Les nouvelles dynamiques du territoire français

• Quels sont les contrastes qui affectent le territoire ? Comment les expliquer ?

• L'État a longtemps joué seul un rôle d'aménageur du territoire, en vue d'un développement équilibré. L'État n'est plus aujourd'hui l'unique échelon d'aménagement : l'Union européenne, par ses politiques régionales, et les collectivités territoriales, dont les compétences ont été étendues par les lois de décentralisation, interviennent également sur les territoires. Cette multiplicité d'acteurs rend moins lisible l'évolution de l'espace.

• Mais le grand facteur de différenciation des territoires est aujourd'hui la capacité d'adaptation à la mondialisation. Les territoires qui ont su conserver ou créer suffisamment d'avantages comparatifs sont à même de se développer dans la compétition internationale. Dans un pays très développé comme la France, les territoires compétitifs sont ceux qui bénéficient d'activités non délocalisables (tourisme, agriculture moderne) ou à forte composante d'innovation technologique (industries high tech) ou de matière grise (services à haute valeur ajoutée).

• Le tourisme, par exemple, est clairement une activité non délocalisable, car liée au territoire : malgré les reproductions de Las Vegas, on ne visite la tour Eiffel qu'à Paris. De même, les vignobles de Bordeaux ou de Champagne peuvent être imités ailleurs, mais pas reproduits. Dans la compétition internationale, ces activités touristiques ou viticoles bénéficient de l'image de la France dans le monde, expression du soft power français. Il s'agit là d'une rente de situation historique et territoriale héritée, mais qu'il faut continuer à entretenir et à développer.

• Les régions métropolitaines, centrées sur une grande ville, parfois de niveau mondial (Paris), bénéficient d'avantages considérables : haut niveau de vie, haut niveau de formation de la main-d'œuvre, connexion au reste du monde. Paris est ainsi l'une des villes mondiales (souvent quatrième dans les classements, derrière New York, Londres et Tokyo), elle est bien reliée à l'archipel mégalopolitain mondial qui commande les activités mondialisées.

• Les régions littorales bénéficient des tendances héliotropiques et halieutropiques (attirance vers le soleil et la mer, donc le Midi, et vers les littoraux) des populations, elles offrent des capacités touristiques balnéaires, mais peuvent également tirer profit de la littoralisation de l'économie, qui privilégie les zones industrialo-portuaires par rapport aux espaces intérieurs, même si les ports français ne sont pas réputés pour leur compétitivité face à leurs voisins belges et surtout néerlandais (Rotterdam). Ainsi, les espaces littoraux français connaissent une croissance démographique d'origine essentiellement migratoire, bénéficiant de ces atouts spatiaux.

• Les espaces frontaliers dans le Nord, en Lorraine, en Alsace, à la frontière suisse bénéficient de la proximité d'économies complémentaires, notamment celles de la dorsale européenne ultradéveloppée (Allemagne rhénane, Luxembourg, Suisse). Cette proximité favorise des flux importants de travailleurs frontaliers : par exemple, des ouvriers lorrains vont travailler au Luxembourg, bénéficiant de salaires plus élevés et d'une offre de travail plus importante. Les politiques transfrontalières de l'UE (programmes Interreg) favorisent d'ailleurs ces dynamiques transfrontalières. Se sont ainsi créées des dizaines d'eurorégions, dont plusieurs en France, telle la région métropolitaine trinationale européenne du Rhin supérieur

• Les régions anciennement industrialisées (Nord, Lorraine, bassins houillers du centre) ont vu disparaître leurs activités de première génération, dépassées par la concurrence mondiale sans que les politiques de reconversion aient pu faire autre chose que d'accompagner le déclin. Les régions les mieux connectées au reste de l'UE (métropole lilloise) ont cependant développé un nouveau dynamisme, bénéficiant partiellement des flux transfrontaliers déjà évoqués.

• Les régions de la diagonale du vide ainsi que les espaces du rural profond, des intérieurs ou de montagnes peu touristiques connaissent un déclin sévère, tant démographique qu'économique, dont témoignent les implantations de parcs naturels qui sanctuarisent un espace au nom d'impératifs écologiques d'autant mieux venus qu'on ne voit pas bien ce que l'on pourrait y faire d'autre.

• Les espaces ultramarins sont également en crise structurelle : trop loin de la France pour être compétitifs, trop isolés de leur environnement régional pour développer des complémentarités, trop petits pour constituer de véritables marchés intérieurs, ils survivent par les transferts financiers depuis la métropole : salaires des fonctionnaires, allocations sociales.