La mise en œuvre du projet républicain


Fiche

La IIIe République est la plus longue république de l'histoire de France. Mise en place avec difficulté, elle finit par se consolider et par s'enraciner dans l'esprit des citoyens français, au point d'être indissociable de l'idée de patrie. Mais les gouvernements français des années 1880 et 1890 ont dû se battre pour faire triompher l'idéal républicain.
I. Une république consolidée
1. Des débuts difficiles
• La IIIe République connaît des débuts laborieux. Elle succède au second Empire, dissous le 4 septembre 1870 après l'humiliante défaite de la France contre la Prusse à Sedan et la capture de l'empereur Napoléon III. Cette situation provoque une crise politique qui rend difficile la définition d'un nouveau régime politique. Les divisions entre dirigeants politiques sont aussi le reflet des divisions de la population française. Cette dernière est encore très rurale (même si l'urbanisation gagne du terrain) ; or les campagnes sont plutôt conservatrices et veulent un gouvernement qui soit apte à maintenir l'ordre. À l'inverse, les villes, Paris en tête, sont plus progressistes.
Trois tendances politiques s'affrontent : les républicains modérés, les monarchistes et les républicains plus radicaux. Les bonapartistes (partisans de l'Empire) sont minoritaires. Le pouvoir exécutif est attribué à Adolphe Thiers, qui entend instaurer un régime d'ordre. Il met en œuvre cette politique depuis Versailles, où siège le gouvernement.
2. Des défis importants
• La République est confrontée à plusieurs défis. Du 18 mars au 28 mai 1871, un gouvernement insurrectionnel se met en place à Paris. C'est la Commune. Les insurgés mettent en place un système politique égalitariste qui s'oppose au gouvernement de Versailles, au capitalisme et à la bourgeoisie. Parmi les communards émergent des figures politiques comme Louise Michel, surnommée « la vierge rouge ».
• Les troupes gouvernementales donnent finalement l'assaut lors de la semaine sanglante. Les communards répondent en exécutant des otages, notamment l'archevêque de Paris et en incendiant de nombreux édifices symboliques du pouvoir comme l'Hôtel de Ville ou le palais des Tuileries. La répression, quant à elle, fait plusieurs centaines de morts. De nombreux communards, comme Louise Michel, sont condamnés au bagne.
3. La victoire des républicains
Les républicains réussissent finalement à s'imposer en s'éloignant des idéaux de la Commune (qui effraye les campagnes), et en profitant des divisions des royalistes entre orléanistes et légitimistes qui ont pourtant gagné les élections.
• Les lois institutionnelles de 1875, qui suppléent au fait que la IIIe République n'a pas de Constitution à proprement parler et qui font référence pour la première fois au mot « république », ne sont votées qu'à une seule voix de majorité. En théorie, le président de la République dispose d'importants pouvoirs, comme celui de dissoudre l'Assemblée nationale, alors que le président du Conseil, qui dirige le gouvernement, est à peine mentionné. Le président de la République, Mac-Mahon, est monarchiste et nomme des aristocrates pour diriger le gouvernement.
• Les républicains progressent toutefois dans l'électorat et obtiennent la majorité à la Chambre. En 1877, le président Mac-Mahon souhaite maintenir le duc de Broglie comme président du Conseil et dissout l'Assemblée, mais il n'obtient pas la majorité et doit céder. Les républicains triomphent et le président de la République s'abstient d'exercer ses pouvoirs. La République devient un système parlementaire, dans lequel le président du Conseil exerce l'essentiel des pouvoirs. Il faut maintenant faire accepter à nouveau un régime politique qui n'a pas bonne presse dans l'opinion et est marqué par les échecs (parfois sanglants) de la première et de la deuxième République.
Exercice n°1Exercice n°2
II. Un large consensus politique
1. Le choix d'une république modérée
• Pour établir un large consensus politique, et ménager les plus conservateurs, les gouvernements optent pour une république modérée, fondée sur les valeurs de 1789, et votent de nombreuses lois pour en faire une démocratie libérale et un régime populaire. Une première série de lois renforce les libertés individuelles et fait progresser les droits sociaux. Ainsi, la liberté de la presse et la liberté de réunion sont votées en 1881. Les syndicats sont autorisés en 1884, de même que le divorce. Une loi sur les associations est votée en 1901 (elle est toujours d'actualité).
2. Des lois qui fondent l'action de la République
• Parmi les lois les plus célèbres des débuts de la IIIe République, on peut citer les « lois Ferry » (de Jules Ferry) qui rendent l'enseignement primaire gratuit, obligatoire (loi de 1881) et laïque (loi de 1882), avec une obligation scolaire jusqu'à l'âge de 13 ans. Une loi de 1885 organise l'enseignement public et impose une « laïcisation » du personnel, complétée en 1904 par l'interdiction d'enseigner pour les congrégations religieuses. C'est une véritable révolution, car, jusque-là, ces dernières avaient la haute main sur l'éducation en France.
3. Symboles, valeurs : clés de l'enracinement de la vie républicaine
• Des fêtes et des symboles sont choisis pour contribuer à l'enracinement de la République. La Marseillaise devient officiellement l'hymne national en 1879, le 14 juillet est reconnu comme fête nationale en 1880, les représentations de Marianne se multiplient ainsi que toute une imagerie républicaine. De grandes célébrations républicaines, sans références religieuses, sont organisées, telles les funérailles de Victor Hugo le 1er juin 1885, qui rassemblent près de deux millions de personnes à Paris sur le passage du cortège jusqu'au Panthéon. Cet édifice, qui fut conçu pour être une église, vient d'être définitivement laïcisé par la République et consacré à sa vocation de tombeau des grands hommes de la République.
• La loi municipale de 1884 instaure l'élection au suffrage universel masculin du conseil municipal, qui désigne ensuite le maire de chaque commune. Il est demandé au maire d'avoir un local spécifique pour exercer ses fonctions : des mairies avec la devise de la République « liberté, égalité, fraternité » sont édifiées dans les villages et participent à la diffusion d'une culture républicaine dans les campagnes. Elles sont souvent complétées par la construction d'une école, qui jouera un rôle décisif dans la transmission des valeurs de la IIIe République (on surnomme les instituteurs les « hussards noirs de la République »).
• Ces valeurs s'imposent peu à peu : les républicains combattent la monarchie, l'influence de l'Église dans l'enseignement et la vie publique ; ils défendent la laïcité, la démocratie, les droits et devoirs des citoyens, les libertés et idéaux de 1789, l'éducation, la science et, bien entendu, la République dont les institutions doivent être connues de tous. Un véritable patriotisme républicain est développé dans la société.
Exercice n°3
III. Une république patriote
1. La République face aux oppositions
L'affaire Dreyfus dans Le Petit journal en 1895
La mise en oeuvre du projet républicain - illustration 1
• Les opposants à la République sont finalement vaincus. Les monarchistes disparaissent de la scène politique française. Les oppositions subsistent cependant : malgré l'appel du pape Léon XIII à se rallier à la République, certains catholiques peinent à accepter l'anticléricalisme républicain. Surtout, une partie des conservateurs se réfugie dans l'antiparlementarisme, à l'image du général Boulanger qui en 1888-1889 provoque une crise en s'opposant au régime républicain. Mais celui-ci sort renforcé des difficultés qu'il rencontre : le scandale politico-financier de Panama, les attentats anarchistes et surtout l'affaire Dreyfus (1894) divisent l'opinion, mais renforcent la République qui a réussi à implanter ses valeurs dans l'esprit des citoyens. La défense de la République devient une évidence : la culture républicaine est omniprésente et va de pair avec l'exaltation du patriotisme français.
2. La République et le patriotisme
• Le rappel des provinces perdues d'Alsace-Lorraine est une constante (elles sont coloriées en noir, signe de deuil, sur les cartes scolaires) par un régime politique qui est né des conséquences de la défaite française de Sedan. Le patriotisme est une valeur essentielle de la IIIe République et on le retrouve partout, à l'école, dans les institutions, dans la glorification de l'armée française qu'il faut redresser et réhabiliter auprès de la population. Ce patriotisme est tellement fort qu'il amène certains députés à critiquer les dépenses de la politique coloniale de Jules Ferry (surnommé « Ferry Tonkin »). Clemenceau exprime cette pensée en parlant à Ferry de la conquête de l'Indochine : « lorsque vous nous lancez dans ces aventures […] je déclare que je garde mon patriotisme pour la défense du sol national ».
• Le revers de ce patriotisme républicain est le développement du nationalisme et de l'esprit revanchard (antiprussien) dans la société française et en particulier chez les nationalistes conservateurs qui grossissent pour certains les rangs de l'extrême droite.
• À la fin des années 1890, la République est définitivement implantée et n'est plus contestée. Elle fait même partie de l'identité française. Elle n'a plus rien à craindre de ses opposants traditionnels, mais la montée des nationalismes et des ligues d'extrême droite laisse présager de nouveaux périls.
3. La laïcité
• Les hommes à l'origine de la fondation de la IIIe République sont profondément laïques. De leur point de vue, l'Église catholique, qui dirige une religion quasi majoritaire dans la population française, est une force réactionnaire proche des monarchistes (elle soutient la droite cléricale) et antirépublicaine. Ils estiment que l'Église manipule la population en utilisant le poids des curés dans les campagnes et son influence dans l'enseignement (la loi Falloux de 1850 lui a donné une place prédominante dans l'enseignement, l'éducation religieuse est obligatoire, et le curé surveille l'école avec le maire). Elle est « la religion de la majorité des Français » depuis le concordat de 1801 signé par Napoléon Ier, c'est-à-dire presque une religion d'État, ce qui choque les partisans des valeurs de 1789 (liberté de conscience). Cependant, ce même concordat permet une forme de contrôle sur le clergé qui est payé par l'État (celui-ci nomme aussi les évêques).
• Pour toutes ces raisons, les dirigeants de la IIIe République vont prendre toute une série de lois pour réduire l'influence des religions dans la vie publique en particulier, mais aussi privée (on parle de sécularisation de la société). Cependant, leur attachement aux libertés individuelles les pousse à rechercher un compromis avec l'ensemble de la société, même s'ils sont profondément anticléricaux.
• Les premières lois visant à réduire l'influence de l'Église catholique sont les lois instituant une école obligatoire, gratuite et surtout laïque (loi Ferry de 1882). Il n'y a plus d'enseignement religieux, le personnel des écoles publiques est laïcisé en 1886, on y enseigne les valeurs de la République et le patriotisme. La présence d'une école publique gratuite et obligatoire dans chaque village en fait le succès. Cependant, toujours dans l'idée d'un compromis, un jour consacré à l'enseignement religieux en dehors de l'école est prévu et les congrégations peuvent toujours diriger des écoles privées. Le repos dominical pour raisons religieuses est aboli en 1879. À partir de 1881, les cimetières ne sont plus réservés aux seuls croyants (on encourage même les enterrements civils en 1887). Les prières au Parlement sont supprimées en 1884, année où est rétabli le divorce (malgré l'opposition de l'Église). On enlève les crucifix dans les hôpitaux, les tribunaux, les écoles. Craignant que les femmes, davantage pratiquantes que les hommes, ne soient influencées par le clergé, les républicains ne souhaitent pas que les femmes obtiennent le droit de vote.
• La situation se dégrade dans les années 1890 avec l'arrivée de gouvernements plus radicaux, dans le contexte de l'affaire Dreyfus : l'Église catholique soutient en effet les antidreyfusards. De plus, le pape a appelé les catholiques français à accepter la République, mais à refuser la laïcité. Tout ceci a pour effet de faire monter l'anticléricalisme au sein des républicains au pouvoir. Ces derniers vont alors prendre des mesures plus radicales : avec la loi de 1901 sur les associations, les congrégations (communautés de clercs assurant un enseignement) sont obligées de demander une autorisation pour exister, et certaines sont dissoutes. Puis elles sont interdites d'enseignement en 1904. Le Vatican rompt avec la France.
La loi de 1905 de séparation de l'Église et de l'État marque l'apogée de l'anticléricalisme et des tensions avec le Saint-Siège de Rome. Elle rappelle que les édifices religieux sont propriété de l'État, qui accepte que les associations religieuses constituées selon la loi de 1901 y exercent gratuitement un culte. Elle pose surtout le principe de l'indépendance totale de l'État vis-à-vis des religions. Il est certes garant de la liberté de conscience et du libre exercice des cultes, mais n'en subventionne aucun. Acceptée par les juifs et les protestants, la loi est violemment rejetée par le pape et les catholiques. Les tensions culminent avec l'inventaire des biens du clergé en 1906, en particulier dans l'ouest et le sud du Massif central.
Exercice n°4
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