L'inconscient
Fiche
Le terme inconscient peut s'entendre en deux sens au moins. L'inconscient, c'est un individu qui fait n'importe quoi et qui semble ne pas réfléchir à ce qu'il fait. Mais l'inconscient est également une partie de l'esprit de l'homme qui contiendrait l'ensemble des pulsions refoulées, des désirs que nous ne voulons pas voir et qui pourtant continuent à agir sur nous. Autrement dit, ce sont toutes les causes qui expliquent ce qu'est le sujet mais qui échappent au regard de la conscience. Cela revient à dire qu'il y aurait une partie de l'homme dont il ne peut rendre raison. La question qui se pose alors est de savoir si l'on peut simplement connaître cet autre acteur dans le sujet qui échappe à sa conscience. L'enjeu est celui de la liberté et, par suite, de la responsabilité.
I. Les manifestations de l'inconscient
L'inconscient se manifeste à travers différents comportements :
• les actes passionnels : par exemple des mots que l'on prononce sous le coup de la colère. Lorsqu'on dit : « Je ne pensais pas ce que je disais », on sous-entend qu'en revenant à son état normal (conscience), on ne coïncide plus avec ce que l'on disait ;
• les phobies : des peurs que l'on ne peut expliquer rationnellement ;
• les actes manqués : on oublie de faire quelque chose parce que, inconsciemment, on ne veut pas le faire ;
• les névroses : affections psychologiques causant une attitude irrationnelle ;
• les automatismes / réflexes : on fait quelque chose sans y penser, inconsciemment.
II. L'inconscient physiologique
Leibniz est le premier à avoir introduit le concept d'inconscient. Il ne parle pas directement d'inconscient ni de conscience : ces termes dans leur sens actuel ne seront employés qu'à partir du xixe siècle. Mais en admettant que la volonté puisse être déterminée par des causes dont le sujet ne peut pas rendre raison, Leibniz pose les bases d'une part qui échappe à la conscience, c'est-à-dire d'un inconscient. Son intuition est confirmée par ce que l'on sait du fonctionnement du cerveau, qui « trie » les informations qui lui arrivent en trop grand nombre. Pour parler de l'inconscient, Leibniz parle de « petites perceptions » confuses, trop ténues pour être conscientes, mais qui peuvent produire une impression consciente si elles sont en grand nombre. La conscience les agrège et les additionne, si bien que toute perception consciente est en réalité constituée d'une myriade de perceptions inconscientes. Par exemple, si je perçois le bruit de la mer, je ne perçois pas le bruit de chaque vague, bien que chacune contribue au murmure que j'entends. Il faut donc supposer que chaque vague produit une « petite perception » inconsciente et que c'est l'agrégation de ces petites perceptions qui finit par produire, à partir d'un certain seuil, une perception consciente. C'est donc une forme d'inconscient physiologique.Exercice n°1
III. L'inconscient dynamique freudien
Freud remet complètement en cause l'idée que l'on peut tout connaître de soi en avançant l'hypothèse d'un inconscient qui ne soit pas un simple inconscient latent, passif, inerte. C'est au contraire un inconscient dynamique, puissant et omniprésent, qui détermine l'ensemble de ce que l'on est et de nos actions, et auquel la conscience livre un combat permanent sous la forme du refoulement.Selon Freud, les rêves sont la voie royale pour connaître l'inconscient : la conscience y perd son emprise sur le sujet et c'est l'inconscient lui-même qui est projeté sur la toile de ce cinéma nocturne. Freud part de cette hypothèse : les rêves sont l'expression de l'inconscient, et plus précisément la réalisation de désirs inconscients. Aussi l'inconscient doit-il en quelque sorte ruser pour contourner la censure de la conscience. C'est pourquoi il faut distinguer le contenu manifeste du rêve de son contenu latent.
Au terme de ses investigations, Freud a découvert les grandes lois du rêve qui régissent la transformation du contenu latent en contenu manifeste pour échapper à la censure de la conscience, que ce soit la condensation, le déplacement, la métaphore ou la métonymie. Selon Freud encore, les actes manqués (comme les lapsus, les oublis, etc.) ne peuvent être compris, à l'instar des rêves, qu'à partir de l'hypothèse de l'inconscient.
En outre, certains troubles psychiques ne sont pas purement physiologiques : ils ont un sens et sont liés à une signification pour le sujet qui les subit. Les symptômes des névroses sont comme des résidus d'expériences émotives – les traumatismes psychiques. De multiples expériences s'accordent à montrer qu'un ensemble de névroses est lié à l'existence de désirs puissants et refoulés. Ces désirs ne pouvant s'exprimer normalement ni même apparaître à la conscience, ils se manifestent par des symptômes névrotiques.
Exercice n°3
IV. Moi, ça et surmoi : l'inconscient à l'épreuve du réel
Dans la Seconde Topique, Freud distingue le ça, le moi et le surmoi. Le moi correspond à ce que nous sommes de manière consciente, c'est-à-dire ce que nous sommes capables de connaître de nous spontanément, tandis que le ça et le surmoi correspondent à l'inconscient, accessible grâce à la psychanalyse.
Le ça désigne l'ensemble des désirs inconscients refoulés. C'est le pôle pulsionnel, amoral (ou pré-moral) : un lieu sans interdit, empli de simples désirs et d'instincts (faim, désir sexuel, etc.). Le ça est tout entier régi par le principe du plaisir : il recherche un plaisir maximal en toute chose. Mais les désirs du ça rencontrent de nombreuses contraintes dans le monde extérieur. L'enfant rencontre d'abord ces contraintes – morales ou non – à travers la figure du père, c'est-à-dire par le biais d'une autorité qui lui interdit certains actes : « Ne touche pas le feu », « Ne te promène pas tout nu », etc. Elle est intériorisée dans le psychisme sous la forme du surmoi, c'est-à-dire un moi « au-dessus » du moi. Cet idéal du moi est aussi le moi idéal – ce que je serais si j'étais parfait – et représente les interdits moraux et sociaux. En somme, le surmoi est en quelque sorte le père intériorisé.
Enfin, le moi représente la partie plutôt consciente (même si elle ne l'est pas intégralement) du psychisme, celle qui doit assurer la cohésion du sujet et qui est tiraillée entre les exigences du surmoi et du ça. Le moi, qui « n'est pas maître dans sa propre maison », est en effet soumis à trois maîtres : le ça, le surmoi, mais aussi la réalité extérieure. Et ces trois maîtres lui donnent des ordres contradictoires.
Exercice n°4
Le ça désigne l'ensemble des désirs inconscients refoulés. C'est le pôle pulsionnel, amoral (ou pré-moral) : un lieu sans interdit, empli de simples désirs et d'instincts (faim, désir sexuel, etc.). Le ça est tout entier régi par le principe du plaisir : il recherche un plaisir maximal en toute chose. Mais les désirs du ça rencontrent de nombreuses contraintes dans le monde extérieur. L'enfant rencontre d'abord ces contraintes – morales ou non – à travers la figure du père, c'est-à-dire par le biais d'une autorité qui lui interdit certains actes : « Ne touche pas le feu », « Ne te promène pas tout nu », etc. Elle est intériorisée dans le psychisme sous la forme du surmoi, c'est-à-dire un moi « au-dessus » du moi. Cet idéal du moi est aussi le moi idéal – ce que je serais si j'étais parfait – et représente les interdits moraux et sociaux. En somme, le surmoi est en quelque sorte le père intériorisé.
Enfin, le moi représente la partie plutôt consciente (même si elle ne l'est pas intégralement) du psychisme, celle qui doit assurer la cohésion du sujet et qui est tiraillée entre les exigences du surmoi et du ça. Le moi, qui « n'est pas maître dans sa propre maison », est en effet soumis à trois maîtres : le ça, le surmoi, mais aussi la réalité extérieure. Et ces trois maîtres lui donnent des ordres contradictoires.
Exercice n°4
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V. La critique morale de l'inconscient freudien
Sartre s'est fortement opposé à l'hypothèse de l'inconscient. Selon lui, croire à la réalité de l'inconscient, c'est rejeter ce qui pourtant est fondamental : la liberté. Mais c'est également une attitude que l'on peut qualifier de fuite, d'angoisse devant cette trop grande liberté. Il considère que l'hypothèse de l'inconscient n'est pas nécessaire, même pour expliquer certains aspects ambigus et complexes du comportement humain, et qu'elle est plutôt une notion immorale, car elle nie toute liberté et par là empêche toute responsabilité envers nos actes. Les comportements que Freud expliquait comme des manifestations de l'inconscient sont expliqués par Sartre par « la mauvaise foi ». Le philosophe l'illustre en prenant l'exemple de la jeune fille feintant, lors d'un rendez-vous amoureux, de ne pas comprendre l'intention sexuelle de son partenaire qui lui prend la main. Pour ne pas avoir à choisir la réponse qu'elle donnera au jeune homme, elle se met à discourir en se faisant « tout esprit », comme pour disjoindre son corps à qui le désir de l'autre s'adresse et l'esprit pur qu'elle tend à devenir, entérinant par là même le conflit entre sa conscience et son désir sexuel, qu'elle veut réfréner. Lorsque le jeune homme lui dit « Je vous admire », elle feint d'ignorer l'intention sexuelle de son partenaire et se ment alors à elle-même : c'est la mauvaise foi, et non l'inconscient freudien, qui explique la tension chez la jeune fille.Zoom sur…
L'inconscient et le surréalisme
Les actes dont on ne comprend pas la cause et qui sont l'effet de l'inconscient ont été exploités par un courant littéraire et artistique, le surréalisme, dont les chefs de file sont Breton, Éluard, Aragon, Dalí ou Buñuel. Le principe commun à tous ces artistes est de laisser la parole aux forces inconscientes qui nous incitent à faire des choses inexplicables. Les poètes du surréalisme laissent par exemple les mots se manifester à eux sans chercher à les faire correspondre à des règles syntaxiques, grammaticales ou rationnelles. L'écriture automatique, dont André Breton est le père, est née en 1919 avec Les Champs magnétiques. Il s'agit de se mettre en état de ne plus réfléchir et de laisser surgir nos sentiments enfouis au plus profond de nous, par exemple en retranscrivant ses rêves. Inspiré par la théorie freudienne de l'inconscient, ce processus de création a pour finalité de libérer notre esprit de la censure de la conscience et des barrières posées par l'éducation.Exercice n°2
L'inconscient et le désir
Il y a un pont à faire entre inconscient et désir. Dans sa lettre à Chanut du 6 juin 1647, Descartes explique que, depuis l'enfance, il ressent du désir pour les filles qui louchent. En remontant dans son passé, il se souvient de la petite fille qui louchait dont il était amoureux petit. Adulte, sans s'en rendre compte, il éprouve une attirance inexpliquée pour les filles qui louchent, parce qu'elles la lui rappellent. C'est donc bien qu'il existe des biais inconscients orientant nos désirs. Selon Descartes, la prise de conscience de la cause inconsciente d'un désir peut toutefois permettre de réorienter nos désirs : en identifiant la cause originelle de son attrait pour les filles qui louchent, il parvient à mettre fin à cette tendance jusque-là incontrôlable. Cela signifie qu'en analysant son inconscient le sujet gagne en liberté : il redevient maître de ses désirs grâce à un travail d'introspection. La conscience regagne ainsi du terrain sur l'inconscient.© 2000-2024, rue des écoles