Pour être juste, suffit-il d'obéir aux lois ? (juin 2016)


Énoncé

Pour être juste, suffit-il d'obéir aux lois ?
Comprendre le sujet
Le sujet porte sur le rapport entre la justice et la loi et pose la question de savoir si la seule condition à remplir pour être juste est d'obéir aux lois. L'une des difficultés du sujet est liée à la polysémie du terme de justice. En effet, ce terme possède plusieurs significations. La justice peut désigner l'institution judiciaire, celle qui juge ceux qui ont transgressé la loi et dont la conduite peut, pour cette raison, être considérée comme injuste. Mais la justice renvoie également à une vertu morale, celle de l'homme juste, de celui qui prend toujours la bonne décision et qui n'avantage jamais l'un plutôt que l'autre sans raison. La justice peut aussi se comprendre comme ce qui définit l'ordre de la cité – c'est cette conception que l'on retrouve dans La République de Platon –, mais justice peut aussi signifier, comme chez Aristote, l'égalité.
La loi, quant à elle, désigne la règle à laquelle tous les membres d'une société doivent obéir pour rendre possible une vie en collectivité dans laquelle les hommes peuvent rester libres, en paix et en sécurité, dans le respect d'une certaine égalité et réciprocité des droits et des devoirs. C'est en affirmant que la loi est la même pour tous que l'on évite les conflits à l'intérieur du corps social et que l'on parvient à faire régner la justice. Néanmoins, il n'est pas rare que nous remettions en cause certaines lois que nous qualifions d'injustes.
Le rapport de la justice à la loi est donc complexe, dans la mesure où la loi désigne ce qui a pour fonction de faire régner la justice dans la société, mais où, cependant, les hommes ne sont pas infaillibles ni les lois humaines parfaites ; c'est pourquoi, lorsque l'on conteste une loi, on le fait toujours au nom de la justice.
D'autre part, il convient ici, comme toujours, d'être très attentif à l'intitulé du sujet ainsi qu'à sa formulation. La question contient la locution « suffit-il » qui n'est pas « faut-il ». Si la question avait été « Pour être juste, faut-il obéir aux lois ? » elle aurait pu se traduire par « pour être juste, est-il nécessaire d'obéir aux lois ? », ce qui ne signifie pas que l'obéissance aux lois est la seule condition à remplir pour être juste : d'autres conditions peuvent également être requises. En revanche, « Pour être juste, suffit-il d'obéir aux lois » interroge l'hypothèse selon laquelle l'obéissance aux lois pourrait être la seule condition à remplir pour être juste.
Mobiliser ses connaissances
Notions et distinctions utiles
–  Toute la partie du programme concernant la société et la politique, principalement les notions de droit et de justice, mais aussi toute la partie sur la morale, dans la mesure où le sujet peut concerner la question des rapports entre la morale, le droit et la politique. La question de la liberté est également au cœur de ce sujet. S'il faut obéir pour être juste, cela signifie-t-il que la justice nécessite une limitation de notre liberté ou faut-il comprendre que c'est en obéissant librement à la loi que l'on agit justement ?
–  La notion de loi demande à être analysée en détail : une loi est une règle d'un type particulier et la signification de cette particularité doit être précisée.
–  Pour ce qui concerne la notion de justice, il faut distinguer entre la justice comme notion politique et juridique et la justice comme notion morale. On peut donc s'interroger sur le rapport qui pourrait exister entre ces deux points de vue sur la justice.
–  Le sujet nécessite que l'on se réfère à l'opposition entre les partisans du positivisme juridique et ceux qui défendent l'existence d'un droit naturel. En effet, pour les premiers, il suffit d'obéir aux lois pour être juste, tandis que, pour les seconds, il faut que la loi soit l'expression d'un droit inscrit dans la nature de l'homme pour qu'on puisse être juste en lui obéissant.
Repères du programme
En fait/ en droit ; en théorie/ en pratique ; contrainte/ obligation ; légale/ légitime.
Textes et œuvres pouvant servir de référence
–  Platon, La République, Criton, Gorgias.
–  Aristote, La Politique, Éthique à Nicomaque.
–  Hobbes, De cive, Léviathan.
–  Spinoza, Traité théologico-politique, Traité politique.
–  Rousseau, Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, Du contrat social.
–  Leo Strauss, Droit naturel et histoire.
Procéder par étapes
Problématiser
Dans la mesure où la loi se justifie en arguant qu'elle est faite pour faire régner la justice dans la société, on pourrait conclure qu'il suffit d'obéir à la loi pour être juste. Cependant, l'expérience nous montre qu'il ne suffit pas d'imposer des lois aux peuples pour faire régner la justice. Certains régimes politiques utilisent la loi comme un moyen d'asservissement et imposent, sous couvert de justice, des décisions qui instituent plus l'injustice qu'elles ne la combattent. Par conséquent, ceux qui contestent cette manière de faire régner l'ordre le font au nom de la justice, au nom d'une justice qui est perçue par eux comme supérieure à la loi imposée par certains hommes à d'autres hommes. C'est donc en ce sens que ce sujet nécessite que l'on se réfère à l'opposition entre le droit positif et le droit naturel. Toute la question est donc de savoir à quelles conditions une loi peut être considérée comme juste.
Élaborer un plan détaillé du développement
Dans la mesure où toute question interroge une hypothèse, c'est-à-dire l'énoncé d'une possibilité, il faut tout d'abord réfléchir aux raisons qui peuvent conduire à penser qu'il suffit d'obéir à la loi pour être juste.
On peut tout d'abord s'interroger sur ce que serait une humanité sans loi. Ne risquerait-elle pas de se réduire à une multitude informe dans laquelle ne régneraient que des rapports de force et où le plus fort l'emporterait sur le plus faible ?
Dans une seconde partie, on peut donc se demander ce qui justifie la nécessité des lois, mais aussi ce qui peut conduire la loi à être injuste ; il peut être intéressant aussi de questionner le fait que la loi peut parfois exprimer les rapports de force entre les différents éléments constituant la société plutôt que les rééquilibrer. On pourra également s'interroger sur la différence entre la loi qui s'exerce dans une dictature et celle qui est appliquée dans les sociétés démocratiques dans lesquelles les hommes sont censés être plus libres. On pourra même se demander s'il n'est pas parfois nécessaire de désobéir à la loi pour être juste. Lorsque la loi est injuste, ne suis-je pas obligé de désobéir pour ne pas commettre d'injustice ?
La troisième et dernière partie cherchera à définir les conditions d'une adéquation entre loi et justice permettant de définir les conditions qui devraient être remplies pour qu'il suffise pour être juste d'obéir à la loi. La question de la souveraineté pourra ici être posée. Qui doit élaborer et faire appliquer les lois pour que celles-ci puissent être considérées comme justes sans avoir à souffrir aucune contestation ?

Annexes

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