Liberté ou contrôle de l'information : un débat politique fondamental


Fiche

La question de la liberté de l'information est fondamentale au sein des différents régimes politiques. Si les régimes dictatoriaux pratiquent censure et propagande, la situation dans les démocraties reste complexe. La liberté de la presse est en effet affirmée dans les textes fondamentaux, mais les attentes de l'opinion publique, le poids des lobbies et des groupes financiers rendent souvent la frontière ténue entre presse d'opinion et presse d'information. La question est également géopolitique, car dans le monde, on voit nettement s'opposer des États où la liberté de l'information est garantie, souvent les démocraties occidentales, des États, essentiellement en Asie et au Proche et Moyen-Orient, où celle-ci est fortement restreinte. On trouve également un ensemble de pays dans lesquels, malgré une liberté reconnue, celle-ci rencontre de fortes entraves. Quels sont les enjeux de ce débat politique entre contrôle ou liberté de l'information ?
L'information dépendante de l'opinion ?
La loi et l'information
La première question qui se pose, même dans un système démocratique, est la question du rapport entre l'information et l'opinion. La presse cherche-t-elle à vendre ses titres à un public acquis ou à diffuser ses propres idées, ou celles de ceux qui la financent, sous le masque de l'objectivité ? Le cadre légal des démocraties protège, quoi qu'il en soit, la liberté de la presse, à condition qu'il n'y ait pas incitation à la haine, au racisme ou aux atteintes aux biens ou aux personnes. La loi française du 29 juillet 1881 garantit ce cadre. La liberté d'expression au sein de la presse et les débats qu'elle engendre sont ainsi considérés comme une manière d'entretenir le débat démocratique.
L'information et le débat démocratique : l'exemple de l'affaire Dreyfus
Ces débats entretenus par la presse peuvent être décisifs pour la vie démocratique. C'est ce qu'a montré, en France, l'affaire Dreyfus. De 1894 à 1906, deux camps s'affrontent dans la presse. Les Dreyfusards défendent l'innocence du capitaine Alfred Dreyfus, accusé d'espionnage à la solde de l'Allemagne. Les antidreyfusards le considèrent comme coupable, notamment par antisémitisme, compte tenu des origines juives de l'accusé. Dreyfus est condamné mais son procès est révisé en 1906 suite à l'action de certains journalistes et d'intellectuels. Pendant l'ensemble de l'affaire, la presse engagée soutient un camp ou l'autre. La Libre Parole d'Édouard Drumont est violemment antidreyfusard. Les journaux engagés à gauche sont plutôt dreyfusards, comme L'Aurore, qui publie le 13 janvier 1898 le J'accuse de Zola, une lettre ouverte au président de la République dans laquelle il défend Dreyfus. Ce dernier est gracié en 1899 en partie grâce à l'écho de ce texte. Une part importante de la presse d'information hésite à s'engager en faveur de Dreyfus, par peur de s'opposer à l'autorité de l'État et de l'armée, ou pour aller dans le sens d'un lectorat fortement antigermanique et antisémite. C'est seulement au début du xxe siècle que le rapport entre la presse des deux camps tend à s'équilibrer. Ainsi, il apparaît, dans l'affaire, que la presse dreyfusarde, bien que minoritaire dans l'opinion, a gagné un important combat.
Information et opinion publique : des influences réciproques
Ces basculements de l'opinion au sein de la presse sont récurrents tout au long des xxe et xxie siècles : la presse et les autres sources de l'information les plus engagées préparent l'opinion aux grandes mutations sociétales ou politiques. Les autres médias tendent à évoluer plus lentement, étant davantage liés, notamment en termes de ventes, d'audience ou de clics, à la fidélité de leur lectorat.
Exercice n°1Exercice n°2
L'information entre les marchés et l'État
Acteurs publics, acteurs privés
L'indépendance de l'information n'est jamais totale. Pourtant, un des principes de la démocratie est l'indépendance des médias. Est-ce nécessairement une illusion ? Deux influences sont possibles. La première est celle de l'État, la seconde, celle des acteurs économiques privés. Par le biais de subventions, l'État peut soutenir l'existence d'un média. Dans le domaine de la télévision et de la radio, l'existence de chaînes nationales, appartenant à l'État, lui donne un poids important dans le domaine de l'information. Dans certains États autoritaires, ces médias se font le relais presque exclusif des opinions des autorités. Quant aux médias privés, ils sont marqués par la nécessité d'assurer leur financement, qui n'est pas toujours garanti par le fruit des ventes. Le poids des annonceurs publicitaires y est donc très important, ainsi que celui des grands groupes financiers auxquels les grands médias sont souvent adossés. Les grands groupes de presse sont aujourd'hui les acteurs d'un marché médiatique qui brasse des sommes importantes et dans lequel l'information, son audience et sa diffusion ont une importante valeur marchande.
Le rôle des agences de presse : l'exemple de Havas puis de l'Agence France-Presse (AFP)
Quant à la source de l'information, elle est également déterminante pour l'indépendance des médias. Le rôle des agences de presse est de trouver l'information à la source. Ces organisations indépendantes, qui vendent leurs informations aux médias qui les diffusent, ont une histoire qui les lie à l'État et aux entreprises. Le cas français est intéressant. L'Agence France-Presse (AFP) est présente dans 151 pays. Elle ne reçoit aucune subvention de l'État et vit de la vente de ses dépêches, qui sont ensuite reprises dans la presse. Elle fournit essentiellement des informations brutes. L'AFP est héritière de l'Agence Havas, qui fut la première agence de presse présente dans plusieurs pays. Fondée en 1835 par Charles Havas. Elle est également une entreprise publicitaire. En 1940, le régime de Vichy sépare les deux secteurs. L'entreprise publicitaire demeure l'Agence Havas, mais la partie agence de presse passe sous contrôle de l'État français qui la rebaptise Office français de l'information. En 1944, des journalistes résistants en prennent le contrôle et la rebaptisent Agence France-Presse et en font l'actuelle structure, désormais indépendante de l'État et marquée par le souci d'objectivité. Toutefois, à l'heure d'Internet, la reprise rapide et sans analyse des informations provenant de sources peu fiables pose la question d'une circulation sans approfondissement.
La question de l'indépendance de l'information
Aujourd'hui, l'information est également confrontée à la question de son rapport à la publicité. Le rôle des annonceurs dans le financement des médias, qui est fondamental dans les contenus gratuits, tant sur papier que sur Internet pose la question de l'indépendance de l'information vis-à-vis de ceux qui la financent. C'est pourquoi des organismes indépendants exercent parfois un pouvoir de contrôle et informent l'opinion. Aux États-Unis, les lois anti-trust s'appliquent également dans le domaine médiatique, empêchant la concentration des médias dans un nombre trop restreint de groupes de presse.
Exercice n°3
Information et propagande en temps de guerre
Contexte de guerre et liberté de l'information
En temps de guerre, la plupart des États pratiquent un contrôle de l'information qui peut aller jusqu'à la censure, dans certains cas. Cela est systématique dans les régimes autoritaires, mais peut aussi avoir eu lieu dans des régimes démocratiques. En France, pendant la Première Guerre mondiale, on dénonce le « bourrage de crâne » de la propagande. Lors de la guerre du Golfe, en 1991, on diffuse l'idée d'une « guerre propre », relayée par certains médias suite aux points presse des armées de la coalition. Plus généralement dans le monde, on constate, aujourd'hui, que dans les pays subissant un conflit, la liberté de la presse est généralement restreinte.
L'exemple de la guerre du Vietnam
Manifestation de protestation contre la guerre aux États-Unis, le 21 octobre 1967
Liberté ou contrôle de l'information : un débat politique fondamental - illustration 1
Dans les démocraties, il est également possible que la presse s'engage pour ou contre le conflit, même si le type de conflit conditionne le rapport à la presse. L'invasion du territoire national n'est pas vécue de la même façon qu'une guerre lointaine. L'exemple du traitement de l'information sur la guerre du Vietnam aux États-Unis dans les années 1960 et 1970 (les États-Unis y interviennent massivement de 1965 à 1973) est particulièrement révélateur. La médiatisation a en effet à la fois exalté la défense contre l'attaque communiste perpétrée par le Nord contre le Sud, avant que la médiatisation de la contestation du conflit n'intervienne. A-t-elle préparé l'opinion au retrait ? Ou alors les médias ont-ils suivi l'évolution de l'opinion de plus en plus marquée par les morts et les blessés de guerre américains ? La presse a-t-elle suffisamment relayé les propos des opposants à la guerre au nom du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes ? Les réponses à ces questions restent ouvertes.
Conflit et opinion
Au début du conflit, les médias reçoivent essentiellement leurs informations lors des points presse organisés par l'armée. Les journalistes présents sur place devaient bénéficier d'une accréditation en échange de leur engagement tacite à présenter le conflit comme légitime. Le basculement de la presse naît surtout de la couverture médiatique de la contestation, qui commence à se faire alors que l'opinion penche majoritairement en faveur du désengagement, c'est-à-dire vers 1968. La couverture de la guerre a par ailleurs modifié profondément le type d'images diffusées : à la fin des années 1960, des images choc montrant les civils frappés par les attaques au napalm font tomber l'image héroïque de la guerre, même si une partie de la presse conservatrice considère que ces images relèvent de la stratégie communiste visant à retourner l'opinion américaine.
Exercice n°4Exercice n°5
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