Énoncé
Les résistances aux insecticides des insectes
L'utilisation des insecticides a énormément augmenté après la Seconde Guerre mondiale et ces produits restent très utilisés aujourd'hui. Ils ont permis, en association avec d'autres facteurs, d'augmenter considérablement les rendements agricoles. On peut citer l'exemple de la pomme de terre, chez laquelle une infestation sévère par le doryphore – un coléoptère dont la larve dévore les feuilles de la plante – peut aboutir à une baisse de la production pouvant atteindre les deux tiers de la récolte attendue.Ces produits ont également permis de lutter indirectement contre certaines maladies dont les vecteurs sont des insectes. C'est par exemple le cas du paludisme, causé par un microbe parasite du genre Plasmodium et propagé par la piqûre de certains moustiques.
Cependant, on a constaté très tôt l'apparition de résistances des insectes aux premiers insecticides produits et cela a amené les industriels à produire de nouvelles familles d'insecticides : par exemple, les organochlorés comme le fameux DDT, très utilisés des années 1940 à 1970, ne le sont aujourd'hui presque plus et sont remplacés par d'autres familles comme les organophosphorés.
Document 1. La multi-résistance du doryphore aux insecticides
Certains insectes sont multi-résistants aux insecticides : ils résistent à plusieurs insecticides différents à la fois.Document 2. Quelques aspects des mécanismes de résistance aux insecticides chez les moustiques
Dans les années 1970, on a voulu réduire les populations de moustiques dans le sud de la France par épandages d'insecticides de la famille des organophosphorés. En quelques années, on a observé l'apparition de résistances dans les populations de moustiques. Certains moustiques sont ainsi capables de survivre à des doses d'insecticides plus de 10 fois plus importantes que celles nécessaires pour tuer 98 % des larves d'un moustique non résistant.Les insecticides organophosphorés agissent en perturbant la transmission de l'influx nerveux aux muscles chez les insectes. En effet, ils empêchent la dégradation du neurotransmetteur acétylcholine par une enzyme, ce qui entraîne la paralysie et donc la mort des insectes.
Chez certains moustiques résistants, une mutation génétique permet la production d'une enzyme appelé estérase qui dégrade les molécules d'insecticide et le rend alors beaucoup moins efficace.
On observe cependant que les insectes résistants sont de petite taille, survivent et se reproduisent moins bien que les insectes non résistants dans un milieu sans insecticide. Cela est dû au fait que produire en grande quantité des estérases a un coût énergétique important et détourne les cellules de la production d'autres protéines importantes pour la survie et la reproduction. C'est ce que l'on appelle « le coût de la résistance ».
Questions
À partir de vos connaissances et des informations apportées par les documents, répondez aux questions suivantes :
1. Expliquez l'évolution de la résistance aux insecticides du doryphore telle qu'elle est présentée dans le document 1.
2. D'après vos connaissances, quel est le mécanisme évolutif à l'œuvre expliquant la multi-résistance du doryphore ?
3. Présentez un mécanisme de résistance aux insecticides.
4. Qu'est-ce que le « coût de la résistance » et en quoi la connaissance de ce phénomène permet-elle d'envisager un moyen de lutter contre l'apparition des résistances ?
Corrigé
1. On observe qu'avant les années 1960, le doryphore n'est initialement presque pas résistant aux insecticides. Puis le nombre de substances auxquelles le doryphore est résistant croît par paliers : au début des années 1960, il est résistant à quelques substances ; en 1970, il l'est à une dizaine ; en 1980 à une vingtaine ; aujourd'hui, on observe pas moins de cinquante substances auxquelles le doryphore est résistant.
2. Le mécanisme à l'œuvre est la sélection naturelle. Initialement, chez le doryphore, la majorité des individus sont sensibles aux insecticides. Toutefois, la variabilité génétique due aux mutations fait que, parmi ces insectes, il existera aussi des insectes dotés de caractéristiques leur conférant une résistance. Quand on introduit dans leur environnement un insecticide, les résistants ont un avantage sur les sensibles et se reproduisent mieux. En quelques générations, les populations de doryphores sont très majoritairement constituées de résistants. Puis, pour lutter contre ces doryphores résistants, l'homme utilise un nouvel insecticide. Mais, par le même mécanisme, en quelques générations, la majorité des doryphores sont devenus résistants à ce nouvel insecticide. À l'heure actuelle, il existe chez le doryphore des résistances à toutes les familles d'insecticides existantes.
3. Le mécanisme de résistance présenté (il y en a d'autres) est celui de la synthèse d'une estérase. Cette enzyme est tout simplement capable de dégrader les molécules d'insecticides, les empêchant ainsi de produire un effet, en l'occurrence ici, une paralysie mortelle. En effet, dans toutes les populations, il existe naturellement des moustiques mutants qui surexpriment l'estérase. C'est ordinairement un handicap, mais ça devient un avantage en présence d'insecticide.
4. Le « coût de la résistance » est le fait que produire des molécules conférant une résistance à un insecticide se fait au détriment de la production d'autres molécules. Et donc, dans un milieu « normal », sans insecticides, les insectes sensibles survivent et se reproduisent mieux que les résistants.
Pour lutter contre les résistances aux insecticides il faut donc… arrêter de les utiliser. Dans ce cas, les insectes sensibles supplanteront rapidement les résistants par sélection naturelle. Si l'on veut rester réaliste, pour limiter les résistances, il faudrait encourager un usage raisonné des insecticides, avec des applications plus précises, plus limitées dans le temps et dans l'espace. De la théorie à la pratique, il y a cependant un abîme.