Énoncé
Document 1
Taux d'abstention aux premier et second tours des élections présidentielles depuis 1965, en % des inscrits
Source : Ministère de l'Intérieur et Le Monde. |
Document 2
L'abstention au premier tour des présidentielles de 2002.
« S'il est un chiffre qui n'aura pas surpris, dimanche 21 avril, c'est bien celui de l'abstention. Avec un taux de 27,5 % en métropole (sur 99,5 % des suffrages décomptés), le phénomène a pourtant atteint des pics rarement égalés depuis la première élection du président de la République au suffrage universel, en 1965.
Au premier tour de la présidentielle de 1995, 21,6 % des électeurs inscrits s'étaient abstenus. Cette fois, sur 40 millions d'inscrits, plus de 11 millions d'entre eux ne se sont pas rendus aux urnes, et plus de 984 000 ont voté blanc ou nul. Le seul record qui reste désormais à battre est celui du second tour de la présidentielle de 1969 avec 31,1 % (22,4 % au premier). Deux candidats de la droite modérée étaient alors restés en lice : le gaulliste Georges Pompidou et le centriste Alain Poher — en l'absence de tout prétendant de gauche et alors que le PCF(1) frôlait les 21,5 %.
L'abstention touche la plupart des démocraties occidentales, et le chiffre élevé de dimanche révèle une amplification du phénomène. […]
Faut-il en conclure que la présidentielle a perdu son statut de scrutin favori des Français et qu'elle a fini par se « normaliser » par rapport aux autres consultations nationales ? Le taux d'abstention y devient comparable à celui des deux tours des précédentes législatives de 1997 (respectivement 31,4 % et 28,4 % en métropole). Sans doute les congés scolaires de la zone A et C expliquent-ils en partie ce phénomène, de même que le nombre exceptionnellement élevé d'indécis relevés par les divers sondages (Le Monde du 14 avril).
Depuis 1974, la mobilisation s'est révélée toujours plus forte au second tour qu'au premier. Reste à savoir si l'affrontement entre M. Chirac et M. Le Pen permettra d'inverser une tendance où se lit aussi bien la fameuse « asthénie(2) démocratique » qu'une expression nouvelle de la protestation. »
Au premier tour de la présidentielle de 1995, 21,6 % des électeurs inscrits s'étaient abstenus. Cette fois, sur 40 millions d'inscrits, plus de 11 millions d'entre eux ne se sont pas rendus aux urnes, et plus de 984 000 ont voté blanc ou nul. Le seul record qui reste désormais à battre est celui du second tour de la présidentielle de 1969 avec 31,1 % (22,4 % au premier). Deux candidats de la droite modérée étaient alors restés en lice : le gaulliste Georges Pompidou et le centriste Alain Poher — en l'absence de tout prétendant de gauche et alors que le PCF(1) frôlait les 21,5 %.
L'abstention touche la plupart des démocraties occidentales, et le chiffre élevé de dimanche révèle une amplification du phénomène. […]
Faut-il en conclure que la présidentielle a perdu son statut de scrutin favori des Français et qu'elle a fini par se « normaliser » par rapport aux autres consultations nationales ? Le taux d'abstention y devient comparable à celui des deux tours des précédentes législatives de 1997 (respectivement 31,4 % et 28,4 % en métropole). Sans doute les congés scolaires de la zone A et C expliquent-ils en partie ce phénomène, de même que le nombre exceptionnellement élevé d'indécis relevés par les divers sondages (Le Monde du 14 avril).
Depuis 1974, la mobilisation s'est révélée toujours plus forte au second tour qu'au premier. Reste à savoir si l'affrontement entre M. Chirac et M. Le Pen permettra d'inverser une tendance où se lit aussi bien la fameuse « asthénie(2) démocratique » qu'une expression nouvelle de la protestation. »
Source : Nicolas Weill, « Un record d'abstention pour le premier tour d'une présidentielle », Le Monde, 22 avril 2002
Questions
1. Montrez l'évolution générale de l'abstention à l'élection présidentielle de 1965 à 2002. (Documents 1 et 2)
2. Donnez deux particularités de l'élection de 2002 dans l'histoire des élections présidentielles sous la Ve République. (Documents 1 et 2)
3. Quels sont les différents facteurs de l'abstention record aux élections présidentielles de 1969 et 2002 selon le journaliste ? (Document 2)
4. Expliquez ce que l'abstention révèle des rapports des citoyens au politique. (Document 2)
5. Pourquoi l'élection présidentielle est-elle un moment majeur dans la vie politique française sous la Ve République ?
Corrigé
1. Entre 1965 (première élection présidentielle au suffrage universel direct sous la Ve République) et 2002, le taux d'abstention a globalement augmenté et ce aussi bien au premier qu'au second tour de l'élection présidentielle.
2. L'élection présidentielle de 2002 présente plusieurs originalités. D'abord, le taux d'abstention au premier tour a atteint le niveau record de 28,4 %. Certes, une abstention supérieure avait été enregistrée en 1969 (31,1 %), mais c'était au second tour et on pouvait donc l'expliquer par le fait que les deux candidats restants ne satisfaisaient pas les électeurs. En 2002 au contraire, le premier tour confrontait un nombre très élevé de candidats. Par ailleurs, l'élection présidentielle de 2002 est la première à voir un candidat d'extrême droite, Jean-Marie Le Pen, arriver au second tour. Ces deux originalités sont d'ailleurs liées, la forte abstention ayant contribué à faire augmenter le score relatif de Jean-Marie Le Pen.
3. La forte abstention au second tour de l'élection présidentielle de 1969 s'explique par le fait que s'affrontaient alors deux candidats de centre droit. Les électeurs de gauche se sont donc désintéressés d'un scrutin perdu d'avance. Au premier tour de l'élection présidentielle de 2002, l'abstention a des origines plus multiples : lassitude démocratique, vacances scolaires et insatisfaction quant à l'offre politique proposée.
4. L'abstention est un bon baromètre du rapport des citoyens au politique. En effet, le fait de s'abstenir témoigne au mieux d'un désintérêt, au pire d'une défiance à l'égard d'institutions politiques dont une partie des citoyens semble considérer qu'elles sont inutiles ou inefficaces. Ils estiment en effet inutile d'aller voter pour des élus dont ils considèrent par principe qu'ils ne les représenteront pas.
5. L'élection présidentielle, même si elle est touchée par l'abstention, l'est moins que la plupart des autres scrutins (notamment régionaux et européens). C'est l'élection à laquelle les Français accordent le plus d'importance. Cela vient du fait que le président de la République est élu au suffrage universel direct uninominal : on vote pour un nom et pas pour une liste ou un parti. Par ailleurs, cela s'explique par le fait que les institutions de la Ve République accordent au président des pouvoirs très importants. Son élection est donc logiquement et légitimement perçue comme un moment crucial.