La France et le patrimoine, des actions majeures de valorisation et de protection


Fiche

La France, premier pays touristique du monde, tire une part importante de ses revenus et de son prestige de son patrimoine architectural, artistique, culturel et naturel. Mais le patrimoine est aussi considéré, notamment à partir de la Révolution française, comme un bien commun qui doit être accessible à tous et comme un facteur d'unité nationale. Avec l'essor du tourisme, le patrimoine devient un enjeu économique majeur. Si la France est, de loin, la première destination touristique mondiale, notamment grâce à Notre-Dame de Paris (qui recevait 12 millions de visiteurs par an), ou au Louvre (10 millions), la concurrence est aujourd'hui intense et implique des politiques spécifiques pour capter la clientèle mondiale. Le patrimoine apparaît ainsi comme un enjeu tant politique, économique et géopolitique que culturel, ce qui explique l'attention toute particulière dont il bénéficie de la part de l'État et, plus récemment, des collectivités territoriales.
I. Le patrimoine historique et culturel de la France
La France dispose d'un patrimoine architectural et artistique important, aujourd'hui très valorisé, notamment dans un but touristique. Les peintures rupestres de Lascaux, en Dordogne, sont un témoignage exceptionnel de l'art du paléolithique. La colonisation grecque a laissé des traces dans le sud de la France, notamment à Marseille. Dans bien des villes, on trouve des restes importants de la présence romaine à partir du iie siècle avant J.-C. Au Moyen Âge, le royaume de France est riche et puissant. Cela se traduit par un très important patrimoine religieux, des églises romanes (Sainte-Foy de Conques par exemple) aux cathédrales gothiques (Notre-Dame de Chartres).
Avec la Révolution française se met en place une politique d'appropriation de ces monuments d'Ancien Régime. Certains changent de fonctions : le palais du Louvre devient un musée et l'église Sainte-Geneviève, à Paris, devient le Panthéon, nécropole des hommes illustres. Le patrimoine est ainsi considéré comme un bien commun et un outil d'unité nationale. Louis-Philippe (1830-1848) procède à l'achèvement de l'Arc de triomphe débuté en 1806 par Napoléon Ier. Parallèlement à ces politiques de réappropriation et de construction, dont l'État est le maître d'œuvre, se développe une véritable politique coordonnée de mise en valeur et de protection du patrimoine.
II. Préservation et mise en valeur du patrimoine : politiques publiques et acteurs privés
L'une des premières personnalités en France à lancer l'idée d'une politique du patrimoine est l'abbé Grégoire dans un rapport remis à la Convention en 1794. Il y suggère que « tous les monuments de sciences et d'arts » soient « recommandés à la surveillance de tous les bons citoyens ». Ces recommandations sont un effet des nombreuses destructions liées à la période révolutionnaire. Elles seront réellement mises en œuvre avec la création en 1830 d'un poste d'inspecteur général des monuments historiques bientôt confié à Prosper Mérimée.
Dès le xixe siècle apparaît également un intérêt marqué pour le folklore et les traditions populaires et la notion de patrimoine est étendue au patrimoine ordinaire, populaire et immatériel. En Provence, de nombreux musées d'ethnographie ou d'histoire sont créés dans le but de préserver une culture locale, comme le Musée arlésien, créé en 1896 à l'initiative de Frédéric Mistral. Ces musées promeuvent pour une part une Provence intemporelle fantasmée, mais certains s'inscrivent dans une démarche scientifique et mettent en place des collectes ethnographiques.
Au lendemain de la Première Guerre mondiale, la nécessité de mettre en place une gigantesque entreprise de reconstruction des zones détruites donne une impulsion déterminante à la politique du patrimoine. Elle s'accompagne de la volonté de commémorer les sacrifices consentis pendant la guerre. Comme le remarque l'historien Eugen Weber dans La France des années 30 : Tourments et perplexités, le territoire français se couvre de monuments aux morts dont l'entretien est intégré à la politique de gestion et de mise en valeur du patrimoine. La Seconde Guerre mondiale et l'Occupation sont également suivies d'une phase de reconstruction, qui permet à de nouveaux acteurs de participer à la reconstruction.
Le cas de la collaboration entre l'Église et les artistes modernes et contemporains est à ce titre particulièrement symptomatique. La période qui suit la Seconde Guerre mondiale voit un renouvellement complet de l'art du vitrail, grâce aux œuvres d'artistes tels que Marc Chagall ou Pierre Soulages. La reconstruction des monuments endommagés donne naissance à un nouveau style et permet aussi l'usage de nouvelles matières comme le béton. De manière plus générale, dans la seconde moitié du xxe siècle, une collaboration accrue voit le jour entre l'Église et les artistes contemporains, les édifices religieux accueillant de plus en plus fréquemment les œuvres exposées au grand public. Cette pratique s'étend à l'ensemble des monuments pour faire cohabiter patrimoine historique et création artistique contemporaine.
III. Les politiques du patrimoine depuis les années 1960
La seconde moitié du xxe siècle rompt avec la précédente, en adoptant une politique d'action patrimoniale moins hiérarchisée, pyramidale et centralisée. Les années 1960 sont marquées par l'action du ministre de la Culture André Malraux. Deux lois programmes, en 1962 et 1967, permettent la restauration des fleurons du patrimoine architectural et historique français, comme Versailles, le Louvre, les Invalides, etc., grâce à de vastes chantiers de restauration. En 1963, le ministère lance une immense campagne de ravalement des principaux monuments parisiens, noircis par la pollution. Cette période est aussi marquée par la création de l'Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France qui se donne une vaste mission de repérage des monuments et de planification des chantiers de restauration. Une responsabilité plus grande est donnée pour ce faire aux régions. Sous Malraux, le ministère valorise énormément le patrimoine historique ancien et exceptionnel. En parallèle, le premier parc national français est créé en 1963 dans la Vanoise : le patrimoine naturel devient une préoccupation nationale. Créés en 1967, les parcs naturels régionaux (PNR) offrent une vision plus large du patrimoine.
André Malraux (1901-1976).
André Malraux (1901-1976).
Les années 1970 voient l'élargissement des critères d'intégration du bâti plus récent aux registres du patrimoine, après le choc causé par la destruction des Halles de Paris décidée en 1971 par Georges Pompidou. Des actions sont alors menées pour préserver les gares, les usines, les théâtres ou les cinémas construits au cours des xixe et xxe siècles. Les actions patrimoniales s'étendent aussi à la protection et à la connaissance des cultures régionales dans une optique ethnographique avec la signature de la charte des écomusées en 1981. Dans les années 1980, sous le ministère Jack Lang, le budget de la culture augmente fortement, ce qui permet de renforcer le soutien au théâtre et d'étendre les financements publics aux arts de rue ou à la danse.
Les collectivités territoriales jouent un rôle de plus en plus grand dans la mise en valeur du patrimoine local, en lien avec l'activité touristique. En 1983 sont créées les zones de protection du patrimoine architectural urbain et paysager qui permettent de protéger localement plus efficacement ce type de patrimoine. En même temps, l'État se désengage de la préservation du patrimoine. En dépit de la grande loi sur le patrimoine annoncée en 2013, le budget alloué à la préservation et à la conservation du patrimoine reflète la baisse des crédits de la culture. L'incendie de Notre-Dame de Paris le 15 avril 2019 est venu rappeler les responsabilités qui incombent à l'État dans le domaine de la préservation du patrimoine français le plus emblématique.
Le Centre Pompidou, Paris.
Le Centre Pompidou, Paris.
© jacquesvandinteren/iStock
Zoom sur…
Le Panthéon
Au xviiie siècle, l'architecte Jacques-Germain Soufflot lance la construction dans le Ve arrondissement de Paris de l'église Sainte-Geneviève, vaste bâtiment de style néo-classique. La Révolution française survient rapidement après l'achèvement de l'église, qui est transformée en 1791 par la Convention en une nécropole pour les grands hommes français. Elle est nommée Panthéon en référence à la Rome antique et on y transfère les dépouilles de Voltaire, Mirabeau et Rousseau. L'inscription du fronton, « aux grands hommes, la patrie reconnaissante », montre l'ambition patriotique de la politique patrimoniale républicaine, confirmée au gré des événements. Ainsi, à l'époque de l'Ordre moral au début des années 1870, on orne le Panthéon de peintures de Jeanne d'Arc et Saint Louis pour affirmer le caractère catholique et monarchique de la France. En 1924, le Panthéon reçoit un monument en l'honneur des morts de la Première Guerre mondiale. Le premier geste de Mitterrand après son élection, en 1981, est de déposer des roses au Panthéon en mémoire de Jaurès, Moulin et Schœlcher. Le patrimoine d'Ancien Régime est ainsi réemployé et transformé au service d'un projet de construction d'une identité nationale, et l'architecture et les ornements de la nécropole rendent compte des fluctuations du pouvoir politique.
L'église Notre-Dame-de-Toute-Grâce
L'église Notre-Dame-de-Toute-Grâce se trouve en Haute-Savoie, sur le plateau d'Assy. Commanditée par le chanoine Jean Devémy et réalisée par l'architecte Maurice Novarina, elle abrite des œuvres des plus grands artistes : Georges Rouault, March Chagall, Henri Matisse, Fernand Léger, etc. L'Église montre l'intérêt d'une partie du clergé catholique pour l'art moderne au milieu du xxe siècle et l'importance de l'Église catholique pour le patrimoine français, y compris à l'époque contemporaine.
Le centre Georges-Pompidou
La construction du Musée national d'art moderne est impulsée par le président Georges Pompidou. En 1971, les architectes Renzo Piano et Richard Rogers remportent le concours international et la construction commence, détruisant une partie des plus vieilles rues de Paris. Le bâtiment, achevé en 1977, suscite des réactions très critiques du fait de son architecture industrielle d'avant-garde, mais connaît un succès immédiat. Il devient ainsi rapidement l'un des emblèmes du patrimoine parisien, et, comme la tour Eiffel, un signe de modernité. Le succès du Centre Pompidou conduit ses successeurs à laisser eux aussi un grand projet culturel qui portera leur nom : la Bibliothèque nationale François Mitterrand ou le musée du quai Branly – Jacques Chirac par exemple.
Les écomusées
Les écomusées sont des musées pluridisciplinaires, liés à un territoire dont ils étudient et valorisent le patrimoine et la culture en associant les populations locales. Le premier écomusée non rural est celui du Creusot en Bourgogne ; créé en 1973, il est consacré à un territoire industriel et minier. Les écomusées sont nés en France en lien avec la création des parcs naturels régionaux, mais il en existe aujourd'hui partout dans le monde. Ils rendent compte d'un élargissement de la sphère du patrimoine, qui ne se limite plus aux vestiges artistiques et architecturaux exceptionnels.
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