Entretien avec Mélanie Cronnier, avocate
Maître Mélanie Cronnier a fondé son cabinet à Chantilly en 2003 après avoir exercé 5 ans dans des cabinets parisiens. Elle a développé une clientèle de particuliers et d'entreprises. Ses 24 ans d'exercice professionnel lui ont permis d'acquérir une expertise pluridisciplinaire.
À quel moment de votre formation avez-vous appris à maîtriser l'art oratoire ?
M. C. : Suite à l'obtention du concours d'avocat, et pendant une année, des cours sont dispensés pour nous apprendre à présenter un dossier. C'est lors de ces séances que l'on s'entraîne à exposer des faits, des arguments et des conclusions.
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Quelle place a l'oral dans votre métier ?
M. C. : Pour être avocat, je dirais qu'il faut savoir raconter une histoire. Lorsque j'ai une assignation, que je me retrouve devant le juge, je lui raconte une histoire. Il faut donc que je sois la plus claire possible dans mon exposé, que je sois précise, que je montre que je connais parfaitement le dossier afin de convaincre et d'obtenir ce que je veux.
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Est-ce que vous rédigez vos interventions ?
M. C. : Non, un avocat ne peut pas lire ce qu'il a rédigé. Il est vrai qu'il est possible de rédiger au préalable ce que l'on va dire face au juge mais, si l'on veut convaincre, il est nécessaire d'être en jeu et cela n'est possible qu'en étant spontané. Si l'on a en tête les éléments du dossier et que l'on relit bien ses conclusions, il suffit par la suite de les exposer de façon claire. Je pense que l'histoire transmise doit être vivante, on doit raconter des choses qui vont donner lieu à des images et à la compréhension nette des enjeux du dossier.
Ensuite, dans les débats, il n'est pas possible d'anticiper à l'avance les arguments de la partie adverse. À ce moment-là, il faut être réactif, et répondre rapidement. Après, on ne répond pas à un examen, on raconte une histoire sur un dossier que l'on maîtrise et, comme un acteur qui joue, on y met de la vie et de la conviction.
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Avoir du répondant, est-ce que ça s'apprend ?
M. C. : Il n'y a aucun profil à écarter pour exercer le métier d'avocat. Une fois devant le juge, même avec le stress, on se lance et on endosse son rôle. C'est comme l'acteur qui, même timide, rentre dans la peau de son personnage. L'avocat plaide et expose ses arguments pour obtenir ce qu'il va demander à la cour.
C'est un métier passionnant, exigeant, qui demande une certaine polyvalence et une grande capacité d'adaptation parce qu'il y a sans arrêt de nouvelles lois. Il faut être à la fois littéraire pour s'exprimer correctement, scientifique pour comprendre les dossiers qui traitent de données chiffrées, psychologue lorsque l'on s'entretient avec son client et enfin, il faut comprendre l'aspect social de chaque dossier.
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Pensez-vous que l'oral soit assez privilégié dans le cadre scolaire ?
M. C. : Je trouve que la réflexion autour de l'oral et de ses apprentissages n'est pas assez poussée au lycée. D'ailleurs, à l'université non plus ! Les cours ne donnent pas suffisamment la parole à l'élève et pourtant, c'est ce qui lui permet d'apprendre, de se tromper, d'obtenir des réponses ou de s'interroger. C'est certain, il est impossible de donner la parole à tous les élèves d'une classe, c'est là le vrai problème.
Pour ma part, je me rappelle n'avoir eu que des cours magistraux au cours de mes études, notamment à l'université, et rien qui me permette d'apprendre à m'exprimer avant de passer le concours. C'est dommage, puisque savoir communiquer est très utile dans tous les métiers. Par exemple, quand on est technicien de maintenance, il faut savoir expliquer un diagnostic aux clients, il faut aussi pouvoir parler à son patron, de façon claire. Dans sa vie personnelle, il est important d'apprendre à parler dans son couple, à ses enfants, avec ses amis. Apprendre à communiquer est une chose essentielle, même en dehors de la vie professionnelle.
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