La difficile entrée dans l'âge démocratique : la IIe République et le second Empire
Le 24 février 1848, le roi Louis-Philippe Ier est chassé du pouvoir par une insurrection parisienne. La République est proclamée par Alphonse de Lamartine au balcon de l'Hôtel de Ville. Les idéaux d'une république apaisée, liés à un consensus social et à une véritable représentativité de la nation, semblent triompher. Pourtant, en 1851, à la suite d'un coup d'État, Louis-Napoléon Bonaparte, élu président de la République en 1848, établit un pouvoir personnel. À une république éphémère succède un empire qui dure jusqu'en 1870 en évoluant vers un système de plus en plus libéral. Ainsi, ces deux régimes constituent des témoins de la difficile entrée de la France dans l'âge démocratique. Comment expliquer l'échec de la IIe République ? Dans quelle mesure le second Empire constitua un régime de compromis entre autoritarisme et aspirations démocratiques ?
I. La IIe République, de l'« illusion lyrique » à la proclamation du second Empire
La IIe République naît dans un contexte d'enthousiasme, mais très rapidement, des clivages importants apparaissent entre ceux qui ont porté ce projet.
1. Le triomphe des idéaux démocratiques en 1848
• Le 24 février, la chute de la monarchie de Juillet conduit à l'union de forces politiques aux idées différentes, issues des courants réprimés pendant le régime précédent. Dans le contexte de l'insurrection parisienne, se réunissent alors à l'Hôtel de Ville des députés orléanistes, des républicains modérés, partageant avec eux les idées libérales, ainsi que des socialistes. Afin de satisfaire l'insurrection, mais aussi par pragmatisme politique, des modérés, comme Alphonse de Lamartine, finissent par se rallier à l'idée d'une république. Le poète romantique tente alors de porter les aspirations à la liberté et proclame la République, rendant ainsi impossible tout compromis sur la nature du régime.
• Il s'agit alors de fonder la République sur un projet qui garantisse les valeurs de 1789 tout en évitant les mesures rappelant la Terreur. Alors que certains insurgés qui se sont rendus le 27 février devant l'Hôtel de Ville tentent d'imposer le drapeau rouge pour la République, Lamartine le refuse, considérant que seul le drapeau tricolore est propre à incarner la concorde et l'unité de la nation.
• Le gouvernement provisoire réunit plusieurs tendances politiques. Il est majoritairement composé de libéraux, mais on trouve également des socialistes comme Louis Blanc et, pour la première fois, un ouvrier, Alexandre Martin, surnommé « l'ouvrier Albert ».
• Le gouvernement prend des mesures importantes pour l'affirmation de la démocratie en France :
- instauration du suffrage universel ;
- abolition de la peine de mort ;
- le 27 avril, l'esclavage est aboli dans les colonies françaises, grâce à l'action de Victor Schœlcher.
• Suivant les demandes des hommes de gauche présents au gouvernement provisoire, des mesures sociales sont promulguées. Pour lutter contre le chômage, des ateliers nationaux sont créés dès le 27 février 1848 afin d'embaucher des volontaires pour des grands travaux. La droite y voit une possibilité d'éviter de nouvelles émeutes.
• Les socialistes participent à la commission du Luxembourg, qui réfléchit à une refonte de l'organisation du travail et aux lois qui pourraient l'accompagner. Leurs travaux permettent de voter le 2 mars la réduction de la journée de travail de 11 à 10 heures par jour.
2. L'échec du projet républicain
Une du numéro 1 de La Cause du peuple par George Sand, 9 avril 1848.
• Dans le pays entier, des manifestations de joie ont lieu, avec plantation d'arbres de la liberté. Toutefois, cela masque aussi et surtout, outre les « républicains de la veille », acquis depuis longtemps à cette forme de gouvernement, des « républicains du lendemain », qui ont rallié le régime par opportunisme, sans conviction profonde. La République séduit des personnalités artistiques et littéraires, comme George Sand, qui s'engage auprès des socialistes, prenant position dans des journaux comme La Cause du peuple.
• Rapidement, plusieurs clivages apparaissent. Ils s'exposent au grand jour en vue des élections destinées à réunir une assemblée nationale constituante. Pour la première fois, l'ensemble de la population masculine est appelée aux urnes ; 84 % des suffrages sont exprimés. Les républicains modérés remportent 500 des 900 sièges, les monarchistes sont 200, les socialistes forment un groupe comparable. Les libéraux et les conservateurs sont ainsi majoritaires. Le nouveau pouvoir exécutif, formé de cinq membres, ne comporte aucun socialiste.
• Inquiet du foyer d'insurrection que pourraient devenir les ateliers nationaux, le gouvernement les fait fermer, enrôlant dans l'armée les ouvriers de moins de 25 ans qui y participaient et renvoyant les autres en province. Du 22 au 28 juin, une insurrection éclate à Paris en signe de protestation. Ces « journées de juin » sont violemment réprimées par le général Cavaignac (au moins 1 500 émeutiers sont fusillés), qui devient chef du gouvernement. Les libéraux et la bourgeoisie craignent désormais une insurrection conduisant à une prise du pouvoir par les socialistes et se rangent progressivement derrière une majorité qui soutient le « parti de l'Ordre » et derrière Cavaignac. Les mesures sociales sont annulées, la presse socialiste est censurée et plusieurs socialistes sont incarcérés ou s'exilent.
3. La prise du pouvoir par Louis-Napoléon Bonaparte
• La Constitution votée le 4 novembre est une solution de compromis. Elle a été rédigée par une commission dont fait partie Alexis de Tocqueville, spécialiste de la constitution des États-Unis. Les pouvoirs sont séparés et équilibrés. Le pouvoir législatif est entre les mains d'une assemblée unique (système monocaméral). Le président de la République est élu au suffrage universel pour quatre ans. Il dirige le gouvernement. Afin d'éviter un pouvoir personnel, on interdit sa réélection à la fin de son mandat.
• Les élections présidentielles sont prévues pour le 10 décembre 1848. À gauche, le socialiste Raspail et le républicain Ledru-Rollin se présentent. Lamartine, confiant en son aura de fondateur de la République, espère un succès. Le général Cavaignac apparaît comme le grand favori. Toutefois, Louis-Napoléon Bonaparte se présente également. Un certain nombre de membres du parti de l'Ordre se range derrière sa candidature. Des hommes comme Adolphe Thiers pensent qu'il est plus capable de rallier une partie de la gauche que Cavaignac et qu'il sera plus facilement manipulable (il qualifie Louis-Napoléon Bonaparte de « crétin qu'on mènera »). Il a par ailleurs écrit un ouvrage, De l'extinction du paupérisme, dans lequel il montre son intérêt pour la condition ouvrière et peut ainsi rallier des voix à gauche. Bonaparte, seul candidat dont le nom est connu dans les campagnes, est élu à 74,2 % des voix. Cette surprise montre combien, en quelques mois, le contexte a changé et combien l'avenir de la République est loin de l'« illusion lyrique ».
Exercice n°1Exercice n°2Exercice n°3II. Le second Empire : un régime autoritaire
Une fois élu président de la République, Louis-Napoléon Bonaparte confisque peu à peu le pouvoir avant de faire un coup d'État et d'établir le second Empire.
1. Vers le rétablissement d'un empire
• Une fois élu, Louis-Napoléon Bonaparte déjoue les plans des membres du parti de l'Ordre qui l'ont poussé vers le pouvoir. Il entend gouverner de manière personnelle, tout en entretenant un lien direct avec le peuple.
• Le président s'oppose à l'Assemblée. Celle-ci ne veut pas faire modifier la loi électorale empêchant le président de se présenter pour un second mandat. Sa majorité conservatrice fait restreindre de 30 % le nombre des électeurs en obligeant trois ans de résidence dans une commune pour avoir le droit de vote.
• Le 2 décembre 1851, jour anniversaire du couronnement impérial de Napoléon Ier et de la bataille d'Austerlitz, Louis-Napoléon Bonaparte opère un coup d'État, en s'appuyant sur l'armée dirigée par Saint-Arnaud. Il se justifie de façon démagogique en rétablissant le suffrage universel sans restrictions, mais il confisque tous les pouvoirs. Dans certaines régions, notamment dans le sud de la France, une résistance républicaine s'organise, mais elle est rapidement réprimée. Le 21 et le 22 décembre, il fait réaliser un plébiscite qui lui accorde 7,5 millions de « oui » approuvant la rédaction d'une nouvelle constitution, contre 640 000 « non » et 1,5 million d'abstentions. Louis-Napoléon Bonaparte se fait alors appeler « prince-président », annonçant un rapide changement de régime.
2. Une politique répressive
• Le 14 janvier 1852, une nouvelle Constitution est promulguée. Les institutions du nouveau régime sont mises en place de façon à donner de nombreux pouvoirs au prince-président. Il nomme les conseillers d'État, les sénateurs et les ministres. Il peut consulter le peuple par plébiscite. Le pouvoir législatif est divisé. Le Conseil d'État rédige les lois. Le corps législatif vote les lois, le Sénat vérifie leur constitutionnalité. Le corps législatif est élu au suffrage universel, mais le système des candidatures officielles, soutenues par le gouvernement, empêche une libre expression de la représentativité. Le 2 décembre 1852, Napoléon III rétablit l'Empire. Le 20 novembre précédent, cette décision avait été validée par plébiscite.
• Depuis le coup d'État, Louis-Napoléon Bonaparte mène une politique répressive. Des républicains sont conduits à l'exil, comme Victor Hugo dans l'île anglo-normande de Jersey, et dont George Sand plaida en vain la cause auprès de l'Empereur, ou encore comme Edgar Quinet. Napoléon III confie des postes clés du gouvernement à des personnes faisant partie de son entourage personnel, comme Morny ou Persigny pour le poste de ministre de l'Intérieur.
3. Politique de grandeur et évolution libérale
• Napoléon iii avait déclaré aux Français, à la veille du rétablissement de l'Empire : « L'Empire, c'est la paix. » Il souhaitait ainsi montrer qu'à la différence de son oncle, il n'engagerait pas le pays dans une politique expansionniste. Pourtant, il tente de restaurer la grandeur de la France sur la scène internationale.
- De 1853 à 1856, alliée avec la Grande-Bretagne, la France combat la Russie lors de la guerre de Crimée pour lutter contre l'influence russe en Méditerranée et soutenir l'Empire ottoman.
- Dès 1859, la France soutient l'unité italienne et s'agrandit de Nice et de la Savoie.
- De 1861 à 1867, les troupes françaises soutiennent l'empereur du Mexique Maximilien de Habsbourg.
• Si la guerre de Crimée et le soutien à l'Italie sont un succès, l'expédition du Mexique s'achève avec l'exécution de Maximilien par les révolutionnaires mexicains. La guerre de 1870 contre la Prusse se solde par une défaite et la chute du régime.
Exercice n°4Exercice n°5- Napoléon III mène une politique qui stimule l'économie. Poursuite de l'équipement en chemins de fer, soutien à l'industrie et au commerce avec la création des grands magasins, renouvellement de l'urbanisme parisien grâce à l'action du préfet de Paris, Haussmann, nommé en 1853 : tout ceci contribue à faire entrer la France dans l'âge industriel. Une politique sociale, conforme à la sensibilité de l'empereur à cette question, accompagne le tout. En 1868 sont créées les premières caisses de retraites, d'assurance maladie et d'accidents du travail.
- Cette politique s'accompagne d'une inflexion du régime qui connaît un tournant libéral à partir de 1862. Napoléon III entend ainsi répondre aux attentes des libéraux et assurer la pérennité du régime en lui accordant un plus large soutien. Il amnistie les opposants condamnés en 1852, et gouverne en accordant une plus large place aux débats au sein du corps législatif. En 1869, il obtient l'initiative des lois. En janvier 1870, Émile Ollivier est chargé de diriger le gouvernement, ce qui établit de fait un cabinet ministériel typique d'un régime parlementaire. Le 8 mai 1870, un plébiscite sanctionné par 7 millions de « oui » établit une nouvelle Constitution avec un système semi-parlementaire et achève la libéralisation du régime. Le conflit franco-prussien qui éclate le 19 juillet révèle toutefois la faiblesse des soutiens du régime et provoque son effondrement le 4 septembre de la même année.
Exercice n°1
Qui proclame la République en 1848 ?
Cochez la bonne réponse.
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La pensée politique de Lamartine évolue en passant du soutien à la Restauration à des idées plus libérales. En 1848, il se rallie à l'idée de République. Cette évolution est typique de celle d'une partie des romantiques.
Exercice n°2
Comment s'appelle la commission établie par les socialistes en 1848 pour contribuer à mettre en place une législation sociale ?
Cochez la bonne réponse.
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Cette commission, qui tient presque lieu de ministère du Travail, est une expérience nouvelle. Son nom vient du fait qu'elle siégeait au palais du Luxembourg.
Exercice n°3
Avec quel pourcentage des voix Louis-Napoléon Bonaparte est-il élu président de la République en 1848 ?
Cochez la bonne réponse.
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Ce succès électoral vient du fait que les candidats de gauche étaient liés à l'idée de révolution et l'image de Cavaignac, à celle de la répression sanglante. Bonaparte, dont le nom était connu dans les campagnes, a su rassurer à la fois les tenants de l'ordre et ceux attachés à un certain progrès social.
Exercice n°4
Quelle guerre est menée par Napoléon III, allié à la Grande-Bretagne, de 1853 à 1856 ?
Cochez la bonne réponse.
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Cette guerre, liée à la question des lieux saints de Jérusalem et à celle des détroits permettant le passage de la mer Noire à la Méditerranée, oppose Russie et Empire ottoman. Devant la menace d'une présence russe en Méditerranée, Français et Britanniques interviennent du côté de l'Empire ottoman et remportent la victoire, ce qui accroît le prestige de Napoléon III.
Exercice n°5
Qui Napoléon III nomme-t-il préfet de Paris afin de mener à bien de grands travaux d'urbanisme ?
Cochez la bonne réponse.
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Le baron Georges Eugène Haussmann est nommé préfet de Paris en 1853 par Napoléon III dans le but de transformer la ville de Paris. Il accomplit un profond travail de renouvellement qui donne à la ville sa physionomie actuelle, même si son œuvre est achevée seulement sous la IIIe République. Critiqué par les libéraux, il est démis de ses fonctions par Napoléon III le 5 janvier 1870.