La Sécurité sociale


Fiche

La Sécurité sociale est la plus importante et la mieux connue des institutions de solidarité nationale. Quelle est son origine ? Comment est-elle organisée ? Pourquoi est-elle souvent, aujourd'hui, au cœur du débat politique ?
I. L'origine de la Sécurité sociale : de la prévoyance à la solidarité
•  Jusqu'au XIXe siècle, chacun était seul face aux risques de la vie, d'où une forte inégalité : seuls ceux qui en avaient les moyens pouvaient se faire soigner en cas de maladie ; les personnes âgées étaient à la charge de leur famille et, si elles n'avaient plus de famille ou si celle-ci était trop pauvre, elles finissaient leur vie dans la misère. La seule façon de se protéger contre ces risques était l'épargne, ce qu'on appelle aussi la prévoyance personnelle : mettre de côté une partie de ses revenus pour les utiliser en cas de difficulté. Mais l'épargne restait un privilège des riches, dans une société où la plupart des travailleurs gagnaient à peine de quoi manger, s'habiller et se loger.
•  Dans les pays industrialisés, la situation commença à évoluer au XIXe siècle avec l'invention des assurances. Selon le principe de l'assurance, plusieurs personnes s'associent pour faire face à un risque : elles se cotisent et constituent une réserve d'argent commune, dans laquelle elles pourront puiser si le risque se réalise. Ainsi, dans une assurance maladie, les bien-portants paient pour les malades, et comme il y a plus de bien-portants que de malades, on peut financer des soins assez chers avec des cotisations peu élevées. Le risque coûte donc moins cher à chacun parce qu'il a été mutualisé, c'est-à-dire mis en commun. Mais l'assurance restait inégalitaire : ceux qui avaient les moyens de cotiser beaucoup pouvaient prendre de meilleures assurances et les plus démunis ne pouvaient pas cotiser.
•  Quand, au XXe siècle, les démocraties européennes ont reconnu de véritables droits sociaux, elles ont décidé que pour certains risques, comme la maladie ou la vieillesse, les assurances privées ne suffisaient plus. Pour garantir à tous des droits comme le droit à la santé, il faut imposer un système à la fois obligatoire et solidaire  : chacun cotise selon ses revenus (les riches plus que les pauvres) mais la couverture est la même pour tous. Des assurances sociales obligatoires pour les salariés existent en France dès 1930, sur le modèle d'assurances créées en Allemagne à la fin du XIXe siècle. En 1946, elles sont étendues à tous ceux qui touchent des revenus, c'est-à-dire aux salariés et aux travailleurs indépendants (chefs d'entreprise, artisans, commerçants, exploitants agricoles, etc.) : c'est la naissance de la Sécurité sociale. La solidarité comporte alors encore une limite : ceux qui n'ont jamais travaillé, donc jamais cotisé, sont exclus de la couverture. Ce problème n'a été réglé que par la suite et progressivement.
II. L'organisation de la Sécurité sociale
1. Une organisation complexe
•  La Sécurité sociale n'est pas une administration d'État. Les cotisations qu'elle touche (cotisations sociales) ne vont pas dans le budget de l'État, mais dans des caisses spéciales qui versent ensuite les prestations sociales. Les caisses sont gérées par des représentants de ceux qui leur paient des cotisations : les caisses des salariés sont ainsi gérées de façon paritaire, par des représentants des entreprises et des représentants des syndicats, car les cotisations d'un salarié sont payées pour partie par l'entreprise, pour partie par le salarié. Il y a plusieurs caisses différentes : la Sécurité sociale couvre plusieurs risques (elle a plusieurs branches) et tout le monde n'est pas couvert exactement de la même façon (il y a plusieurs régimes).
•  L'État intervient aussi dans le fonctionnement de la Sécurité sociale. Il garantit qu'elle remplit bien sa mission de solidarité : il fixe le montant des cotisations et celui des prestations. Comme les prestations sont aujourd'hui très élevées (leur total dépasse le budget de l'État), les cotisations ne suffisent plus à les financer : c'est l'État qui paie la différence en prélevant des impôts.
2. Les branches
La Sécurité sociale est organisée en trois branches, chacune couvrant un risque particulier.
•  La branche assurance maladie assure le remboursement des soins médicaux. Depuis 1999 seulement, elle les rembourse même à ceux qui n'ont jamais cotisé (couverture maladie universelle). Mais elle ne rembourse pas la totalité du montant des soins : une part, appelée ticket modérateur, reste à la charge de l'assuré.
•  La branche assurance vieillesse verse les retraites aux travailleurs qui ont cotisé et, depuis 1955, un minimum vieillesse aux personnes âgées qui n'ont jamais travaillé. Les retraites qu'elle verse sont plafonnées, c'est-à-dire qu'elles ne dépassent pas un certain montant. L'âge à partir duquel on peut partir à la retraite est actuellement de 60 ans (moins dans certaines professions pénibles ou dangereuses).
•  La branche allocations familiales aide les familles nombreuses (trois enfants et plus) en leur versant des revenus supplémentaires. Depuis 1975, toutes les familles, même celles qui n'ont jamais cotisé, peuvent toucher des allocations familiales.
3. Les régimes
•  Les trois branches constituent ce qu'on appelle le régime général. Mais certaines professions ont des régimes spéciaux, qui leur donnent des droits différents. Ces régimes ont, pour la plupart, disparu en matière d'assurance maladie et d'allocations familiales. En revanche, ils restent très importants en matière d'assurance vieillesse : il y a ainsi un régime de retraite pour les fonctionnaires, pour les agriculteurs, pour les commerçants et artisans, etc.
•  Il existe aussi des régimes complémentaires qui permettent d'améliorer la couverture par rapport au régime de base. Certains sont obligatoires : c'est le cas des régimes de retraites complémentaires des salariés du secteur privé (ceux qui ne sont pas fonctionnaires), qui leur permettent de toucher des retraites supérieures au plafond. Les autres régimes complémentaires sont facultatifs (on n'est pas obligé d'y cotiser) et ne font donc pas partie de la Sécurité sociale : ce sont, en particulier, les mutuelles qui permettent à leurs adhérents d'avoir une couverture maladie complète.
III. L'avenir de la Sécurité sociale
•  La question de l'avenir de la Sécurité sociale est régulièrement posée depuis le milieu des années soixante-dix : la crise économique et surtout l'augmentation du chômage ont fait baisser le montant des cotisations encaissées, alors que les prestations versées continuent d'augmenter. Tout le monde s'accorde pour reconnaître que la Sécurité sociale est confrontée à des problèmes nouveaux et qu'elle doit s'y adapter pour continuer à remplir sa mission de solidarité.
•  Le premier problème est celui de la maîtrise des dépenses de santé. La médecine a beaucoup progressé depuis cinquante ans, mais elle est aussi devenue plus coûteuse. Aujourd'hui, les dépenses de santé expliquent l'essentiel du déficit (" trou ") des régimes de Sécurité sociale.Le risque est qu'un jour, la Sécurité sociale n'ait plus les moyens de rembourser les soins, et que les techniques médicales de pointe soient réservées aux plus riches. Pour éviter cela, la loi fixe chaque année, depuis 1996, un objectif d'augmentation maximale des dépenses de santé ; mais, comme il n'est pas question de rationner l'accès au médecin ou aux médicaments, cet objectif a toujours été dépassé depuis. Les réformes de l'assurance maladie les plus récentes (comme celle de 2004) misent sur :
  • la responsabilisation des patients (contribution d'un euro supplémentaire non remboursable par consultation) ;
  • le dispositif du médecin traitant (médecin qui oriente le patient vers les spécialistes et évite ainsi des consultations ou des examens inutiles) ;
  • le développement des médicaments génériques (médicaments qui contiennent le même principe actif qu'un médicament classique, mais sont moins chers).
•  L'autre problème est celui du financement des retraites. Il est posé par l'évolution démographique de la France. Comme dans presque tous les pays développés, la durée de la vie y a beaucoup augmenté et augmente encore (c'est une autre conséquence des progrès de la médecine). Mais dans le même temps, la fécondité (nombre d'enfants par femmes) a diminué : il y a donc de plus en plus de personnes âgées, de moins en moins de jeunes. On prévoit qu'à partir de 2005, le nombre des retraités augmentera considérablement, alors que celui des actifs restera stable ou diminuera. Cette perspective ouvre un autre débat : sera-t-il possible de conserver le système de financement actuel, par répartition, où les cotisations des actifs paient les revenus des retraités ? Faudra-t-il en revenir, au moins en partie, à la prévoyance, à un système de capitalisation, forcément moins solidaire, où chacun épargnera pour se constituer sa propre retraite ? Faudra-t-il retarder l'âge d'entrée à la retraite ? Les réformes de 1993 et de 2003 maintiennent le principe de la répartition pour la retraite de base, tout en favorisant le développement des retraites complémentaires par capitalisation. Elles maintiennent également à 60 ans l'âge à partir duquel on peut partir à la retraite, mais incitent à travailler plus longtemps : pour obtenir une retraite complète (à taux plein), il faut désormais avoir cotisé 40 ans. Cette durée pourrait encore être allongée à 41 ou 42 ans autour de 2010.
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