Énoncé
Explication de texte : Hobbes
« Qu'est-ce qu'une bonne loi ? Par bonne loi, je n'entends pas une loi juste, car aucune loi ne peut être injuste. La loi est faite par le pouvoir souverain, et tout ce qui est fait par ce pouvoir est sûr, et approuvé par tout un chacun parmi le peuple. Et ce que tout homme veut, nul ne saurait le dire injuste. Il en est des lois de la communauté politique comme des lois du jeu : ce sur quoi les joueurs se sont mis d'accord ne saurait être une injustice pour aucun d'eux. Une bonne loi est celle qui est à la fois nécessaire au bien du peuple et facile à comprendre. En effet, le rôle des lois, qui ne sont que des règles revêtues d'une autorité, n'est pas d'empêcher toute action volontaire, mais de diriger et de contenir les mouvements des gens, de manière qu'ils ne se nuisent pas à eux-mêmes par l'impétuosité de leurs désirs, leur empressement ou leur aveuglement ; comme on dresse des haies, non pas pour arrêter les voyageurs, mais pour les maintenir sur le chemin. C'est pourquoi une loi qui n'est pas nécessaire, c'est-à-dire qui ne satisfait pas à ce à quoi vise une loi, n'est pas bonne. »
Hobbes
Pour expliquer ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d'abord étudié dans son ensemble.
1 Formulez la thèse de ce texte et montrez comment elle est établie.
2
Expliquez :
a) « Il en est des lois de la communauté politique comme des lois du jeu ».
b) « Une bonne loi est celle qui est à la fois nécessaire au bien du peuple et facile à comprendre. »
c) « comme on dresse des haies, non pas pour arrêter les voyageurs, mais pour les maintenir sur le chemin. »
3 Le rôle des lois est-il seulement d'empêcher les hommes de se nuire à eux-mêmes ?
Le sujet pas à pas
Comprendre le sujet
Le thème du texte :
Ce texte de philosophie politique aborde la question de la loi. Il s'agit d'interroger la nature du rapport entre loi et justice afin de déterminer ce qui caractérise une « bonne loi ».Le texte en bref :
La thèse de Hobbes est énoncée clairement : une loi bonne est une loi « nécessaire au bien du peuple et facile à comprendre ». L'auteur défend donc ici une conception pragmatique de la loi. Une bonne loi est celle qui « fonctionne », qui joue son rôle, c'est-à-dire qui règle la vie commune des hommes au sein de l'État. C'est une loi qui dirige l'action des citoyens et empêche tout retour à l'état de nature, caractérisé par « la guerre de tous contre tous ».Mobiliser ses connaissances
Repères et notions à connaître et à utiliser dans le traitement de ce sujet :
Contrat social
État
État de nature, état civil
Hobbes
Institution
État
État de nature, état civil
Hobbes
Institution
Loi
Politique
Société
Politique
Société
Citations pouvant servir à la compréhension du texte et à son explication :
« Ce qu'on ne peut prohiber, il faut nécessairement le permettre. » Spinoza, Traité théologico-politique, Paris, Flammarion, 1965, Chapitre XX, p. 329. « La loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société. Tout ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas. » Les représentants du peuple français, Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, article 5. En libre accès sur le site : http://www.legifrance.gouv.fr/Droit-francais/Constitution/Declaration-des-Droits-de-l-Homme-et-du-Citoyen-de-1789
« La loi est dure, mais c'est la loi. » Maxime de droit romain.
Textes de référence à mettre en perspective avec le texte pour approfondir sa compréhension et élargir la perspective philosophique de la thèse :
Un texte de Rousseau où l'auteur tente de définir ce qu'est une loi civile :
« Mais qu'est-ce donc enfin qu'une loi ?
[…] quand tout un peuple statue sur tout le peuple, il se considère lui-même, et s'il se forme alors un rapport, c'est de l'objet entier sous un point de vue à l'objet entier sous un autre point de vue, sans aucune division du tout. Alors la matière sur laquelle on statue est générale comme la volonté qui statue. C'est cet acte que j'appelle une loi.
Quand je dis que l'objet des lois est toujours général, j'entends que la loi considère les sujets en corps et les actions comme abstraites, jamais un homme comme individu ni une action particulière. Ainsi la loi peut bien statuer qu'il y aura des privilèges, mais elle n'en peut donner nommément à personne ; la loi peut faire plusieurs classes de Citoyens, assigner même les qualités qui donneront droit à ces classes, mais elle ne peut nommer tels et tels pour y être admis : elle peut établir un gouvernement royal et une succession héréditaire, mais elle ne peut élire un roi, ni nommer une famille royale ; en un mot, toute fonction qui se rapporte à un objet individuel n'appartient point à la puissance législative.
Sur cette idée, on voit à l'instant qu'il ne faut plus demander à qui il appartient de faire des lois, puisqu'elles sont des actes de la volonté générale ; ni si le Prince est au-dessus des lois, puisqu'il est membre de l'État ; ni si la loi peut être injuste, puisque nul n'est injuste envers lui-même ; ni comment on est libre et soumis aux lois, puisqu'elles ne sont que des registres de nos volontés. »
[…] quand tout un peuple statue sur tout le peuple, il se considère lui-même, et s'il se forme alors un rapport, c'est de l'objet entier sous un point de vue à l'objet entier sous un autre point de vue, sans aucune division du tout. Alors la matière sur laquelle on statue est générale comme la volonté qui statue. C'est cet acte que j'appelle une loi.
Quand je dis que l'objet des lois est toujours général, j'entends que la loi considère les sujets en corps et les actions comme abstraites, jamais un homme comme individu ni une action particulière. Ainsi la loi peut bien statuer qu'il y aura des privilèges, mais elle n'en peut donner nommément à personne ; la loi peut faire plusieurs classes de Citoyens, assigner même les qualités qui donneront droit à ces classes, mais elle ne peut nommer tels et tels pour y être admis : elle peut établir un gouvernement royal et une succession héréditaire, mais elle ne peut élire un roi, ni nommer une famille royale ; en un mot, toute fonction qui se rapporte à un objet individuel n'appartient point à la puissance législative.
Sur cette idée, on voit à l'instant qu'il ne faut plus demander à qui il appartient de faire des lois, puisqu'elles sont des actes de la volonté générale ; ni si le Prince est au-dessus des lois, puisqu'il est membre de l'État ; ni si la loi peut être injuste, puisque nul n'est injuste envers lui-même ; ni comment on est libre et soumis aux lois, puisqu'elles ne sont que des registres de nos volontés. »
Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social, Paris, Flammarion, 2001, Livre II, chapitre VI, pp. 76-78
Un autre texte de Hobbes qui propose une conception de la liberté compatible avec les lois d'un État :
« Communément on tient que la liberté consiste à pouvoir faire impunément tout ce que bon nous semble et que la servitude est une restriction de cette liberté. Mais on le prend fort mal de ce biais-là ; car, à ce compte, il n'y aurait personne de libre dans la république, vu que les États doivent maintenir la paix du genre humain par l'autorité souveraine, qui tient la bride à la volonté des personnes privées. Voici quel est mon raisonnement sur cette matière : je dis que la liberté n'est autre chose que l'absence de tous les empêchements qui s'opposent à quelque mouvement ; ainsi l'eau qui est enfermée dans un vase n'est pas libre, à cause que le vase l'empêche de se répandre et, lorsqu'il se rompt, elle recouvre sa liberté. Et de cette sorte une personne jouit de plus ou moins de liberté, suivant l'espace qu'on lui donne ; comme dans une prison étroite, la captivité est bien plus dure qu'en un lieu vaste où les coudées sont plus franches. D'ailleurs un homme peut être libre vers un endroit et non pas vers quelque autre ; comme en voyageant on peut bien s'avancer et gagner un pays, mais quelquefois on est empêché d'aller du bon côté par les haies et par les murailles dont on a garni les vignes et les jardins. Cette sorte d'empêchement est extérieure et ne reçoit point d'exception ; car les esclaves et les sujets sont libres de cette sorte s'ils ne sont en prison ou à la chaîne. »
Hobbes, Le Citoyen, Flammarion, 1993, Livre II, Chapitre IX, § 9
Procéder par étapes
Identifier les difficultés particulières de ce texte :
Ce texte est intéressant dans la mesure où il présente une conception de la loi qui va, dans une certaine mesure, à l'encontre de l'opinion commune qui se réfère à l'idée de justice. Ici en effet la justice a un caractère relativement abstrait. Du fait même qu'elle est loi, la loi est juste. « Aucune loi ne peut être injuste », nous dit Hobbes dès le début du texte. Il faudra donc interroger cette idée et en dégager les implications.Problématiser le texte :
La question que pose Hobbes, « qu'est-ce qu'une bonne loi ? » renferme une difficulté qui fait problème. Une loi est-elle bonne parce qu'elle exprime une idée du bien (un principe général de justice) ou simplement par ce qu'elle est utile au maintient de l'ordre social et politique, autrement dit de la paix entre les hommes ? Hobbes défend la seconde hypothèse.Mais toute loi utile et nécessaire au bien du peuple est-elle pour autant légitime et bonne ? La paix, la sécurité, l'ordre social peuvent-ils tout justifier ?
Répondre aux questions :
Question 1 : Trouver la thèse du texte et les étapes de l'argumentation
Pour répondre à cette question il faut d'abord dégager le plan du texte. Il est possible de distinguer ici deux grands moments qui structurent l'argumentation.
Dans un premier temps, qui correspond au premier paragraphe, Hobbes soutient qu'une loi est bonne lorsqu'elle est nécessaire et non, comme on le pense souvent à tort, lorsqu'elle correspond à une idée préalable du juste ou du bien en soi. La loi est en cela comparable à la règle d'un jeu : elle est conventionnelle et c'est son efficacité qui compte.
Dans le second paragraphe, dernier temps de sa démonstration, Hobbes précise en quoi consiste cette efficacité de la loi en rejetant une seconde idée reçue : une loi n'entrave pas l'action des hommes mais la dirige seulement, de façon à ce qu'elle ne se nuise pas à elle-même. Il faut alors distinguer « empêcher » et « orienter » : c'est le rôle de la deuxième comparaison du texte entre les lois et les « haies » que l'on dresse afin de tracer de droits chemins.
En conclusion, il apparaît qu'une bonne loi est le moyen qui s'avère nécessaire pour canaliser les désirs et les actions des hommes de manière à prévenir les conflits et conjurer la violence. Telle est la thèse du texte.
Pour répondre à cette question il faut d'abord dégager le plan du texte. Il est possible de distinguer ici deux grands moments qui structurent l'argumentation.
Dans un premier temps, qui correspond au premier paragraphe, Hobbes soutient qu'une loi est bonne lorsqu'elle est nécessaire et non, comme on le pense souvent à tort, lorsqu'elle correspond à une idée préalable du juste ou du bien en soi. La loi est en cela comparable à la règle d'un jeu : elle est conventionnelle et c'est son efficacité qui compte.
Dans le second paragraphe, dernier temps de sa démonstration, Hobbes précise en quoi consiste cette efficacité de la loi en rejetant une seconde idée reçue : une loi n'entrave pas l'action des hommes mais la dirige seulement, de façon à ce qu'elle ne se nuise pas à elle-même. Il faut alors distinguer « empêcher » et « orienter » : c'est le rôle de la deuxième comparaison du texte entre les lois et les « haies » que l'on dresse afin de tracer de droits chemins.
En conclusion, il apparaît qu'une bonne loi est le moyen qui s'avère nécessaire pour canaliser les désirs et les actions des hommes de manière à prévenir les conflits et conjurer la violence. Telle est la thèse du texte.
Question 2
a) Il s'agit ici de dégager le sens d'une comparaison visant à faire ressortir la nature d'une loi civile. Comme la règle d'un jeu, celle-ci est le produit d'une convention libre et unanime qui n'a aucun apparemment aucun rapport avec un idéal du juste ou du bien en soi. On pourra également souligner l'aspect polémique de ce rapprochement inattendu, qui tranche avec la tradition de la philosophie politique depuis Platon.
b) Cette citation constitue la réponse que l'auteur apporte à la fin du premier paragraphe à la question qui ouvre le texte. Deux adjectifs sont ici à expliquer : « nécessaire » et « facile » (à comprendre). Il faut donc montrer en quoi une bonne loi est celle dont on ne saurait se passer (« nécessaire »). Il faut ensuite montrer en quoi une loi incomprise serait nécessairement mauvaise.
Dans tous les cas, il apparaît qu'une bonne loi est une chose utile, autrement dit qu'elle est un moyen nécessaire et simple au service d'une fin (le « bien du peuple » que Hobbes n'a pas encore précisé).
c) Hobbes propose ici une nouvelle comparaison qui éclaire de manière imagée le rôle de la loi dans la vie des hommes. L'image de la « haie » suggère l'idée d'une nature domestiquée, civilisée, humanisée que l'on retrouve dans l'idée de loi. L'image des « voyageurs » éclaire la condition humaine en suggérant que les hommes sont autant d'individus qui, mus par leurs désirs, ne restent pas naturellement en place.
a) Il s'agit ici de dégager le sens d'une comparaison visant à faire ressortir la nature d'une loi civile. Comme la règle d'un jeu, celle-ci est le produit d'une convention libre et unanime qui n'a aucun apparemment aucun rapport avec un idéal du juste ou du bien en soi. On pourra également souligner l'aspect polémique de ce rapprochement inattendu, qui tranche avec la tradition de la philosophie politique depuis Platon.
b) Cette citation constitue la réponse que l'auteur apporte à la fin du premier paragraphe à la question qui ouvre le texte. Deux adjectifs sont ici à expliquer : « nécessaire » et « facile » (à comprendre). Il faut donc montrer en quoi une bonne loi est celle dont on ne saurait se passer (« nécessaire »). Il faut ensuite montrer en quoi une loi incomprise serait nécessairement mauvaise.
Dans tous les cas, il apparaît qu'une bonne loi est une chose utile, autrement dit qu'elle est un moyen nécessaire et simple au service d'une fin (le « bien du peuple » que Hobbes n'a pas encore précisé).
c) Hobbes propose ici une nouvelle comparaison qui éclaire de manière imagée le rôle de la loi dans la vie des hommes. L'image de la « haie » suggère l'idée d'une nature domestiquée, civilisée, humanisée que l'on retrouve dans l'idée de loi. L'image des « voyageurs » éclaire la condition humaine en suggérant que les hommes sont autant d'individus qui, mus par leurs désirs, ne restent pas naturellement en place.
Corrigé
1
La thèse que Hobbes soutient dans ce texte est la suivante : une loi civile est une bonne loi lorsque celle-ci contribue à instaurer et maintenir la paix entre les hommes. On jugera donc bonne toute loi nécessaire à l'harmonie des désirs qui, naturellement, portent chaque individu à nuire à son semblable et, finalement, à lui-même.
L'argumentation du texte suit la progression suivante :
I) Dans une première partie, qui correspond au premier paragraphe, l'auteur s'efforce de montrer qu'une loi n'est pas bonne parce qu'elle est juste mais parce qu'elle est nécessaire.
Hobbes commence par écarter l'idée répandue mais fausse d'après laquelle une loi est bonne parce qu'elle est juste. En effet, selon notre auteur une loi ne peut pas être injuste. Pourquoi ?
L'argument est le suivant : puisqu'une loi émane par définition d'un « pouvoir souverain », autrement dit d'un Etat reposant sur la reconnaissance de tous, celle-ci exprime nécessairement « ce que tout homme veut » et ne lèse donc jamais personne. Il serait donc absurde et contradictoire de ne pas vouloir d'une loi qui émane d'une autorité qu'on a bien voulu instituer.
Ce qui apparaît alors, c'est le lien qui unit la loi à la volonté humaine. Toute loi est le produit d'une convention consentie entre les hommes d'une même communauté politique, d'un même « peuple ». Il en va donc de la formation des lois comme de celle des règles d'un jeu : aucune connaissance du bien et du mal ou du juste et de l'injuste n'est nécessaire ; il suffit d'établir par convention des règles sur lesquelles tout le monde s'accorde librement.
Hobbes peut dès lors tirer un premier élément de réponse à sa question initiale. Deux critères permettent de comprendre ce qu'est une bonne loi. Celle-ci est d'abord « nécessaire au bien du peuple », ce qui signifie qu'elle doit constituer un moyen indispensable à l'accomplissement du bien « que tout homme veut » et qu'il s'efforce précisément d'exprimer par la convention de la loi. Deuxièmement, et par voie de conséquence, une bonne loi doit aussi être « facile à comprendre » puisqu'il faut que chacun y reconnaisse l'expression de sa propre volonté et puisse y lire son propre bien.
Mais quel est, au juste, ce « bien du peuple » dont parle Hobbes ? Qu'est-ce donc que « tout homme veut » ?
Hobbes commence par écarter l'idée répandue mais fausse d'après laquelle une loi est bonne parce qu'elle est juste. En effet, selon notre auteur une loi ne peut pas être injuste. Pourquoi ?
L'argument est le suivant : puisqu'une loi émane par définition d'un « pouvoir souverain », autrement dit d'un Etat reposant sur la reconnaissance de tous, celle-ci exprime nécessairement « ce que tout homme veut » et ne lèse donc jamais personne. Il serait donc absurde et contradictoire de ne pas vouloir d'une loi qui émane d'une autorité qu'on a bien voulu instituer.
Ce qui apparaît alors, c'est le lien qui unit la loi à la volonté humaine. Toute loi est le produit d'une convention consentie entre les hommes d'une même communauté politique, d'un même « peuple ». Il en va donc de la formation des lois comme de celle des règles d'un jeu : aucune connaissance du bien et du mal ou du juste et de l'injuste n'est nécessaire ; il suffit d'établir par convention des règles sur lesquelles tout le monde s'accorde librement.
Hobbes peut dès lors tirer un premier élément de réponse à sa question initiale. Deux critères permettent de comprendre ce qu'est une bonne loi. Celle-ci est d'abord « nécessaire au bien du peuple », ce qui signifie qu'elle doit constituer un moyen indispensable à l'accomplissement du bien « que tout homme veut » et qu'il s'efforce précisément d'exprimer par la convention de la loi. Deuxièmement, et par voie de conséquence, une bonne loi doit aussi être « facile à comprendre » puisqu'il faut que chacun y reconnaisse l'expression de sa propre volonté et puisse y lire son propre bien.
Mais quel est, au juste, ce « bien du peuple » dont parle Hobbes ? Qu'est-ce donc que « tout homme veut » ?
II) C'est là ce qu'on apprend dans le second mouvement du texte (de la ligne 7 à la fin) où l'auteur explique concrètement en quoi consiste le « rôle » des lois, autrement dit le bien qu'elles visent.
Hobbes s'attaque ici à une seconde idée fausse : contrairement à ce qu'on serait tenté de penser, la loi ne se substitue pas à la volonté individuelle, mais se contente de la borner afin qu'elle n'entre pas en conflit avec celle des autres. La distinction est importante : une loi n'« empêche » pas d'agir, elle rend possible au contraire l'action individuelle en la contenant et la dirigeant.
Hobbes dévoile ici sa conception de l'être humain. Tandis que la première partie du texte insistait sur le caractère consensuel de la volonté des hommes dans la loi, la seconde partie souligne quant à elle le caractère conflictuel et immodéré des « désirs » humains. Abandonné à leurs seuls penchants, les individus entrent immanquablement en conflit les uns avec les autres, et dans le climat de violence qui s'ensuit, « se nuisent » finalement « à eux-mêmes ».
Le « bien de l'homme » que l'individu souvent ignore dans l'« aveuglement » de son désir, est donc la concorde (la paix) qui seule peut garantir à chacun une existence vivable. Face à l'outrance, à l'illimitation, à la force brute (l'« impétuosité ») des désirs, il est vital d'opposer le limite de la loi qui, telle une digue, canalise le flot des désirs et les unit harmonieusement en vue de la paix.
En conclusion, une bonne loi est celle qui constitue un moyen nécessaire pour préserver le bien des hommes unis en communauté, à savoir une vie à l'abri de toute violence.
Hobbes s'attaque ici à une seconde idée fausse : contrairement à ce qu'on serait tenté de penser, la loi ne se substitue pas à la volonté individuelle, mais se contente de la borner afin qu'elle n'entre pas en conflit avec celle des autres. La distinction est importante : une loi n'« empêche » pas d'agir, elle rend possible au contraire l'action individuelle en la contenant et la dirigeant.
Hobbes dévoile ici sa conception de l'être humain. Tandis que la première partie du texte insistait sur le caractère consensuel de la volonté des hommes dans la loi, la seconde partie souligne quant à elle le caractère conflictuel et immodéré des « désirs » humains. Abandonné à leurs seuls penchants, les individus entrent immanquablement en conflit les uns avec les autres, et dans le climat de violence qui s'ensuit, « se nuisent » finalement « à eux-mêmes ».
Le « bien de l'homme » que l'individu souvent ignore dans l'« aveuglement » de son désir, est donc la concorde (la paix) qui seule peut garantir à chacun une existence vivable. Face à l'outrance, à l'illimitation, à la force brute (l'« impétuosité ») des désirs, il est vital d'opposer le limite de la loi qui, telle une digue, canalise le flot des désirs et les unit harmonieusement en vue de la paix.
En conclusion, une bonne loi est celle qui constitue un moyen nécessaire pour préserver le bien des hommes unis en communauté, à savoir une vie à l'abri de toute violence.
2
a) Hobbes fait ici une comparaison audacieuse et polémique. Tandis que la tradition de la philosophie politique traite avec le plus grand sérieux la question du fondement des lois civiles (depuis Platon), Hobbes n'hésite pas à rapprocher la formation des lois et celle des règles d'un jeu. Que signifie cette comparaison ?
Selon Hobbes, les lois civiles et les règles d'un jeu ont ceci de commun qu'elles sont toutes conventionnelles et artificielles. Conventionnelles d'abord, parce qu'elles reposent sur un accord unanime et libre, voire arbitraire, des individus appelés à vivre ensemble. Artificielles ensuite, parce que les lois civiles, comme celles d'un jeu, ne doivent rien à la nature. Davantage même : si la nature des hommes est l'« impétuosité de leurs désirs », la loi civile est anti naturelle et redresse, corrige, « oriente », ce que la nature a de sauvage, de violent et de réfractaire à la vie communautaire. Précisons cependant que si les lois reposent sur une convention, le bien qu'elles visent, lui n'est l'objet d'aucun choix et s'impose au contraire comme « nécessaire ». Si l'homme doit par lui-même inventer des lois (civiles) qui n'existent pas dans la nature, c'est cependant la nécessité naturelle de vivre qui constitue la finalité des conventions humaines.
Selon Hobbes, les lois civiles et les règles d'un jeu ont ceci de commun qu'elles sont toutes conventionnelles et artificielles. Conventionnelles d'abord, parce qu'elles reposent sur un accord unanime et libre, voire arbitraire, des individus appelés à vivre ensemble. Artificielles ensuite, parce que les lois civiles, comme celles d'un jeu, ne doivent rien à la nature. Davantage même : si la nature des hommes est l'« impétuosité de leurs désirs », la loi civile est anti naturelle et redresse, corrige, « oriente », ce que la nature a de sauvage, de violent et de réfractaire à la vie communautaire. Précisons cependant que si les lois reposent sur une convention, le bien qu'elles visent, lui n'est l'objet d'aucun choix et s'impose au contraire comme « nécessaire ». Si l'homme doit par lui-même inventer des lois (civiles) qui n'existent pas dans la nature, c'est cependant la nécessité naturelle de vivre qui constitue la finalité des conventions humaines.
b) Hobbes fait état ici des deux caractères essentiels d'une bonne loi. Celle-ci est d'abord « nécessaire au bien du peuple ». Par là, il faut entendre qu'une loi est bonne non pas en vertu d'un idéal de justice qu'elle exprimerait plus ou moins bien (hypothèse écartée au début du texte), mais en tant qu'elle constitue un moyen indispensable au bien des individus rassemblés dans une communauté politique, à savoir : l'harmonie de leurs désirs contradictoires et la conjuration de la violence. Parce qu'une bonne loi est celle en laquelle chacun doit apercevoir son propre bien, il importe qu'elle soit en outre « facile à comprendre ». Car une loi qui ne serait pas comprise, faut d'être claire et intelligible, ne serait pas reconnue et approuvée par tout un chacun, si bien qu'elle perdrait toute légitimité et toute efficacité : à défaut de la comprendre, on la contesterait et la transgresserait.
c) Le second paragraphe du texte propose une comparaison riche d'enseignement sur la nature et la fonction des lois civiles. Hobbes y suggère que les lois sont aux citoyens dans les cités ce que les haies sont aux voyageurs parcourant le monde. Les unes comme les autres remplissent en effet une fonction comparable qui consiste non pas à entraver (« arrêter ») les mouvements des uns et des autres, mais au contraire de les rendre plus aisés en leur indiquant de droits chemins. Une loi ne nuit pas aux libertés individuelles, mais les préserve au contraire en ménageant entre elles un ordre qui garantit leur coexistence pacifique.
Mais l'image dit encore davantage. Car les lois que l'on adopte pour la vie civile et les haies que l'on dresse le long des routes ont en commun d'aménager la nature, de domestiquer et de civiliser ce qui de prime abord est sauvage : d'un côté l'homme et « l'impétuosité de ses désirs », de l'autre le nature environnante et son hostilité pour la vie humaine (que représente symboliquement la forêt, de même étymologie que « sauvage »).
Quant aux hommes, ils ont bien de la ressemblance avec des voyageurs. Leurs itinéraires sont souvent hasardeux (aventureux, « aveugles » pour reprendre un mot du texte) et désaccordés. Chaque individu est occupé à suivre une trajectoire propre qui le distingue de tout autre de sorte que rien dans sa nature ne le dispose à la vie sociale. Son désir impétueux et empressé fait de lui un voyageur qui peine à rester en place.
Mais l'image dit encore davantage. Car les lois que l'on adopte pour la vie civile et les haies que l'on dresse le long des routes ont en commun d'aménager la nature, de domestiquer et de civiliser ce qui de prime abord est sauvage : d'un côté l'homme et « l'impétuosité de ses désirs », de l'autre le nature environnante et son hostilité pour la vie humaine (que représente symboliquement la forêt, de même étymologie que « sauvage »).
Quant aux hommes, ils ont bien de la ressemblance avec des voyageurs. Leurs itinéraires sont souvent hasardeux (aventureux, « aveugles » pour reprendre un mot du texte) et désaccordés. Chaque individu est occupé à suivre une trajectoire propre qui le distingue de tout autre de sorte que rien dans sa nature ne le dispose à la vie sociale. Son désir impétueux et empressé fait de lui un voyageur qui peine à rester en place.
3
Introduction
I. La loi comme protection de l'individu
a) L'homme est un être de désir
Pour prendre conscience du rôle des lois, il suffit d'imaginer ce que serait la vie des hommes si les lois n'existaient pas. À l'évidence, chacun poursuivrait son intérêt sans se soucier de celui des autres. Si tel n'était pas le cas, il ne fait pas de doute que les lois n'auraient aucune raison d'être. L'existence des lois nous renseigne donc sur la nature de l'homme : il est, comme l'a bien vu Hobbes, un être de désir. La seule « loi » que l'individu laissé à lui-même connaisse est donc ce mouvement « impétueux » qui le porte à satisfaire son intérêt propre au mépris de celui des autres.
b) La société n'est pas naturelle à l'homme
Dès lors, l'homme n'est pas naturellement sociable. Seuls existent des individus recherchant chacun pour soi-même ce qu'il juge être son bien. Il est donc inévitable que ces désirs par nature égoïstes et illimités s'entrechoquent, rivalisent et entrent en lutte. Le cours de l'histoire, jalonné de guerres et de luttes de pouvoir, n'en offre-t-il pas d'ailleurs la preuve ?
c) La loi s'oppose aux rivalités naturelles des désirs illimités
La logique naturelle du désir engendre donc nécessairement un climat de guerre de chacun contre chacun qui menace la survie de l'homme. Pour sortir de l'impasse où la nature l'a placé, l'homme n'a alors pas d'autre choix que de rompre avec la logique infernale des rivalités. Face à la violence, chaque individu comprend aisément qu'il est de son intérêt d'adopter des règles communes (lois) qui limitent les désirs et encadrent les libertés en vue d'instaurer une existence sociale vivable.
Les lois ne sont que des « cordons de sécurité » que les individus doivent veiller à ne pas franchir. Le rôle des lois semble donc bien de faire barrage à la violence des désirs égoïstes. Cependant, en traçant des frontières entre les libertés, les lois ne risquent-elles pas d'isoler les individus et fragmenter ainsi l'humanité que l'instauration des sociétés politiques avait tenté de réunir ?
Bref, les lois ainsi comprises semblent davantage résoudre le problème de la violence en séparant les hommes qu'en les reliant. Chacun est alors renvoyé à la sphère privée de sa liberté individuelle et reste, au fond, un être égoïste.
Bref, les lois ainsi comprises semblent davantage résoudre le problème de la violence en séparant les hommes qu'en les reliant. Chacun est alors renvoyé à la sphère privée de sa liberté individuelle et reste, au fond, un être égoïste.
II. La loi comme condition de la socialisation
a) La loi pacifie les rapports humains en apaisant la peur de l'autre
Il serait absurde de considérer que les lois ont pour seul rôle d'empêcher que les hommes se nuisent à eux-mêmes. Car le rôle des lois n'est pas seulement d'éviter la violence, mais d'arracher l'homme aux désirs qui le conduisent à la rivalité en le guérissant de son égoïsme. Une loi a pour principal effet de garantir la sécurité des biens et des personnes. Dès lors, rassuré par la présence visible de lois bien faites, nul n'a plus à craindre pour son bien et pour sa vie. Chacun peut alors relâcher sa crispation égoïste et s'ouvrir aux autres. Parce que des lois existent qui répriment toute violence, je peux tourner le dos à mon semblable sans craindre qu'il me nuise.
b) La loi rapproche les hommes que le désir égoïste tendait à opposer
Les lois semblent donc remplir un rôle de socialisation et de moralisation des individus, naturellement sauvages, farouches, renfermés. Chacun peut alors employer sa vie à autre chose qu'à préserver ou augmenter la somme de son bien personnel puisque la loi se charge de sa sécurité. Loin de maintenir chacun dans l'espace privé de sa liberté individuelle, les lois favorisent la communication des libertés et l'échange entre des êtres qui n'ont plus peur les uns des autres. Les lois ont donc un rôle positif d'éducation morale et sociale des hommes.
c) La loi construit la société où l'homme accomplit le meilleur de lui-même
C'est ainsi que le rôle des lois s'accomplit pleinement. En s'ouvrant aux autres, chaque homme apprend à cultiver les vertus de la vie sociale : l'amitié, la convivialité que la crainte de la violence de l'autre lui rendait inaccessibles. Ce faisant, l'homme s'arrache à son existence purement animale pour goûter les fruits d'une vie proprement humaine. Car, comme l'a bien vu Rousseau, l'homme est perfectible : il importe donc qu'il s'emploie à épanouir ses talents en menant une existence sociale délivrée de toute conflictualité et de tout égoïsme. Or, cela n'est possible que grâce aux lois.