Énoncé
Texte
Le Voyage difficile
« À Christian Sénéchal.
Sur la route une charrette,
Dans la charrette un enfant
Qui ne veut baisser la tête
Sous des cahots surprenants.
La violence de la route
Chasse l'attelage au loin
D'où la terre n'est que boule
Dans le grand ciel incertain.
Ne parlez pas : c'est ici
Qu'on égorge le soleil.
Douze bouchers sont en ligne,
Douze coutelas pareils.
Ici l'on saigne la lune
Pour lui donner sa pâleur,
L'on travaille sur l'enclume(1)
Du tonnerre et de l'horreur.
« Enfant cache ton visage
Car tu cours de grands dangers.
– Ne vois-tu pas, étranger,
Que j'ai un bon attelage. »
Garçons des autres planètes
N'oubliez pas cet enfant
Dont nous sommes sans nouvelles
Depuis déjà très longtemps. »
Sur la route une charrette,
Dans la charrette un enfant
Qui ne veut baisser la tête
Sous des cahots surprenants.
La violence de la route
Chasse l'attelage au loin
D'où la terre n'est que boule
Dans le grand ciel incertain.
Ne parlez pas : c'est ici
Qu'on égorge le soleil.
Douze bouchers sont en ligne,
Douze coutelas pareils.
Ici l'on saigne la lune
Pour lui donner sa pâleur,
L'on travaille sur l'enclume(1)
Du tonnerre et de l'horreur.
« Enfant cache ton visage
Car tu cours de grands dangers.
– Ne vois-tu pas, étranger,
Que j'ai un bon attelage. »
Garçons des autres planètes
N'oubliez pas cet enfant
Dont nous sommes sans nouvelles
Depuis déjà très longtemps. »
Jules Supervielle, Le Forçat innocent, extrait de Mes légendes, 1930.
Travail sur le texte littéraire
Toutes vos réponses devront être rédigées.
Compréhension et compétences d'interprétation
1.
Dites en une phrase ou deux ce que raconte le poème.
Relisez le poème et relevez les informations essentielles : personnages (un enfant, le narrateur), lieux (la route, le grand ciel), conditions du voyage (cahots, incertain, grands dangers, etc.). Interrogez-vous : que devient l'enfant ? Pourquoi ?
Rédigez le résumé de l'histoire en une ou deux phrases complexes : utilisez la subordination et/ou la coordination.
Rédigez le résumé de l'histoire en une ou deux phrases complexes : utilisez la subordination et/ou la coordination.
2.
Voici le résumé d'une autre histoire, racontée par Ovide dans les Métamorphoses au ier siècle. Quels points communs voyez-vous entre cette histoire et celle de l'enfant du poème ?
« Phaéton était le fils du Soleil et d'une nymphe de l'Océan. Un de ses compagnons le met au défi de prouver qu'il est bien le fils du Soleil. Phaéton se rend alors au palais du Soleil pour lui demander la preuve qu'il est bien son fils. Le Soleil jure de lui accorder tout ce qu'il voudra pour qu'il n'en doute plus. Phaéton réclame alors le droit de conduire le char du Soleil toute une journée. Horrifié, car aucun mortel n'était assez puissant pour dompter les chevaux qui tirent son char, le Soleil tente de dissuader son fils. Mais Phaéton ne veut pas écouter les supplications de son père. Lié par son serment, ce dernier se résigne à le conduire devant le char éblouissant, prêt à partir au lever de l'Aurore. Les chevaux fougueux s'élancent, mais comme le Soleil l'avait prévu, Phaéton perd le contrôle de l'attelage : le char commence à suivre une course désordonnée et dévaste le ciel et la terre. Jupiter foudroie alors Phaéton et arrête la course du char. »
Lisez attentivement le texte d'Ovide. Comparez les deux textes. Repérez et relevez les points communs : par exemple, personnages, lieux, etc. Proposez au moins trois points communs.
3.
Le titre du poème est « Le Voyage difficile ». Pourquoi ? Justifiez votre réponse en vous appuyant sur le texte.
Repérez et relevez les mots exprimant la difficulté du voyage (conditions, dangers). Expliquez pourquoi ce voyage est difficile en résumant l'histoire de l'enfant.
4.
Si vous deviez porter un jugement sur l'enfant du poème, quels adjectifs utiliseriez-vous ? Proposez deux adjectifs qui vous paraissent convenir.
Interrogez-vous. Quels sont les défauts et les qualités de l'enfant ? Votre regard sur lui est-il positif, négatif ou les deux ? Choisissez deux adjectifs qui qualifient cet enfant.
5.
Dans les strophes 3 et 4, le poète emploie différentes images pour parler des astres et des constellations :
a) Relevez au moins trois de ces images.
b) Dites quels sont leurs points communs et ce qu'elles évoquent.
a) Définition de « image » : ressemblance entre deux éléments, deux réalités que l'on rapproche. Relisez ces deux strophes. Où se trouve l'enfant à ce moment-là ? Relevez au moins trois éléments du paysage évoqués de façon imagée.
b) Expliquez les points communs entre ces images. Par exemple, le poète évoque le tonnerre en le rapprochant des coups de marteau du forgeron sur son enclume (cf. le dieu Vulcain). Il exprime ainsi la peur, la menace.
6.
Selon vous, pourquoi le poète écrit-il : « Garçons des autres planètes / N'oubliez pas cet enfant » ? Expliquez votre réponse.
Interrogez-vous sur les raisons qui ont poussé le poète à s'adresser aux garçons. Qu'est-ce qui, dans le comportement de l'enfant et de Phaéton (question 2) justifierait ce choix ? Quels sont les défauts de ces deux garçons, que l'on retrouverait chez tous les garçons ? Il existe plusieurs réponses car la question est ouverte. Cependant, justifiez toujours votre réponse.
Grammaire et compétences linguistiques
1.
« […] c'est ici / Qu'on égorge le soleil./ […] Ici l'on saigne la lune »
Dans les strophes 3 et 4, « ici » désigne :
Dans les strophes 3 et 4, « ici » désigne :
Vrai | Faux | |
La terre | ||
---|---|---|
L'espace | ||
La charrette | ||
Le ciel |
Rappel : « ici » désigne le lieu où l'on est. Relisez les strophes 1 à 4. Définissez l'endroit où se trouve l'enfant à ce moment de son voyage. Où se trouvent le soleil et la lune dont parle le narrateur ?
2.
a) Relevez les verbes à l'impératif.
b) Dans la strophe 5, qui emploie l'impératif et pourquoi ?
a) Rappel : un verbe à l'impératif se conjugue, sans pronom personnel, seulement à la 2e personne du singulier (plonge), ainsi qu'aux 1re et 2e personnes du pluriel (plongeons, plongez). Repérez et relevez toutes les formes verbales correspondant à cette définition.
b) Interrogez-vous. Qui parle à l'enfant ? Est-il clairement nommé ? Pensez au genre de ce texte pour répondre.
3.
« Enfant cache ton visage
Car tu cours de grands dangers. »
Car tu cours de grands dangers. »
a) Réécrivez ces deux vers en commençant par « Enfants… ».
b) Réécrivez le même passage au discours indirect et en prose en commençant par « L'étranger dit à l'enfant… »
a) Commencez par modifier les verbes, le pronom personnel et le déterminant possessif en les adaptant au sujet pluriel « enfants ».
b) Cette question nécessite d'utiliser le discours indirect. Celui-ci se construit de façon différente si les paroles rapportées sont une interrogation, une phrase déclarative ou un ordre adressé à l'impératif. Observez attentivement les paroles à transformer puis effectuez toutes les modifications nécessaires (verbes, pronom personnel et déterminant possessif).
Dictée
« Phaéton demanda le char de son père et le droit de guider, un seul jour, ses chevaux ailés. Le soleil regretta son serment et dit : « Ce que tu exiges est une mission importante, qui ne convient ni à tes forces, ni à un enfant de ton âge. Aucun dieu ne peut, excepté moi, s'asseoir sur le char qui répand la flamme. Même Jupiter ne saurait le conduire. Au début, la route est raide, et mes chevaux, bien reposés le matin, peuvent à peine la gravir ; au milieu du ciel, sa hauteur est immense : vues de là-haut, la mer et la terre me font souvent trembler moi-même. La dernière partie est une pente rapide ; elle demande un guide expérimenté. Et pourras-tu lutter contre le tourbillon des astres et vaincre la force qui les fait tourner ? La route est semée de pièges et remplie de monstres effrayants. » »
D'après Ovide, Métamorphoses, Livre II.
Rédaction
Vous traiterez au choix l'un des deux sujets de rédaction suivants.
Votre texte fera au moins deux pages (soit une cinquantaine de lignes).
Votre texte fera au moins deux pages (soit une cinquantaine de lignes).
Sujet d'imagination
Un groupe d'enfants s'apprête à faire une expérience risquée. L'un d'entre eux essaie de convaincre les autres de renoncer à cette expérience. Vous raconterez la scène.
Procéder par étapes
Étape 1. Lisez attentivement le sujet. Repérez et soulignez les mots-clés : « un groupe d'enfants », « expérience risquée », « l'un d'entre eux », « convaincre de renoncer ».Étape 2. Repérez et encadrez la forme du texte à produire : « vous raconterez la scène ». Il faut donc respecter :
- le genre du récit : cadre spatio-temporel, personnages, progression de l'histoire (projet d'expérience risquée), description, dialogue (scène) ;
- la rédaction à la 3e personne du singulier, au passé composé ou au passé simple et à l'imparfait (faits rapportés, description), au présent (dialogue) ;
- l'effet à produire du discours d'un des personnages : convaincre de renoncer ;
- le nombre de pages imposé (« deux pages »).
Étape 4. Établissez le plan de votre rédaction :
- mise en place du cadre de l'expérience risquée (lieu, moment, personnages) ;
- déclenchement de l'argumentation : qui veut faire renoncer ? Pourquoi ? ;
- dialogue (discours direct) : prise de conscience des risques, échange d'arguments, de réactions, de sentiments ;
- dénouement : l'expérience risquée est-elle tentée ? Oui/non.
Étape 6. Relisez-vous.
Sujet de réflexion
Pensez-vous qu'il soit préférable de laisser les enfants vivre toutes les expériences qui les tentent, ou au contraire qu'il est nécessaire de poser des limites à leurs envies ? Vous donnerez votre réponse dans un développement argumenté et organisé.
Procéder par étapes
Étape 1. Lisez attentivement le sujet. Repérez et soulignez les mots-clés : « les enfants », « laisser vivre toutes les expériences qui les tentent », « poser des limites à leurs envies ». Le thème est la liberté et ses limites.Étape 2. Repérez la forme du texte à produire : « Pensez-vous… ? ». Vous présenterez votre réflexion sur le thème en « un développement organisé et argumenté ». Il faut donc respecter :
- le genre argumentatif : le développement organisé, avec sa progression, ses analyses et ses arguments, ses exemples ;
- le temps de l'argumentation : le présent et les temps qui s'articulent avec lui ;
- la composition en parties et paragraphes.
Thèse 1. Oui, il faut laisser les enfants vivre toutes les expériences qui les tentent. Trouvez au moins trois arguments et exemples pour défendre cette thèse (par exemple, les jeunes d'aujourd'hui sont informés et donc assez expérimentés, mûrs pour mesurer les risques, les dangers de certaines expériences).
Thèse 2. Non, il ne faut pas laisser les enfants vivre toutes les expériences qui les tentent. Trouvez au moins trois arguments et exemples pour défendre cette thèse (par exemple, l'inexpérience, la naïveté des enfants les exposent à des risques ou des dangers qu'ils ne soupçonnent même pas).
Étape 4. Trouvez d'autres idées et arguments pour défendre la thèse choisie : la faiblesse psychologique des enfants, leur fragilité, l'excès d'information, l'insouciance de la jeunesse, les dangers d'une éducation trop permissive, etc.
Étape 5. Établissez le plan de votre argumentation.
- L'introduction présente le thème et pose la question. Passez une ligne avant le développement.
- Le développement expose votre point de vue, soutenu par au moins trois arguments et trois exemples. Un paragraphe développe un argument. Défendez votre thèse en utilisant des modalisateurs de certitude (assurément, j'affirme, incontestablement…) ou de nuance (peut-être, sans doute, emploi du conditionnel, mais, certes…), des figures de style comme l'hyperbole, l'énumération, les fausses questions (ou questions rhétoriques) ou le vocabulaire positif, mélioratif pour affirmer votre point de vue. Passez une ligne avant la conclusion.
- La conclusion rappelle que vous avez répondu à la question posée en dressant un bilan rapide.
Étape 7. Relisez-vous.
Corrigé
Travail sur le texte littéraire
Compréhension et compétences d'interprétation
1. Le poème raconte la disparition d'un enfant parti en charrette pour un dangereux voyage dans l'espace mais qui a refusé de suivre les conseils de prudence donnés par le narrateur.
2. Le texte d'Ovide raconte aussi l'histoire d'un enfant (le fils du Soleil) : il veut conduire le char du Soleil mais refuse d'écouter les mises en garde, les conseils. Le voyage dans l'espace est dangereux et, comme dans le poème, le héros disparaît.
3. Le voyage est difficile car la route est pleine de cahots, de violence ; l'enfant est alors chassé de la route dans le grand ciel où il affronte d'autres dangers (« égorger », « coutelas », « saigner », « tonnerre », « horreur », « grands dangers »). Mais l'enfant ne veut pas baisser la tête, renoncer face aux difficultés.
4. L'enfant est courageux car il affronte les dangers et les difficultés du voyage. Mais il se montre aussi têtu car il refuse obstinément d'écouter les conseils, les avertissements du narrateur.
5.
a) Le poète emploie plusieurs images dans ces deux strophes : « on égorge le soleil », « on saigne la lune », « douze bouchers », « douze coutelas ».
b) Ces quatre images évoquent le sang et la mort (« égorger », « saigner », « bouchers », « coutelas ») ; le soleil couchant est rouge comme le sang, la lune est pâle comme si elle avait perdu tout son sang. Les bouchers, avec leurs grands couteaux, sont les douze constellations du zodiaque. Ces images expriment la violence, la peur.
6. Le poète s'adresse uniquement aux garçons parce que les garçons sont plus téméraires, plus inconscients, moins raisonnables que les filles ; ils s'entêtent à refuser d'écouter conseils et avertissements, comme le fait Phaéton dans le texte d'Ovide (question 2). Les garçons seraient trop sûrs d'eux, au point de mettre parfois leur vie en danger. On peut aussi penser à Icare, sourd aux avertissements de son père, et qui est mort en volant trop près du soleil.
Grammaire et compétences linguistiques
1.
Vrai | Faux | |
La terre | X | |
---|---|---|
L'espace | X | |
La charrette | X | |
Le ciel | X |
2.
a) On relève plusieurs verbes à l'impératif : « Ne parlez pas » (vers 9), « cache » (vers 17), « N'oubliez pas » (vers 22).
b) Dans la strophe 5, le poète qui est aussi le narrateur, prend la parole et s'adresse à l'enfant audacieux, inconscient. Il cherche à protéger l'enfant en l'avertissant des graves dangers qui le menacent : il joue le rôle du père ou de l'adulte.
3.
a) Enfants cachez votre visage
Car vous courez de grands dangers.
Car vous courez de grands dangers.
b) L'étranger dit à l'enfant de cacher son visage parce qu'il court de grands dangers.
Dictée
Les terminaisons du passé simple varient selon le groupe du verbe : -ai, -as, -a, -âmes, -âtes, -èrent (1er groupe) ; -is, -is, -it, -îmes, -îtes, -irent (2e groupe et certains verbes du troisième) ; -us, -us, -ut, -ûmes, -ûtes, -urent / -ins, -ins, -int, -înmes, -întes, -inrent (3e groupe). Écoutez bien les terminaisons pour les orthographier.De nombreux verbes sont au présent de l'indicatif ; au pluriel, les terminaisons sont les mêmes pour tous (-ons, -ez, -ent ou -ont) ; au singulier, elles varient (-e, -es, -e / -s, -s, -t ou pas de terminaison / -x, -x, -t) : « tu exiges », (« la route », « la dernière partie », etc.) « est », (« une mission ») « qui ne convient », « aucun dieu ne peut », (« le char ») « qui répand », « mes chevaux […] peuvent » (le sujet et son verbe sont éloignés), « la mer et la terre font », « elle demande », (« la force ») « qui les fait » (« les » n'est pas le sujet).
Plusieurs verbes sont à l'infinitif car ils dépendent d'une préposition (« de guider »), d'un autre verbe (« ne peut s'asseoir », « ne saurait le conduire », « peuvent […] la gravir », « font […] trembler », « pourras-tu lutter […] et vaincre », « fait tourner »). Remplacez les verbes en -er par un verbe en -ir pour savoir s'ils sont à l'infinitif : « de guider » (de finir), « font trembler » (font frémir).
Les adjectifs et les participes passés employés comme des adjectifs s'accordent en genre et en nombre avec le(s) nom(s) qu'ils qualifient : « un seul jour » ; « ses chevaux ailés » ; « une mission importante » ; « mes chevaux, bien reposés » ; « vues […] la mer et la terre » (le participe est placé avant les noms et séparé par un complément) ; « la dernière partie » ; « une pente rapide » ; « un guide expérimenté » ; « de monstres effrayants ».
Les participes passés employés avec l'auxiliaire être s'accordent avec le sujet : « la route est semée […] et remplie ».
Quelques mots ont une orthographe souvent source d'erreurs : « excepté », « s'asseoir », « répand » (répandre, à ne pas confondre avec étendre), « à » (préposition, à ne pas confondre avec a de avoir), « et » (coordination, à ne pas confondre avec est de être), « ses » (déterminant possessif, à ne pas confondre avec le déterminant démonstratif ces).
Rédaction
Sujet d'imagination
Chaque année, au mois de juillet, les grands-parents Martin organisaient une fête de famille qui réunissait leurs enfants, trois garçons et une fille, ainsi que leurs dix petits-enfants. Les cousins et cousines adoraient ce rassemblement, organisé dans la maison familiale, à la montagne. C'était pour eux l'occasion de se retrouver, d'organiser des veillées tardives en ces doux soirs d'été, de se raconter leur vie depuis leur dernière rencontre. C'était aussi d'interminables après-midis de jeu dans la maison, mais leur plus grand bonheur était de se retrouver dans les environs du village, loin du regard des parents !
Ce jour-là, la joyeuse troupe programma une partie de cache-cache dans le hameau de granges foraines qui surplombait le village. Mais en arrivant, Matteo proposa plutôt d'aller explorer les petites grottes qu'ils apercevaient depuis le bas du pré, au-delà du ruisseau. Ces grottes les attiraient depuis très longtemps mais, jusqu'à ce jour, aucun n'avait eu le cran de braver l'interdiction des parents et grands-parents. Pour y accéder, il fallait franchir le cours d'eau, dont les flots bondissaient sur les pierres à cause de la fonte des neiges. Mais il fallait surtout escalader une petite falaise.
« Allez, on y va tous, vous verrez, ce sera plus amusant que nos éternelles parties de cache-cache ! » s'exclama Matteo avec enthousiasme. Les autres garçons acceptèrent immédiatement cette proposition. Les filles se montraient plus timorées, hésitantes. Leïla protesta :
« Attendez ! Les petits ne pourront pas nous suivre, ils ne sauront pas escalader cette paroi qui me paraît assez abrupte.
– Mais ils y arriveront. Ce ne sont pas des mauviettes, eux ! répliqua sèchement Matteo.
– Mauviettes ou pas, c'est trop dangereux. Et puis, il faut d'abord traverser le ruisseau et le courant est fort, trop fort…
– Ah ! Les filles ! Elles ont même peur de leur ombre ! se moqua Matteo en interrompant sa cousine.
– Je n'ai pas peur de mon ombre, comme tu dis, j'essaie de réfléchir et de mesurer les risques de ta proposition. J'essaie d'être lucide, raisonnable, contrairement à toi. Les dangers sont trop grands pour les petits et même pour nous : le courant et la profondeur du ruisseau, l'absence de pont, les pierres glissantes cachées sous l'eau. Et si nous passons tous de l'autre côté, il restera à escalader la paroi jusqu'à l'entrée des grottes. Si nos parents nous ont interdit d'aller là-bas, c'est qu'ils ont leurs raisons, ils connaissent l'endroit. Toi-même, tu n'es pas sûr de pouvoir grimper. Un rocher peut se détacher et tomber sur la tête de celui qui suit ; on peut lâcher prise et tomber dans le vide. D'ailleurs, les chèvres n'y vont jamais, preuve que c'est trop dur ! » dit Leïla cherchant à se montrer convaincante car elle sentait que les autres n'osaient pas renoncer à ce projet insensé. Elle savait que le garçon, blessé dans son amour-propre parce qu'elle lui avait tenu tête, s'obstinerait.
À peine avait-elle fini que Matteo s'élança, traversa le ruisseau en bondissant sur les rochers, faisant jaillir des gerbes d'eau. De l'autre côté, il se retourna et nargua Leïla. Puis il entreprit d'escalader la paroi. Il progressa rapidement dans un premier temps, tel un cabri. Mais au bout d'un moment il resta coincé, collé contre la roche, incapable de monter ou redescendre… Il fallut bien avertir les parents que Matteo avait besoin d'aide.
Ce jour-là, la joyeuse troupe programma une partie de cache-cache dans le hameau de granges foraines qui surplombait le village. Mais en arrivant, Matteo proposa plutôt d'aller explorer les petites grottes qu'ils apercevaient depuis le bas du pré, au-delà du ruisseau. Ces grottes les attiraient depuis très longtemps mais, jusqu'à ce jour, aucun n'avait eu le cran de braver l'interdiction des parents et grands-parents. Pour y accéder, il fallait franchir le cours d'eau, dont les flots bondissaient sur les pierres à cause de la fonte des neiges. Mais il fallait surtout escalader une petite falaise.
« Allez, on y va tous, vous verrez, ce sera plus amusant que nos éternelles parties de cache-cache ! » s'exclama Matteo avec enthousiasme. Les autres garçons acceptèrent immédiatement cette proposition. Les filles se montraient plus timorées, hésitantes. Leïla protesta :
« Attendez ! Les petits ne pourront pas nous suivre, ils ne sauront pas escalader cette paroi qui me paraît assez abrupte.
– Mais ils y arriveront. Ce ne sont pas des mauviettes, eux ! répliqua sèchement Matteo.
– Mauviettes ou pas, c'est trop dangereux. Et puis, il faut d'abord traverser le ruisseau et le courant est fort, trop fort…
– Ah ! Les filles ! Elles ont même peur de leur ombre ! se moqua Matteo en interrompant sa cousine.
– Je n'ai pas peur de mon ombre, comme tu dis, j'essaie de réfléchir et de mesurer les risques de ta proposition. J'essaie d'être lucide, raisonnable, contrairement à toi. Les dangers sont trop grands pour les petits et même pour nous : le courant et la profondeur du ruisseau, l'absence de pont, les pierres glissantes cachées sous l'eau. Et si nous passons tous de l'autre côté, il restera à escalader la paroi jusqu'à l'entrée des grottes. Si nos parents nous ont interdit d'aller là-bas, c'est qu'ils ont leurs raisons, ils connaissent l'endroit. Toi-même, tu n'es pas sûr de pouvoir grimper. Un rocher peut se détacher et tomber sur la tête de celui qui suit ; on peut lâcher prise et tomber dans le vide. D'ailleurs, les chèvres n'y vont jamais, preuve que c'est trop dur ! » dit Leïla cherchant à se montrer convaincante car elle sentait que les autres n'osaient pas renoncer à ce projet insensé. Elle savait que le garçon, blessé dans son amour-propre parce qu'elle lui avait tenu tête, s'obstinerait.
À peine avait-elle fini que Matteo s'élança, traversa le ruisseau en bondissant sur les rochers, faisant jaillir des gerbes d'eau. De l'autre côté, il se retourna et nargua Leïla. Puis il entreprit d'escalader la paroi. Il progressa rapidement dans un premier temps, tel un cabri. Mais au bout d'un moment il resta coincé, collé contre la roche, incapable de monter ou redescendre… Il fallut bien avertir les parents que Matteo avait besoin d'aide.
Sujet de réflexion
L'un des reproches souvent adressé à notre société est la permissivité, le laxisme à l'égard des enfants, au point de parler même de l'enfant-roi. Est-il préférable de laisser une entière liberté à l'enfant désireux de tenter toutes les expériences ou, au contraire, de limiter ses envies et, par voie de conséquence, sa liberté ? Ces deux modes d'éducation sont fréquemment source de polémiques.
Pour ma part, je pense qu'imposer des limites aux envies de l'enfant est une attitude rationnelle et raisonnable, voire sage. L'enfant, de par son âge, son degré de développement, est rempli de désirs, d'envies, de rêves. Au moment de Noël, on voit les enfants ébahis devant les rayons de jouets, ouvrant grand les yeux devant telle console de jeu ou tel smartphone qu'il aimerait recevoir en cadeau. La plupart du temps, la liste des cadeaux espérés est longue et coûteuse. Leur déception est très grande quand ils découvrent qu'ils ne recevront pas tout ce qu'ils attendaient impatiemment. Pour certains, « c'est le pire Noël de leur vie ! ». Des jouets pourtant demandés ne retiennent leur attention que peu de temps et finissent dans un placard ou un vide-greniers.
Quand il s'agit d'expériences tentantes, les parents et les éducateurs en général doivent se montrer stricts, sévères dans l'intérêt de l'enfant ; en effet, ce dernier manque d'expérience, ce qui est logique vu son jeune âge ; il convient alors de lui expliquer, de l'informer des risques ou des dangers qu'il ne perçoit pas car il vit dans une sorte de « bulle » ou de monde virtuel. C'est pourquoi les campagnes de prévention se multiplient à l'école et dans les médias pour avertir les jeunes de certaines conduites à risques, certains jeux extrêmement dangereux qui ont d'ailleurs coûté la vie à plusieurs d'entre eux. L'adolescence, c'est la période de l'insouciance, de l'inconscience : on a du mal à se projeter et à envisager objectivement les conséquences de nos actes ; on ressent une impression de force, de puissance, on se croit à l'abri de tout, capable de surmonter la moindre épreuve. Malheureusement la réalité est tout autre car les sollicitations se développent à un rythme effréné : Internet, les réseaux sociaux, les forums de discussion, les blogs… Or des faits divers parfois tragiques ont montré la vulnérabilité des jeunes, exposés aux agissements de personnes mal intentionnées.
Enfin, il faut éduquer l'enfant le plus tôt possible à la liberté, à l'exercice de sa liberté ; c'est un véritable apprentissage, soutenu en cela par les parents et les éducateurs ; la vie en société, en groupe impose des contraintes, des limites, des règles que nous devons accepter. Il faut savoir dire non à un enfant, lui faire comprendre que chacun ne peut pas faire que ce qui lui plaît, que satisfaire ses envies sans se soucier des autres ou des conséquences plus ou moins graves de ses actes.
Quand il s'agit d'expériences tentantes, les parents et les éducateurs en général doivent se montrer stricts, sévères dans l'intérêt de l'enfant ; en effet, ce dernier manque d'expérience, ce qui est logique vu son jeune âge ; il convient alors de lui expliquer, de l'informer des risques ou des dangers qu'il ne perçoit pas car il vit dans une sorte de « bulle » ou de monde virtuel. C'est pourquoi les campagnes de prévention se multiplient à l'école et dans les médias pour avertir les jeunes de certaines conduites à risques, certains jeux extrêmement dangereux qui ont d'ailleurs coûté la vie à plusieurs d'entre eux. L'adolescence, c'est la période de l'insouciance, de l'inconscience : on a du mal à se projeter et à envisager objectivement les conséquences de nos actes ; on ressent une impression de force, de puissance, on se croit à l'abri de tout, capable de surmonter la moindre épreuve. Malheureusement la réalité est tout autre car les sollicitations se développent à un rythme effréné : Internet, les réseaux sociaux, les forums de discussion, les blogs… Or des faits divers parfois tragiques ont montré la vulnérabilité des jeunes, exposés aux agissements de personnes mal intentionnées.
Enfin, il faut éduquer l'enfant le plus tôt possible à la liberté, à l'exercice de sa liberté ; c'est un véritable apprentissage, soutenu en cela par les parents et les éducateurs ; la vie en société, en groupe impose des contraintes, des limites, des règles que nous devons accepter. Il faut savoir dire non à un enfant, lui faire comprendre que chacun ne peut pas faire que ce qui lui plaît, que satisfaire ses envies sans se soucier des autres ou des conséquences plus ou moins graves de ses actes.
Pour conclure, certes il vaut mieux poser des limites aux envies, empêcher les enfants de vivre toutes les expériences, mais il ne s'agit toutefois pas de les empêcher de vivre, de faire eux-mêmes certaines expériences, qui leur apporteront de la maturité. Il faut trouver un équilibre entre permissivité et sévérité absolue. C'est une tâche difficile et délicate que d'accompagner l'enfant dans le passage à l'âge adulte.