Le corrigé
La croûte continentale présente des traces de l'histoire du passé mouvementé de la Terre. En Europe, la chaîne alpine est une chaîne de montagnes dont le point culminant est le mont Blanc situé à 4 810 m. Cette chaîne de montagnes intracontinentale, longue d'environ 1 200 km, s'est formée lors de l'orogénèse alpine, à partir de l'ère tertiaire. Lors de l'histoire de la formation des Alpes, un océan alpin a existé. Quels sont les indices témoignant de l'ouverture de cet océan puis de sa fermeture ? Nous allons d'abord étudier les coupes géologiques du massif du Chenaillet pour mettre en évidence l'existence de l'océan alpin, puis celle des massifs de la Mure, du Taillefer et du Rochail pour comprendre comment s'est effectuée son ouverture. Enfin, l'étude des roches du Queyras nous permettra d'expliquer la disparition de cet océan alpin.
I. Existence de l'océan alpin
À l'est du massif du Pelvoux, à proximité des zones internes des Alpes, le massif du Chenaillet, culminant à 2 600 m d'altitude, présente un affleurement particulier, constitué de bas en haut de péridotites serpentinisées, de gabbros puis de basaltes (document 2). Or les péridotites, les gabbros et les basaltes sont des roches caractéristiques de la lithosphère océanique. Ainsi, dans les Alpes vers 2 600 m d'altitude se trouve un fragment de lithosphère océanique en domaine continental, constituant une ophiolite. La présence de cette ophiolite alpine traduit l'existence passée d'un océan alpin. Quels sont les indices présents dans les Alpes qui témoignent de l'ouverture de cet océan ?
II. Ouverture de l'océan alpin
Le document 2 présente une coupe géologique des massifs de la Mure, de Taillefer et du Rochail, situés dans la zone externe des Alpes, à l'ouest du massif du Pelvoux. La coupe géologique montre que le socle est découpé par des failles normales séparant les blocs basculés des Grandes Rousses, de Taillefer et de la Mure. Or, ces blocs basculés séparés par des failles normales sont les vestiges d'une ancienne marge océanique passive (zone de transition entre la lithosphère océanique et la lithosphère continentale), formée lors de l'ouverture d'un océan alpin. Cette ouverture débute par un rifting, c'est-à-dire une déchirure au sein d'un continent. L'application des principes de la datation relative permet de dater le rifting continental à l'origine de l'ouverture de l'océan alpin. Les failles et le basculement affectent les calcaires et les schistes à ammonites, bélemnites et crinoïdes, datés du Jurassique inférieur et moyen (−250 à −154 Ma), mais n'affectent pas les calcaires et les marnes à ammonites et calpionelles du Jurassique supérieur et du Crétacé (−154 à −96 Ma) (document 3). Or, selon le principe de recoupement, toute structure qui en recoupe ou en affecte une autre lui est postérieure. Les failles témoignant de la déchirure continentale ont donc eu lieu après la formation des roches datant du Jurassique inférieur et moyen, et avant la formation de celles datant du Jurassique supérieur et du Crétacé. L'océan alpin s'est donc formé il y a environ 150 Ma par une tectonique en extension provoquant une déchirure continentale. Ce rifting a entraîné la mise en place de marges passives ; celle située au nord-ouest de l'océan alpin correspond actuellement aux massifs de la Mure, de Taillefer et du Rochail. Le rifting s'est poursuivi par la mise en place d'une dorsale océanique, qui a formé de la lithosphère océanique dont un fragment est observable au massif du Chenaillet. Plus tard, l'océan alpin s'est refermé. Comment s'est effectuée cette fermeture ?
III. Fermeture de l'océan alpin
Le métagabbro récolté dans la vallée du Guil dans le Queyras est une roche métamorphique, contenant des minéraux métamorphiques (l'actinote et le glaucophane) et des minéraux résiduels (des plagioclases et du pyroxène) (document 3). Ce métagabbro provient de la transformation d'un gabbro initialement présent au sein de la croûte océanique, constitué de plagioclases et de pyroxène. D'après le document 4, la présence d'actinote et de glaucophane dans ce métagabbro montre qu'il a été soumis à une température de 200 °C, à une profondeur de 25 km. Or, le géotherme de subduction indique que ces conditions de température et de profondeur sont celles existant au niveau d'une zone de subduction. Ainsi, le gabbro formé initialement au niveau de la dorsale de l'océan alpin s'est éloigné de celle-ci, et les réactions métamorphiques caractérisées par des hydratations ont formé l'actinote. Puis l'enfouissement du métagabbro lors de la subduction s'est accompagné de réactions de déshydratation à l'origine du glaucophane. La présence du métagabbro de la vallée du Guil indique donc que l'océan alpin s'est fermé par subduction. La subduction puis les phénomènes tectoniques ultérieurs ont alors entraîné la formation d'ophiolites dans les Alpes, comme celle du Chenaillet.
Ainsi, l'ophiolite du Chenaillet prouve l'existence d'un océan qui a existé dans les Alpes. Vers −150 Ma, un rifting continental a conduit à l'ouverture de l'océan alpin, comme le montrent les restes des marges massives occidentales de cet océan. La dorsale océanique a produit de la lithosphère océanique. Puis une subduction, mise en évidence par les roches métamorphiques de la croûte océanique subduite, a entraîné la fermeture de cet océan. Les conséquences de cette géodynamique ont été la formation des reliefs de la chaîne alpine, avec présence de sutures ophiolitiques. Comment expliquer la modification des contextes géodynamiques lors de l'histoire alpine avec le passage d'un contexte de divergence, à l'origine de la formation de l'océan alpin à un contexte de convergence entraînant la subduction et la collision ?