La France : les systèmes productifs entre valorisation locale et intégration européenne et mondiale
Fiche
Les systèmes productifs français sont structurés en fonction de plusieurs logiques. Certaines relèvent d'héritages anciens des systèmes productifs. D'autres sont liés à la relation entre la France, l'Union européenne et l'espace de la mondialisation : ces nouvelles échelles modifient profondément le potentiel des territoires. Les espaces productifs français sont ainsi confrontés à la question de leur compétitivité, souvent liée à la valorisation locale d'un certain nombre de compétences et d'excellence. Toutefois, les territoires de l'espace productif français ne sont pas tous également armés face à la compétition liée à l'ouverture des horizons économiques.
I. L'espace productif français : un espace hérité
1. Une organisation héritée
• L'espace productif français est lié à des héritages anciens. Le premier est la centralisation parisienne. La région parisienne est en effet le pôle principal à la fois de l'industrie française, des activités tertiaires dont celles de haute technologie et de la finance. Elle est aussi une des principales régions agricoles du pays.
• Jusqu'aux années 1970, l'espace productif correspondait à une géographie des espaces industriels très marquée : à l'est, d'une ligne allant du Havre à Marseille, l'emploi industriel était prédominant. On y trouvait les régions industrielles du Nord et de l'Est, marquées par les industries lourdes et le textile, ainsi que par la présence de bassins miniers houillers dans le Nord et de mines de fer en Lorraine. Des centres industriels comme Saint-Étienne ou Le Creusot développaient des spécialisations dans certains domaines. À l'ouest de cette ligne, on constatait une moindre part des emplois industriels et une part plus importante d'emplois liés à l'agriculture.
• Cette organisation se maintient pour certaines de ses grandes lignes, mais elle a été marquée par de profondes évolutions depuis les années 1960 et 1970.
2. Des espaces dynamiques
• À partir des années 1960, l'espace industriel s'est redéployé. En effet, les administrations responsables de l'aménagement du territoire sont à la recherche de compétitivité. On assiste depuis lors à un redéploiement industriel dans l'ouest du pays et dans un large Bassin parisien des espaces les moins industrialisés.
• Depuis les années 1970, les espaces dynamiques sont de plusieurs types. Les zones créatrices d'emploi, tant tertiaires qu'industrielles, concernent essentiellement de grandes métropoles, Paris en tête, surtout celles situées dans le sud du pays (Montpellier, Toulouse), sur la façade littorale ouest (Bordeaux, Nantes), ainsi qu'en Alsace. Ces métropoles se sont davantage affirmées que celles plus proches de Paris.
• Plus généralement, les espaces littoraux de l'Ouest et les régions du Sud bénéficient de logiques de thalassotropisme et d'héliotropisme. Dans quelques-unes de ces régions ont été développées des technopoles, comme Sophia-Antipolis, ou qui sont souvent implantées dans les métropoles, comme Toulouse. L'emploi tertiaire est stimulé par la croissance de la population, et les activités touristiques, balnéaires ou culturelles, sont nombreuses. Certains espaces frontaliers sont également dynamisés.
• Tout ceci s'opère dans le contexte d'une diminution importante de l'emploi agricole (3 %), une rétraction de l'emploi industriel (20 %) et une forte croissance de l'emploi dans le domaine des services (77 %). Cette tertiarisation renforce le poids des espaces dynamiques.
3. Des espaces en déclin
• D'autres espaces connaissent des difficultés. La désindustrialisation des années 1970 et 1980 a profondément marqué les anciennes régions industrielles du Nord et de l'Est. La sidérurgie et le textile ont été victimes de la concurrence des pays du Sud dans le contexte de la mondialisation libérale et de la mise en compétition des espaces.
• Certaines régions rurales éloignées des métropoles et pratiquant des cultures à faible valeur ajoutée sont également en difficulté, tout comme les zones montagneuses ne disposant pas d'espaces touristiques. Enfin, dans les territoires d'outre-mer, malgré des réussites, tourisme et agriculture sont confrontés à une forte concurrence de la part d'autres pays.
II. Les espaces productifs français face à l'ouverture à l'Union européenne et à l'Europe
1. L'enjeu de l'ouverture
• Ces logiques sont liées à une ouverture du territoire. Cette ouverture est aujourd'hui portée par des réseaux mis en place essentiellement par l'État. Ils définissent les espaces de l'ouverture, à toutes les échelles. À l'échelle nationale, le réseau routier et autoroutier, polarisé sur Paris, a été développé pour favoriser les liaisons transversales. Il en va de même pour les lignes de train à grande vitesse. Mais ces réseaux sont aussi conçus pour être pertinents à l'échelle européenne : l'axe Lille, Paris, Lyon, Marseille est aussi un axe majeur parcouru par les flux touristiques et de marchandises entre les pays d'Europe du Nord et ceux d'Europe du Sud.
• Les grandes zones industrielles portuaires entrent également en ligne de compte : Fos-sur-Mer est un des principaux ports de la Méditerranée et est équipé en terminaux pétroliers et gaziers. La ZIP de Dunkerque constitue le port le plus au sud de la Northern Range, qui s'étire jusqu'à Hambourg. Quant au hub aéroportuaire de Roissy-Charles-de-Gaule, il connecte la France à l'échelle européenne et mondiale avec les autres métropoles et constitue une plateforme multimodale liée à un important bassin d'emploi.
2. L'articulation avec l'Union européenne
• La France a fait le choix de lier son espace productif à celui des autres pays de l'Union européenne. La libre circulation des hommes et des marchandises était en effet un des objectifs du traité de Rome de 1957 fondant la Communauté économique européenne, puis du traité de Maastricht à l'origine de l'Union européenne en 1992. L'Union européenne, et la CEE auparavant, ont mis en commun des éléments de l'économie qui ont favorisé le renforcement de certains espaces productifs : la politique agricole commune a ainsi apporté ses subventions aux agriculteurs, la libre circulation a permis d'accéder à de nouveaux marchés et de mettre en œuvre des programmes économiques communs, notamment Airbus, dans le domaine industriel.
• Mais l'Union européenne a également accru la mise en concurrence des espaces. Ainsi, en ce qui concerne la compétitivité, elle rend plus faciles les délocalisations industrielles dans des pays de l'Union où la main-d'œuvre est moins coûteuse. Elle a également favorisé l'implantation en France d'entreprises venant d'autres pays européens, facteur de dynamisme d'emplois. Dans certains lieux, la constitution d'eurorégions a permis une réelle complémentarité transfrontalière, comme dans le cas de l'eurorégion SarLorLux entre la Sarre (un des Länder allemands), la Lorraine et le Luxembourg.
3. Les défis de la mondialisation
• La mondialisation marque également l'espace productif français. Elle a permis de renforcer le poids de Paris, ville mondiale, ainsi que l'installation en France d'importantes FTN apportant des IDE et des emplois. Elle permet également aux entreprises françaises de rayonner à l'échelle mondiale, en jouant sur des délocalisations en Europe de l'Est, en Asie du Sud-est ou encore en Afrique du Nord et dans le Bassin méditerranéen.
• Ces délocalisations posent d'importantes difficultés surtout lorsqu'elles interviennent dans des bassins d'emplois fragiles du nord et de l'est de la France. Toutefois, on constate également des relocalisations d'activités, des entreprises choisissant de s'implanter à nouveau en France.
III. Les espaces productifs et l'enjeu de la valorisation locale
L'ouverture des marchés et l'intégration de l'espace productif français dans l'Union européenne et dans la mondialisation donnent une nouvelle pertinence à l'échelle locale. Elle permet la valorisation de certains domaines de compétence.
1. Des atouts liés à des territoires
• Des atouts locaux viennent d'une situation devenue favorable dans le cadre d'une nouvelle conjoncture économique. Des espaces littoraux et des espaces montagnards ont été placés au cœur de nouvelles logiques grâce à l'émergence du tourisme, notamment dans le sud du pays. Ils bénéficient de flux à l'échelle nationale, européenne et mondiale.
• D'autres atouts proviennent d'un croisement de logiques favorables dans un lieu défini. Des quartiers, des villes bénéficient ainsi d'une bonne accessibilité grâce à des réseaux de transports nombreux et denses.
• L'ouverture à l'Europe et au monde permet également de valoriser et promouvoir des productions locales devenues emblématiques de l'excellence du « made in France » dans le monde. Il s'agit souvent de produits de luxe et de la gastronomie, depuis la haute couture parisienne jusqu'aux produits comme le Champagne, la truffe et le foie gras du Périgord, les grands vignobles… Ainsi, les productions locales deviennent-elles un atout majeur.
2. Des atouts liés à des acteurs
• Ces conditions de compétitivité et la valorisation du potentiel d'un territoire passent par un travail conjoint de la part de plusieurs acteurs. Les entreprises et les pouvoirs publics sont impliqués. Depuis les années 1960, l'État a mis en œuvre une politique d'aménagement du territoire. Elle vise à dynamiser l'ensemble du territoire en créant les réseaux nécessaires à son désenclavement et à relativiser le poids de Paris.
• Aujourd'hui, l'État travaille avec les collectivités territoriales comme les communes, les départements ou les régions pour créer des synergies, notamment pour développer des lieux associant recherche et emploi. On peut prendre l'exemple des pôles de compétitivité groupant acteurs publics et privés, monde de l'entreprise et de l'enseignement supérieur, pour développer un domaine d'excellence sur un territoire donné.
3. Une valorisation incomplète
• Toutefois, cette politique volontariste rencontre des limites et tous les espaces productifs français ne sont pas également armés face à l'ouverture. Dans les anciens territoires industriels du Nord et de l'Est, la tertiarisation n'a pas permis de compenser les pertes d'emploi sauf dans quelques métropoles dynamiques et bien dotées en réseaux, comme Lille. La constitution de réseaux de transports entre les métropoles déclasse, par « effet tunnel », des villes moyennes dépourvues de gares TGV, par exemple. Au sein même des métropoles, certains espaces sont en crise, tout comme les espaces ruraux les plus enclavés et non spécialisés.
• Des politiques spécifiques sont ainsi mises en place pour renforcer l'attractivité de ces territoires, comme les zones franches urbaines bénéficiant d'une fiscalité spécifique, ou encore l'implantation d'infrastructures et de zones d'emploi dans des espaces en difficulté, mais bien reliés aux centres économiques.
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