La séparation de l'Église et de l'État


Fiche

Dans la IIIe République du tournant du siècle, les républicains au pouvoir craignent encore l'Église catholique, dont l'influence dans la société reste très importante. La Révolution française a déjà tenté de contrer cette influence, que ce soit à travers la suppression des ordres religieux, en 1790, ou le culte de l'Être Suprême pendant la Terreur. Mais la Restauration, puis le Second Empire, ont mis un terme à ces expériences extrêmes.
En 1905, la loi de séparation de l'Église et de l'État est enfin votée, malgré un débat très vif dans une population encore assez largement partagée « pour ou contre la calotte » : la France devient un État laïc et la religion appartient désormais à la sphère privée.
I. La loi de 1905
Le 9 décembre 1905, à l'initiative du député socialiste Aristide Briand, la loi de séparation de l'Église et de l'État est votée.
• On devrait dire « loi de séparation des Églises et de l'État », car les quatre confessions représentées en France sont concernées : catholicisme, luthéranisme, calvinisme et judaïsme. Cette loi clôt une longue lutte, entamée dès le début de la IIIe République, pour l'influence morale sur la société française, une influence qui, depuis le Moyen Âge, n'a cessé de reculer pour les Églises.
• Cette loi de 1905 met donc un terme au régime concordataire, c'est-à-dire au Concordat établi en 1801 sous le Consulat par Napoléon Bonaparte et qui régissait jusque-là les rapports entre les deux institutions.
• La loi de 1905 proclame d'abord la liberté de conscience et d'exercice des cultes :
  • Article 1er : « la République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes… ».
  • Article 2 : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte… »
• Ainsi, l'État établit sa volonté de neutralité religieuse : une première dans ce pays autrefois surnommé « fille aînée de l'Église », si l'on excepte la période de la Terreur et le culte de la Raison professé alors. Toutefois, l'État considère qu'il est de son devoir de garantir les moyens d'exercer librement sa religion, quelle qu'elle soit.
• Sans réduire absolument la religion à la sphère privée, il devient évident que la religion ne doit pas intervenir dans les affaires de l'État, ni l'État dans celles de la religion, ce qui était le but visé par les républicains.
II. Les conséquences de la loi
• Les conséquences pratiques sont importantes pour les Églises, notamment en ce qui concerne les traitements et les nominations. Habitués depuis la Révolution à percevoir, les prêtres (mais aussi les pasteurs et les rabbins) ne sont désormais plus rémunérés par l'État.
• Corrélativement, l'État n'intervient plus dans leur nomination, à quelque niveau que ce soit, alors que le problème de la nomination des évêques, par exemple, avait été au centre d'âpres négociations, que ce soit au Moyen Âge ou encore sous l'Empire.
• Quant aux bâtiments existants (églises, temples, synagogues), ils deviennent propriété de l'État — il doit en assurer l'entretien et les confie gratuitement aux nouvelles associations cultuelles, créées pour l'occasion, sur le modèle des associations de loi 1901, mais dont l'objet exclusif est l'exercice du culte, sans pouvoir prétendre à des activités sociales, culturelles, éducatives ou commerciales.
III. Les résistances
• La loi est violemment critiquée par le Vatican. Le pape Pie X se plaint — à juste titre — d'une rupture unilatérale du Concordat et interdit aux catholiques français de l'accepter.
• Avant de confier les biens des Églises aux associations cultuelles, la loi a prévu un inventaire des dits biens… La résistance est vive dans l'ouest de la France et dans le Massif central. Des heurts et des manifestations provoquent plusieurs décès. En Ariège, à Cominac, en 1906, on voit même des ours pyrénéens dressés garder l'entrée de l'église pour en empêcher l'inventaire ! Le percepteur est alors confronté à une foule compacte d'environ 300 personnes : « "tout le village" comprenant au moins 100 hommes et 200 femmes, filles ou enfants, en plus de 3 beaux ours que tenaient en laisse leurs propriétaires respectifs, et 4 curés ; celui de Cominac, celui d'Aleu, le vicaire d'Ercé et le curé d'Aulus… » (lettre du préfet de l'Ariège au ministre de l'Intérieur, 9 mars 1906).
IV. Vers l'apaisement des conflits religieux
• Cet incident sera le dernier avant l'apaisement, un apaisement largement aidé par l'Union sacrée, réalisée pour le début de la Première guerre mondiale. La question religieuse passe alors évidemment au second plan.
• La loi de 1905 est considérée comme la dernière étape du long processus de laïcisation et de sécularisation engagé à la Révolution.
• Détail intéressant : l'Alsace et la Moselle, qui étaient allemandes en 1905, ne sont pas concernées par la loi de séparation de l'Église et de l'État. Elles bénéficient, encore aujourd'hui, d'un statut spécial, héritage du lointain Concordat de 1801 !
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