L'Union européenne et la démocratie
Fiche
L'Union européenne constitue un cas unique au monde de construction supra-étatique. Les 27 pays membres ont en effet décidé de construire non seulement une zone de libre-échange économique, mais aussi un espace politique de prise de décisions communes et de construction d'une citoyenneté. Au sein de ces institutions, les principes démocratiques sont garantis. Les procédés mis en œuvre sont complexes : les institutions européennes voisinent avec celles des États membres en suivant la logique de subsidiarité. Les citoyens élisent directement leurs représentants au Parlement, selon les principes de la démocratie représentative, mais l'Union européenne est aussi une démocratie déléguée (ou délégative) en ce sens que les citoyens peuvent également intervenir directement dans certains processus. Quelles sont les spécificités du fonctionnement des principes démocratiques au sein de l'Union européenne ? Quelles sont les limites de ce système et quels sont les moyens mis en œuvre pour rapprocher l'Union de ses citoyens ?
Des institutions entre démocratie représentative et démocratie déléguée
Les principes fondateurs des institutions européennes
L'hémicycle du bâtiment Louise-Weiss du Parlement européen à Strasbourg, lors d'une séance plénière en 2014
Les institutions de l'Union européenne sont nées en 1957 après la promulgation du traité de Rome entre les six membres fondateurs de la Communauté économique européenne (CEE), devenue Union européenne suite au traité de Maastricht en 1992. Ces institutions ont profondément évolué dans deux directions : celle de l'approfondissement, pour resserrer les liens entre les États membres et celle de l'élargissement, à mesure que de nouveaux pays intégraient l'Union (Royaume-Uni, Irlande et Danemark en 1973, Grèce en 1981, Espagne et Portugal en 1986, Suède, Autriche, Finlande en 1995, dix pays d'Europe de l'Est et du Sud en 2004, Roumanie et Bulgarie en 2007, Croatie en 2013). La difficulté étant la prise en compte à la fois de l'égalité entre les citoyens et entre les États membres.
Les institutions européennes
Les institutions européennes ont été conçues suivant ces impératifs pour répondre le mieux possible aux principes démocratiques. Le pouvoir législatif est partagé entre le Parlement européen et le Conseil de l'Union européenne. Le Parlement est élu au suffrage universel direct, suivant un scrutin proportionnel, dans chaque pays. Les députés forment ensuite, à l'échelle européenne, des groupes en fonction de leur famille politique. Le Conseil de l'Union européenne dispose aussi du pouvoir législatif. Il est composé par les ministres de chacun des pays de l'Union concernés par les questions portées à l'ordre du jour.Le pouvoir exécutif est lui aussi partagé entre plusieurs institutions. Le Conseil européen est composé des chefs d'État ou de gouvernement, suivant le choix des pays, de chacun des États membres. Il est présidé par une personnalité élue par ses membres, mais qui n'est pas un des chefs d'État ou de gouvernement participants. Ce président représente l'Union européenne. Depuis 2014, ce poste est occupé par le Polonais Donald Tusk. Le Conseil européen fixe les grandes lignes de la politique de l'Union. Quant à la Commission européenne, elle est composée d'un commissaire européen désigné par chaque pays. Elle a l'initiative des lois et surveille leur application. Le pouvoir judiciaire est détenu par la Cour de justice de l'Union européenne.
La question de la prise de décisions
Au sein de ces institutions, la prise de décision met en œuvre des mécanismes complexes. Au sein du Parlement, la constitution de groupes parlementaires fondés sur les idées communes des députés participants tend à diminuer le poids des États. Entre États, au sein des autres institutions, il a été nécessaire de prendre des mesures pour éviter que les pays les moins puissants ou les moins riches ne soient pénalisés. L'idée d'une Constitution européenne ayant été rejetée en 2005 par référendum en France et aux Pays-Bas a obligé à trouver d'autres voies de fonctionnement. Le traité de Nice, en 2001, puis celui de Lisbonne en 2009 ont revu le fonctionnement des institutions de façon à davantage les rapprocher et à donner plus de poids au président de la Commission européenne.Exercice n°1Exercice n°2
Une Union face à ses États membres
Plusieurs visions de l'Europe
Les rapports entre les États et l'Union européenne posent la question de la manière dont chaque État pense son rapport à l'Union. S'il y a consensus sur le fait d'appliquer les principes de la démocratie, plusieurs visions existent.La première est celle d'une Union européenne supranationale. Dans ce schéma, les États conservent leur souveraineté mais acceptent de se soumettre aux décisions communes. C'est ce mode de fonctionnement qui a été retenu en 1957. À cela s'ajoute le principe de subsidiarité, qui confie à l'échelon le plus proche des citoyens les principales responsabilités, par un double mouvement de délégation et de subordination. L'échelle de l'Union agit donc en tenant compte de l'échelon national, puis régional, puis local, mais peut leur imposer ses décisions.
D'autres voies auraient été possibles pour l'Union européenne et restent promues par certains mouvements politiques. La première serait une Union européenne fédérale, avec un État central commun, parfois défendue dans les années 1960 par les partis démocrates chrétiens en Italie ou en Allemagne. La France du général de Gaulle ou, aujourd'hui, certains mouvements populistes souhaitent une Europe dans laquelle les nations resteraient souveraines. Certains partis politiques placent actuellement ce souverainisme au cœur de leurs choix politiques. Le groupe de Visegrad, constitué par la Hongrie, la Pologne, la Slovaquie et la République tchèque, défend aujourd'hui cette idée, notamment dans le cadre des politiques migratoires (en refusant que l'Union puisse contraindre un pays à accueillir des migrants) et, au Royaume-Uni, leur victoire lors du référendum de 2016 a conduit au Brexit.
La question des décisions au sein de l'Union
Pour prendre les décisions nécessaires au fonctionnement de l'Union, le principe de la majorité qualifiée a été retenu. Le traité de Nice déclare en effet que pour qu'une décision soit prise au sein du Conseil de l'Union européenne, il est nécessaire que 14 pays sur 27 (à cette époque) soient d'accord, ou bien que les pays qui sont d'accord avec cette décision représentent plus de 62 % de la population de l'Union. Pour certaines décisions, comme l'admission d'un nouveau pays membre, ou les politiques ayant trait à la sécurité, l'unanimité reste requise.Une Union à géométrie variable
Afin de concilier ses spécificités et les souverainetés de ces choix, chaque pays est libre d'adhérer ou non aux politiques européennes. Ainsi, tous les pays de l'Union ne font pas partie de l'espace Schengen, par exemple le Royaume-Uni, et ont conservé leurs propres lois en matière de circulation et de séjour des personnes. Tous les pays ne font pas partie de la zone euro. Certains parce qu'ils ne le veulent pas, comme le Royaume-Uni, le Danemark ou la Suède, qui souhaitèrent conserver leurs monnaies, d'autres parce qu'ils ne répondent pas aux critères de convergence pour faire partie de la monnaie commune.Exercice n°3Exercice n°4
Une Union face à ses citoyens
Une Union européenne face à son image
L'Union européenne est une démocratie représentative ayant plusieurs spécificités. Pour le Parlement, le système est une représentativité fondée sur un scrutin proportionnel. En revanche, pour les autres institutions, ce sont les gouvernements des différents pays qui constituent les institutions ou choisissent leurs membres. Ce sont donc des élus qui désignent ces personnes. Les citoyens ont ainsi le sentiment d'être éloignés des décisionnaires et de ne pas leur avoir réellement accordé de mandat. Les directives venant de la Commission européenne sont souvent interprétées comme ne tenant pas compte de l'avis des citoyens. Celles qui concernent les prix agricoles, ou encore les règles de l'accueil des migrants sont ainsi stigmatisées par les partis qui, dans chaque pays, redoutent la perte de la souveraineté nationale. L'Union européenne est ainsi interprétée comme étant le domaine des technocrates sans lien avec les citoyens et faisant le jeu de certains lobbies.Des efforts de réforme
Les élus européens et les membres des différents conseils ont mis en œuvre des politiques visant à améliorer l'image de l'Union et à renforcer la participation des citoyens aux institutions. Ainsi, en 2012, après le traité de Lisbonne, a été mise en place l'Initiative citoyenne européenne, qui relève du domaine de la démocratie déléguée et permet aux citoyens d'intervenir directement dans le processus législatif de l'Union. Si un million de citoyens provenant d'au moins un quart des pays membres de l'Union proposent une nouvelle loi à la Commission européenne, celle-ci doit l'examiner, après avoir jugé de sa recevabilité. Quatre d'entre elles ont abouti, concernant l'abolition de certains pesticides, la qualité de l'eau, la dignité des personnes et l'interdiction de l'expérimentation animale. L'Union communique également davantage sur certains de ses domaines de compétences, notamment dans l'aide aux régions, ou encore au soutien de politiques environnementales, domaines dans lesquels elle contribue, à toutes les échelles, à soutenir des formes de débats démocratiques.Face à l'euroscepticisme
Dans plusieurs pays, l'euroscepticisme s'est ainsi manifesté. Lors du vote du traité de Maastricht, en 1992, lors de celui sur la Constitution de l'Union, refusée en 2005 lors des référendums en France et aux Pays-Bas, ou encore lors de la promulgation de la directive Bolkestein en 2006, qui libéralisait le marché du travail, faisant craindre une baisse des salaires et une concurrence accrue causée par les travailleurs provenant d'Europe de l'Est. Les partis souverainistes, eurosceptiques, ou encore populistes utilisent ces thèmes, faisant de l'Union européenne et de ses institutions un des termes du débat national davantage qu'une réflexion sur les enjeux à l'échelle du continent. Le référendum qui, au Royaume-Uni, a sanctionné le Brexit en 2016 montre la victoire possible de forces centrifuges, motivées par la perte supposée de souveraineté du pays. L'Union européenne peine donc à mettre en œuvre une démocratie transnationale et ses membres doivent aujourd'hui chercher de nouvelles façons d'impliquer les citoyens dans son fonctionnement.Exercice n°5
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