Texte de Philippe Delerm, analyse de l'image (sujet inédit)
Énoncé
Texte
« On entre dans la cave. Tout de suite, c'est ça qui vous prend. Les pommes sont là, disposées sur des claies – des cageots renversés. On n'y pensait pas. On n'avait aucune envie de se laisser submerger par un tel vague à l'âme. Mais rien à faire. L'odeur des pommes est une déferlante(1). Comment avait-on pu se passer si longtemps de cette enfance âcre et sucrée ?
Les fruits ratatinés doivent être délicieux, de cette fausse sécheresse où la saveur confite semble s'être insinuée dans chaque ride. Mais on n'a pas envie de les manger. Surtout ne pas transformer en goût identifiable ce pouvoir flottant de l'odeur. Dire que ça sent bon, que ça sent fort ? Mais non. C'est au-delà… Une odeur intérieure, l'odeur d'un meilleur soi. Il y a l'automne de l'école enfermé là. À l'encre violette on griffe le papier de pleins, de déliés. La pluie bat les carreaux, la soirée sera longue…
Mais le parfum des pommes est plus que du passé. On pense à autrefois à cause de l'ampleur et de l'intensité, d'un souvenir de cave salpêtrée(2), de grenier sombre. Mais c'est à vivre là, à tenir là, debout. On a derrière soi les herbes hautes et la mouillure du verger. Devant, c'est comme un souffle chaud qui se donne dans l'ombre. L'odeur a pris tous les bruns, tous les rouges, avec un peu d'acide vert. L'odeur a distillé la douceur de la peau, son infime rugosité. Les lèvres sèches, on sait déjà que cette soif n'est pas à étancher. Rien ne se passerait à mordre une chair blanche. Il faudrait devenir octobre, terre battue, voussure(3) de la cave, pluie, attente. L'odeur des pommes est douloureuse. C'est celle d'une vie plus forte, d'une lenteur qu'on ne mérite plus. »
Les fruits ratatinés doivent être délicieux, de cette fausse sécheresse où la saveur confite semble s'être insinuée dans chaque ride. Mais on n'a pas envie de les manger. Surtout ne pas transformer en goût identifiable ce pouvoir flottant de l'odeur. Dire que ça sent bon, que ça sent fort ? Mais non. C'est au-delà… Une odeur intérieure, l'odeur d'un meilleur soi. Il y a l'automne de l'école enfermé là. À l'encre violette on griffe le papier de pleins, de déliés. La pluie bat les carreaux, la soirée sera longue…
Mais le parfum des pommes est plus que du passé. On pense à autrefois à cause de l'ampleur et de l'intensité, d'un souvenir de cave salpêtrée(2), de grenier sombre. Mais c'est à vivre là, à tenir là, debout. On a derrière soi les herbes hautes et la mouillure du verger. Devant, c'est comme un souffle chaud qui se donne dans l'ombre. L'odeur a pris tous les bruns, tous les rouges, avec un peu d'acide vert. L'odeur a distillé la douceur de la peau, son infime rugosité. Les lèvres sèches, on sait déjà que cette soif n'est pas à étancher. Rien ne se passerait à mordre une chair blanche. Il faudrait devenir octobre, terre battue, voussure(3) de la cave, pluie, attente. L'odeur des pommes est douloureuse. C'est celle d'une vie plus forte, d'une lenteur qu'on ne mérite plus. »
Philippe Delerm, La Première Gorgée de bière, 1997.
Image
Source : Paul Cézanne, Pommes et biscuits. © Wikimedia Commons/Domaine public. |
Travail sur le texte littéraire et sur l'image
Les réponses aux questions doivent être entièrement rédigées.
Compréhension et compétences d'interprétation
1.
Quel est le lieu évoqué dans le texte ?
Relisez la première phrase et relevez le nom du lieu.
2.
a) À quelle saison l'odeur des pommes est-elle associée dans le texte ?
b) Relevez les mots et expressions justifiant votre réponse.
a) et b) Repérez et relevez dans le texte les noms qui évoquent une saison ou le mois d'une des quatre saisons.
3.
Dans cette description, quels sont les sens mobilisés par le narrateur ? Illustrez chaque sens par des éléments du texte (trois sens attendus).
Relisez le texte et relevez le champ lexical des sensations (vue, ouïe, odorat, goût et toucher). Identifiez trois des cinq sens employés ici. Citez des verbes, des noms, des adjectifs pour illustrer chaque type de sensation.
4.
Expliquez la phrase : « L'odeur des pommes est une déferlante ».
Relisez la note 1. Pourquoi le narrateur compare-t-il l'odeur à une vague ? Pensez au mouvement des vagues.
5.
Quelle émotion la visite de ce lieu provoque-t-elle ? Pourquoi ?
Interrogez-vous : quelle émotion ressent-on quand on regarde derrière soi, vers son passé ? De quoi prend-on conscience ? Pensez à un thème essentiel de la poésie lyrique, romantique notamment.
6.
Quels éléments rapprochent ces documents ?
Observez le titre des documents, le thème traité par l'auteur et le peintre.
7.
En quoi les sensations éprouvées par le narrateur du texte sont-elles différentes de celles éprouvées en regardant cette nature morte de Cézanne ?
Relisez vos réponses aux questions 2, 3 et 4 de cette partie. Observez le tableau, sa composition, l'angle de vue, les plans, etc. Interrogez-vous : quels sens sont principalement sollicités chez le narrateur et le spectateur ?
Grammaire et compétences linguistiques
1.
a) Quel est le temps verbal dominant du texte ?
b) Quel est l'effet produit ?
a) Observez les verbes du texte, leurs terminaisons. Nommez le temps qui est principalement employé.
b) Interrogez-vous : pourquoi l'auteur a-t-il employé ce temps ? Mettez les verbes du premier paragraphe à l'imparfait. L'effet produit est-il le même ?
2.
Expliquez pourquoi le narrateur utilise principalement le pronom indéfini « on ».
Interrogez-vous : qui le pronom indéfini « on » désigne-t il par rapport à « je », « tu », « nous », « vous » ? Quel est l'effet produit par l'emploi de « on » indéfini ?
3.
a) Relevez le champ lexical du passé.
b) À quelle période de la vie le narrateur fait-il allusion ?
a) Relevez tous les mots qui évoquent le passé du narrateur devenu adulte (époque, lieux, période la vie, etc.).
b) Précisez la période de la vie évoquée par le narrateur. Relisez par exemple la fin du deuxième paragraphe.
4.
« On entre dans la cave. Tout de suite, c'est ça qui vous prend. Les pommes sont là, disposées sur des claies – des cageots renversés. On n'y pensait pas. On n'avait aucune envie de se laisser submerger par un tel vague à l'âme. Mais rien à faire. L'odeur des pommes est une déferlante. Comment avait-on pu se passer si longtemps de cette enfance âcre et sucrée ? »
Réécrivez ce passage à la 1re personne du pluriel (nous) et effectuez toutes les transformations nécessaires.
Réécrivez ce passage à la 1re personne du pluriel (nous) et effectuez toutes les transformations nécessaires.
- Soulignez tous les verbes dont» on » est sujet. Remplacez» on » par» nous » et modifiez la terminaison du verbe en fonction de son temps (présent, imparfait, plus-que-parfait).
- Modifiez le pronom personnel réfléchi des verbes pronominaux en transformant celui de la 3e personne du singulier en celui de la 1re personne du pluriel.
Dictée
« C'était une journée splendide, ensoleillée, et la mer était calme. Stefano, qui n'était jamais monté sur le bateau, courait tout heureux sur le pont, admirant les manœuvres compliquées des voiles. Et il posait de multiples questions aux marins qui, en souriant, lui donnaient toutes les explications souhaitables. Arrivé à la poupe, le garçon s'arrêta, intrigué, pour observer quelque chose qui émergeait par intermittence, à deux cents, trois cents mètres environ dans le sillage du navire. Bien que le bâtiment courût déjà à belle allure, porté par une brise favorable, cette chose gardait toujours le même écart. Et bien qu'il n'en comprît pas la nature, il y avait en elle un je-ne-sais-quoi d'indéfinissable qui fascinait intensément l'enfant. »
Dino Buzzati, Le K, 1966.
Rédaction
Vous traiterez au choix l'un des deux sujets de rédaction suivants.
Votre rédaction sera d'une longueur minimale d'une soixantaine de lignes (300 mots environ).
Votre rédaction sera d'une longueur minimale d'une soixantaine de lignes (300 mots environ).
Sujet de réflexion
Un lieu auquel vous êtes attaché(e) est menacé par un projet de la mairie qui le transformera complètement.
Vous écrivez au maire de la commune pour exprimer votre désaccord. Après avoir présenté ce lieu, vous développerez les arguments pour convaincre le maire de renoncer au projet. Rédigez votre lettre en une vingtaine de lignes minimum.
Pour rédiger votre texte, respectez les conseils suivants :
Vous écrivez au maire de la commune pour exprimer votre désaccord. Après avoir présenté ce lieu, vous développerez les arguments pour convaincre le maire de renoncer au projet. Rédigez votre lettre en une vingtaine de lignes minimum.
Pour rédiger votre texte, respectez les conseils suivants :
- respectez la présentation de la lettre ;
- ne signez pas et ne mettez aucune coordonnée personnelle sur votre copie ;
- respectez les règles d'orthographe, de grammaire et de conjugaison.
Procéder par étapes
Étape 1. Lisez attentivement le sujet et soulignez les mots-clés qui évoquent le thème du sujet : « Un lieu auquel vous êtes attaché(e) est menacé », « projet de la mairie », « transformera complètement ». Le thème est la transformation profonde d'un lieu auquel vous êtes attaché (projet d'urbanisation).Étape 2. Repérez la forme du texte à écrire : « Vous écrivez au maire de la commune », « votre lettre ». Comme il s'agit d'un sujet de réflexion, c'est un texte argumentatif (« pour convaincre le maire de renoncer »), composé d'arguments et d'exemples.
Il faut respecter la forme et la présentation de la lettre avec :
- l'en-tête (expéditeur, destinataire, objet, lieu et date) ;
- les formules d'ouverture et de clôture ;
- le corps de la lettre (présentation du lieu, arguments pour convaincre le maire d'abandonner son projet) ;
- la signature (pour respecter l'anonymat de l'épreuve, ne signez pas de votre véritable nom).
Étape 4. Établissez le plan de votre lettre.
- Les informations et les formules d'ouverture.
- Le corps de la lettre :
– le développement comporte deux ou trois parties ; pour chacune des parties, trouvez au moins un argument. Utilisez des modalisateurs de certitude (il est évident, il est certain, assurément, incontestablement…), des connecteurs logiques (en premier lieu, de plus, ensuite, enfin, en effet, dès lors, de fait, par conséquent, donc…), des phrases exclamatives et des questions rhétoriques pour souligner votre désir de convaincre, des hyperboles pour souligner votre détermination, un lexique valorisant pour défendre le lieu à sauver, et dévalorisant pour critiquer le projet du maire ;
– la conclusion fait un bilan sur le désaccord, insiste sur l'absolue nécessité de préserver ce lieu et annonce d'éventuelles actions pour appuyer votre demande (création d'une association de défense, par exemple).
- Les formules de politesse, de clôture et la signature.
Sujet d'imagination
Vous retournez sur un lieu familier de votre enfance. Décrivez ce lieu, puis précisez quels sont vos sentiments et les souvenirs qu'il vous évoque. Rédigez le texte en une vingtaine de lignes minimum.
Pour rédiger votre texte, respectez les conseils suivants :
Pour rédiger votre texte, respectez les conseils suivants :
- structurez votre texte ;
- rédigez votre texte à la 1re personne ;
- respectez les règles de l'orthographe, de la grammaire et de la conjugaison.
Procéder par étapes
Étape 1. Lisez attentivement le sujet et soulignez les mots-clés qui évoquent le thème du texte à écrire : « un lieu familier de votre enfance », « vos sentiments », « les souvenirs qu'il vous évoque ».Étape 2. Repérez la forme du texte à écrire : « Décrivez ». Il faut donc respecter :
- le type descriptif, avec son organisation, la caractérisation du lieu décrit, les sensations éprouvées ;
- la narration à la 1re personne (« Vous retournez », « Décrivez ») ;
- l'expression des sentiments et l'évocation de souvenirs ;
- la longueur (cinquante lignes au moins).
Étape 4. Établissez le plan de votre rédaction.
- Les circonstances du retour sur un lieu familier de votre enfance.
- La description du lieu (sa situation, ses principales caractéristiques, anciennes et nouvelles).
- L'expression des sentiments provoqués par ce retour ; l'évocation de deux ou trois souvenirs (heureux, malheureux).
- Le départ. Impressions et sentiments à la suite de ce voyage dans le passé.
Annexes
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