le départ pour un pays étranger nécessite un vrai courage, des efforts d'adaptation à une nouvelle langue et à des coutumes que l'on ne connaît pas, une volonté de réussir.
En définitive, le monde dans lequel nous vivons ne laisse guère l'opportunité aux hommes d'envisager un ailleurs qui fasse rêver. Il faut que l'action relaie nécessairement le rêve et que le désir de partir soit motivé par un projet cohérent et une authentique volonté de construire sa vie. Ainsi ce désir d'ailleurs sortira des clichés et des rêveries stériles pour redevenir le moteur de l'action des hommes sur le monde.
Sujet d'imagination
Maintenant que nous étions arrivés sur l'île d'Ellis d'Island, il nous fallait désormais rejoindre au plus vite le vieux continent qu'est l'Amérique, mais nous ne savions pas comment nous y prendre. À notre grande surprise, nous vîmes des gens se diriger vers un bateau. Je devinai qu'il s'agissait d'un bateau chargé d'effectuer les liaisons maritimes entre l'île et la ville de New York. Notre voyage était loin d'être fini, il fallait encore être patients et courageux. Nous montâmes sur le bateau et rapidement nous accostâmes à proximité du centre-ville de New York. Émerveillés et impressionnés, nous levâmes tous les yeux vers ces immeubles, ces géants de pierre et de fenêtres, qui s'évertuaient à fendre les nuages. Nous nous sentions minuscules au milieu de cette forêt de buildings, à l'architecture étonnante. Cela contrastait nettement avec les maisons basses et rustiques dans lesquelles nous vivions en Italie ! Les ruelles pittoresques de notre pays natal laissaient place à de grands boulevards où grouillaient une multitude de gens, tous pressés et bien habillés. Je rougis de honte : nous étions sales et nos vêtements usés témoignaient de notre pauvreté.
Nous étions aussi faibles et terrassés par la fatigue : il fallait à tout prix que nous trouvions de quoi nous nourrir. Quelques mètres plus loin, nous aperçûmes un parc et des bancs. Nous nous installâmes. De la pelouse verdoyante, des arbres centenaires, des écureuils peu farouches. Je me sentis alors soulagée. Domenico partit à la recherche de nourriture tandis que d'autres s'affalèrent sur les pelouses. Pour ma part, je m'assis sur un banc et je contemplai cet étrange havre de paix, situé à deux pas du tumulte de la ville. J'étais fascinée. Domenico revint et nous dévorâmes les quelques croûtons de pain qu'il avait trouvés au détour d'une poubelle. La nuit tombait doucement et nous décidâmes de dormir dans le parc. Je m'apprêtais à m'endormir lorsque j'entendis des chiens aboyer et des voix aux accents rauques. Les gardiens du parc s'avancèrent vers nous. Je compris, au ton menaçant qu'ils employaient, que nous n'étions pas les bienvenus. Dans la panique, nous nous levâmes et nous quittâmes le parc. Je me souviendrai toute ma vie de la frayeur que j'ai ressentie au cours de cette nuit.
Dans la pénombre, nous nous dirigeâmes tant bien que mal vers les bords de l'Hudson. Malgré la faim qui nous tenaillait le ventre, nous nous installâmes sous un pont et nous nous endormîmes rapidement. Le lendemain, nous errions dans la ville, sans savoir où aller ni que faire. Domenico avait évoqué l'existence d'un quartier dans lequel vivaient de nombreux Italiens et nous avions convenu qu'en l'état actuel des choses la meilleure solution était de nous y rendre. Malgré mon extrême lassitude, je décidai de demander notre chemin à une passante. Quelle chance nous eûmes ! Cette jeune femme était italienne et elle avait migré aux États-Unis, quelques années auparavant. Elle était heureuse de pouvoir nous aider. Elle nous emmena dans le quartier italien : c'est là qu'elle vivait avec le reste de sa famille. Elle nous accueillit chez elle chaleureusement et nous proposa de rester autant que nous le souhaitions. Malgré la difficulté du voyage et les conditions dans lesquelles nous arrivâmes, je n'oublierai jamais l'émerveillement que j'ai ressenti lorsque je suis arrivée à New York.