Les canaux et les détroits, points de passage stratégiques (1)
Fiche
Dans le cadre d'une mondialisation où le transport maritime s'est formidablement développé, certains lieux prennent une importance vitale. Canaux et détroits sont ainsi des points de passage stratégiques, comme en témoigne l'exemple du canal de Suez.
I. Les canaux et les détroits, points de passage stratégiques
• La principale route maritime mondiale ressemble à un anneau qui fait le tour de la Terre : elle passe par les grands ports généralistes d'Asie orientale, traverse l'océan Pacifique, dessert l'Amérique du Nord, traverse le canal de Panamá, puis l'océan Atlantique, dessert l'Europe, passe en Méditerranée puis dans l'océan Indien via le canal de Suez, avant de rejoindre à nouveau l'Asie orientale. C'est la grande route conteneurisée longitudinale.
• Il existe également des routes secondaires : la route océan Indien/ océan Atlantique via le cap de Bonne-Espérance, ou la route maritime du nord (qui permet de relier l'océan Atlantique à l'océan Pacifique en longeant la côte nord de la Sibérie). On peut également citer les routes de desserte des grandes façades maritimes mondiales, comme celle qui dessert le Range du nord de l'Europe, entre Le Havre et Hambourg.
• Ces routes maritimes mondiales sont en fait des couloirs de navigation de quelques kilomètres de largeur. Plusieurs facteurs président à leur tracé :
- Elles doivent relier les principales façades maritimes mondiales, au premier rang desquelles celles de la Triade (Amérique du Nord, Europe occidentale, Japon), qui sont les grandes zones de production et de consommation mondiales. À l'inverse, aucune route maritime commerciale ne dessert l'Antarctide.
- Elles doivent également relier les grandes façades maritimes aux zones de production de matières premières énergétiques ou minières.
- Elles doivent tenir compte des contraintes physiques tels que courants, récifs, profondeur, glaces dérivantes ou banquise. Ces contraintes ne sont pas toutes insurmontables pour les navires actuels, mais elles augmentent les coûts et sont donc à éviter, dans la mesure du possible.
- Elles restent autant que possible à proximité des côtes, pour des raisons de sécurité et de coût.
• Toutes ces routes maritimes passent par des passages obligés, soit en raison de leur localisation, soit en raison des coûts qu'ils permettent d'éviter : les détroits et canaux. Le canal de Suez permet d'éviter le contournement de l'Afrique par le cap de Bonne-Espérance ; le canal de Panamá permet de traverser le continent américain.
Les grands détroits sont des lieux de passage resserrés entre deux côtes : la navigation y est plus dangereuse, le trafic très dense, et la piraterie plus active.
Les grands détroits sont des lieux de passage resserrés entre deux côtes : la navigation y est plus dangereuse, le trafic très dense, et la piraterie plus active.
• Le blocage éventuel de ces points de passage du commerce mondial est une affaire stratégique prise très au sérieux par les grandes puissances. C'est, ainsi, le blocage du détroit de Tiran, entre le golfe d'Aqaba et la mer Rouge (point de passage obligé du trafic maritime israélien vers l'océan Indien) qui a été l'élément déclencheur de la guerre des Six-Jours, en 1967.
Les États-Unis, en particulier, affirment le droit de libre circulation dans les détroits, quelles que soient les limites territoriales. Le détroit d'Ormuz relie le golfe Persique à la mer d'Oman : par là transitent 40 % du trafic pétrolier mondial. En 2012, l'Iran, sous embargo pétrolier en raison de ses projets nucléaires militaires, a menacé de fermer le détroit d'Ormuz, ce qui pourrait conduire à une intervention militaire américaine.
Les États-Unis, en particulier, affirment le droit de libre circulation dans les détroits, quelles que soient les limites territoriales. Le détroit d'Ormuz relie le golfe Persique à la mer d'Oman : par là transitent 40 % du trafic pétrolier mondial. En 2012, l'Iran, sous embargo pétrolier en raison de ses projets nucléaires militaires, a menacé de fermer le détroit d'Ormuz, ce qui pourrait conduire à une intervention militaire américaine.
II. L'exemple du canal de Suez
• Le canal de Suez, en Égypte, est l'œuvre de l'ingénieur français Ferdinand de Lesseps (c'est lui qui avait également lancé, sans le terminer, le percement du canal de Panamá, en 1880). Percé entre 1859 et 1869, au moment où la révolution des transports du xixe siècle (fer + vapeur) faisait exploser le trafic maritime, il permet d'éviter, sur la route Europe-Asie, le long contournement de l'Afrique par le cap de Bonne-Espérance ou le transbordement des marchandises par voie terrestre, qui représente une rupture de charge particulièrement coûteuse !
• Long de 193 km et large de 280 m à l'endroit le plus étroit, le canal de Suez permet de relier la mer Méditerranée, puis l'océan Atlantique, à la mer Rouge, puis à l'océan Indien. Le canal ne comporte pas d'écluses, mais tire profit de trois lacs naturels.
Sa principale limite est son tirant d'eau, relativement faible, de 20,10 m : les navires qui peuvent l'emprunter sont catégorisés Suezmax (240 000 tpl), tandis que ceux qui sont trop gros sont baptisés Capesize, car ils sont obligés de passer par le cap de Bonne-Espérance. Certains pétroliers, dont le tirant d'eau est limite, déchargent une partie de leur cargaison avant d'entrer dans le canal, au terminal pétrolier d'Ain Sukkhna en mer Rouge, et la rechargent en sortie, au terminal méditerranéen de Sidi Kérir, le pétrole ayant transité par oléoduc SUMED (2,5 millions de barils par jour) pendant le temps de la traversée.
Sa principale limite est son tirant d'eau, relativement faible, de 20,10 m : les navires qui peuvent l'emprunter sont catégorisés Suezmax (240 000 tpl), tandis que ceux qui sont trop gros sont baptisés Capesize, car ils sont obligés de passer par le cap de Bonne-Espérance. Certains pétroliers, dont le tirant d'eau est limite, déchargent une partie de leur cargaison avant d'entrer dans le canal, au terminal pétrolier d'Ain Sukkhna en mer Rouge, et la rechargent en sortie, au terminal méditerranéen de Sidi Kérir, le pétrole ayant transité par oléoduc SUMED (2,5 millions de barils par jour) pendant le temps de la traversée.
• Environ 20 000 navires, soit à peu près 14 % du trafic maritime mondial, empruntent le canal de Suez chaque année, pour un passage d'une durée de 11 à 16 heures. On comprend pourquoi le canal est la troisième source de devises pour l'Égypte, avec des revenus annuels moyens autour de 4 milliards de dollars, soit 10 % du budget de l'État.
• Si les avantages du canal sont clairement établis, certains inconvénients existent : ainsi, la mer Méditerranée, qui est un milieu fragile, est devenue un espace de transit : une grande partie du trafic traverse la Méditerranée pour rejoindre le Range du nord de l'Europe (et une partie y retourne d'ailleurs par feeders depuis Rotterdam). De plus, la moitié du trafic est constituée de matières dangereuses (produits chimiques ou pétroliers).
• L'importance et le caractère stratégique du canal ont été maintes fois soulignés dans l'histoire récente : en 1956, sa nationalisation par l'Égypte de Nasser a provoqué une intervention militaire franco-britannique ; en 1967, lors de la guerre des Six-Jours, le canal a été fermé et n'a rouvert qu'en 1975.
• Le canal est aussi une zone dangereuse en raison des risques terroristes ou d'accident. À titre anecdotique, en 1920, un navire à vapeur, le Karaboudjan, a explosé, bloquant ainsi le canal pour plusieurs jours. C'est d'ailleurs en souvenir de cet épisode qu'Hergé a baptisé Karaboudjan le navire du Capitaine Haddock…
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