Renaissance, Humanisme et réformes religieuses : les mutations de l'Europe
Fiche
Dans l'Europe des xve et xvie siècles, une nouvelle vision de l'humanité et du monde émerge dans les milieux intellectuels et religieux. Les hommes qui sont à l'origine de ce mouvement regardent vers des époques antérieures qu'ils considèrent comme un âge d'or perdu : selon eux, le Moyen Âge s'est détourné des idées de l'Antiquité gréco-romaine (redécouvertes avec l'arrivée de manuscrits apportés par des réfugiés byzantins après la chute de Constantinople) et du message chrétien des origines. Ils veulent des traductions plus fidèles de la Bible et des textes fondamentaux et développent un nouvel esprit scientifique et technique pour y parvenir. Ils sont intéressés par l'étude de l'humain, de son rapport à Dieu, de sa place et son action sur le monde. Par leur réflexion, ils contribuent à l'entrée de l'Occident dans la modernité.
I. La réforme protestante et ses réformateurs : un nouveau regard sur la religion
1. Un nouveau climat religieux : le développement d'une volonté de retour aux sources du christianisme
• La pensée des humanistes et des réformateurs s'est développée durant une période où les croyants semblaient vouloir changer leurs rapports avec la religion et la divinité.
• La religion chrétienne telle qu'elle était pratiquée au Moyen Âge était une religion communautaire : dans l'esprit populaire, les saints protecteurs servaient de médiateurs (intercesseurs) auprès de Dieu pour répondre aux besoins d'une famille, d'une corporation… L'individu passait au second plan derrière le groupe.
• Le xive siècle est très marqué par les crises : grandes épidémies (peste de 1348), guerre de Cent Ans… C'est une période d'inquiétude religieuse, où la crainte de la mort et de la damnation se développe. Les croyants veulent sauver leur âme : un rapport plus individuel, plus personnel avec la divinité (toujours teinté de superstition) prend le pas sur la religion communautaire.
• Cette situation a des conséquences : l'invention du purgatoire, une augmentation des dévotions (prières, dons aux églises et aux monastères…), de l'achat des indulgences (pour la rémission des péchés) et des pèlerinages. Dans ce contexte, les dons faits à l'Église catholique se multiplient. Les fidèles, analphabètes pour la plupart, dépendent totalement du prêtre pour connaître les textes sacrés. Ce dernier dit la messe en latin, qui n'est plus compris par la majorité.
• Cette situation ne convient pas à certains catholiques, qui veulent un retour au christianisme des origines, à l'idéal de pauvreté du Christ, à un rapport plus simple et plus direct avec la divinité.
• Les humanistes comme Érasme veulent plus d'honnêteté, de rigueur et moins d'abus dans le clergé catholique. Ils réclament :
- l'accès à tous au texte de la Bible dans une langue vernaculaire (une langue courante) ;
- un culte simplifié, fondé sur les Écritures et libéré de certaines traditions (prières en langue courante et non en latin, moins de saints intercesseurs…) ;
- une lecture individuelle des textes sacrés (ce qui obligerait les fidèles à savoir lire).
• Ces hommes ne veulent pas de rupture avec l'Église catholique : ils cherchent seulement à l'améliorer pour une meilleure évangélisation des populations.
• Ces idées ne touchent qu'une minorité de la population, une élite intellectuelle, mais elles vont avoir des conséquences.
2. Les fondateurs de la réforme protestante à l'origine de la division religieuse dans la chrétienté occidentale
• En 1517, Martin Luther, un moine et professeur de théologie allemand, s'élève contre le système des indulgences promises par le pape à tous les croyants qui donnent de l'argent pour la basilique Saint-Pierre de Rome. Il écrit quatre-vingt-quinze thèses et les envoie à l'archevêque de Mayence. Par la suite, le conflit qui l'oppose à la papauté ne cesse de grandir ; il finit par rejeter les dogmes (la doctrine imposée) et la hiérarchie de l'Église catholique.
• Luther défend l'idée d'une religion individuelle et écrit le premier programme de la Réforme à l'origine du protestantisme. Il sera soutenu par des princes allemands contre le pape et contre l'empereur Charles Quint. Leur conversion au protestantisme leur permet ainsi de s'emparer des biens de l'Église catholique. En 1525, Luther aide les princes à lutter contre les paysans révoltés, au nom du principe d'obéissance à l'autorité. Après ce nouveau schisme (division) dans la religion chrétienne, celle-ci est désormais partagée entre catholiques, orthodoxes et protestants.
• Les protestants sont des chrétiens qui refusent l'autorité du pape, la hiérarchie de l'Église, la plupart des sacrements (sauf le baptême et la communion), le culte de la Vierge et des saints, les représentations iconographiques de la divinité (images, tableaux…). Ils estiment que tout chrétien doit étudier lui-même individuellement les textes sacrés. Seule la foi en Dieu et dans le Christ peut sauver les croyants, et non les œuvres (comme les dons aux monastères…). Il n'y a plus de clergé. Les communautés sont dirigées par des pasteurs, qui sont des hommes ayant étudié la Bible et capables de l'interpréter.
• La réforme de Luther est reprise par Calvin à partir de 1533 en France et en Suisse. Ce dernier développe un protestantisme plus radical, plus sévère et exige de ses adeptes un mode de vie plus austère, plus rigoureux. Il ajoute aux idées de Luther celle de la prédestination : Dieu sait si un homme est destiné au salut ou à la damnation. Il écrit en latin l'Institution de la religion chrétienne (1539) et traduit lui-même son livre en français en 1541 : il veut que tous les croyants, et pas seulement les professeurs en théologie, puissent se faire une idée par eux-mêmes des questions religieuses. Il est obligé de se réfugier à Genève, mais le calvinisme se développe aussi en France.
• Le développement du protestantisme s'accompagne de la montée en puissance de la bourgeoisie, séduite par l'idée d'une égalité de tous les croyants et par ces nouveaux principes religieux qui valorisent aussi l'effort et le mérite personnel.
• Dans le royaume d'Angleterre, Henri VIII, pourtant fervent croyant, s'oppose ainsi au pape qui lui refuse le divorce avec sa première femme, Catherine d'Aragon. Excommunié, il affirme son pouvoir royal et fonde l'Église d'Angleterre (anglicanisme) dont il est le chef. Cette nouvelle Église s'inspire à la fois des dogmes calvinistes tout en gardant la structure de l'Église catholique.
3. Une Europe divisée par la question religieuse
• Face à la montée en puissance du protestantisme, l'Église catholique fait sa propre réforme (la Réforme catholique, appelée autrefois Contre-Réforme) en s'inspirant des idées des humanistes. Le concile de Trente (1545-1547, 1551-1552 et 1562-1563) en fixe les principes, mais arrive trop tard pour éviter le schisme. Il donne à l'homme une plus grande place dans l'ordre divin. Le croyant peut se dépasser en accomplissant de grandes œuvres et de bonnes actions.
• La hiérarchie de l'Église reste en place, mais le clergé est réformé : il sera désormais mieux instruit (les prêtres seront formés dans les séminaires), de même que les fidèles (catéchisme). Le concile réaffirme les dogmes de l'Église (sacrements, Vierge, saints, etc.) et condamne le protestantisme. L'Église catholique fait réaliser de nombreuses œuvres d'art pour illustrer ses dogmes et les présenter visuellement aux fidèles.
• Plusieurs religions peuvent cohabiter au sein d'un même royaume, mais les tensions montent et, à la fin du xvie siècle, les guerres de Religion éclatent. Elles prennent plusieurs formes :
- intolérance religieuse (les bûchers de sorciers, les condamnations à mort de personnes contestant tel ou tel dogme – comme Michel Servet à Genève brûlé par les partisans de Calvin – n'ont jamais été aussi nombreux) ;
- iconoclasme (destruction d'œuvres d'art religieuses par les protestants s'opposant au culte des images de l'Église catholique) ;
- conflits armés et massacres, comme celui des protestants à Paris la nuit de la Saint-Barthélemy (1572).
II. Des idées diffusées dans toute l'Europe grâce aux éditeurs et aux artistes
1. Les humanistes, des hommes partagés entre le passé et la modernité
• Les humanistes qui inspirent les réformateurs ne sont pas des révolutionnaires : dans leur volonté d'un retour à un « âge d'or » (l'Antiquité), ils mettent au point de nouveaux outils de lecture des textes anciens (philologie : étude critique des textes, par la comparaison systématique des manuscrits ou des éditions, par l'histoire). Ils publient des traductions plus fidèles des textes, étudient à la fois la Bible et les penseurs de l'Antiquité comme Platon.
• Ils ont une vision optimiste de l'homme qui, pour eux, est au cœur de la Création. Ils défendent aussi une éducation poussée (universalisme, « formation de l'honnête homme »), l'exercice de l'esprit critique, le respect de la conscience, « un esprit sain dans un corps sain », une certaine tolérance envers les idées des autres… Mais ce sont aussi de fervents catholiques (tel Thomas More en Angleterre) qui, comme Machiavel, défendent souvent l'autorité des princes qui les protègent.
• Ils forment un réseau d'intellectuels qui échangent leurs idées dans des lettres, dans des livres ou en voyageant en Europe, que l'on nomme la « République des lettres ». Parfois qualifié de « prince des humanistes », Érasme en est un bon exemple. Né à Rotterdam en 1467 et mort à Bâle en 1536, il voyage en Angleterre et en Italie. Il s'oppose à Luther en défendant le libre arbitre de l'homme, s'intéresse à l'éducation et publie des essais comme L'Éloge de la folie. Afin de guider le futur empereur Charles Quint, il rédige en 1516 un traité politique, L'Éducation du prince chrétien.
2. La diffusion des idées humanistes : le rôle des éditeurs
• Dans ce contexte, la mise au point de l'imprimerie par Gutenberg, au milieu du xve siècle, a permis la diffusion des connaissances techniques et du savoir dans toute l'Europe. Elle a donc eu un impact sur le développement technique, économique et culturel de l'Occident.
• Avant l'imprimerie, les livres étaient manuscrits (écrits à la main) : il fallait énormément de temps, le plus souvent à des moines copistes, pour les recopier. De plus, ces copies n'étaient, pas toujours fidèles à l'original. Seules les personnes très fortunées pouvaient posséder quelques manuscrits.
• L'imprimerie change radicalement les choses : désormais, un livre peut être publié à plusieurs milliers d'exemplaires, ainsi la Bible de Gutenberg (premier livre imprimé). À partir du xve siècle, les bibliothèques privées se multiplient, en particulier dans la bourgeoisie sensible aux idées humanistes. Les livres sont organisés en chapitres, en paragraphes, avec une table des matières.
• Les grands imprimeurs comme les Plantin (originaires de Tours et installés à Anvers) éditent les livres des humanistes dans des imprimeries parfois artisanales. Ils publient aussi les textes de l'Antiquité grecque et romaine et des reproductions des œuvres des grands artistes de la Renaissance, qui peuvent ainsi échanger des idées et des styles.
3. Les artistes de la Renaissance, un nouveau regard sur l'homme et sur le monde
• Le nouvel idéal de l'homme, que l'on retrouve à la fois dans les idées des humanistes et dans la réforme religieuse, est aussi représenté dans les œuvres d'art de la Renaissance.
• La Renaissance est la période artistique qui s'étend du xve au xvie siècle. Elle se divise en deux périodes : le quattrocento (le xve siècle, à partir de l'Italie) et le cinquecento, l'âge d'or de la Renaissance, durant lequel les œuvres des grands maîtres (Michel-Ange, Raphaël…) servent de modèle à toute l'Europe.
• Ce mouvement artistique se développe dans les régions les plus prospères : l'Italie, les Flandres, mais aussi le Val de Loire. Dans ces régions, de grands mécènes très cultivés financent les artistes (princes et banquiers comme les Médicis à Florence, ou hauts dignitaires du clergé…)
• Ce sont donc de grands artistes italiens qui sont à l'origine de ce mouvement artistique : Donatello, Brunelleschi (architecture), Masaccio… Ils sont en rupture avec la période précédente. Ils utilisent la perspective géométrique monofocale, peignent des paysages, et surtout se basent sur les études du corps humain de certains scientifiques, comme Vésale, pour développer un style plus réaliste, plus proche de la statuaire de l'Antiquité.
• Aux Pays-Bas et en Flandres aussi, de grands artistes se distinguent, comme les frères Van Eyck, au xve siècle, qui seront également au service du duc de Bourgogne.
• Les papes sont aussi de grands mécènes et emploient les plus grands artistes comme Raphaël, qui réalise au Vatican la fresque L'École d'Athènes représentant les grands philosophes antiques. Michel-Ange peint à partir de 1508 le plafond de la chapelle Sixtine, sur la commande du pape et humaniste Jules II. Il représente les scènes de la Genèse dans un esprit proche des idées néoplatoniciennes. De 1536 à 1541, Michel-Ange réalise Le Jugement dernier dans la même chapelle.
• La Renaissance artistique se diffuse en Europe grâce au travail des imprimeurs (gravures) et aux voyages des artistes.
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