Alors que la France est encore fortement marquée par les bouleversements politiques et les guerres de religion, le sentiment qui domine au début du xviie siècle est celui d'une grande instabilité du monde et de la vie humaine. Le mouvement baroque naît de cette impression d'un monde en mouvement, qui n'est jamais fixé et où rien n'est irréversible. Pourtant, à partir de 1661, le règne de Louis XIV marque le début d'une nouvelle ère politique qui coïncide avec un changement profond des valeurs : rejetant la vision baroque du monde, le classicisme se positionne comme un mouvement symétriquement inverse. Quelles sont les grandes caractéristiques de ce mouvement ? Quelles sont ses formes d'expression privilégiées ? Comment a-t-il marqué en particulier le genre théâtral ?
1. De quelle vision du monde le classicisme est-il porteur ?
Pour les classiques, le monde est figé et constamment soumis à la volonté divine. Par conséquent, seul Dieu peut assurer le salut de l'homme dont le destin est déterminé par avance. Cette vision janséniste de la vie trouve son expression politique dans la monarchie absolue : le monarque est souverain et le pouvoir centralisé. Le modèle social qui prédomine est celui de « l'honnête homme », c'est-à-dire l'homme cultivé et modéré, qui fréquente la cour et les salons et qui se plie aux exigences de la raison.Exercice n°1
2. Quels sont ses motifs littéraires privilégiés ?
Dès la seconde moitié du xviie siècle, des théoriciens de la littérature tentent d'instaurer des règles strictes inspirées des modèles antiques , qui vont à l'encontre de l'esprit baroque. Ainsi, une œuvre ne doit pas procurer un plaisir gratuit mais s'inscrire dans une visée morale et didactique ; le mot d'ordre est d'« instruire et plaire » pour corriger les défauts humains. La tragédie, par exemple, doit inspirer au spectateur « terreur et pitié », tandis que la comédie dénonce les ridicules et les torts de ceux qui s'écartent du droit chemin. Le héros doit souvent choisir entre sa passion et son devoir ; il peut être soumis à un destin implacable (Phèdre de Racine) ou parvenir à la maîtrise de soi à force de volonté et de raison (Auguste dans Cinna de Corneille).Le Cid
« Ô cruel souvenir de ma gloire passée !
Œuvre de tant de jours en un jour effacée !
Nouvelle dignité fatale à mon bonheur !
Précipice élevé d'où tombe mon honneur !
Faut-il de votre éclat voir triompher le comte,
Et mourir sans vengeance, ou vivre dans la honte ? »
Œuvre de tant de jours en un jour effacée !
Nouvelle dignité fatale à mon bonheur !
Précipice élevé d'où tombe mon honneur !
Faut-il de votre éclat voir triompher le comte,
Et mourir sans vengeance, ou vivre dans la honte ? »
Corneille, 1636
Cette exigence morale de la littérature classique fait de la tragédie l'un des genres privilégiés du classicisme.
Exercice n°2
3. Quels contraintes formelles les classiques se donnent-ils ?
La forme est soumise à de fortes contraintes : la langue classique est marquée par un souci constant de pureté et d'harmonie. L'Académie française, crée par Richelieu en 1635, a d'ailleurs pour vocation de fixer et d'officialiser les normes, tant grammaticales que lexicales, de la langue française. Les figures de style privilégiées par le classicisme sont plutôt des figures d'atténuation (litotes, euphémismes, etc.) qui traduisent une réserve et une pudeur de l'écriture propres au classicisme. Enfin, le genre théâtral doit respecter les bienséances et la « règle des trois unités » qui répond à un souci de vraisemblance :
- l'unité de temps (l'action se déroule en vingt-quatre heures) ;
- l'unité de lieu (un seul lieu, matérialisé par l'espace de la scène) ;
- l'unité d'action (une intrigue unique).
La citation
Art poétique
« Qu'en un lieu, qu'en un jour, un seul fait accompli
Tienne jusqu'à la fin le théâtre rempli. »
Tienne jusqu'à la fin le théâtre rempli. »
Boileau, 1674
Exercice n°1
Classez les termes suivants selon qu'ils se rapportent au baroque (1) ou au classicisme (2).
Utilisez les numéros 1 et 2
Écrivez les réponses dans les zones colorées.
mouvement →
harmonie →
régularité →
désordre →
devoir →
vanité du monde →
refus des règles →
didactisme →
illusion →
pureté de la forme →
foisonnement →
harmonie →
régularité →
désordre →
devoir →
vanité du monde →
refus des règles →
didactisme →
illusion →
pureté de la forme →
foisonnement →
Ce relevé manifeste clairement que le classicisme s'est construit en exacte opposition par rapport au baroque. Bien que l'on fasse souvent commencer le classicisme à l'arrivée au pouvoir de Louis XIV, la frontière est loin d'être aussi nette. Un auteur comme Corneille, par exemple, a largement subi les deux influences, même s'il est plus connu aujourd'hui pour ses tragédies classiques.
Exercice n°2
Quelle règle poétique Boileau définit-il principalement dans cet extrait de l'Art poétique (1674) ?
« N'offrez rien au lecteur que ce qui peut lui plaire.
Ayez pour la cadence une oreille sévère.
Que toujours, dans vos vers, le sens coupant les mots,
Suspende l'hémistiche, en marque le repos.
Gardez qu'une voyelle à courir trop hâtée,
Ne soit d'une voyelle en son chemin heurtée.
Il est un heureux choix de mots harmonieux.
Fuyez des mauvais sons le concours odieux.
Le vers le mieux rempli, la plus noble pensée
Ne peut plaire à l'esprit quand l'oreille est blessée. »
Ayez pour la cadence une oreille sévère.
Que toujours, dans vos vers, le sens coupant les mots,
Suspende l'hémistiche, en marque le repos.
Gardez qu'une voyelle à courir trop hâtée,
Ne soit d'une voyelle en son chemin heurtée.
Il est un heureux choix de mots harmonieux.
Fuyez des mauvais sons le concours odieux.
Le vers le mieux rempli, la plus noble pensée
Ne peut plaire à l'esprit quand l'oreille est blessée. »
Cochez la bonne réponse.
| ||
| ||
|
En 1674, Boileau publie un Art poétique qui définit la doctrine esthétique du classicisme. Dans cette strophe, en particulier, il pose les règles qui, selon lui, doivent présider à l'élaboration d'un poème (ou de vers au théâtre) : importance du travail de la forme, usage de l'alexandrin régulier, coupé à l'hémistiche, choix de mots et de sonorités harmonieuses, qui ne choquent pas l'oreille, etc.
Exercice n°3
Lesquelles de ces pièces de Molière appartiennent au genre de la farce ?
Cochez la (ou les) bonne(s) réponse(s).
| ||
| ||
| ||
| ||
| ||
| ||
| ||
| ||
|
La farce est une pièce comique qui figurait, à l'origine, dans les représentations théâtrales des mystères de la fin du Moyen Âge : elle se caractérise, le plus souvent, par un comique bas, voire grossier, fondé sur les quiproquos, les situations ambiguës ou l'exagération dans les gestes. Sous l'impulsion de la comédie italienne, Molière en a utilisé les ressorts dans une grande partie de son œuvre. Ses autres pièces relèvent de la comédie de mœurs et dénoncent les travers moraux de l'époque.
Exercice n°4
Qu'appelle-t-on la querelle des Anciens et des Modernes au xviie siècle ?
Cochez la bonne réponse.
| ||
| ||
|
Ce que l'on appelle la querelle des Anciens et des Modernes ne fait que reprendre, en la radicalisant, une vieille opposition autour de la question de la création : faut-il imiter les prédécesseurs qui ont atteint la perfection dans leur art ou, à l'inverse, faut-il vivre dans le présent, innover et rompre avec le passé ? On pourrait ajouter un troisième camp qui cherche à concilier ces deux visions artistiques.
Cette querelle a été assez aiguë au xviie siècle et la plupart des écrivains de l'époque y ont participé : chez les Anciens, on trouve La Fontaine, Boileau et La Bruyère ; chez les Modernes, Thomas Corneille (le frère du dramaturge) et Charles Perrault.