La vie des poilus sur le front
Fiche
Sur le front, dans les tranchées, les conditions de vie des soldats sont éprouvantes. Ils vivent dans la boue et dans le sang. Les combats sont meurtriers : près de 23 % des fantassins français y sont tués. Comment ces « poilus » ont-ils pu résister si longtemps à l'enfer du front ?
I. La vie du poilu
1. Les poilus, nerf de la guerre
• Près de 66 millions d'hommes (dont 8,5 millions en France) ont été mobilisés sur tous les fronts au cours de la guerre. Des volontaires s'engagent, les États font appel aux troupes coloniales. Si les blindés et les avions apparaissent sur le champ de bataille (surtout à partir de 1918), les hommes jouent toujours le premier rôle. En France, les soldats qui combattent sur le front sont appelés les « poilus », en référence à l'expression « avoir du poil », qui signifie « être vaillant, courageux ».
• Pour conserver à tout prix le terrain conquis, les troupes s'enterrent dans des tranchées, parfois fortifiées, qui forment bientôt un labyrinthe boueux. Les intempéries et la promiscuité favorisent la prolifération des rats et des poux. Derrière cette ligne s'étendent les stocks de matériel, les dépôts de munitions, de vivres, les quartiers de l'état-major et les hôpitaux de campagne, sur plusieurs kilomètres. De l'autre côté, la tranchée ennemie n'est souvent qu'à quelques centaines de mètres, mais pour y parvenir il faut, sous le feu ennemi, franchir des barbelés et avancer au milieu des cratères creusés par les obus.
2. Les combats
• La guerre de position favorise l'emploi d'armes nouvelles, particulièrement meurtrières : le tir de l'artillerie rend la protection des tranchées illusoire, les obus sifflent puis éclatent en blessant les soldats, en faisant s'effondrer les tranchées, en brisant l'assaut d'une section ; l'emploi des gaz ou des lance-flammes terrorise l'ennemi.
• Face à ces armes nouvelles, les poilus montent à l'assaut avec leur fusil, leurs grenades et leur baïonnette. Les armes automatiques, comme les mitrailleuses, transforment l'attaque en une boucherie.
3. Des hommes très occupés
• Le nombre des blessés est si important qu'on ne peut tous les soigner. Ils sont triés et les médecins s'occupent d'abord de ceux qui peuvent retourner au combat. Les mutilés sont nombreux, on les surnomme les « gueules cassées » : l'usage d'armes comme les shrapnels (obus à balles) ou les obus à haut pouvoir explosif provoque des dégâts considérables sur les corps humains. Jamais comme pendant la Première Guerre mondiale les hommes revenus vivants n'ont été aussi abîmés. À leur retour chez eux, il leur a fallu affronter le regard des civils. Les gueules cassées ont le plus souvent été des objets de dégoût, malgré les premiers progrès de la chirurgie réparatrice.
4. Le sacrifice des poilus
• Pour les motiver et maintenir la discipline, les gradés ne laissent jamais les troupes inactives. Les poilus accomplissent les corvées de rigueur, doivent rester propres et vérifier leur équipement, qu'on appelle le « barda », en vue des inspections. On leur donne souvent des missions périlleuses : ramasser les cadavres ou secourir les blessés sur le champ de bataille, reconnaître la position d'une mitrailleuse, cisailler les barbelés ennemis, etc.
II. Le moral des poilus
1. L'enfer du front
• Les privations, la mauvaise hygiène, la peur de mourir ou d'être blessé pèsent sur le moral des poilus. Ils se confient parfois dans des carnets, où ils racontent l'horreur de leur quotidien : « J'entreprends de franchir les cinquante mètres de boyau qui me séparent de la première ligne. Justement voilà le téléphoniste qui répare les lignes : vous parlez d'un fourbi ! Rien ne veut tenir là-dedans. C'est de la boue et du cadavre. Oui, du cadavre. Les vieux morts des combats d'automne, qu'on avait enterrés sommairement dans le parapet, réapparaissent par morceaux… ». Certains soldats deviennent fous. Les survivants seront marqués à vie par l'horreur des combats.
2. Permissions et relèves
• Les poilus trouvent du réconfort dans le soutien de leurs camarades, dans les lettres ou parfois les colis qu'ils reçoivent de l'arrière et dans les lettres qu'ils peuvent envoyer malgré la censure. L'armée fournit une ration de vin et de cigarettes. Les permissions sont rares et courtes, et les soldats qui retournent dans leur famille sont souvent désagréablement surpris : à l'arrière, on ne connaît rien de leur vie au front. Les poilus s'emportent contre les « embusqués », les « planqués » qui sont parvenus à éviter le combat par des intrigues.
• Lorsqu'une bataille dure longtemps, les unités sont relevées pour éviter qu'une même troupe ne soit décimée au front. Les poilus attendent avec impatience cette relève qu'ils appellent le « tourniquet ». Ainsi, presque toutes les unités françaises ont combattu à tour de rôle lors de la bataille de Verdun, de février à juin 1916.
3. Les mutineries de 1917
• Les poilus, dans l'ensemble, « tiennent bon ». Ce sont surtout des paysans, habitués aux intempéries et à des conditions de vie difficiles. L'école publique leur a appris à aimer leur patrie et à se sacrifier pour elle. Ils veulent défendre l'honneur de la France et récupérer l'Alsace-Lorraine.
• Cependant, en mai 1917, certains se révoltent, et refusent de combattre. Ils savent qu'en Russie les soldats désertent et que la révolution bolchevique a éclaté. La plupart d'entre eux ne veulent pas faire la révolution et même réclament moins la fin du conflit qu'un commandement plus humain des troupes, plus économe en offensives sanglantes. Ces mutineries de 1917 touchent l'ensemble des forces belligérantes.
• L'état-major français redoute cette désobéissance et fait condamner à mort 554 soldats. Pour servir d'exemple, 49 sont fusillés. Ce n'est qu'en 1999 que la République française a reconnu publiquement l'injustice de ce châtiment.
III. En conclusion
• À la fin du conflit, le bilan est lourd : 1 400 000 poilus ont été tués ou sont portés disparus. On compte 3,6 millions de blessés, dont 1 million d'invalides. Pour les survivants, la guerre constitue un choc sans précédent. Beaucoup d'entre eux se regroupent dans des associations d'anciens combattants, pour défendre leurs intérêts et préserver la paix. Parce qu'ils ont beaucoup souffert, ils veulent que cette guerre soit la « der des ders », la dernière…
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