Coopérations, tensions et régulations aux échelles mondiale, régionale et locale
Fiche
La mondialisation peut être analysée par ses conséquences sur les territoires et par les relations qui lient ceux-ci. Il existe une tension inhérente au phénomène qui consiste à mettre en concurrence des territoires (attirer des activités économiques, des populations au fort niveau de formation) tout en affirmant la possible convergence des développements économiques et sociaux de toutes les parties du monde. Il importe de s'intéresser aux tensions qui voient le jour, mais aussi aux dynamiques des acteurs qui cherchent à les limiter et à conjuguer des intérêts parfois divergents.
I. Un phénomène de mise en concurrence à l'échelle mondiale
La mondialisation, comprise comme un processus économique mondial, conduit à envisager une mise en concurrence des territoires à l'échelle internationale. La géographie économique a ainsi décrit la naissance d'une nouvelle division internationale du travail (NDIT) liée à la mondialisation. Les économies se spécialisent dans des domaines particuliers où les pays peuvent faire jouer leurs avantages comparatifs. Ainsi, les pays développés où la population active possède de forts niveaux de qualification apparaissent comme les lieux de l'innovation, de la création industrielle, où les têtes pensantes conçoivent les produits. L'exemple le plus frappant est sans doute l'existence de grands technopôles regroupant les industries à la pointe de l'économie numérique, comme la Silicon Valley.D'autres pays se spécialisent dans la production à moindre coût des pièces détachées, comme la Chine dans ses grandes usines du littoral, ou bien encore dans la production de matières premières. Les plus grands profits reviennent aux pays développés grâce à la valeur ajoutée de leurs produits. Si la Chine et l'Inde peuvent apparaître comme des puissances innovantes, les autres pays émergents peinent à suivre la course à la rentabilité.
Exercice n°8
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II. La mise en place d'économies intégrées à l'échelle régionale
Devant la difficulté d'établir des règles à l'échelle planétaire et de gérer les flux induits par la mondialisation, l'échelle régionale a souvent été retenue par les acteurs politiques. La décennie 1990 apparaît comme riche en expérimentations. En 1992 sont signés le traité de Maastricht qui institue l'Union européenne (UE) mais aussi l'Accord de libre-échange nord-américain (Alena). Ce dernier entre en vigueur en 1994, l'année de la création du Mercosur, communauté économique de cinq pays d'Amérique du Sud : l'Argentine, le Brésil, le Paraguay, l'Uruguay et le Venezuela (membres permanents).Ces projets conjuguent à différents niveaux d'approfondissement les mêmes réflexions. Si l'Alena s'y refuse, l'UE et le Mercosur veulent apparaître comme des entités politiques possédant une part de la souveraineté régionale. Seule l'UE concrétise en 2002 la mise en place d'une monnaie commune, l'euro, dans douze pays tout d'abord, même si le Mercosur avait également émis ce type de projet en 1992. L'Alena apparaît comme un espace de libre-échange largement bénéficiaire à la balance commerciale des États-Unis, responsable de la modification des territoires à l'échelle locale. Des maquiladoras émergent par exemple à la frontière américano-mexicaine, usines de montages dont les propriétaires profitent des exemptions douanières et du faible coût de la main-d'œuvre.
Lieux de négociations, ces organisations régionales sont aussi des lieux de tensions. Aux réflexions sur la part de souveraineté qu'il convient pour chaque pays de laisser dans les mains d'une entité supranationale s'ajoutent des questions liées aux flux humains. Si l'Alena ne les encourage pas, l'UE a pu mettre en place des programmes dédiés : Erasmus encourage la circulation des populations dans le but d'atteindre des niveaux de formation permettant d'être concurrentiels dans l'économie mondialisée, tandis que l'agence Frontex conseille et aide les pays aux frontières extérieures à limiter les flux de populations entrant dans l'espace communautaire.
Ces constructions politiques originales à des échelles continentales ont aujourd'hui des succès relatifs. Le commerce intracommunautaire a connu une forte hausse, les tensions ont été régulées et un espace de discussion a été créé lors de crises comme celle de l'anchois (concurrence entre pêcheurs français et espagnols sur un stock de ressources halieutiques en danger).
Pourtant, l'UE n'a pas entièrement réussi à s'imposer aux yeux des citoyens qui la composent. En témoigne l'arrivée au pouvoir de coalitions « europhobes » dans plusieurs pays comme la Hongrie de V. Orban et le processus de sortie de l'UE engagé par le Royaume-Uni. L'Alena, quant à elle, n'a pu résister au renouveau d'une vision isolationniste américaine incarnée par D. Trump, qui préfère aux grandes organisations multilatérales le dialogue bilatéral. Enfin, le Mercosur a subi plusieurs crises économiques violentes depuis sa création, touchant notamment l'un de ses piliers économiques, l'Argentine. La rivalité que celle-ci entretient avec le Brésil explique en partie les timides avancées d'intégration du sous-continent. Les crises politiques ont aussi mis à mal l'unité de cet ensemble, avec la constitution d'une Alliance bolivarienne (ALBA) entre les gouvernements dits de la « gauche sud-américaine », du Venezuela de H. Chavez au Cuba de R. Castro en passant par la Bolivie de J. Añez.
III. La mondialisation à l'échelle locale
Il peut être curieux de considérer l'étude des métropoles comme une échelle locale, tant leur fonctionnement dépend des liens qu'elles tissent entre elles aux échelles régionales et mondiales. Les géographes ont même décrit la naissance d'un archipel mégalopolitain mondial comprenant les métropoles de rang supérieur.La métropolisation conduit à un renouveau des villes, tant dans l'urbanisme que dans leur composition sociale, notamment parce qu'elles accueillent les services tertiaires supérieurs, si convoités. La mutation commune des métropoles n'est pas sans provoquer des tensions. En effet, la volonté d'apparaître sur la carte mondiale conduit à disposer des systèmes de transports les plus modernes et performants. Cependant, l'aménagement de nouveaux aéroports peut entrer en contradiction avec la volonté des habitants qui voient remettre en question leur usage du territoire, comme à Notre-Dame-des-Landes, où des collectifs se sont mobilisés dans le cadre d'une ZAD contre l'aménagement d'un nouvel aéroport pour Nantes. Au-delà des grandes opérations liées au transport, la modification de la composition sociale des villes est au centre des tensions. Ainsi, Paris comme les autres grandes métropoles mondiales se trouve confrontée à une gentrification rapide, et donc, à l'éviction de sa population moins aisée.
Exercice n°4
Zoom sur…
Les institutions internationales
Pour assurer des règles communes et offrir des lieux de discussions afin d'apaiser les tensions, des institutions internationales se sont formées depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. L'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) en 1947 veille à limiter les taxes et les droits de douane sur les échanges de produits industriels, au profit de l'économie américaine alors largement exportatrice. En 1995 lui succède l'Organisation mondiale du commerce (OMC), qui continue son œuvre de libéralisation des échanges. Le nombre de pays adhérant à cet organisme a largement progressé, pour atteindre 164 aujourd'hui. Les pays émergents, au premier rang desquels la Chine, y ont pris une place nouvelle comme dans l'ensemble des institutions internationales. Celles-ci font l'objet de tensions et de luttes d'influence pour le contrôle et l'édiction des normes, jusqu'au cœur de l'ONU avec la FAO (Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture). Pour la première fois, un représentant chinois a été élu à sa tête en 2019, après une élection contestée, certains pays ayant profité d'un « rabais » sur leur dette envers la Chine juste avant le vote pour désigner la présidence... Les institutions qui agissent à l'international constituent en effet des enjeux majeurs dans le cadre des rivalités internationales.Les réactions à la mondialisation
La mondialisation surgit dans la vie des citoyens sous des formes variées. Si le nombre de touristes n'a cessé de croître, dépassant le milliard chaque année, avant l'épidémie liée à la Covid-19, la mondialisation a également d'autres incidences sur le quotidien des populations.Dans les pays développés, des régions d'industrie ancienne ne peuvent rivaliser avec la concurrence des pays en développement. Sans impulsion politique forte, les délocalisations se multiplient, faisant d'une transformation économique majeure une crise sociale (hausse du taux de chômage, perte de statut social). Les logiques protectionnistes n'ont pas disparu et sont parfois mises en avant, par exemple, lorsque D. Trump fait pression sur les grands groupes de l'industrie automobile américaine pour relocaliser les usines Chrysler ou Ford dans leurs bassins d'origine de l'Ohio ou du Michigan. Un autre outil protectionniste est l'imposition de tarifs douaniers, en particulier sur l'acier aux États-Unis.
À une autre échelle, les acteurs de l'économie tentent de repenser les flux et leur incidence sur le développement. Pour l'alimentation, l'option du circuit court apparaît comme une solution dans un contexte de montée des préoccupations écologiques. Limiter les déplacements des produits alimentaires, en consommant de préférence des productions locales apparaît comme un geste simple pour les consommateurs mais qui n'est pas sans coût. Certains acteurs, des ONG en particulier, appellent à repenser la rentabilité économique à l'heure de la crise écologique, en mesurant par exemple l'empreinte carbone de nos pratiques quotidiennes.
Exercice n°1Exercice n°5Exercice n°6Exercice n°7
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