L'explication de texte (III)
Les dernières étapes de l'explication de texte consistent à construire l'introduction, le développement et la conclusion, dans lesquels on rétablit la logique d'ensemble de l'argumentation du texte.
I. Expliquer le texte
De façon linéaire, il faut établir la manière dont l'argumentation progresse et donc mettre en lumière la façon dont le texte est construit. Ensuite, il faut montrer phrase après phrase ce que l'auteur dénonce (quand le texte s'oppose à d'autres positions philosophiques) ou affirme.
On attend dans une explication de texte : une introduction, un développement et une conclusion.
On attend dans une explication de texte : une introduction, un développement et une conclusion.
1. Rédiger l'introduction
Une introduction doit comporter les éléments nécessaires à la présentation du texte étudié et les enjeux qu'il ouvre :
• Présenter rapidement l'auteur, le texte et la date de publication qui sont indiqués avec le texte. Si l'on connaît le contexte ou l'auteur précisément, on peut indiquer quelques éléments qui sont intéressants pour comprendre le texte. Il faut rester pertinent : on ne demande pas d'inventer une biographie ou de plaquer des éléments hors sujet. Ainsi, expliquer que Kant faisait sans cesse la même promenade à propos d'un extrait de Qu'est-ce que les Lumières ? n'a que peu d'intérêt. En revanche, présenter quelques idées défendues par les philosophes des Lumières peut être intéressant. De même, on peut donner quelques éléments de contexte sur les stoïciens à propos du texte de Cicéron intitulé Paradoxes des stoïciens.
• Présenter le thème du texte : quel sujet l'extrait aborde-t-il et selon quelle perspective ?
• Présenter l'enjeu du texte : quelle question l'auteur pose-t-il dans cette thématique ? Un auteur écrit un texte pour répondre à une question qu'il se pose : il faut identifier ce problème.
• Présenter la thèse de l'auteur : quelle réponse l'auteur propose-t-il à cette question ? Qu'est-ce qui distingue ce texte d'un autre qui aborde le même thème ?
• Présenter le plan du texte : il faut indiquer les moments argumentatifs en précisant les premiers et les derniers mots du passage et aussi à quelles lignes ils correspondent, de façon à ce que le correcteur puisse suivre l'explication.
2. Rédiger le développement
Il ne s'agit ni de citer la phrase que l'on va expliquer ni de faire une liste de définitions de termes. On doit d'abord reformuler l'idée que présente l'auteur pour indiquer l'idée qu'il défend et les raisons pour lesquelles il la défend, préciser les distinctions conceptuelles mises en place ou le rôle de l'argumentation, puis mettre le texte en perspective en précisant la portée philosophique du propos.Autrement dit, il faut reprendre le propos, le justifier et montrer son importance dans le texte, mais aussi du point de vue du raisonnement, et ne pas hésiter à chercher à donner des exemples précis de ce qui est décrit par l'auteur.
3. Les transitions
Arrivé au terme d'un mouvement dans l'argumentation, il faut faire la somme des éléments démontrés jusqu'à présent et indiquer ce qui reste à présenter. Autrement dit, il s'agit de montrer pourquoi l'auteur a besoin de poursuivre sa démonstration.4. Rédiger la conclusion
Une conclusion doit être un condensé de l'explication de texte. Il faut y rappeler :• la question centrale du texte que vous avez soulevée en introduction ;
• la réponse, désormais démontrée, que le texte y a apportée ;
• les étapes argumentatives ;
• la portée du concept philosophique développé dans cet extrait.
II. L'explication de texte pas à pas
1. Le travail au brouillon
Au brouillon, on vérifie que l'on peut répondre aux questions présentées dans le tableau ci- dessous : De quoi le texte parle-t-il ? | Il aborde la question de la liberté. |
Quelle thèse défend-il ? À quelle thèse s'oppose-t-il ? | Il défend l'idée que la liberté est liée à la sagesse. Il s'oppose donc à l'idée que tous les hommes sont libres et que la liberté n'existe pas. |
Quelles sont les questions que le texte soulève ? | La plus évidente est : « Qu'est-ce qu'être libre ? » Elle introduit d'autres questionnements : « Comment être libre ? » et « Pourquoi la sagesse est-elle la condition de la liberté ? ». Il faut ensuite s'interroger sur les problèmes posés par les concepts mobilisés : « Quel rapport la liberté entretient-elle avec la contrainte ou le destin ? » Cela peut être encore une question par rapport à d'autres philosophies : « Quelle forme de liberté ce texte propose-t-il par rapport à d'autres théories de la liberté ? » |
Comment le texte est-il construit ? | l. 1-2 (de « Le sage » à « on veut ! ») : il pose un lien entre sagesse et liberté, puis définit cette dernière ; l. 2-9 (de « Qui donc » à « sa fortune ? ») : une longue question rhétorique (en fait une série de questions) visant à montrer pourquoi le sage est le seul à être libre – découpée par plusieurs points-virgules qui égrènent les différentes dimensions de la question ; l. 9-11 (de « Au sage » à « par contrainte ») : en conclusion de l'évidence des caractéristiques du sage et de la liberté, l'auteur a prouvé que seul le sage était libre. |
2. L'introduction
On reprend ensuite ces informations lors de leur rédaction sous forme d'introduction :« Dans cet extrait des Paradoxes des stoïciens, Cicéron aborde la pensée de cette école philosophique qui, durant l'Antiquité, aborde la question du bonheur mais aussi celle de la liberté. [On présente le texte, l'auteur et une connaissance que l'on a de la philosophie antique.] On trouve ici une double interrogation des conditions de la liberté [on présente le thème du texte] : autant comment être libre que comment la concilier avec des événements hors de notre contrôle ? Quelle forme de liberté la pensée stoïcienne propose-t-elle ? [On présente l'enjeu du texte.] Pour elle, être libre a pour condition d'être sage et c'est l'absence de maîtrise de soi et de connaissance qui nous empêche d'être libres. [On présente la thèse.]
L'extrait développe une argumentation partant de la thèse selon laquelle la sagesse est la condition de la liberté, car c'est la seule manière d'atteindre ce qu'est la liberté : agir selon notre volonté (l. 1-2). Dans une longue question rhétorique, qui enchaîne les différentes caractéristiques du sage et de la liberté, le texte montre en quoi sa thèse est la seule conséquente (l. 2-9), pour enfin lui opposer les obstacles qui plongent les hommes et les femmes dans l'absence de liberté, ce qui permet de retrouver la thèse initiale, mais cette fois démontrée, selon laquelle seul le sage est libre (l. 9-11). [On présente le plan du texte.] »
3. Le développement de l'explication
L'explication se déploie en présentant les concepts, en interrogeant le texte et en donnant des exemples pertinents par rapport à l'argument présenté par l'auteur.« Cicéron commence par poser que la liberté n'échoit qu'au sage. [On reprend l'idée de l'auteur.] Cette idée peut surprendre celui qui pense que tous les hommes sont libres. Or, l'auteur distingue le sage des autres individus. La condition des hommes serait l'absence de liberté. [Présentation du concept.] Pourtant, cette opinion ne va pas de soi : elle contredit par exemple la Déclaration universelle des droits de l'homme qui affirme que « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits ». [On interroge le texte à travers un exemple.] Ainsi va-t-il falloir comprendre quel lien existe entre la sagesse et la liberté, et pourquoi la sagesse est la condition de la liberté. En quel sens Cicéron entend-il la sagesse ? [On pose une question sur le texte.] La sagesse peut être comprise comme le contraire de l'ignorance : cette dernière serait alors un obstacle à la liberté. Le texte oppose donc la liberté et la sagesse à la soumission et l'ignorance. S'il n'y a que le sage qui soit libre, le reste de l'humanité ne l'est pas : ainsi, développer sa pensée, sa réflexion, ses connaissances et sa maîtrise de soi permettrait d'accéder à la liberté. Comment l'expliquer ? [On situe le propos du texte et l'on montre comment il se construit.]
La liberté, c'est « le pouvoir de vivre comme on veut ». Le terme pouvoir peut désigner plusieurs choses : la possibilité, la capacité ou le droit. Le texte n'étant pas orienté vers la question de la liberté au sens politique, on doit plutôt l'interpréter dans le sens de la capacité. [On définit précisément le sens d'un terme clé.] Pourquoi seule la sagesse permettrait-elle d'acquérir la capacité d'être libre ? [On pose une question portant sur le raisonnement.] Vivre comme on veut désigne le fait de mener sa vie en accord avec sa volonté : seule notre volonté nous dirige. Il faut donc être capable de maîtriser sa volonté et ses actions de façon à ce qu'elles coïncident : être libre demande une maîtrise de soi. [On propose une justification à l'aide du texte.] C'est pourquoi la suite du texte va présenter les raisons pour lesquelles le sage est le seul à être capable de faire coïncider sa vie avec sa volonté. [On met en perspective l'élément expliqué avec le reste de l'extrait.] »
4. Une transition
« Cicéron a donc posé l'idée principale qu'il va défendre : la sagesse et la liberté sont liées. Être libre, c'est être capable de mener sa vie en accord avec sa volonté. Il lui faut désormais prouver que la sagesse crée les conditions de cet accord, et que c'est la seule façon de l'obtenir. »5. La conclusion
« Dans cet extrait, Cicéron cherche à montrer que le sage est le seul individu libre. [On rappelle la question centrale du texte.] Le sage possède les caractéristiques de contrôle de soi, d'indépendance et d'accord entre sa volonté et son jugement, qui sont les caractéristiques de la liberté. [On présente la réponse apportée à la question que l'on a soulevée en introduction.] On a commencé par proposer une définition de la liberté, puis une démonstration de ce en quoi elle consiste : un accord avec la raison. [On rappelle les étapes argumentatives.] En effet, c'est parce que le sage est raisonnable qu'il est libre : il n'est jamais dupe des événements. Il échappe aux contraintes des passions ou des événements, car il est capable de les reconnaître et d'agir en fonction. La définition de la liberté n'est pas la liberté totale, mais la liberté de jugement et de pensée. [On rappelle de façon synthétique la portée philosophique du texte par rapport à la question qu'il aborde.] »© 2000-2024, rue des écoles