Produire et diffuser des connaissances : recherches et échanges sur la radioactivité de 1896 à 1950
Fiche
La nouvelle ère du nucléaire a débuté dès la fin du xixe siècle, avec la découverte du phénomène de la radioactivité par Henri Becquerel en 1896. Cette découverte a eu des impacts majeurs dans la compréhension scientifique du monde, l'industrie et l'armement. Depuis, la radioactivité est devenue un sujet d'étude majeur, suscitant échanges et coopérations scientifiques entre chercheurs, acteurs privés et États à l'échelle internationale.
I. De Becquerel à la découverte de la physique atomique
La radioactivité est un phénomène naturel physique par lequel des noyaux atomiques se désintègrent pour se transformer en d'autres atomes, en dégageant des particules radioactives (électrons ou neutrons) et en produisant de l'énergie. Ce phénomène a été découvert en 1896 par le physicien français Henri Becquerel (1852-1908), ouvrant la voie à un vaste champ de recherches scientifiques.
Becquerel avait pris connaissance des travaux de William Röngten, qui avait découvert les étranges rayons X émis par un tube cathodique expérimental. Becquerel a donc déposé à dessein du sel phosphorescent d'uranium sur des plaques photographiques pour les exposer au soleil et constater que les plaques photographiques révélaient l'image des cristaux d'uranium quand on les développait. Il pense d'abord à tort que le sel d'uranium absorbe les rayonnements solaires et les émet à nouveau sous forme de rayon X.
C'est là que le hasard intervient, quand, le 26 février 1896, Becquerel, en rangeant plaques et cristaux dans un placard, découvre que les plaques sont impressionnées par le sel d'uranium sans le concours du soleil. Il comprend alors qu'il vient de découvrir le phénomène par lequel un objet inerte peut émettre un rayonnement sans apport extérieur d'énergie : la radioactivité.
À partir de cette découverte, d'autres chercheurs vont prendre le relais pour isoler et nommer les éléments capables de produire ce rayonnement particulier : Marie Curie (1867-1934) et Pierre Curie (1859-1906). Marie Curie entame en 1897 une thèse sur les mystérieux « rayons uraniques » de Becquerel. Elle observe et relève la radioactivité de matériaux tels que le thorium et l'uranium. La découverte de « rayons uraniques » émis par deux matériaux différents amène Marie Curie à concevoir que l'émission de ces rayons est un phénomène physique qui n'est pas lié au seul uranium, mais qui caractérise de multiples matériaux, dont certains émettent des radiations plus importantes que l'uranium, comme le polonium – quatre cents fois plus radioactif que l'uranium – et surtout le radium – neuf cents fois plus radioactif. C'est Marie Curie qui baptise ce rayonnement « radioactivité ». En juillet 1902, elle soutient d'ailleurs une thèse de sciences physiques intitulée Recherches sur les substances radioactives. Le 10 décembre 1903, Marie Curie, son époux Pierre et Henri Becquerel reçoivent conjointement le prix Nobel de physique pour leurs recherches communes sur les radiations.
Les travaux de Becquerel et des Curie sont poursuivis et approfondis au début du xxe siècle par le physicien Ernest Rutherford (1871-1937), considéré aujourd'hui comme le père de la physique nucléaire. Rutherford a effectué des découvertes considérables pour la compréhension de la physique atomique. Basé d'abord à Cambridge, il s'installe ensuite à l'université McGill, à Montréal. C'est là qu'il parvient à démontrer le mécanisme qui régit la radioactivité, la désintégration d'un noyau atomique et sa transmutation en un autre élément chimique, accompagnées d'un dégagement d'énergie. Rutherford reçoit le prix Nobel de chimie pour ses travaux en 1908. Il réalise en laboratoire la première transmutation artificielle d'un noyau atomique en bombardant de l'azote avec des rayons alpha. Pendant ce temps, en France, alors que Pierre Curie est décédé en 1906, Marie Curie poursuit ses propres travaux à la Sorbonne qui vont la conduire à mettre au point les techniques de radiologie et à organiser pendant la guerre le premier service de radiologie aux armées. Elle meurt à 66 ans, en 1934, d'une leucémie induite par son exposition prolongée à des radiations.
Becquerel avait pris connaissance des travaux de William Röngten, qui avait découvert les étranges rayons X émis par un tube cathodique expérimental. Becquerel a donc déposé à dessein du sel phosphorescent d'uranium sur des plaques photographiques pour les exposer au soleil et constater que les plaques photographiques révélaient l'image des cristaux d'uranium quand on les développait. Il pense d'abord à tort que le sel d'uranium absorbe les rayonnements solaires et les émet à nouveau sous forme de rayon X.
C'est là que le hasard intervient, quand, le 26 février 1896, Becquerel, en rangeant plaques et cristaux dans un placard, découvre que les plaques sont impressionnées par le sel d'uranium sans le concours du soleil. Il comprend alors qu'il vient de découvrir le phénomène par lequel un objet inerte peut émettre un rayonnement sans apport extérieur d'énergie : la radioactivité.
À partir de cette découverte, d'autres chercheurs vont prendre le relais pour isoler et nommer les éléments capables de produire ce rayonnement particulier : Marie Curie (1867-1934) et Pierre Curie (1859-1906). Marie Curie entame en 1897 une thèse sur les mystérieux « rayons uraniques » de Becquerel. Elle observe et relève la radioactivité de matériaux tels que le thorium et l'uranium. La découverte de « rayons uraniques » émis par deux matériaux différents amène Marie Curie à concevoir que l'émission de ces rayons est un phénomène physique qui n'est pas lié au seul uranium, mais qui caractérise de multiples matériaux, dont certains émettent des radiations plus importantes que l'uranium, comme le polonium – quatre cents fois plus radioactif que l'uranium – et surtout le radium – neuf cents fois plus radioactif. C'est Marie Curie qui baptise ce rayonnement « radioactivité ». En juillet 1902, elle soutient d'ailleurs une thèse de sciences physiques intitulée Recherches sur les substances radioactives. Le 10 décembre 1903, Marie Curie, son époux Pierre et Henri Becquerel reçoivent conjointement le prix Nobel de physique pour leurs recherches communes sur les radiations.
Les travaux de Becquerel et des Curie sont poursuivis et approfondis au début du xxe siècle par le physicien Ernest Rutherford (1871-1937), considéré aujourd'hui comme le père de la physique nucléaire. Rutherford a effectué des découvertes considérables pour la compréhension de la physique atomique. Basé d'abord à Cambridge, il s'installe ensuite à l'université McGill, à Montréal. C'est là qu'il parvient à démontrer le mécanisme qui régit la radioactivité, la désintégration d'un noyau atomique et sa transmutation en un autre élément chimique, accompagnées d'un dégagement d'énergie. Rutherford reçoit le prix Nobel de chimie pour ses travaux en 1908. Il réalise en laboratoire la première transmutation artificielle d'un noyau atomique en bombardant de l'azote avec des rayons alpha. Pendant ce temps, en France, alors que Pierre Curie est décédé en 1906, Marie Curie poursuit ses propres travaux à la Sorbonne qui vont la conduire à mettre au point les techniques de radiologie et à organiser pendant la guerre le premier service de radiologie aux armées. Elle meurt à 66 ans, en 1934, d'une leucémie induite par son exposition prolongée à des radiations.
II. Les applications militaires et civiles de la radioactivité à partir de l'entre-deux-guerres
Au cours de l'année 1938, les scientifiques allemands Otto Hahn, Fritz Strassmann et Lise Meitner et une équipe de scientifiques français conduite par Frédéric Joliot mettent au jour la fission de l'atome et le phénomène de réaction en chaîne qu'elle entraîne. La fission nucléaire intervient quand un noyau atomique formé de nucléons (comme l'uranium 235 ou le polonium 239) est scindé en deux – ou plus – « nucléides », ou noyaux, plus légers. Lors d'une fission nucléaire, le noyau atomique scindé libère des neutrons qui entrent en collision les uns avec les autres et peuvent entraîner la fission d'un ou de plusieurs autres noyaux, c'est le phénomène de la réaction en chaîne. C'est cependant les applications militaires de cette technologie qui vont constituer la première véritable révolution ouvrant l'ère atomique.La Seconde Guerre mondiale et l'invasion de la France par l'Allemagne nazie mettent un coup d'arrêt aux recherches de Frédéric Joliot et de son épouse Irène Joliot-Curie. Les scientifiques allemands poursuivent eux les recherches sur la fission nucléaire. C'est aux États-Unis que s'accomplissent les progrès les plus déterminants dans le cadre du projet Manhattan conduit par Robert Oppenheimer. Le 2 décembre 1942, dans le plus grand secret, est mise au point la première pile atomique de l'histoire par l'équipe du scientifique italien Enrico Fermi. Cela démontre que l'on peut maîtriser en laboratoire le phénomène de la réaction en chaîne et aussi l'employer à des fins militaires. Le 16 juillet 1945, la première bombe atomique de l'histoire explose dans le désert du Nouveau-Mexique. Deux bombes larguées sur les villes d'Hiroshima et de Nagasaki en août 1945 permettent aux États-Unis de remporter la guerre dans le Pacifique. Il suffit dès lors d'une bombe pour raser une ville.
À la fin de la Seconde Guerre mondiale débute une course effrénée à l'atome. Après les États-Unis, c'est l'URSS qui fait exploser sa bombe atomique en 1949. En France, Frédéric Joliot et Irène Curie participent tous deux à la création du Commissariat à l'énergie atomique le 18 octobre 1945. En 1960, la France fait exploser sa première bombe atomique à Reggane, dans le Sahara algérien.
La compétition porte aussi sur le nucléaire civil. Un premier réacteur est mis en service en 1951 aux États-Unis. L'URSS construit sa première centrale en 1954, les Français et les Britanniques en 1956. Le premier accident nucléaire majeur a lieu en Sibérie à Kychtym, en 1957. L'avenir de l'industrie nucléaire s'oriente aujourd'hui vers le réacteur à fusion, dont le plus grand prototype, l'ITER, a difficilement achevé sa première phase de construction à Cadarache, dans le sud de la France.
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Zoom sur…
Marie Curie
Marie Curie, née Maria Sklodowska à Varsovie en 1867, est une physicienne franco-polonaise. Arrivée en France en 1892, elle mène à Paris de brillantes études scientifiques. Elle épouse le physicien Pierre Curie. Le couple mène en commun des recherches qui poursuivent les travaux de Becquerel. Marie Curie découvre la radioactivité en étudiant le thorium, le polonium et le radium. Ces recherches ouvrent à la physique un champ entièrement nouveau, ce qui justifie l'attribution au couple du prix Nobel de physique en 1903, puis à Marie Curie du prix Nobel de chimie en 1911. En 1914, lorsque éclate la Première Guerre mondiale, elle organise un service de radiologie au front, les rayons X permettant de localiser et d'extraire les éclats d'obus. D'après Marie-Noël Himbert, 1 million de soldats furent soignés grâce au service radiologique de Curie. Elle décède en 1934 du fait des radiations auxquelles elle a été exposée. Marie Curie occupe une place de premier plan dans le monde scientifique, mais sa notoriété est bien plus large. Pionnière, elle est la première femme à occuper une chaire à la Sorbonne. Sa dépouille entre au Panthéon en 1995, ce qui en fait la première femme à laquelle la France rend cet hommage posthume. Le destin exceptionnel de Marie Curie ne doit pas occulter la faible place occupée par les femmes, aujourd'hui encore, dans le monde scientifique dont elles sont largement écartées. Ainsi, seules 3 femmes ont reçu le prix Nobel de physique, attribué pourtant à 201 personnes depuis sa création.Irène Joliot-Curie
Irène Joliot-Curie est la fille de Pierre et Marie Curie. Née à Paris en 1897, elle suit les traces de ses parents et s'investit dans la recherche en physique. Elle passe son doctorat en 1925. Elle épouse Frédéric Joliot en 1926, et tous deux travaillent désormais ensemble sur la radioactivité, dans les traces des parents d'Irène. Ils découvrent que l'on peut créer des éléments radioactifs artificiellement, par un bombardement de particules alpha. Cette découverte ouvre la voie à des usages industriels et militaires de la radioactivité. Irène Joliot-Curie est très investie politiquement : femme de gauche, elle adhère d'abord à la SFIO, puis au comité de vigilance contre le fascisme. Elle devient sous-secrétaire d'État à la recherche scientifique en 1936. Féministe, elle s'engage également au sein de l'Union des femmes françaises.ITER (réacteur thermonucléaire expérimental international)
Il s'agit du plus grand projet de coopération scientifique internationale actuel, associant 35 pays du Nord ou émergents. Il est initié par le dirigeant soviétique Gorbatchev en 1985, ce qui marque une étape importante vers la fin de la guerre froide, et l'accord final est signé en 2006, à Paris. C'est actuellement la fission nucléaire qui est utilisée en industrie, par la division des noyaux atomiques. L'objectif est de développer la fusion nucléaire, c'est-à-dire la fusion de noyaux atomiques afin de provoquer de l'énergie. Cela ouvrirait la voie à une énergie non productrice de déchets radioactifs et utilisant des matières premières abondantes. Cependant, le projet a pris énormément de retard et dépasse largement le budget prévu.© 2000-2024, rue des écoles