La France : dynamiques démographiques, inégalités socio-économiques
Fiche
La France est marquée par les mêmes évolutions démographiques que les autres pays industriels développés. Toutefois, des spécificités françaises apparaissent, notamment avec le maintien, jusqu'à une date récente, d'un taux de fécondité plus élevé que dans les pays voisins. Ces différences s'accompagnent d'évolutions sociales importantes, liées à l'emploi, aux situations géographiques, à la notion de centralité ou de périphérie au sein du territoire. Ces évolutions géographiques sont liées à des spécificités qu'il convient de mettre en évidence.
I. Des évolutions démographiques spécifiques ?
Les spécificités de la démographie française sont dues à la fois aux héritages de la politique sociale et aux évolutions inhérentes à la situation démographique des pays du monde occidental.
1. Le peuplement : vers une concentration de la population
• Le premier aspect concerne le peuplement. Depuis plusieurs décennies, au moment des Trente Glorieuses, plusieurs mouvements se sont amorcés. Le premier est la concentration des personnes dans les communes urbaines, à commencer par les grandes agglomérations. Aujourd'hui, de 5 % à 15 % de la population, suivant les critères retenus, est rurale, le seuil des 50 % ayant été franchi en 1931.
• Parmi les espaces urbains, les grandes métropoles sont celles qui ont attiré le plus de population. Aujourd'hui, on compte sept aires urbaines (formées d'un espace urbanisé autour d'une grande ville, comportant sa banlieue et ses aires périurbaines) de plus d'un million d'habitants. L'aire urbaine de Paris domine avec 11 millions d'habitants, dans la tradition de macrocéphalie du réseau urbain français. L'aire urbaine de Lyon vient ensuite avec 2,1 millions d'habitants, puis Marseille avec 1,7 million d'habitants. Toulouse, Bordeaux, Lille et Nice sont les autres aires urbaines de plus d'un million d'habitants.
• La croissance de ces métropoles s'effectue aujourd'hui principalement au sein des zones périurbaines de leur grande couronne, dans d'anciennes communes rurales. On favorise pourtant désormais la densification des espaces urbains pour éviter un étalement urbain considéré comme peu propice au lien social. À toutes les échelles, on constate une polarisation croissante vers les villes, y compris moyennes ou de petite taille.
• D'autres espaces connaissent une croissance démographique importante, liée surtout aux migrations internes, principalement motivées par les études et l'emploi, ou encore la qualité de vie à la retraite.
- Les régions littorales sont ainsi parmi les plus attractives. Les régions de l'Ouest, où sont présentes les métropoles dynamiques comme Nantes ou Bordeaux, profitent de la présence de jeunes actifs. On a parfois parlé de « thalassotropisme » pour évoquer cette attirance des populations vers la mer.
- Par ailleurs, on a pu parler d'« héliotropisme » pour expliquer l'attractivité de certaines métropoles du Sud, comme Toulouse ou Montpellier, qui sont des centres universitaires et des bassins d'emploi importants. Les espaces de la côte méditerranéenne attirent aussi de nombreux retraités, mais également des jeunes à la recherche d'un emploi, conjuguant ainsi héliotropisme et thalassotropisme. À l'inverse, les métropoles liées aux industries anciennes, souvent en crise, perdent de la population au profit de ces espaces. C'est le cas de villes comme Saint-Étienne ou encore des métropoles du Nord, à l'exception de l'aire urbaine de Lille.
• De plus en plus, les zones les moins urbanisées ou les moins liées à des dynamiques d'emploi attractives tendent à renforcer la « diagonale du vide », déjà ancienne, dessinée par les cartes de la densité, et reliant les frontières du Nord-Est aux espaces pyrénéens.
Carte des densités par département en 2007, faisant apparaître la diagonale du vide en bleu
2. Les évolutions démographiques
La France connaît également des évolutions démographiques spécifiques.
• Comme partout ailleurs dans les pays industriels développés, le taux de mortalité est faible avec 9,3 morts pour 1 000 habitants. L'espérance de vie est de 85 ans pour les femmes et de 79 ans pour les hommes, avec une tendance à la réduction de la différence entre les sexes, due à la diminution des emplois les plus exposés pour les hommes et à l'adoption de comportements à risque par les femmes (tabac, alcool). Le taux de natalité est bas, avec 12,2 naissances pour 1 000 habitants.
• Toutefois, jusqu'à une date récente, la France avait affirmé une certaine spécificité. En 2010, elle était un des rares pays européens à parvenir au seuil de renouvellement des générations avec 2 enfants par femme. Mais en 2015, ce taux est retombé à 1,95. Ce taux, qui reste relativement élevé, s'explique par une politique active en faveur des naissances, avec un système d'allocations familiales et une politique de soutien à l'accès aux solutions de garde d'enfants. La première génération des personnes issues de l'immigration provenant des pays du Sud maintient souvent un taux de natalité plus important, mais les comportements démographiques tendent rapidement à s'homogénéiser.
• La population française, qui est actuellement de 67,1 millions d'habitants, continue ainsi de s'accroître mais surtout par allongement de la durée de la vie et par l'apport migratoire, avec un solde migratoire de 58 000 personnes en 2015. Le taux d'accroissement était de 2,8 pour 1 000 en 2015. Le vieillissement de la population est assez marqué. La part de la population de 0 à 14 ans est ainsi équivalente à celle des personnes âgées de plus de 65 ans, soit 18,5 %. Cela pose actuellement la question des aménagements de la retraite par répartition.
3. La population active française
• La population active a également été profondément modifiée. L'ensemble a été marqué par une révolution des enseignements. Une part importante des personnes accède désormais à un diplôme professionnel ou universitaire et est appelée à exercer un métier lié à une qualification. Ceci a transformé le marché de l'emploi.
• Dans le monde rural, on assiste à une importante concentration des emplois et à la diminution du nombre d'agriculteurs. Le secteur primaire représente 2,8 % des actifs. Dans certaines régions, les productions à forte valeur ajoutée ont permis le maintien de petites exploitations rentables, comme pour les zones d'élevage liées au foie gras. Ailleurs, l'agriculture biologique permet aussi de miser sur des produits qualitatifs. Dans le monde de l'agriculture productiviste, les emplois ont été concentrés dans de grandes exploitations.
• Le secteur secondaire, avec 20,8 % des actifs, a connu une importante mutation. Sa part relative a également diminué. L'industrie emploie davantage d'ouvriers qualifiés, et moins d'ouvriers spécialisés, ce qui a conduit à d'importantes mutations sociales. La majeure part des industries françaises est aujourd'hui constituée d'entreprises liées à des technologies actuelles, la division internationale du travail ayant conduit à la forte diminution de l'importance de certains secteurs, comme la sidérurgie ou le textile, et à l'affirmation des industries de pointe.
• Le secteur tertiaire, avec 76,7 % des actifs, a connu une importante croissance et les services constituent aujourd'hui la majorité des emplois. Toutefois, ce secteur a connu une importante précarisation. Alors qu'il constituait jusqu'aux années 1980 une promotion pour les enfants d'ouvriers, on y trouve aujourd'hui la majorité des emplois les moins rémunérés et les plus précaires.
Exercice n°1Exercice n°2Exercice n°3
Exercice n°1Exercice n°2Exercice n°3
II. Espaces géographiques et société : territoires intégrés et territoires en marge
1. Les espaces dynamiques
Les évolutions évoquées plus haut ont des traductions géographiques importantes. Certains espaces voient leur potentiel réaffirmé.
• Certains territoires sont ainsi bien intégrés aux espaces de la mondialisation libérale. Il s'agit pour l'essentiel des grandes métropoles. Ces dernières concentrent la majorité des emplois à fort revenu, liés aux nouvelles technologies, qu'ils relèvent du secteur secondaire ou du secteur tertiaire. À l'échelle intramétropolitaine, il s'agit surtout de certains quartiers des grandes métropoles. Dans les centres-villes, cela renforce les quartiers traditionnellement habités par les classes aisées, comme les arrondissements de l'ouest de Paris, proches de lieux de pouvoir et des quartiers d'affaire, comme la Défense.
Par ailleurs, l'augmentation des prix de l'immobilier dans ces quartiers tend à reporter les catégories sociales à fort revenu vers les quartiers populaires proches du centre. Cela y provoque une augmentation des prix de l'immobilier qui en chasse les classes moyennes et populaires. C'est le processus de « gentrification », qui a marqué les arrondissements parisiens de l'Est proches du centre. Les populations aisées nouvellement installées s'y réapproprient souvent la culture populaire, y formant une nouvelle bourgeoisie refusant les codes sociaux de la bourgeoisie traditionnelle, mais adoptant aussi des comportements se différenciant fortement des catégories populaires. Le terme de « bobos » (bourgeois bohèmes) est parfois employé pour les désigner. Dans les centres-villes, seule la part de logements sociaux, 25 % d'après la loi, permet de maintenir la présence de classes moyennes et populaires.
Par ailleurs, l'augmentation des prix de l'immobilier dans ces quartiers tend à reporter les catégories sociales à fort revenu vers les quartiers populaires proches du centre. Cela y provoque une augmentation des prix de l'immobilier qui en chasse les classes moyennes et populaires. C'est le processus de « gentrification », qui a marqué les arrondissements parisiens de l'Est proches du centre. Les populations aisées nouvellement installées s'y réapproprient souvent la culture populaire, y formant une nouvelle bourgeoisie refusant les codes sociaux de la bourgeoisie traditionnelle, mais adoptant aussi des comportements se différenciant fortement des catégories populaires. Le terme de « bobos » (bourgeois bohèmes) est parfois employé pour les désigner. Dans les centres-villes, seule la part de logements sociaux, 25 % d'après la loi, permet de maintenir la présence de classes moyennes et populaires.
• Dans les banlieues des grandes métropoles, ces logiques se prolongent, avec des quartiers plutôt favorisés dans certains espaces, comme l'Ouest parisien, et une gentrification des banlieues populaires proches des grandes villes.
• Aujourd'hui, la généralisation, surtout pour les classes aisées, de la possibilité d'un emploi réalisable en grande partie depuis son domicile avec une connexion Internet permet un redéploiement du lieu de résidence sur l'ensemble du territoire, à l'exception des lieux dépourvus d'un accès à l'Internet à haut débit, ce qui renforce encore les conséquences sociales de la fracture numérique.
• Ces zones bien intégrées le sont également grâce aux transports. L'automobile est de moins en moins nécessaire pour les catégories sociales à fort revenu. Elles résident dans des espaces proches des centres-villes, avec la possibilité d'utiliser des modes de transports comme le vélo ou la trottinette à moteur. Elles ont un accès et les revenus suffisants pour utiliser le TGV ou l'avion pour se rendre dans les autres métropoles.
2. Les espaces périphériques et en marge
• Au sein du territoire français, d'autres espaces connaissent une moins bonne intégration et sont caractérisés par un rapport différent à la centralité. On a vu que la situation périphérique n'était pas nécessairement un handicap, si le centre était accessible, comme le montrent les processus de gentrification et les banlieues à fort revenu.
• Les grands ensembles ou certains quartiers anciennement ouvriers des banlieues ont été marqués depuis la crise des années 1970 par des problèmes liés à l'emploi. Ils ont été peu à peu désertés par les classes moyennes et remplacés par des classes populaires, avec une part importante de population issue de l'immigration. Leur proximité relative avec le centre, malgré un maillage de transports parfois insuffisant, permet toutefois une connexion avec les espaces centraux et un certain accès à l'emploi. Leur principal problème est qu'ils sont souvent fuis par les personnes qui en sont issues lorsqu'elles accèdent à un meilleur revenu. Les pouvoirs publics travaillent donc à des opérations de rénovation urbaine visant à promouvoir une certaine mixité sociale passant par une politique d'accession à la propriété.
• Dans certains espaces ayant connu une profonde désindustrialisation, comme le bassin minier du Nord près de la métropole de Lille ou comme en Lorraine, il existe une crise de l'emploi.
• Aujourd'hui, les principaux espaces marqués par les fractures sociales sont toutefois les espaces périurbains des secondes couronnes des grandes agglomérations. Ces banlieues sont constituées pour l'essentiel de zones pavillonnaires venues se greffer sur d'anciens villages. L'importance des crédits immobiliers, le nécessaire recours à l'automobile, les difficultés d'accès au centre ont souvent transformé ces espaces nés d'un rêve d'autonomie et de logement individuel en un lieu de relégation socio-spatiale. Ce sentiment de relégation existe aussi dans certaines communes rurales marquées par le désengagement des services publics.
Exercice n°4Exercice n°5
Exercice n°4Exercice n°5
Ainsi, la « France périphérique » apparaît comme très contrastée. L'espace choisi, dans lequel vivent les catégories aisées, s'oppose à l'espace parfois subi des catégories moyennes et populaires. Toutefois, les évolutions spatiales sont possibles et la prise en compte de certains aspects de la question, notamment des transports, par les pouvoirs publics contribue à faire de l'espace français un lieu où peuvent apparaître de nouveaux équilibres au-delà de tensions.
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