Les catastrophes – qu'elles soient d'origine naturelle ou technologique – n'ont pas toujours le même triste bilan. On a vu que le risque variait avec le niveau de développement d'un pays. Quelles sont donc les réponses différenciées au Nord et au Sud face aux catastrophes ?
I. Séisme à l'Aquila, en Italie
• Le 6 avril 2009, en pleine nuit, un séisme se produit dans le centre de l'Italie, dans la région montagneuse des Abruzzes. Le foyer du séisme se situe à 10 km de profondeur, un peu au nord de la petite ville de L'Aquila. Il correspond à une extension de la croûte terrestre qui provoque l'ouverture de la mer Tyrrhénienne, entre la Corse et l'Italie. La magnitude du séisme (l'énergie libérée) atteint une moyenne de 6,3, ce qui correspond à un événement « fort », générant des destructions « dans des zones allant jusqu'à 180 km à la ronde ». Sans être exceptionnel, le séisme est donc d'importance. Il a d'ailleurs été ressenti dans tout le centre de l'Italie et notamment à Rome, distante tout de même de 110 km. Le séisme de L'Aquila est le plus grave depuis trente ans en Italie.
• Le bilan du séisme est loin d'être bénin, puisqu'on on a relevé 308 morts, essentiellement à L'Aquila même, et 1 179 blessés. 10 000 bâtiments ont été détruits et 25 000 personnes se sont retrouvées sans abri. Parmi les destructions figure un certain nombre de monuments historiques, toujours très nombreux en Italie. Le montant total des dégâts a été évalué à 12 milliards d'euros.
• Si l'Italie a refusé l'aide internationale, estimant ne pas en avoir besoin, des questions ont cependant été posées, en raison d'un bilan meurtrier, selon les normes occidentales. Il semble en particulier que les normes antisismiques – obligatoires dans les régions voisines de Toscane et d'Ombrie – ne l'étaient pas dans les Abruzzes. L'avidité des constructeurs dans l'édification des bâtiments (ciment à bas coût) et la négligence des autorités locales dans le contrôle antisismique, pourtant nécessaire dans cette zone notablement instable, sont responsables de décès qui auraient pu être évités.
II. Nargis, cyclone meurtrier en Birmanie
• Les proportions sont cependant tout autres avec le cyclone Nargis. Un cyclone est une tempête tournoyante alimentée en énergie par la température de l'eau sur laquelle elle se forme. Nargis naît dans le golfe du Bengale, profitant des températures très élevées de la saison. Puis, infléchissant sa course plein est, frappe le 2 mai 2008 la côte du Myanmar (ex-Birmanie) : les vents, oscillant entre 190 et 240 km/h, provoquent une onde de marée de 3 à 4 m de hauteur. Nargis balaye toute la partie sud du delta de l'Irrawaddy, où se trouvent concentrées de fortes densités de population, ainsi que la capitale économique du pays, Yangon (ex-Rangoon).
• Les conséquences sont dramatiques : le bilan humain fait état de 140 000 morts et 7,5 millions de personnes touchées ; on estime le nombre de sinistrés à 2,5 millions de personnes, au minimum ; la moitié des familles vivant dans la zone de passage de Nargis ont perdu la totalité de leur bétail. Sur le plan matériel, 5 000 km2 ont été submergés ; 800 000 habitations ont été touchées, dont 450 000 détruites ; la villes de Laputta est détruite à 95 % et 22 villages voisins sont rayés de la carte ; les dégâts sont estimés à plus de 4 milliards de dollars, dont 42 % pour les dégâts directs et 58 % pour les dégâts indirects (ralentissement économique consécutif à la catastrophe) : les dégâts matériels sont donc plus coûteux dans les pays riches, mais le bilan humain est bien plus catastrophique dans les pays pauvres.
• Le Myanmar est en effet un des pays pauvres de la planète, avec un PIB/habitant de 1 100 $, ce qui le classe au 208e rang mondial, et 138e sur 182 pour l'IDH. Le pays est dirigé depuis 1988 par une dictature militaire obsédée de sa sécurité. Dans ce pays pauvre, le budget de l'armée représente la moitié du PIB. La junte militaire au pouvoir porte une écrasante responsabilité dans le bilan humain de la catastrophe : en l'absence de système d'alerte avancée birman, les services météo indiens ont alerté les autorités birmanes, mais celles-ci n'ont pas correctement relayé l'information : Nargis est donc tombé sur des populations qui n'étaient pas ou mal préparées. Par crainte d'ingérence étrangère, voire d'invasion armée, le pouvoir birman a refusé l'essentiel de l'aide humanitaire internationale et, contraint par la pression internationale, n'a finalement laissé entrer cette aide qu'au compte-goutte, distribuée par une armée birmane dépassée par l'ampleur de la catastrophe. La population birmane dut pour l'essentiel se débrouiller seule. Le 20 mai, presque trois semaines après la catastrophe, seuls 20 % des sinistrés avaient accès à l'aide humanitaire. Les bâtiments militaires occidentaux, français et américains, chargés de matériel, de médicaments, de nourriture, durent quitter la zone sans avoir pu décharger leur aide.