Avancées et reculs des démocraties
Fiche
Depuis le xixe siècle, les idées démocratiques se sont affirmées. Aujourd'hui, les gouvernements de type démocratique se sont largement diffusés dans le monde, même s'il peut s'agir davantage d'une forme que d'un contenu. Ce modèle s'est répandu à partir des expériences politiques européennes de la fin de l'époque moderne, en Angleterre, aux États-Unis à partir de 1776, en France depuis 1789. Mais, tout au long du xxe siècle, la démocratie a été contestée et a connu des reculs notables, avant de remporter de nouvelles victoires depuis les années 1970. Actuellement, les démocraties tentent d'apporter de nouvelles réponses aux défis inédits auxquels elles sont confrontées.
Les fragilités des démocraties
Des limites anciennes
Les partisans des démocraties libérales sont conscients des limites que ce système peut rencontrer et des remèdes qu'il est possible d'y apporter. Dès l'époque de la démocratie athénienne, au ve siècle av. JC, la démagogie, fait de produire un discours politique dans le seul but de se faire élire, et la corruption sont connues. Périclès lui-même est accusé de la première. Des mesures sont mises en place pour tenter d'y remédier. Au xixe siècle, la question porte sur l'articulation entre égalité et liberté. Pour garantir la première, faut-il limiter la seconde ?Comment répondre à ces critiques : l'exemple d'Alexis de Tocqueville
Alexis de Tocqueville, Huile sur toile de Théodore Chassériau, château de Versailles, 1850
Cette pensée est développée par Alexis de Tocqueville dans son ouvrage De la démocratie en Amérique, publié en 1840. Ce penseur français, démocrate et qui fut un des inspirateurs de la Constitution de 1848, observe le système politique américain et en fait une lecture critique. Plusieurs risques apparaissent. Le premier est la constitution d'une classe dirigeante détachée des citoyens qu'elle est censée représentée, donnant ainsi une dimension oligarchique au système politique. Un autre risque est que les idées reçues triomphent au sein de l'opinion et empêchent ou limitent l'exercice d'un esprit critique. Il observe de quelle manière le système politique des États-Unis met en place des mécanismes et des contre-pouvoirs qui empêchent ces dérives. Le premier est la stricte égalité politique des citoyens, associée à des garanties de liberté d'expression. Le second est la séparation et l'équilibre des pouvoirs (« checks and balances »), dans l'esprit de Montesquieu. Vient ensuite la multiplication des pouvoirs à toutes les échelles : celle de l'État fédéral, celle de chacun des États, des comtés, des municipalités.
La diffusion du modèle démocratique
Ces principes, décrits pour l'Amérique, furent appliqués dans des contextes très différents dans la seconde moitié du xixe siècle : monarchie parlementaire au Royaume-Uni, République en France, avec des solutions différentes, la France conservant, par exemple, un système centralisé tout en garantissant les libertés et l'exercice de la démocratie. Ailleurs en Europe, ces idées démocratiques se heurtent aux idées conservatrices, notamment en Russie où le parlementarisme n'est instauré qu'en 1905.Exercice n°1
Des démocraties mises à l'épreuve au xxe siècle
La démocratie libérale : une « démocratie bourgeoise » ?
Tout au long du xxe siècle, les démocraties furent remises en cause. Certains pays abandonnèrent la démocratie libérale. La démocratie libérale est en effet contestée par plusieurs idéologies ou idées politiques. À gauche, les marxistes se divisent, à partir de la Révolution russe de 1917 et la constitution de partis communistes en 1920 et 1921, entre une gauche réformiste (socialiste), acceptant la démocratie libérale, et une gauche révolutionnaire (communiste), la refusant. Pour les communistes, la démocratie libérale permet la domination de la bourgeoisie et doit être remplacée par la dictature du prolétariat et un système de parti unique ou dominant. Dès 1917, Lénine met en place en Russie une élimination des opposants qui aboutit sous Staline à un totalitarisme. Après 1945, ce type de régime est élargi aux « démocraties populaires » installées dans les pays occupés par l'Armée rouge à la fin de la Seconde Guerre mondiale et qui forment le bloc de l'Est. En Asie, la Chine en 1949, la Corée du Nord, le Vietnam, le Laos et le Cambodge connaissent un destin semblable, ainsi que Cuba en Amérique latine.La démocratie libérale contre les idéologies fasciste et nazie
En Italie en 1922 et en Allemagne en 1933, la démocratie libérale est accusée par Hitler et Mussolini d'avoir contrarié les ambitions nationalistes. Ils mettent en place deux régimes fondés sur la violence, le culte du chef et l'élimination ou l'exclusion de la vie civique des opposants ou des personnes ne correspondant pas aux critères racistes mis en place, tels les juifs dans le régime nazi. Le fascisme et le nazisme nient donc les principes fondamentaux de la démocratie libérale au profit d'une vision ethnique, et non politique, du peuple.Démocraties et guerre froide
Après la victoire de 1945 sur le nazisme et le fascisme, on voit subsister, au sein du bloc de l'Ouest, des régimes dictatoriaux de type conservateur, fondés sur l'absence de pluralisme et une répression des opposants. Les États-Unis, qui sont pourtant une démocratie libérale, soutiennent ces régimes car ils y voient un moyen pour lutter contre l'influence communiste. C'est le cas en Espagne, avec le régime de Franco qui s'installe de 1939 à 1975, ou au Portugal, avec le régime de Salazar. Au Chili, la CIA soutient le coup d'État de 1973 qui conduit à la prise du pouvoir par le général Pinochet à la place du président de gauche qui avait été élu en 1970, Salvador Allende. Les opposants sont violemment réprimés. Des régimes autoritaires sont également soutenus au Vietnam du Sud et dans des pays d'Amérique latine comme le Brésil ou l'Argentine.Exercice n°2Exercice n°3
Un triomphe de la démocratie libérale ?
Une poussée démocratique depuis les années 1970
Dès les années 1970, on assiste à une poussée démocratique, tout d'abord dans l'Europe marquée par la guerre froide. Dans le bloc de l'Ouest, les dictatures tombent. En Grèce, où s'achève le régime des Colonels en 1974. Au Portugal, le 25 avril 1974, une partie des militaires se désolidarise du régime dictatorial de Caetano, qui a succédé à Salazar en 1968. Ils s'opposent à la politique de maintien des colonies africaines au prix de guerres coûteuses et à l'absence de liberté. Ces militaires soutiennent l'insurrection populaire dont les acteurs portent un œillet à la boutonnière, d'où le nom de Révolution des œillets. En Espagne, à la mort de Franco, en 1975, la monarchie est rétablie au profit de Juan Carlos Ier. Celui-ci engage le pays dans un processus de retour à la démocratie et s'oppose, notamment, à la tentative de coup d'État militaire de 1981. En 1982, l'alternance démocratique a lieu et la gauche gagne les élections : la démocratie libérale, rétablie, prouve son bon fonctionnement.La démocratie libérale : un système universel après la fin de la guerre froide ?
Dans les pays d'Europe de l'Est, les tentatives de rétablissement d'une démocratie libérale avaient échoué en Hongrie en 1956 et en Tchécoslovaquie en 1968, lors du printemps de Prague face à l'intervention des troupes du pacte de Varsovie. Le mouvement démocratique en Pologne s'incarne dans le syndicat Solidarnosc. En 1989, après la chute du mur de Berlin, les anciens pays du bloc de l'Est, puis, en 1992, la plupart des anciennes républiques soviétiques en Europe adoptent la démocratie libérale. Dans les années 1990 et 2000, des processus de démocratisation marquent également l'Afrique et l'Amérique latine. Toutefois, plusieurs défis subsistent. En Asie, les régimes communistes demeurent, à commencer par la Chine, qui mène en 1989 une terrible répression contre le mouvement étudiant de la place Tian'anmen, demandant davantage de démocratie. Au Moyen-Orient, l'émergence d'un autre modèle politique, celui de la République islamique iranienne, dès 1979, et plus largement, celui de l'islam politique, proposent des valeurs démocratiques, mais fondées en premier lieu sur le respect des normes religieuses. Au Moyen-Orient, toujours, les interventions américaines en Afghanistan sous mandat de l'ONU en 2001, puis en Irak, sans mandat, en 2003 tentent d'établir des régimes démocratiques qui apparaissent à certains comme imposés depuis l'étranger et qui s'adaptent difficilement aux contextes marqués par la coexistence de différentes communautés ethniques ou religieuses. De nouvelles voies ont dû être trouvées, notamment en Irak, pour assurer une représentation non seulement des différents territoires, mais aussi des différentes communautés afin d'éviter que la plus nombreuse n'accapare totalement le pouvoir, au risque de provoquer des mouvements sécessionnistes ou des rébellions armées. En Afrique du Nord et au Moyen-Orient, les Printemps arabes de 2011 n'ont conduit qu'imparfaitement à l'instauration de régimes démocratiques.Un système entre contestation et renouveau
Dans les anciennes démocraties libérales occidentales, on constate également plusieurs limites. La première réside dans la perturbation du jeu démocratique par la multiplication des informations infondées ou les effets d'annonce sur les nouveaux médias. La seconde se trouve dans l'affirmation de mouvements populistes, qui ravivent des critiques contre la démocratie libérale – corruption, domination des élites –, souvent doublées d'un discours xénophobe. La solution proposée par ces mouvements est celle d'un régime autoritaire plus largement fondé sur les référendums que sur la représentation. Dans certains pays d'Europe, comme la Hongrie ou l'Italie, des mouvements de ce type sont parvenus à accéder au gouvernement. Ce type de « démocratie autoritaire » est également incarné, dans le monde, par des figures de présidents comme Vladimir Poutine, en Russie, dont le discours est centré sur la grandeur nationale, ou Recep Tayyip Erdogan en Turquie, défendant un retour aux valeurs de l'islam. La pratique des déclarations virulentes via les réseaux sociaux par Donald Trump relève également d'une approche populiste de la démocratie. Les démocraties libérales doivent donc trouver aujourd'hui de nouveaux outils pour répondre à ces critiques. La mise en place d'une égalité plus grande entre les territoires, le développement de la démocratie participative à toutes les échelles et la généralisation des débats font partie des solutions qui ont été proposées, notamment en France depuis la crise des gilets jaunes, en 2018-2019.Exercice n°4Exercice n°5
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