Corrigé
Introduction
[Analyse du sujet et problématisation] La 25e Conférence of Parties (COP 25) tenue à Madrid en 2019 s'est achevée sur un semi-constat d'échec, les États-Unis, la Chine et l'Inde revenant partiellement sur leurs engagements climatiques. Il semble toujours impossible de susciter au sein de la communauté internationale un consensus efficace vis-à-vis des questions climatiques. Même au sein de l'Union européenne, plus sensible aux questions écologiques que les États-Unis ou la Chine, les politiques en faveur du climat ne remportent pas complètement l'adhésion des pays membres. À l'issue du conseil européen du 13 décembre, la Pologne s'est ainsi tenue à l'écart de l'accord prévoyant un objectif de neutralité carbone pour 2050. On peut donc se demander comment la question climatique est devenue un enjeu international tout en restant un sujet clivant.
[Annonce du plan] Dans un premier temps, nous expliquerons comment s'est construite la mobilisation internationale depuis les années 1970, avant d'analyser les initiatives plus récentes et leurs limites.
I. L'émergence d'une politique climatique internationale
1. Une prise de conscience tardive face aux changements constatés à la fin du xxe siècle
La politique climatique regroupe les mesures prises par les institutions publiques, nationales et internationales en faveur du climat, notamment pour réduire le réchauffement climatique. Selon l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), à l'échelle de la planète (océan et continent), l'année 2014 a battu, dans un contexte de tendance continue au réchauffement, le record de l'année la plus chaude depuis 1850. Depuis la fin des années 1990, l'augmentation de la température moyenne de l'air à la surface du globe a dépassé de 0,57 °C la moyenne calculée pour la période de référence 1961-1990. Les prémices d'une mobilisation sur le plan international n'apparaissent en effet que très tardivement.
2. Les grandes étapes de la mobilisation climatique internationale
En 1979, le changement climatique est reconnu pour la première fois comme étant un grave problème de portée mondiale, lors de la première Conférence mondiale sur le climat tenue à Genève sous les auspices entre autres de l'Organisation météorologique mondiale (OMM) et du programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE). En 1988, la conférence de Toronto lance un premier appel à réduire les émissions de gaz à effet de serre. La même année, l'OMM et le PNUE créent le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) chargé d'étudier l'évolution du climat mondial.
3. La signature du protocole de Kyoto et la création de la Conference of Parties (COP)
En 1990, les Nations unies et l'OMM organisent, à nouveau à Genève, la deuxième Conférence mondiale sur le climat à laquelle participent des représentants de 137 pays et de l'Union européenne. Cette conférence se clôture par un appel en faveur de l'adoption d'un traité international relatif au changement climatique. Les actions s'accélèrent à partir de là. La convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) est adoptée au cours du Sommet de la Terre de Rio de Janeiro en 1992 par 154 États et la totalité des membres de la Communauté européenne. En 1995, la première COP se réunit à Berlin. Enfin, en 1997, le protocole de Kyoto est signé le 11 décembre 1997 lors de la 3e COP à Kyoto, au Japon.
II. Une montée en puissance dans les années 2000 mais des écueils en apparence toujours insurmontables
1. L'entrée en vigueur du protocole de Kyoto
Le protocole est entré en vigueur le 16 février 2005. Ce protocole visait à réduire, entre 2008 et 2012, d'au moins 5 % par rapport au niveau de 1990, les émissions de six gaz à effet de serre : dioxyde de carbone, méthane, protoxyde d'azote et trois substituts des chlorofluorocarbones. En 2009, 184 pays l'avaient ratifié. En 1997, le Sénat américain refuse de ratifier le traité à l'unanimité. Pas un seul sénateur démocrate ne vote en faveur du protocole. En 2005, le gouvernement Bush refuse de présenter à nouveau le traité pour ratification. Néanmoins, 28 États américains adoptent de manière autonome des plans en faveur du climat.
2. La COP 21 et l'Accord de Paris
La 21e COP a lieu à l'occasion de la Conférence de Paris de 2015 du 30 novembre au 12 décembre 2015, au Bourget, en France. Ce sommet international qui rassemble 195 pays valide un accord international sur le climat fixant comme objectif une limitation du réchauffement mondial entre 1,5 °C et 2 °C d'ici 2100. En effet, le cinquième rapport du GIEC, paru en 2014, prévoyait une hausse des températures de 0,3 à 4,8 °C d'ici 2100. L'Accord de Paris représente donc après le protocole de Kyoto le deuxième accord parvenant à unir l'ensemble des nations de la planète autour d'un projet de réduction des émissions de CO2.
3. Un succès de façade ?
Cependant, nombre d'observateurs estiment que, malgré le succès diplomatique, l'Accord de Paris reste un accord peu contraignant, en particulier pour les États-Unis, la Chine, l'Inde, le Brésil, le Canada et la Russie, qui représentent à eux seuls plus de la moitié des émissions mondiales de CO2. Pour d'autres, les objectifs de baisse de température fixés par l'accord sont irréalistes, tandis que l'accord est dénoncé par des associations écologistes comme un accord de façade qui a surtout permis à de grandes multinationales de se donner une trompeuse image écologique. Le 1er juin 2017, le président Donald Trump annonce le retrait des États-Unis de l'accord de Paris, ce qui porte un sérieux coup à la crédibilité et à l'efficacité de la mobilisation internationale sur le climat.
Conclusion
En dépit de la mobilisation très forte de la société civile, dont la jeune activiste suédoise Greta Thunberg est devenue un symbole, les négociations sur le climat paraissent s'enliser et la mobilisation internationale marquer le pas. La réunion de la COP 25 à Madrid, du 2 au 13 décembre 2019, s'est d'ailleurs conclue sur un accord a minima et son ambitieux slogan, « Time for Action », semble devoir rester lettre morte.
Glaciers, Alaska.
© Don Mennig/iStock |
Zoom sur…
Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC)
Il s'agit d'une association de pays regroupant les membres des Nations unies, fondée en 1988, destinée à faire la synthèse des travaux de recherche sur le climat menés dans le monde entier. Les rapports produits par le GIEC sont élaborés par des scientifiques puis validés à l'unanimité par les pays membres. Ils rendent compte de l'état des connaissances concernant les évolutions climatiques mondiales, leurs causes et effets. Comme le souligne Jean-Marc Jancovici, les publications du GIEC font l'objet d'un consensus très large et sont donc extrêmement fiables. Depuis 1990, le GIEC a publié cinq rapports qui relèvent l'augmentation actuelle rapide de la température terrestre, les impacts de cette augmentation sur les milieux naturels et les sociétés humaines, attribuent cette augmentation à l'action humaine, et dressent des scénarios pour les prochaines décennies en fonction des nouvelles émissions de CO2. Ces rapports révèlent la capacité des États à s'organiser pour prendre la mesure des problèmes climatiques auxquels nous sommes confrontés et le consensus scientifique sur la question. Le GIEC s'adresse aux États auxquels il suggère l'action politique en matière climatique. Il a beaucoup contribué à la prise de conscience générale, politique et sociale, de la responsabilité humaine dans le réchauffement climatique et de la nécessité de diminuer les émissions de gaz à effet de serre dans l'atmosphère.
Les États-Unis et les accords climatiques
Bien qu'ayant participé aux travaux préparatoires et même si l'administration Clinton a signé le traité, les États-Unis refusent en 1997 de ratifier le protocole de Kyoto : le Sénat américain vote contre à l'unanimité. De même, à la suite de la COP 21 à Paris en décembre 2015, Obama signe le traité, mais les États-Unis ne le ratifient pas, ce qui aurait impliqué le passage par un vote du Sénat. Deux ans plus tard, le président Donald Trump annonce sa décision de se retirer de cet accord. Les États-Unis font ainsi montre d'une réserve très forte sur la question climatique. En effet, le parti républicain met en doute la réalité du réchauffement climatique ou sa cause humaine. Ce climatoscepticisme rend l'adoption des traités, pour laquelle il faut la majorité des deux tiers du Sénat, irréalisable. De manière plus générale, les États-Unis refusent la plupart des traités internationaux contraignants les exposant à des sanctions : ils n'ont pas ratifié la Convention internationale des droits de l'enfant ni la Convention sur l'interdiction des mines antipersonnel signée à Ottawa en 1999. Les États-Unis ont donc une politique étrangère refusant à la fois la limitation de leur souveraineté nationale et les entraves à leur économie. Parce que le pays est le deuxième émetteur de gaz à effet de serre du monde, ce refus de s'associer aux traités enraye largement la capacité des États à s'organiser pour faire face collectivement au réchauffement climatique.