Eugène Delacroix, La Liberté guidant le peuple (sujet 0, contrôle continu, étude de document, 2019)
Énoncé
Étude de documents (10 points)
En analysant le document, vous montrerez que le peintre Eugène Delacroix propose une lecture des Trois Glorieuses qui met certains aspects de la révolution de 1830 en avant et en laisse d'autres de côté. Vous expliquerez ces choix.
L'analyse du document constitue le cœur de votre travail, mais nécessite pour être menée la mobilisation de vos connaissances.
La Liberté guidant le peuple, Eugène Delacroix.
L'analyse du document constitue le cœur de votre travail, mais nécessite pour être menée la mobilisation de vos connaissances.
La Liberté guidant le peuple, Eugène Delacroix.
Eugène Delacroix, La Liberté guidant le peuple, 1830, H 260 – L 325, huile sur toile, musée du Louvre (Paris), RMN-Grand Palais.
Comprendre la question
Dans l'introduction, présentez le document et inscrivez-le dans le contexte des Trois Glorieuses. Terminez par une annonce du plan.Pensez à décrire précisément le tableau et à l'interpréter en mobilisant des connaissances. La consigne précise qu'il faut proposer une explication des choix du peintre. Cela peut être fait en l'inscrivant dans le courant artistique auquel il appartient, le romantisme.
Il vous faudra mobiliser un grand nombre de connaissances pour déterminer les éléments mis de côté par le peintre. Vous devez adopter un regard critique sur l'œuvre de Delacroix et vous demander ce que la lecture de l'événement par le peintre néglige, en confrontant cette œuvre à vos connaissances des origines, du déroulement et des conséquences de la révolution de Juillet.
Dans la conclusion, résumez les idées principales de votre développement et proposez une ouverture (postérité de l'œuvre, événements postérieurs en France).
Corrigé
Étude de documents (10 points)
La Liberté guidant le peuple est une huile sur toile peinte en 1830 par Eugène Delacroix, qui appartient au courant du romantisme français. Le peintre représente les insurgés sur les barricades lors de la révolution de Juillet 1830 en France. En effet, les 27, 28 et 29 juillet 1830, une partie des Parisiens se soulève contre la politique du roi Charles X. Dans ce tableau mêlant réalité et allégorie, le peintre met en avant certains aspects des Trois Glorieuses et en laisse d'autres de côté.
D'abord, dans ce tableau, le peintre rend hommage à la rébellion du peuple. Il montre bien qu'il s'agit d'une révolution parisienne : les tours de la cathédrale Notre-Dame de Paris apparaissent à l'arrière-plan à droite. Les barricades symbolisent le combat dans les rues étroites et sinueuses de Paris et la scène représente un assaut final : le peuple parisien semble s'avancer vers le spectateur, les armes à la main.
Delacroix met en valeur la diversité des insurgés. Deux gamins de Paris occupent une place importante dans la composition : l'un, à gauche du tableau, s'agrippe aux pavés, tandis qu'à droite, un autre garçon brandit des pistolets et avance, bras levé, un cri de guerre à la bouche. Ces deux garçons appartiennent aux classes populaires et symbolisent la révolte de la jeunesse. Victor Hugo s'est inspiré de cette figure pour créer le personnage de Gavroche dans Les Misérables. Sur la barricade, un ouvrier, reconnaissable à son tablier, côtoie un bourgeois reconnaissable à son haut-de-forme et à sa redingote (dont certains signes, comme le pantalon, laissent penser qu'il s'agit d'un artisan). L'homme au foulard noué sur la tête est sans doute un paysan venu à Paris chercher un emploi. En arrière-plan, on discerne le bicorne d'un étudiant de l'École polytechnique, membre de la bourgeoisie. La diversité des combattants est donc mise en avant par le peintre, qui cherche ainsi à glorifier le peuple parisien engagé dans la lutte pour la liberté.
En effet, le personnage qui domine la composition est une femme du peuple qui semble mener l'assaut. Coiffée du bonnet phrygien adopté par les révolutionnaires depuis 1789, drapée à l'antique, elle est une allégorie de la Liberté, qui guide le peuple parisien dans la révolution. La composition forme un triangle dont le point culminant est le drapeau tricolore (aux couleurs de Paris et de la royauté), brandi par cette femme qui tient également dans sa main gauche un fusil à baïonnette. Par cette composition, Delacroix inscrit les Trois Glorieuses dans la continuité de la Révolution française et adopte une lecture résolument romantique de l'événement, qui exalte la grandeur du peuple parisien, guidé par un idéal de liberté.
Delacroix met en valeur la diversité des insurgés. Deux gamins de Paris occupent une place importante dans la composition : l'un, à gauche du tableau, s'agrippe aux pavés, tandis qu'à droite, un autre garçon brandit des pistolets et avance, bras levé, un cri de guerre à la bouche. Ces deux garçons appartiennent aux classes populaires et symbolisent la révolte de la jeunesse. Victor Hugo s'est inspiré de cette figure pour créer le personnage de Gavroche dans Les Misérables. Sur la barricade, un ouvrier, reconnaissable à son tablier, côtoie un bourgeois reconnaissable à son haut-de-forme et à sa redingote (dont certains signes, comme le pantalon, laissent penser qu'il s'agit d'un artisan). L'homme au foulard noué sur la tête est sans doute un paysan venu à Paris chercher un emploi. En arrière-plan, on discerne le bicorne d'un étudiant de l'École polytechnique, membre de la bourgeoisie. La diversité des combattants est donc mise en avant par le peintre, qui cherche ainsi à glorifier le peuple parisien engagé dans la lutte pour la liberté.
En effet, le personnage qui domine la composition est une femme du peuple qui semble mener l'assaut. Coiffée du bonnet phrygien adopté par les révolutionnaires depuis 1789, drapée à l'antique, elle est une allégorie de la Liberté, qui guide le peuple parisien dans la révolution. La composition forme un triangle dont le point culminant est le drapeau tricolore (aux couleurs de Paris et de la royauté), brandi par cette femme qui tient également dans sa main gauche un fusil à baïonnette. Par cette composition, Delacroix inscrit les Trois Glorieuses dans la continuité de la Révolution française et adopte une lecture résolument romantique de l'événement, qui exalte la grandeur du peuple parisien, guidé par un idéal de liberté.
Certains aspects de la révolution de Juillet sont en revanche laissés de côté. D'abord ses origines : le peuple de Paris s'insurge du fait de la politique réactionnaire du roi Charles X. Dans un contexte de montée des revendications, en particulier sur le rétablissement du suffrage universel, ce dernier publie 4 ordonnances qui restreignent fortement les libertés publiques dont, notamment, la liberté de la presse. Le 27 juillet 1830, les journalistes décident de désobéir et de faire paraître leurs journaux sans en demander l'autorisation. C'est le début de l'insurrection ; pourtant, aucun journaliste n'apparaît dans la composition. Delacroix, qui est un modéré et n'a pas participé aux combats, préfère exalter la Liberté en armes plutôt que de mettre en avant les menaces qui pèsent sur elle.
En outre, la violence des affrontements n'est représentée que de manière indirecte, par les cadavres de soldats morts au combat qui gisent au premier plan. Le peintre a choisi de représenter un assaut, dans une composition vive et tourmentée qui évoque la violence des combats. Cependant, ces derniers ne sont pas représentés directement. Le gouvernement envoie l'armée pour réprimer l'insurrection : à la fin des Trois Glorieuses, on compte environ 500 victimes dans les rangs des révolutionnaires et plusieurs milliers de blessés.
Enfin, la composition romantique du tableau de Delacroix exalte la Liberté et fait une lecture enthousiaste et triomphale de la révolution de Juillet 1830. La réalité est cependant plus nuancée : si Charles X est contraint d'abdiquer le 29 juillet, il laisse place à son cousin Louis-Philippe 1er, qui monte sur le trône sous le titre de « roi des Français ». La république n'est pas restaurée et la monarchie constitutionnelle au suffrage censitaire reste en place. Ce n'est pas un changement de régime, mais de dynastie.
En outre, la violence des affrontements n'est représentée que de manière indirecte, par les cadavres de soldats morts au combat qui gisent au premier plan. Le peintre a choisi de représenter un assaut, dans une composition vive et tourmentée qui évoque la violence des combats. Cependant, ces derniers ne sont pas représentés directement. Le gouvernement envoie l'armée pour réprimer l'insurrection : à la fin des Trois Glorieuses, on compte environ 500 victimes dans les rangs des révolutionnaires et plusieurs milliers de blessés.
Enfin, la composition romantique du tableau de Delacroix exalte la Liberté et fait une lecture enthousiaste et triomphale de la révolution de Juillet 1830. La réalité est cependant plus nuancée : si Charles X est contraint d'abdiquer le 29 juillet, il laisse place à son cousin Louis-Philippe 1er, qui monte sur le trône sous le titre de « roi des Français ». La république n'est pas restaurée et la monarchie constitutionnelle au suffrage censitaire reste en place. Ce n'est pas un changement de régime, mais de dynastie.
Pour conclure, le tableau d'Eugène Delacroix est inscrit dans la postérité, car il incarne l'idéal révolutionnaire et le combat pour la liberté d'un peuple uni dans la lutte. Œuvre empreinte de lyrisme romantique, elle est devenue un véritable symbole républicain. Elle laisse cependant de côté certains aspects de la révolution de juillet 1830, comme ses origines, la violence des affrontements et ses conséquences nuancées. En effet, ce n'est qu'après la révolution de 1848 que la république est restaurée et que le suffrage universel est rétabli en France.