Texte de Marc Dugain, analyse de l'image (sujet 2024)


Énoncé

A – Texte littéraire
Adrien Fournier, le narrateur, et ses deux amis, Penanster et Weil, sont trois officiers gravement blessés au visage durant la Première Guerre mondiale. Ils sont soignés à l'hôpital du Val-de-Grâce. Un jour, ils y aperçoivent Marguerite, elle aussi victime d'une terrible blessure. Ils attendent depuis longtemps une occasion de lui parler.
« Nos blessures ne pouvaient qu'effrayer cette femme qui se réfléchissait(1) en nous, miroirs de son infortune, mais lorsque, après des jours d'attente et de guet, elle sortit et se trouva devant Penanster, elle ne se déroba(2) point.
– Nous formons, lui expliqua-t-il, un club d'officiers qui compte à ce jour trois membres actifs et volontiers bienfaiteurs. Nous nous sommes aperçus qu'il y manquait une femme. Voulez-vous en faire partie ?
Pour toute réponse, elle nous adressa un sourire chaleureux, le sourire immaculé(3) d'une bouche totalement épargnée, comme ses yeux et son front. Elle était comme un parterre de roses saccagé par le milieu. Elle avait été touchée au nez et aux pommettes et la déflagration lui avait également crevé les tympans car, comme Penanster poursuivait la conversation, elle continua de sourire, du sourire de ceux qui vivent dans un monde à part.
Penanster comprit alors qu'elle était sourde et ne pouvait que lire sur les lèvres. Lui seul avait une bouche intacte, où les mots prenaient forme. Je compris aussitôt que ni Weil ni moi ne pourrions jamais nous entretenir avec elle, les mouvements de nos lèvres étaient devenus sans signification car le son des mots reconstitués tels que nous les formions ne parviendrait jamais à son oreille.
Dans le langage qui commençait à s'instituer entre elle et Penanster, notre ami s'étonna de sa présence parmi nous. D'une voix à la douceur tiède qui faisait paraître encore plus injuste sa blessure, elle nous conta alors son histoire. Ébahis, appuyés les uns sur les autres, nous l'écoutions, intimidés par cette grande femme au charisme inaltéré.
Vers la fin de 1915, on manquait d'infirmières. Marguerite s'était portée volontaire. Elle était à cette époque aussi belle qu'inutile. Son père était un orfèvre fortuné, et elle ne manquait pas de prétendants, tous réformés ou embusqués(4). Elle rêvait de s'éprendre d'un homme courageux. Elle fut affectée(5) d'abord dans un hôpital de l'arrière, où sa beauté créa un tel trouble chez les convalescents(6) aussi bien que chez les médecins que la situation devint insupportable. Sans imaginer probablement ce que serait la réalité, elle persuada un officier auquel elle s'était refusée de l'envoyer dans une antenne de secours à l'avant(7).  »
Marc Dugain, La Chambre des officiers, 1998, © J.-C. Lattès.

B – Image
 - illustration 1
Georges Conrad, Les Gueules cassées, affiche de l'Union des blessés de la face, lithographie.
I. Compréhension et compétences d'interprétation (32 points)
1. Qui sont les différents personnages de ce texte ? (2 points)
Observez attentivement le paratexte qui indique qui est le narrateur et en compagnie de qui il se trouve. Quels sont leurs prénoms ? Leurs métiers ?
2. Qu'ont-ils en commun ? Deux éléments de réponse sont attendus. (2 points)
Là encore, recherchez les informations dans le paratexte qui vous permettent de dégager les points communs entre les personnages : dans quel état physique se trouvent-ils ? Pourquoi ? Où se trouvent-ils ?
3. « Pour toute réponse […] un monde à part. » :
Peut-on dire dans ce passage que tous les personnages arrivent à communiquer facilement ensemble ? Justifiez votre réponse en citant des passages précis du texte. (4 points)
« Communiquer » implique d'avoir la possibilité de se comprendre, de se parler, de s'entendre. Observez le handicap physique de chacun des personnages : lequel ne peut pas bien comprendre les autres ? Lesquels ont du mal à s'exprimer ? Lequel peut servir d'intermédiaire ?
N'oubliez pas de justifier chaque élément de réponse par une citation du texte.
4. « Vers la fin de 1915 […] l'envoyer dans une antenne de secours à l'avant. » :
Pour quelles raisons Marguerite souhaitait-elle s'engager comme infirmière de guerre ? Deux éléments de réponse justifiés par des citations du texte sont attendus. (5 points)
Le dernier paragraphe contient les informations demandées. Dans quel milieu social évoluait Marguerite ? Quel était son idéal ? Pourquoi se mobilise-t-elle dans le contexte évoqué ? Ne paraphrasez pas le texte. Reformulez vos idées avec vos propres mots, puis justifiez par une citation.
5. a) « Elle était comme un parterre de roses saccagé par le milieu. »
Quelle figure de style pouvez-vous identifier dans cette phrase ? Pourquoi est-elle particulièrement adaptée pour décrire le visage de Marguerite ? Un élément de réponse et une citation sont attendus. (3 points)
Quelle figure de style le mot outil « comme » vous permet-elle d'identifier ? Que laisse penser l'évocation de la « rose » concernant le visage de Marguerite avant l'accident ? « Par le milieu » : où précisément Marguerite a-t-elle été blessée au visage ? Quelle partie a été épargnée ? N'oubliez pas de justifier votre réponse à l'aide d'une citation.
b) Complétez ce portrait physique de Marguerite par son portrait moral en identifiant deux traits de caractère du personnage. Vous justifierez chaque trait de caractère en vous appuyant sur le texte. (4 points)
Quels traits de caractère ressortent :
– de l'engagement de Marguerite en tant qu'infirmière de guerre ?
– de son attitude face aux trois officiers ?
– de la description de sa voix ?
6. Quelles réflexions sur la Grande Guerre peut inspirer l'expérience des personnages ? Deux éléments de réponse, chacun justifié par des citations du texte, sont attendus. (6 points)
Quelle est la situation physique et sociale des personnages du texte ? Que tentent-ils de recréer à travers la formation d'un « club d'officiers » ? De quelle manière le rôle des femmes pendant la Grande Guerre est-il mis à l'honneur dans le texte ?
7. Image
Cette affiche vous paraît-elle être une bonne illustration du texte ? Vous développerez votre réponse en vous appuyant sur deux arguments. Chaque argument doit être justifié en vous référant au texte et à l'image. (6 points)
Quels sont les points communs entre l'extrait et l'affiche : Personnages présents ? Situation et attitude de l'infirmière ? État physique du soldat ? Appuyez-vous également sur le titre et le sous-titre de l'affiche.
Quelles sont les différences entre l'extrait et l'affiche : Nombre de personnages ? État de l'infirmière ? Cadre spatial ? Vous pouvez opter pour l'un ou l'autre des points de vue (ressemblances et différences). Vous devez formuler deux éléments de réponse, en vous appuyant systématiquement sur une citation du texte et sur une description d'un élément de l'image.
II. Grammaire et compétences linguistiques (18 points)
8. « Nous formons, lui expliqua-t-il, un club d'officiers qui compte à ce jour trois membres actifs et volontiers bienfaiteurs. »
Relevez les expansions du nom « club » et indiquez la classe grammaticale de chacune d'elles. (2 points)
Rappel : une expansion est un mot, un groupe de mots ou une proposition qui apporte des précisions sur le nom. Le mot « club » comporte deux expansions. Relevez-les puis donnez leur classe grammaticale en vous aidant des mots « d' » et « qui ».
9. « Je compris aussitôt que ni Weil ni moi ne pourrions jamais nous entretenir avec elle ».
a) Recopiez cette phrase puis mettez la proposition subordonnée entre crochets et entourez le mot subordonnant. (1 point)
Rappel : une proposition est un groupe de mots organisé autour d'un verbe conjugué. Une proposition subordonnée dépend d'une proposition principale. La proposition qui ne peut exister seule est la proposition subordonnée. Le mot subordonnant est une conjonction de subordination.
b) Précisez la fonction grammaticale de cette proposition subordonnée et mentionnez au moins une manipulation que vous avez utilisée pour trouver la réponse. (2 points)
Les trois manipulations peuvent être le déplacement, la suppression ou la pronominalisation (remplacement par un pronom). Peuvent-elles toutes s'appliquer ? Quelle est alors la fonction de la proposition subordonnée ?
10. « la situation devint insupportable ».
a) Identifiez et nommez les trois éléments qui composent le mot souligné. (1,5 point)
Identifiez le radical, le préfixe et le suffixe.
b) Expliquez le sens de ce mot puis trouvez-en un synonyme. (1,5 point)
Que signifie ce mot ? Attention au contexte de l'extrait.
Rappel : un synonyme est un mot de même sens ou de sens très proche.
11. Réécrivez le passage suivant en remplaçant « Marguerite » par « Elles ». (10 points)
« Marguerite s'était portée volontaire. Elle était à cette époque aussi belle qu'inutile. Son père était un orfèvre fortuné, et elle ne manquait pas de prétendants, tous réformés ou embusqués. Elle rêvait de s'éprendre d'un homme courageux. »
La réécriture vous demande de procéder à un passage du sujet du singulier au pluriel. Attention à l'accord du participe passé « s'était portée », à la transformation du déterminant « son », à l'accord des verbes à l'imparfait avec un sujet au pluriel.
Ne faites pas de transformation inutile.
Dictée
Lors de la dictée, on procédera successivement :
1. à une lecture préalable, lente et bien articulée du texte ;
2. à la dictée effective du texte, en précisant la ponctuation et en marquant nettement les liaisons ;
3. à la relecture, sans préciser cette fois-ci la ponctuation mais en marquant toujours les liaisons.
On demandera aux candidats d'écrire une ligne sur deux.
On ne répondra pas aux questions éventuelles des candidats après la relecture du texte ; ils en seront avertis avant cette relecture.
Avant de commencer la dictée, on inscrira au tableau de manière lisible : Penanster.
Marguerite devint naturellement le centre de nos préoccupations. Pour lui parler, nous nous adressions d'abord à Penanster, qui lui répétait nos propos par une lente décomposition des syllabes. Comme souvent chez ceux qui sont atteints de surdité, elle redoutait de parler trop fort, et nous ne nous lassions pas de cette voix douce qui contrastait singulièrement avec nos grognements. Elle s'intégra très rapidement à notre clan, même si nos rencontres quotidiennes étaient toujours de courte durée.
Elle n'avait pas informé de son état les membres de sa famille. Elle ne leur écrivait pas. Ils finirent par retrouver sa trace, mais elle refusa de se montrer. Penanster fut dépêché au-devant d'eux pour leur signifier le refus de Marguerite de les recevoir.
Marc Dugain, La Chambre des officiers, 1999
La dictée sollicite la conjugaison de plusieurs temps :
– L'imparfait : « adressions », « redoutait », « étaient »…
– Le passé simple : « devint », « s'intégra », « fut »…
Attention à l'accord du participe passé : avec l'auxiliaire être, celui-ci s'accorde avec le sujet ; avec l'auxiliaire avoir, il s'accorde avec le COD uniquement si celui-ci est placé avant le verbe : « chez ceux qui sont atteints », « Elle n'avait pas informé de son état les membres de sa famille ».
Veillez également à l'accord des nombreux GN pluriels (déterminant + nom + éventuellement adjectif) : « nos préoccupations », « nos grognements », « nos rencontres quotidiennes », « les membres »…
Attention à la confusion entre les terminaisons en é/er : après une préposition, le verbe est à l'infinitif « Pour lui parler », « de parler »…
L'orthographe de quelques mots peut poser difficulté : « préoccupations », « syllabes », « quotidiennes », « dépêché »…
Rédaction
Les candidats doivent composer, pour cette partie « Rédaction », sur une copie distincte.
Vous traiterez au choix l'un des sujets suivants :
Sujet d'imagination
Imaginez la suite du récit de Marguerite, du point de vue de la jeune femme, en utilisant la première personne et en terminant par l'accident qui a causé ses blessures. Vous mêlerez narration et description.
Vous commencerez ainsi :
« Me voilà désormais sur le front. Je ne ressentais pas la peur, je n'en avais pas le temps. »
Procédez par étapes :
Étape 1. Lisez attentivement le sujet :
Repérez le mot-clé vous indiquant la forme de texte à produire : la « suite du récit de Marguerite ».
Vous devez utiliser la première personne.
Votre texte doit prendre la forme d'un récit (narration) qui comportera des éléments descriptifs.
Vous devez terminer en racontant comment Marguerite s'est retrouvée défigurée. Dans l'extrait de La Chambre des officiers, il est dit qu'elle a été blessée par un « éclat d'obus ».
Étape 2. Notez au brouillon les contraintes de formes que vous devrez respecter :
– Narration à la première personne : c'est Marguerite qui raconte.
– Temps à utiliser : imparfait et passé simple principalement, comme dans le texte de départ. Vous pouvez éventuellement rajouter quelques passages au présent d'énonciation renvoyant au moment où Marguerite raconte son histoire aux trois officiers.
– Contexte spatio-temporel : sur le front, pendant la Première Guerre mondiale.
Étape 3. Notez vos idées au brouillon : Quelles sont les informations essentielles à raconter ?
– description des conditions de vie et de travail de Marguerite, épreuves surmontées ;
– sentiments et sensations ;
– rôle et utilité de Marguerite en tant qu'infirmière ;
– personnalité de Marguerite ;
– évocation de son ancienne vie ;
– récit de l'accident qui lui a infligé ses blessures ;
– conclusion et adresse aux trois autres personnages.
Étape 4. Organisez votre rédaction :
– Commencez par les deux phrases imposées par le sujet.
– Rédigez l'épisode en paragraphes correspondant aux idées à développer (voir étape 3). Prenez le temps de développer.
– Terminez votre récit de manière claire et cohérente.
Étape 5. Soignez la langue et l'expression : respectez bien la ponctuation, corrigez d'éventuelles erreurs de ponctuation, d'orthographe. Pensez à utiliser le dictionnaire.
Sujet de réflexion
Adrien et ses deux amis écoutent Marguerite raconter son histoire. Que peuvent apporter les récits de vie, réels ou fictifs, à celles et ceux qui les découvrent ?
Vous présenterez votre réflexion dans un développement argumenté et organisé. Vous illustrerez votre propos à l'aide d'exemples issus de vos lectures et de votre culture artistique personnelle (cinéma, peinture, bande dessinée…).
Afin de respecter l'anonymat de votre copie, vous ne devez pas signer votre composition, citer votre nom, celui d'un camarade ou celui de votre établissement.
Procédez par étapes :
Étape 1. Lisez attentivement le sujet. Repérez et soulignez les mots-clés : « récits de vie », « réels ou fictifs », « celles et ceux qui les découvrent ». On vous demande de trouver ce que le lecteur ou spectateur peut tirer de la découverte de récits racontant la vie de personnages ayant existé ou non. Ce sujet ne nécessite pas de se cantonner à l'autobiographie ou la biographie, même si des exemples tirés de ce genre artistique semblent devoir être utilisés en majorité.
Étape 2. Repérez la forme du texte à produire : « Vous présenterez votre réflexion dans un développement argumenté ». Il faut donc respecter :
– le genre argumentatif : le développement organisé, la progression des arguments et des exemples (puisés dans « vos lectures et votre culture artistique personnelle ») ;
– le temps de l'argumentation : le présent et les temps qui s'articulent avec lui ;
– la composition en parties et paragraphes, le tout relié par des connecteurs logiques.
Étape 3. Le sujet est fermé : la thèse vous est imposée. Vous devez développer le raisonnement demandé par le sujet.
Étape 4. Interrogez-vous pour trouver des arguments et des exemples. Quelles œuvres connaissez-vous, étudiées en classe ou issues de votre culture : « lectures », « cinéma, peinture, bande dessinée »… N'hésitez pas utiliser l'extrait de La Chambre des officiers comme exemple.
Étape 5. Établissez le plan de votre devoir. L'introduction introduit le thème et expose le problème.
Pour chacune des parties, il faudra trouver au moins un argument et l'expliciter à l'aide d'un exemple. Il faudra veiller à utiliser :
– le présent ;
– le retour à la ligne pour matérialiser les paragraphes ;
– des connecteurs logiques (tout d'abord, ensuite, enfin, toutefois, pourtant, or, etc.) ;
– un saut de ligne après l'introduction et avant la conclusion.
La conclusion fait un bilan sur le sujet.
Étape 6. Une fois votre plan clairement établi au brouillon, rédigez votre texte, puis relisez-vous et corrigez d'éventuelles erreurs de ponctuation, d'orthographe. Pensez à utiliser le dictionnaire.
(1)Se réfléchissait : se reflétait.
(2)Elle ne se déroba point : elle ne partit pas, elle resta.
(3)Immaculé : sans défauts.
(4)Embusqués : qui ont bénéficié d'un poste qui n'était pas au front, donc d'un poste moins dangereux.
(5)Elle fut affectée : elle fut envoyée comme infirmière.
(6)Convalescents : soldats malades ou blessés qui sont en train de guérir.
(7)À l'avant : au niveau de la zone de combat.

Annexes

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