Les années 1930 : de la crise au Front populaire
Fiche
Si la crise française est plus tardive (puisqu'elle ne commence qu'en 1931) que la crise américaine (qui a commencé en 1929), elle est aussi plus profonde que dans d'autres pays. Comment la France l'affronte-t-elle ? Quelles solutions le Front populaire tente d'apporter ?
I. Une crise économique, sociale et politique
• Les signes de la crise économique se font vite ressentir en France. La production industrielle chute de moitié. Les faillites se multiplient, le nombre de chômeurs augmente. La crise est particulièrement forte en France parce que le marché intérieur est faible : très rurale, avec encore 50 % de la population vivant dans les campagnes en 1930, la population française a un pouvoir d'achat relativement modeste. De plus, le franc apparaît largement surévalué, ce qui gêne les exportations.
• Le revenu moyen des Français a diminué d'un tiers entre 1930 et 1935 : les agriculteurs et les petits commerçants sont les plus touchés. Dans la même période, le nombre de chômeurs est multiplié par cinq. Le mécontentement s'accroît : les chômeurs critiquent les fonctionnaires, certains incriminent les étrangers (Belges, Polonais, Italiens, etc.). Tous mettent en cause l'incompétence des gouvernements. La crise économique, puis sociale, débouche donc sur une crise politique.
• Les gouvernements qui se succèdent de 1932 à 1934 semblent impuissants. Les victimes de la crise accusent le régime parlementaire et les partis au pouvoir. Les ligues d'extrême droite (comme l'Action française, les Camelots du roi ou Jeunesse patriote) relaient cet antiparlementarisme.
• En janvier 1934 éclate l'affaire Stavisky : cet escroc, enrichi grâce à ses relations politiques, est retrouvé mort. L'extrême droite soutient qu'il a été tué car il représentait une menace pour des hommes politiques influents.
II. De la crise politique au Front populaire
• Le 6 février 1934, les ligues d'extrême droite manifestent devant la Chambre des députés. L'émeute, d'une grande violence (les manifestants allant jusqu'à couper les jarrets des chevaux de la police), fait 17 morts et près de 1 500 blessés. Le président du Conseil démissionne le lendemain. Le régime semble à bout de souffle. Le 6 février 1934 n'est pas une tentative de coup d'État d'extrême droite : les ligues en effet encerclent la Chambre des députés, qu'ils auraient pu envahir, mais elles ne tentent pas de s'emparer des leviers du pouvoir. Pour la gauche, en revanche, cette journée est clairement une tentative de coup d'État fasciste. Il faut dès lors réagir… Les partis de gauche forment donc une alliance : le Front populaire, qui réunit, en 1935, radicaux, socialistes et communistes. Le Front populaire établit un programme de gouvernement centré sur la lutte contre la crise et la préservation d'une démocratie qu'elle estime menacée. Son slogan : « Pain, paix et liberté ».
III. Le Front Populaire au pouvoir
• Le Front populaire gagne les élections en mai 1936, et le socialiste Léon Blum, leader de la Section française de l'Internationale ouvrière (SFIO, le parti socialiste), devient président du Conseil en juin 1936. C'est la première fois dans l'histoire de la France qu'un socialiste dirige le gouvernement.
• Le gouvernement de Front populaire est novateur à plus d'un titre. Pour la première fois, le gouvernement comporte un ministre des Loisirs, Léo Lagrange ; cela fait scandale dans les rangs de la droite, qui dénonce l'hédonisme de la classe ouvrière. Léo Lagrange favorise la pratique du sport, crée des équipements publics, des auberges de jeunesse et met en place des billets de train à tarif réduit pour les bénéficiaires des congés payés. Quatre femmes (qui n'ont pourtant pas encore le droit de vote !) entrent au gouvernement.
• En juin 1936, pour faire pression sur le nouveau gouvernement, mais aussi dans un mouvement spontané de joie, 2 millions de salariés se mettent en grève et occupent les usines. Ces grèves joyeuses mettent la production française à l'arrêt. Léon Blum réunit patrons et syndicats, qui signent, le 7 juin, les accords de Matignon : les salaires des ouvriers sont fortement augmentés, et des conventions collectives sont créées. Dans les semaines suivantes, la durée du travail est limitée à 40 heures par semaine, les congés payés sont institués, et leur durée, fixée à deux semaines.
• La Banque de France est réformée ; certaines entreprises (notamment les industries d'armement ou de transport, avec la création de la SNCF) sont nationalisées. Des mesures sont prises pour assurer des revenus plus stables aux paysans touchés par la crise ; la scolarité est rendue obligatoire jusqu'à 14 ans.
L'ensemble de ces mesures, novatrices pour la plupart, ont contribué à faire du Front populaire une expérience mythique, productrice d'avancées sociales historiques.
• Les journaux de droite et le patronat mènent une campagne virulente contre le Front populaire, avec des accents antisémites très nets, notamment contre Léon Blum. Poussé à bout par une campagne de presse calomnieuse, le ministre de l'Intérieur, Roger Salengro, se suicide.
• Mais c'est la fragilisation du franc, la fuite des capitaux vers l'Espagne et la non-intervention du Front populaire dans la guerre d'Espagne pour soutenir les républicains qui fragilisent ce gouvernement. En juin 1937, le président du Conseil démissionne. C'est la fin de l'expérience du Front populaire.
S'il n'a pas su résoudre la crise, le Front populaire lègue à la société française des avancées sociales considérables.
© 2000-2024, rue des écoles