La dimension politique de la guerre : des conflits interétatiques aux enjeux transnationaux
Fiche
Aux xviie et xviiie siècles en Europe, la guerre sert l'intérêt des États qui se confond alors avec celui des familles régnantes : la guerre vise à étendre leur pouvoir. Les choses changent avec la Révolution française. La guerre s'appuie sur la ferveur révolutionnaire et revêt aux yeux des Français, et notamment des soldats citoyens, la dimension d'un combat idéologique, notamment pendant la Terreur (1793), incarné par le slogan « liberté, égalité, fraternité ou la mort ». Cette dimension idéologique de la guerre, qui vient s'entourer d'un discours politique et se présente comme une lutte entre des visions du monde autant qu'entre des groupes humains, s'accroît au cours du xxe siècle et trouve son apogée avec la guerre d'Espagne (1936-1939) et la Seconde Guerre mondiale (1939-1945). Concomitamment, avec l'essor des guerres asymétriques qui opposent un groupe armé à un État bien plus puissant, la qualification du conflit et de l'ennemi devient un enjeu politique à part entière, en même temps que les sphères politique et militaire se confondent de plus en plus souvent.
I. La guerre, outil de la politique étatique (xviie-xxe siècle)
L'affirmation, au tournant des xive et xve siècles, des grandes monarchies centralisées européennes, au détriment d'une féodalité qui s'efface, fait de la guerre l'affaire des États. On assiste au xviie siècle à la mise en place du système westphalien, système international né des traités de Westphalie à partir de 1648, qui fait de l'État-nation l'acteur majeur de la guerre et de la paix. Au cours du xviiie siècle, la guerre est un moyen au service de la politique des États, au même titre que les alliances matrimoniales par exemple, et ses objectifs sont principalement dynastiques ou territoriaux. L'Europe connaît plusieurs guerres de succession au cours desquelles les monarchies européennes s'affrontent pour imposer tel ou tel prétendant au trône : les guerres de succession d'Espagne (1701-1714), de Pologne (1733-1738) et d'Autriche (1740-1748). Par la suite, la guerre de Sept Ans représente pour beaucoup d'historiens un véritable premier conflit mondial et l'avènement de la guerre moderne, puisqu'elle oppose de 1756 à 1763 les principales puissances européennes sur des terrains d'affrontement situés en Europe, mais aussi en Amérique et dans les Indes.
Au xixe siècle, les guerres révolutionnaires et napoléoniennes marquent l'avènement de la guerre de masse moderne. « De ce lieu et de ce jour date une nouvelle époque dans l'histoire du monde », affirme Goethe en parlant de la bataille de Valmy, le 20 septembre 1792, bataille au cours de laquelle l'armée française, armée citoyenne et patriotique, inflige une défaite à l'armée moderne et professionnelle de la Prusse. Goethe a en effet assisté au triomphe des armées de conscription, où l'État réquisitionne une partie de sa population pour le combat. Pour mobiliser le peuple et lever des armées gigantesques, les États et surtout la France appuient la guerre sur des motifs idéologiques. Dans les années qui suivent 1789, on assiste ainsi au triomphe concomitant des citoyens soldats sur les champs de bataille européens et en Vendée et de la citoyenneté républicaine sur la scène politique française.
Au xixe siècle, les guerres révolutionnaires et napoléoniennes marquent l'avènement de la guerre de masse moderne. « De ce lieu et de ce jour date une nouvelle époque dans l'histoire du monde », affirme Goethe en parlant de la bataille de Valmy, le 20 septembre 1792, bataille au cours de laquelle l'armée française, armée citoyenne et patriotique, inflige une défaite à l'armée moderne et professionnelle de la Prusse. Goethe a en effet assisté au triomphe des armées de conscription, où l'État réquisitionne une partie de sa population pour le combat. Pour mobiliser le peuple et lever des armées gigantesques, les États et surtout la France appuient la guerre sur des motifs idéologiques. Dans les années qui suivent 1789, on assiste ainsi au triomphe concomitant des citoyens soldats sur les champs de bataille européens et en Vendée et de la citoyenneté républicaine sur la scène politique française.
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Le xxe siècle voit l'émergence de la guerre totale, au cours de laquelle tous les moyens disponibles sont employés par les adversaires. Si la guerre devient l'affaire des États à partir des xviiee et xviiie siècles, elle devient aussi celle de l'industrie à partir du xixe et plus encore du xxe siècle avec l'usage massif de la technologie : véhicules, armes. Le meilleur exemple en est la Première Guerre mondiale : la population civile est mobilisée dans les usines pour approvisionner l'armée, une économie de guerre est mise en place. Pour susciter une telle mobilisation, les États s'appuient sur des arguments politiques nationalistes : la guerre totale suppose un degré d'adhésion très important dans la population, qui doit passer par une politique de l'opinion. C'est ce que Walter Lippmann appelle la « fabrication du consentement » en 1922 (Public Opinion).
En même temps, la guerre provoque des bouleversements politiques importants dans les États concernés : pendant la Première Guerre mondiale sont mis en place des États d'exception dans certains pays et la Russie connaît une révolution en 1917. Cet impact de la guerre sur la politique intérieure se renforce encore au cours de la Seconde Guerre mondiale, qui marque la fin de plusieurs régimes politiques européens et bouleverse considérablement le jeu politique européen d'après-guerre.
Exercice n°1
En même temps, la guerre provoque des bouleversements politiques importants dans les États concernés : pendant la Première Guerre mondiale sont mis en place des États d'exception dans certains pays et la Russie connaît une révolution en 1917. Cet impact de la guerre sur la politique intérieure se renforce encore au cours de la Seconde Guerre mondiale, qui marque la fin de plusieurs régimes politiques européens et bouleverse considérablement le jeu politique européen d'après-guerre.
Exercice n°1
II. De la guerre interétatique aux conflits asymétriques (xxe-xxie siècle)
La seconde moitié du xxe siècle voit émerger un nouveau type de conflit baptisé « guerre asymétrique », au cours duquel des ennemis très inégaux s'affrontent. Elle oppose en effet la force armée d'un État à des combattants matériellement insignifiants, qui exploitent les points faibles de l'adversaire. L'un des caractères que la guerre asymétrique partage avec la guerre totale est qu'elle touche tout autant les populations civiles que les soldats. Ces conflits constituent le prolongement et l'exacerbation des conflits politiques intérieurs.La guérilla est une technique de guerre datant de l'Antiquité utilisée par des groupes armés embusqués qui harcèlent une armée régulière. Le constat s'applique parfaitement à l'armée française (1946 à 1954) pendant la guerre d'Indochine et à l'armée des États-Unis (1965-1973) pendant la guerre du Vietnam. Dans les deux cas, l'armée moderne d'une puissance industrialisée fait face au harcèlement incessant d'un adversaire soutenu par une population dans laquelle il peut se fondre et s'abriter. La victoire ne dépend plus seulement de la puissance militaire, mais aussi d'une capacité à convaincre : pour gagner la guerre, il faut se gagner la population.
Le terrorisme est également une arme du faible, utilisée face à un ennemi très puissant pour créer la peur avec peu de moyens en frappant des cibles militaires ou civiles par surprise. La qualification de l'ennemi devient un enjeu politique majeur pour les États. Discréditer la Résistance française et la qualifier de terroriste était un enjeu important pour la propagande nazie pendant l'Occupation (1940-1945). Plus tard, la désignation de la guerre en Algérie (1954-1962) apparaît comme l'objet de conflits politiques : le gouvernement français se refuse jusqu'en 1999 à parler de « guerre d'Algérie », notamment afin de refuser au FLN la qualité d'adversaire militaire.
La stratégie des groupes pratiquant le terrorisme est fondamentalement politique. En frappant des cibles civiles, ils visent à créer la terreur, mais aussi à fragiliser l'État incapable de protéger sa population. En Europe, la stratégie de l'État islamique était de pratiquer des attentats pour renforcer l'islamophobie et favoriser ainsi la radicalisation des musulmans occidentaux. Le terrorisme est ainsi l'outil d'un projet politique plus global de division des sociétés. En Orient, le projet de l'État islamique (EI) est différent : apparu en Irak et en Syrie en 2014, il conteste le tracé des frontières des États et mène par ailleurs des actions terroristes sur tous les continents. L'EI a pu conquérir un territoire et créer une forme d'État nommé califat, ce qui révèle un projet politique original.
Exercice n°2Exercice n°3Exercice n°4
III. Quelques formes transnationales de la guerre
La cyberattaque contre l'Estonie en 2007 : L'Estonie se targuait d'être l'un des premiers « e-state » dont les services gouvernementaux, administratifs et bancaires étaient tous présents en ligne. Elle n'allait pas tarder à le regretter. Le 27 avril 2007, une attaque informatique massive était lancée contre le pays, bloquant une partie des sites des agences et institutions en ligne. La responsabilité de l'attaque fut attribuée dès les premiers jours à la Russie voisine même si celle-ci s'en est toujours défendue. En réaction à cette attaque de grande ampleur, l'OTAN a approuvé sa première politique sur la cyberdéfense en janvier 2008 et installé son centre de cyberdéfense à Tallin. Cet exemple montre les nouvelles menaces qui peuvent planer sur la sécurité des États.Al-Qaïda, exemple de terrorisme déterritorialisé : Al-Qaïda est une organisation terroriste islamiste fondée en 1987 en Afghanistan dans le contexte de la guerre contre l'URSS. L'organisation vise à poursuivre le jihad après la victoire contre les Soviétiques, en luttant contre l'influence mondiale des Occidentaux et principalement des États-Unis. Elle est organisée en réseau secret et ne possède pas de territoire. Al-Qaïda est capable d'agir dans de nombreux endroits du globe, Moyen-Orient, Sahel et, de façon spectaculaire, aux États-Unis le 11 septembre 2001, ce qui en fait le meilleur exemple de terrorisme déterritorialisé.
Zoom sur…
Jus ad bellum, jus in bello : la doctrine de la guerre juste
On fait remonter la doctrine de la guerre juste à Saint Augustin mais on trouve déjà chez Platon, Aristote ou Cicéron des tentatives de formaliser un « droit de la guerre ». Cependant, c'est au cours du Moyen Âge qu'est théorisée la notion de « guerre juste », notamment par Saint Thomas d'Aquin. C'est à cette période qu'émerge la notion de jus ad bellum (droit de la guerre) qui définit les causes justes de déclenchement d'un conflit armé. Elles peuvent être considérées comme telles parce que la décision est prise par un souverain de droit divin, par exemple. Le jus in bello définit les règles qui s'appliquent durant le conflit.Exercice n°5
Mot clé
Guerre irrégulière
La guerre irrégulière est, par opposition à la guerre conventionnelle, un mode opératoire caractérisé par une diversité de moyens d'action (sabotages, assassinats ciblés, guet-apens, etc.), l'absence de front, l'implication de la population et la mise en place d'une justification politique destinée à emporter l'adhésion. Elle n'est pas le propre des nations faibles ou des groupes minoritaires : elle est également employée par les nations les plus puissantes dans un but d'efficacité, notamment en appui à des opérations conventionnelles.Citation
« La guerre est la continuation de la politique par d'autres moyens », écrit Carl von Clausewitz dans son ouvrage De la guerre, rédigé en majeure partie après les guerres napoléoniennes, entre 1816 et 1830.© 2000-2024, rue des écoles