La fragmentation des espaces ruraux
Fiche
Les espaces ruraux sont toujours marqués par des spécificités : présence de l'agriculture dans les paysages et dans les emplois ; aussi les modes de vie et de travail y sont différents de ceux des villes. Toutefois, de plus en plus liés aux villes, ils assurent, à l'échelle mondiale, leur alimentation en produits alimentaires et en matières premières issues de l'agriculture. Mais, dans certains espaces ruraux, la part relative de l'agriculture dans l'emploi tend à diminuer. De plus en plus divers, leur rapport avec la ville est une des clés de compréhension de cette diversité. Certains d'entre eux connaissent une dynamique de croissance dans le cadre de leurs liens avec les villes, alors que d'autres sont, au contraire, davantage relégués. Toutes ces questions sont également liées à celles de l'agriculture durable et de la préservation des paysages et de l'environnement, qui jouent un rôle essentiel dans les espaces ruraux.
I. Espaces ruraux, espaces agricoles
1. L'agriculture et les espaces ruraux
• Dans le monde actuel, les espaces agricoles représentent 25 % des terres émergées. Les espaces ruraux sont constitués des terres dédiées à l'agriculture et à l'élevage, ainsi qu'aux espaces naturels qui leur sont liés. Ils s'opposent aux espaces urbains à la fois par la prégnance de l'agriculture et par un habitat moins dense.
• Les espaces ruraux sont souvent des lieux dans lesquels l'emploi agricole reste plus important que dans les autres territoires. Ce qui ne signifie pas que les habitants des zones rurales soient majoritairement agriculteurs. Très souvent, dans les pays du Nord, les agriculteurs sont largement minoritaires, même dans les espaces ruraux, représentant 5 à 20 % de la population de ces espaces. Dans le Sud, en revanche, les agriculteurs représentent souvent une part plus importante. Dans les PMA africains, on peut trouver des taux s'élevant à plus de 70 %. C'est en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud qu'on trouve aujourd'hui des pays où le nombre de ruraux est supérieur à celui des urbains.
• Toutefois, la part des ruraux dans les populations tend à diminuer partout, car l'augmentation de la productivité diminue la nécessité de main-d'œuvre.
2. L'agriculture traditionnelle
• Les systèmes agricoles traditionnels existent toujours, même s'ils sont de plus en plus rares à n'être pas marqués par le productivisme. Il s'agit d'une polyculture de produits de base traditionnels de l'Afrique, de l'Asie ou de l'Amérique latine destinée à l'autoconsommation.
• Toutefois, si cette production n'est pas valorisée par une filière permettant l'exportation, elle conduit les agriculteurs à une situation d'importantes difficultés.
3. L'agriculture productiviste
• Le modèle de l'agriculture productiviste, recherchant un maximum de profits avec une production la plus importante possible, marque de plus en plus les paysages ruraux. En Amérique du Nord, les États-Unis ont fondé leur puissance agricole sur ce modèle, avec une spécialisation en « ceintures » liées au blé, au maïs, à l'élevage. L'usage d'intrants chimiques, d'organismes génétiquement modifiés (OGM) en est souvent une caractéristique. Le Canada présente une organisation semblable, mais avec une surface agricole contrainte par la présence de milieux polaires. La sylviculture est ainsi dominante au Nord, les espaces cultivables étant concentrés au sud du pays et tendant à la spécialisation.
• Les agricultures productivistes tendent à une réduction du nombre des exploitations et la concentration de la surface agricole se trouve dans les mains de grands exploitants. Les espaces ruraux et les agriculteurs forment ainsi un maillon de la chaîne d'une filière économique complète, l'agroalimentaire, avec, en amont, la recherche et l'industrie chimique et mécanique, et, en aval, le stockage, le transport, la transformation et la vente, dont une part peut se localiser dans les espaces ruraux. L'ensemble de ces secteurs représente 20 % des emplois aux États-Unis, où on ne trouve plus que 2 % d'agriculteurs.
• Au Sud, les agricultures productivistes sont souvent liées aux cultures destinées à l'exportation. Le Brésil est ainsi le premier exportateur de soja. Le coton, le café, la canne à sucre, l'hévéa sont autant de matières premières agricoles, alimentaires ou non, qui constituent des éléments productivistes dans les pays du Sud, souvent concentrés entre les mains de quelques grands exploitants liés aux FTN. Elles voisinent et concurrencent l'agriculture vivrière.
Exercice n°1Exercice n°2
Exercice n°1Exercice n°2
II. Les espaces ruraux de plus en plus liés aux espaces urbains
1. Les campagnes et l'étalement urbain
• Partout dans le monde, les espaces ruraux sont confrontés à la croissance des villes. Cela conduit à de profondes mutations dans leur sociologie et dans leurs paysages. La croissance des espaces urbains s'opère au détriment des espaces ruraux. Cela passe par l'avancée d'un front urbain, mais aussi par le mitage des espaces ruraux par de nouvelles zones urbaines. Cette périurbanisation prend des formes diverses.
• Dans les pays du Sud, il peut s'agir d'espaces d'autoconstruction et d'absorption progressive des villages par la ville. Au Nord, il s'agit souvent de lotissements liés aux anciens villages, à proximité de réseaux permettant de gagner le centre. Enfin, la rurbanisation consiste à conserver l'habitat rural tout en transformant la société des villages, dont la majorité des habitants sont liés aux villes.
2. Les ruraux et les villes
• Les ruraux travaillant dans le domaine agricole sont dépendants des villes : ce sont des lieux de pouvoirs où sont fixés les prix et où se trouvent les sièges des grandes entreprises de l'industrie agroalimentaire.
• Les liens entre espaces ruraux et espaces urbains relèvent aussi des migrations pendulaires des habitants se rendant en ville pour exercer un emploi.
3. Entre intégration et relégation
• On note ainsi, de plus en plus dans le monde, une nouvelle typologie des espaces ruraux. On peut distinguer tout d'abord les campagnes productives, celles qui assurent une production agricole quantitativement importante, dont les exploitations sont en cours de concentration et qui s'inscrivent dans l'industrie agroalimentaire. On peut citer la plupart des espaces ruraux des États-Unis, ou encore le sud du Canada.
• Viennent ensuite les espaces ruraux liés aux villes et qui sont majoritairement peuplés de personnes travaillant en ville et entretenant des liens étroits avec les métropoles. Ces espaces périurbains peuvent être recherchés et relèvent parfois de la relégation sociospatiale. La métropole lyonnaise en donne un bon exemple, avec le premier cas à l'ouest, le second à l'est, avec de nombreuses nuances.
• On trouve ensuite les campagnes devenues des espaces touristiques, avec des résidences secondaires. Ces espaces possèdent des caractéristiques culturelles marquées ou permettent des activités sportives. Ils bénéficient d'une bonne accessibilité et d'une promotion commerciale. Cette évolution se constate par exemple en Toscane ou dans des montagnes françaises.
• Enfin, certains espaces ruraux ne bénéficient pas de ces logiques et constituent des espaces ruraux en marge. Dans les pays du Nord, ce sont souvent des espaces en voie de vieillissement et très peu densément peuplés. On y constate une déprise rurale, conduisant au retour à la friche des espaces. Dans le Sud, ils alimentent l'exode rural tout en restant densément peuplés du fait de l'accroissement naturel plus important qu'au Nord.
Exercice n°3
Exercice n°3
III. Les espaces ruraux au cœur des équilibres mondiaux
1. Espaces ruraux et développement
• Les espaces ruraux sont également des lieux clé pour le développement économique. Ainsi, en Inde, depuis les années 1960, a été lancée la « révolution verte » visant à l'indépendance alimentaire nationale qui était un présupposé à l'émergence du pays. Le défi est aussi lié à l'emploi : 750 millions d'Indiens sont des ruraux. La révolution verte a consisté en des aides techniques accordées aux agriculteurs, au développement de l'agriculture irriguée. Si l'indépendance alimentaire est acquise, il demeure des déséquilibres productifs et l'emploi d'intrants chimiques pose la question de la durabilité du modèle.
• Dans le monde, certains pays souhaitent devenir des puissances agricoles en développant les cultures ou l'élevage destinés à l'exportation. La surface agricole est ainsi accrue par un front pionnier. Au Brésil, on assiste à d'importants défrichements en Amazonie. En Indonésie, les forêts tropicales font place à des cultures de palmiers destinés à la production d'huile de palme.
2. Espaces ruraux et valorisations locales
• La croissance économique n'est pas systématiquement incompatible avec la valorisation des produits locaux et des paysages traditionnels. En Toscane, par exemple, les produits locaux sont employés dans des structures touristiques comme les agritourismes.
• Les filières d'appellation contrôlée, les vignobles, sont aujourd'hui des garanties d'un bon rendement agricole. Toutefois, toutes les régions ne bénéficient pas du même potentiel dans ce domaine. La valorisation des circuits courts peut également renforcer les liens entre les villes et leur environnement rural proche.
3. Espaces ruraux et préservation de l'environnement
• La question de la préservation de l'environnement est donc au cœur de la destinée des espaces ruraux. Les zones rurales sont en effet des lieux dans lesquels les questions du développement durable sont les plus cruciales. Le défi qui consiste à nourrir 7,5 milliards d'êtres humains rend nécessaire la préservation du potentiel agricole, souvent mis en danger par la pollution des sols par les intrants chimiques. L'agriculture biologique est une réponse possible, mais pourrait-elle garantir une production suffisante ? Le concept d'agriculture raisonnée est parfois employé pour désigner une agriculture productiviste limitant les éléments nuisibles à l'environnement. Le développement durable dans les espaces ruraux doit également prendre en compte la dimension sociale. Le développement du commerce équitable (avec par exemple le label Max Havelaar) permettant une juste rémunération des agriculteurs, notamment du Sud, est un exemple des initiatives possibles, tout comme une meilleure répartition de la propriété rurale ou l'accès au microcrédit (comme la « Banque des villages » au Bangladesh). En Inde, on parle désormais de nouvelle révolution verte, plus respectueuse de l'environnement.
• Les paysages ruraux et les éléments patrimoniaux qu'ils comportent constituent également une richesse et les savoir-faire et traditions de leurs habitants sont parfois reconnus par l'Unesco comme patrimoine immatériel de l'humanité.
Exercice n°4Exercice n°5
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