Quels sont les processus sociaux qui contribuent à la déviance ?
Fiche
Toute société se caractérise par l'existence de normes, qui encadrent et régulent les comportements individuels et collectifs et qui sont la condition même de la cohésion sociale. Ces règles collectives sont inculquées à l'individu au cours de sa socialisation, primaire dans un premier temps, puis secondaire. Elles font l'objet d'un processus d'intériorisation qui amène chacun à les considérer comme « naturelles », ce qui contribue à en faciliter le respect.
Le respect des normes par les membres d'une société fait, par divers moyens, l'objet d'un contrôle social, contrôle qui laisse cependant place à des comportements déviants, c'est-à-dire se situant en dehors des normes prescrites. La déviance peut, dans une première acception, être définie comme le non-respect des normes (déviance primaire).
Le respect des normes par les membres d'une société fait, par divers moyens, l'objet d'un contrôle social, contrôle qui laisse cependant place à des comportements déviants, c'est-à-dire se situant en dehors des normes prescrites. La déviance peut, dans une première acception, être définie comme le non-respect des normes (déviance primaire).
I. Diversité des normes et des formes du contrôle social
• Certaines normes, dites normes juridiques, sont codifiées, définies par des textes de loi ou des règlements. D'autres, les normes sociales, plus informelles, sont instituées par les habitudes, les coutumes et le consensus entre les membres de la société.
• Dans tous les cas, le respect des normes fait l'objet d'un contrôle social, qui institue des sanctions, positives si la norme est respectée (approbation, sourires, récompenses, médailles, etc.), négatives en cas de non-respect. Ainsi, le non-respect des normes juridiques donne lieu à un contrôle social formel, sous la forme de sanctions délimitées et prévues par la loi et les règlements (amendes pour excès de vitesse, condamnations pour des actes violents, « carton rouge » sur un terrain de football, etc.). Ce contrôle social formel est exercé par des institutions que la société charge de cette mission (forces de l'ordre, éducateurs, entraîneurs de clubs sportifs, etc.).
• Dans le cas du non-respect d'une norme sociale, le contrôle social est informel et il est exercé par la partie du corps social qui est témoin de la transgression de la norme (groupe familial, bande d'amis, voyageurs d'une rame de métro, clients dans une salle de restaurant, etc.). La sanction prend alors, le plus souvent, la forme de comportements de réprobation, de protestations, de moqueries, de manifestations de mépris ou d'exclusion du groupe. Ce contrôle social informel est, en réalité, permanent et continu, et il s'insère dans les interactions sociales de la vie quotidienne.
Exercice n°1
Exercice n°1
II. Des normes variables dans le temps et dans l'espace
• Les normes sociales et juridiques ne sont pas figées et elles peuvent être très diverses selon la société où elles s'imposent. Ainsi, des comportements jugés déviants, il y a un siècle, sont aujourd'hui parfaitement acceptés et considérés comme « normaux » (concubinage, naissances hors mariage, homosexualité, avortement). Souvent, c'est d'ailleurs l'évolution de la norme sociale qui, après un temps plus ou moins long, fait évoluer la norme juridique.
• Si certaines normes concernent la société dans son ensemble, d'autres par contre sont spécifiques à tel ou tel groupe social. Les codes de comportements (normes vestimentaires, langagières, manières de table, etc.) varient parfois considérablement d'un milieu social à un autre : tel comportement prescrit dans les classes populaires sera jugé déviant dans la haute bourgeoisie, et inversement.
• Cela permet de conclure que le regard porté sur un comportement déviant dépend, en réalité, du « lieu social » où on l'observe.
III. La déviance, une construction sociale
• Un comportement n'est jugé déviant que par rapport à la norme qu'il ne respecte pas et dans des circonstances données. Un acte peut être jugé déviant par un groupe social et être conforme aux normes d'un autre groupe. La déviance n'existe donc pas « en soi », elle n'a de réalité qu'à travers la désignation qu'un groupe social lui affecte collectivement. Elle résulte de ce que les sociologues appellent un « étiquetage » par l'ensemble du corps social. La sociologie de la déviance distingue la déviance primaire, le fait de transgresser une norme collective et la déviance secondaire, qui est le fait d'être reconnu et « nommé » comme déviant par les autres. Le fait, pour un piéton, de traverser lorsque le feu est rouge est une transgression de la norme relativement fréquente. Mais cet acte ne devient véritablement un acte déviant que lorsque des « regards » le désignent comme tel ou lorsqu'un accident le transforme en transgression d'une norme juridique. C'est donc bien la reconnaissance sociale de l'acte et son étiquetage qui construit l'acte de déviance.
• Dès lors qu'il est reconnu et étiqueté comme tel, un individu déviant peut intérioriser ce statut et se conformer à l'image que le corps social s'en fait, dans un processus de stigmatisation qui vient renforcer l'image, souvent négative (mais pas toujours, comme en témoigne la figure du tagueur) que le déviant a de lui-même. La stigmatisation peut être définie comme un processus de mise à l'écart d'une personne en raison d'un comportement jugé non conforme à une ou plusieurs normes collectives.
• Le sociologue américain Howard Becker a mis en avant le concept de « carrière déviante », processus progressif d'apprentissage par lequel un individu s'installe dans une déviance, certains comportements déviants pouvant, à la limite, être considérés comme initiatiques, et valorisés au sein de groupes sociaux restreints (bandes, clubs, etc.).
• Enfin, la déviance peut être la conséquence, dans certaines circonstances particulières (contexte révolutionnaire, guerres, catastrophes, etc.), d'un effondrement (ou d'un bouleversement) des normes collectives qui crée une situation d'anomie sociale, une perte des repères et des règles qui encadraient les comportements.
Exercice n°2
Exercice n°2
IV. Déviance et délinquance, deux concepts à distinguer
• Le concept de déviance ne doit pas être confondu avec celui de délinquance. Cette dernière est la partie de la déviance reconnue comme transgressant une norme juridique, et sanctionnée par la loi et le système pénal que toute société institue. Le passage d'une simple transgression de la norme sociale à un acte de délinquance dépend donc de la reconnaissance d'une infraction à une règle légale décrite par des textes juridiques : c'est ce qu'on appelle la judiciarisation.
• Ainsi, un acte déviant peut devenir un délit alors qu'il ne l'était pas (la fessée à un enfant dans plusieurs pays). Mais, à l'inverse, l'évolution des mours et de la loi peut, au fil du temps, dépénaliser certains actes, auparavant considérés comme des actes de délinquance (consommation de certains produits, avortement, etc.).
Exercice n°3
Exercice n°3
V. Comment mesurer la délinquance ?
• La mesure de la délinquance donne lieu à de nombreuses controverses, notamment lorsque ses résultats sont utilisés dans des comparaisons internationales ou pour l'analyse de leur évolution au cours du temps. Cette mesure est en effet porteuse d'enjeux politiques du point de vue de la perception qu'en a l'opinion publique.
• La délinquance est d'abord mesurée à l'aide des chiffres officiels des différentes infractions relevées par les services de police et de gendarmerie, services dont la mission est de lutter contre la délinquance. Ces chiffres sont recensés à partir des dépôts de plaintes des victimes et des faits constatés par les services de police eux-mêmes.
• Ils ne donnent, cependant, qu'une image partielle et parfois déformée de la réalité de la délinquance : d'une part, tous les actes de délinquance ne donnent pas lieu au dépôt d'une plainte, la non-déclaration pouvant avoir des causes diverses (vol considéré comme mineur, harcèlement, violence familiale, etc.). D'autre part, certaines plaintes ne donnent pas lieu à une transmission à la justice (simple inscription en main-courante au commissariat).
• Par ailleurs, les services de police peuvent être amenés, en fonction des priorités qui leur sont dictées par le pouvoir politique, à « interpréter » les chiffres de la délinquance (se concentrer momentanément sur tel type d'infraction, en étant moins rigoureux sur d'autres, déqualifier certaines infractions, etc.).
• De ce fait, il existe un certain décalage entre les chiffres officiels de la délinquance publiés par les autorités politiques et la délinquance effective. Les sociologues spécialisés dans ce domaine appellent ce décalage « le chiffre noir » de la délinquance.
Exercice n°4
Exercice n°4
• Face à ce décalage, on peut chercher à compléter la mesure de la délinquance par les chiffres officiels en réalisant des enquêtes de victimation : celles-ci s'appuient sur un échantillon représentatif de la population (d'un pays, d'une région, d'une ville) à qui on demande de déclarer les comportements de délinquance dont elle a été victime (vols, agressions, insultes, comportements déplacés, etc.). Ces enquêtes, qui doivent être considérées avec une grande prudence méthodologique, permettent d'approcher l'importance du chiffre noir entre délinquance repérée et délinquance réelle.
Exercice n°5
Exercice n°5
VI. L'évolution de la délinquance
• Il est évidemment très délicat de conclure dans un sens ou dans un autre, pour ce qui concerne l'évolution de la délinquance dans nos sociétés. Certaines formes de délinquance se développent (délinquance « numérique », atteintes aux personnes) alors que d'autres sont en régression (atteintes aux biens).
• Il importe, dans ce domaine, de prendre conscience que de nombreuses variables influencent la perception de la délinquance : changements juridiques objectifs, médiatisation incessante d'actes spectaculaires, discours sécuritaire, etc.
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