La Farce de Maître Pathelin
Fiche
La farce est une petite pièce qui fait appel au comique de foire. Pas très subtile, elle repose sur une duperie ou un mauvais tour joué à un benêt. La plus célèbre, La Farce de Maître Pathelin, est une œuvre anonyme qui date du xve siècle. En quoi est-elle emblématique du genre ?
I. Les caractéristiques de la Farce de Maître Pathelin
1. Une farce
• La farce est une pièce comique en vers et en un seul acte. L'action, très simple, met en scène un naïf à qui l'on joue un mauvais tour. Aucun personnage n'étant plus sympathique qu'un autre, le spectateur rit franchement de tout le monde (contrairement à la comédie, où il est invité à prendre parti). La farce met en scène un monde bourgeois, des commerçants surtout, où l'on trompe l'autre par de belles paroles.
• La Farce de Maître Pathelin, trois fois plus longue que les autres (1 600 vers), est reconnue comme un modèle du genre.
2. Une œuvre anonyme
• 1489 : publication de la Farce de Maître Pathelin, à Paris, chez l'éditeur Pierre Levet.
On n'en connaît pas l'auteur. Écrire était au Moyen Âge un métier comme un autre, moins considéré que celui d'artisan (drapier, orfèvre…) qui rapportait davantage. Les œuvres littéraires n'étaient pas signées, pas plus que ne l'étaient les sculptures ou les vitraux.
3. Le résumé de la pièce
• Maître Pierre Pathelin est avocat mais n'a plus d'accusé à défendre. Sa femme se plaint de n'avoir plus un sou et l'engage à utiliser sa force de conviction pour tromper plutôt que pour plaider. Pathelin parie que, même sans argent, il reviendra du marché avec une belle pièce de tissu (scène I). En flattant le drapier, il emporte le tissu sans payer (scène ii). Quand le drapier vient chercher son argent, Pathelin fait semblant d'être malade. Il délire, parle une langue étrange, prend le drapier pour le médecin et l'insulte (scène V). Contraint de s'en aller, Guillaume le drapier rencontre Thibaud, son berger. Il l'accuse de voler ses moutons et porte plainte devant le juge (scène VI). Thibaud demande à Maître Pathelin d'être son avocat. Celui-ci lui recommande de répondre Bée, comme ses moutons, à toutes les questions (scène vii). Thibaud passe pour fou et est acquitté. Guillaume agace le juge en embrouillant sans cesse les deux affaires : les moutons volés par Thibaut et le drap subtilisé par Pathelin (scène viii). Pathelin se moque de Guillaume (scène ix). Mais lorsqu'il réclame à Thibaud d'être payé pour l'avoir défendu, celui-ci lui répond Bée (scène x).
II. Les personnages
1. Maître Pierre Pathelin
• Pathelin est avocat parce qu'il parle bien et qu'il est rusé (« À qui croyez-vous que je n'expédie sa cause, si je veux m'y mettre ? Et pourtant je n'ai jamais appris à lire que fort peu… »). Ce talent lui permet de plaider comme de tromper, ce qui dans la pièce est une même chose. Pathelin est le champion d'un monde fait de sots et de beaux parleurs, de trompeurs et de trompés.
• Au Moyen Âge, patelin signifiait « langage ». Maître Pathelin en a probablement tiré son nom. Le personnage a eu tant de succès que l'adjectif patelin et le verbe pateliner, ont pris respectivement les sens de « rusé(e) » et de « tromper, flatter ».
2. Guillemette
• Guillemette est la femme et la complice de Pathelin. Elle l'encourage dans sa tromperie et l'aide activement lorsqu'il feint d'être malade. Elle joue le rôle d'une bonne bourgeoise croyant en Dieu pour mieux souligner la « folie » de Pathelin.
3. Guillaume Josseaulme
• Dans les pièces du Moyen Âge, le sot s'appelle souvent Guillaume (« C'est un Guillaume dont le surnom est Josseaulme »). Celui-ci est un marchand qui ne pense qu'à l'argent. Il sera trompé par tout le monde, son client et son berger, et perdra son procès parce qu'il ne sait pas s'expliquer.
4. Thibaud
• Thibaud l'Agnelet est simple comme ses moutons. Mais il comprend vite, comme le lui enseigne Pathelin, que si l'on ne sait pas parler brillamment, il vaut mieux se taire (« C'est mon intérêt »). Il retient si bien la leçon qu'il parvient à tromper le trompeur (« Même à moi, quoi que je puisse te dire ou te proposer, ne me réponds pas autrement »). Grâce à lui, ce n'est pas le langage qui a le fin mot de la pièce, mais la ruse (« les oisons mènent paître les oies »).
III. Thèmes et techniques
1. La satire sociale
• La farce se jouait, à l'origine, au temps de Carnaval, juste avant le Carême. La fête autorisait que tout soit inversé, que le « monde à l'envers » lutte avec l'ordre établi (notamment avec la religion). Les pauvres triomphent ainsi des riches. L'honnêteté bourgeoise et la morale chrétienne sont ridiculisées : Pathelin et Guillemette recourent sans cesse à Dieu pour cautionner leurs propos et rassurer leurs victimes (« Je vous garantis par Dieu… ; Par le précieux Corps de Dieu ; Hélas ! le pauvre chrétien ; Par Notre-Dame, mon bon maître »).
2. La folie
• Rappelant encore Carnaval, le thème de la folie est omniprésent : Pathelin joue le fou (« il délire, il chante, il embrouille tant de langages et il bredouille »), Guillemette persuade Guillaume qu'il est fou, le procès lui-même est une histoire de fous (« Il faut être encore plus fou pour intenter un procès à un fou aussi authentique »).
3. Le comique
• La Farce de Maître Pathelin fait appel à plusieurs types de comique :
— le comique de situation fait rire de la tromperie, en rendant le spectateur complice du plus fin et du plus fort. La scène v est ainsi entièrement construite sur le principe du quiproquo ;
— le comique de caractère invite à rire des sots, caricatures de la bêtise ;
— le comique de mœurs, lié à la satire sociale, de connivence avec le public populaire, justifie la tromperie comme une revanche prise sur les plus riches ;
— enfin, le comique de mots (expressions populaires, à double sens, mots familiers, etc.) renforce la complicité avec les spectateurs : ce langage s'annonce comme un jeu.
— le comique de situation fait rire de la tromperie, en rendant le spectateur complice du plus fin et du plus fort. La scène v est ainsi entièrement construite sur le principe du quiproquo ;
— le comique de caractère invite à rire des sots, caricatures de la bêtise ;
— le comique de mœurs, lié à la satire sociale, de connivence avec le public populaire, justifie la tromperie comme une revanche prise sur les plus riches ;
— enfin, le comique de mots (expressions populaires, à double sens, mots familiers, etc.) renforce la complicité avec les spectateurs : ce langage s'annonce comme un jeu.
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